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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/98

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assiégé dans la ville, et son corps servit de « pâture à ceux de son parti. »

O rigueur estrange du sort !

Vostre asne, ma commère, est mort ;

Vostre asne qui, par aventure.

Fut un chef-d’œuvre de nature....

Il estoit bourgeois de Paris,

Et de faict, par uh long usage,

11 retenoit du badaudage

Et faisoit un peu le mutin

Quand on le satigloit trop matin....

Il soutint la guerre civile

Pendant les sièges de la ville,

Sans jamais en être sorty.

Car il étoit du bon party.

Dà, et si le fist bien paroistre,

Quand le pauvret aima mieux estre

Pour l’Union en pièces mis

Que vif se rendre aux ennemis.

Tel Seize, qui de foy se vante,

Ne voudroit oinsy mettre en vente

Son corps par pièces étalé,

Et veut qu’on l’estime zélé.

Or bien, il est mort sans envie,

La Ligue lui cousia la vie.

Pour le moins eut-il ce bonheur

Que de mourir au lit d’honneur

Et de verser son sang a terre

Parmy les efforts de la guerre ;

Non point de vieillesse accablé, •

Rogneux, galeux, au coin d’un bld ;

Plus belle (In lui estoit due.

Sa mort fut assez cher vendue ;

Car au boucher qui l’acheta

Quarante escus d’or il cousta.

La chair, par membres despecée,

Tout soudain en fut dispersée,

Et au légat le vendit-on

Pour veau peut-estre ou pour mouton....

On trouve généralement a la suite des éditions de la Satire Ménippée, le plus parfait modèle du pamphlet qui ait paru en France avant les Provinciales et Paul-Louis Courier, le Dialogue du Maheustre et du Manant, fort souvent cité et fort peu connu. Nous 1 analyserons rapidement, car le voisinage de la Satire Ménippée le fait singulièrement pâlir. Le dialogue a pour interlocuteurs le Maheustre, gentilhomme qui tient pour le roi de Navarre et appartient au parti des politiques, et le Manant, catholique forcené, démocrate à outrance, par une contradiction bizarre, et partisan enragé des Seize, qu’il défend, jusque dans leurs fureurs et leurs fautes, comme étant les « seuls-et véritables amis du peuple. • Le dialogue s’entame vivement par le mot ; «Qui vive ?» ce salut des guerres civiles. Le Maheustre cite l’histoire, invoque k son aide les arguments de la politique, 1 état de l’Europe, cent autres raisons qu’il déduit longuement. Le Manant, lui, ne répond que par le mot de religion et l’éloge des Seize. Il dit au Maheustre, qui lui rappelle qu’il faut obéir aux rois, suivant le commandement do Dieu :

« Le peuple fait et crée les rois, pour leur obéir en choses saintes et raisonnables, selon qu’eux-mêmes jurent et promettent à leur peuple ; mais s’ils se convertissent en hérétiques, hypocrites ou tyrans, nous ne les connaissons point pour rois. Nous obéissons aux rois, et non aux tyrans ; et vous autres vous soutenez la tyrannie, parce qu’elle vous fait vivre : témoin la guerre de présent, qui n’est faite qu’aux bourgeois des villes et peuples de Dieu que vous appelez manants. Les nobles et soldats se font bonne guerre, et les manants payent tout. Mais vous verrez que Dieu vous en punira grièvement. Et plaise à lui que ce soit par nos mains. »

Ce souhait de légitime vengeance devait se réaliser, presque jour pour jour, à deux cents ans de date.

Nous n’entrerons pas dans les longs raisonnements des deux interlocuteurs de ce dialogue, que, du reste, l’autour termine d’une façon qui prouve son expérience. Après s’être couverts réciproquement de reproches, souvent aussi mérités d’un côté que de l’autre, Maheustre et Manant finissent par se tourner mutuellement le dos, un peu plus animés l’un contre l’autre à la fin de cet entretien qu’au commencement.

Henri IV est monté sur le trône et règne glorieusement. Mais les ligueurs vaincus ne peuvent lui pardonner ses victoires, ni même sa conversion. On fait circuler contre lui de sourdes calomnies, on met surtout on doute la sincérité de son abjuration : et ie fanatisme religieux publie contre lui d’odieux pamphlets. L’un d’entre eux est intitulé : le Banquet et après-disnée du comte d’Arélé, *où il se traite de la dissimulation du roy de Navarre et des mœurs de ses partisans (Paris, 1594, avec privilège du roy). Dans ce violent écrit, qui révolta même les ligueurs, ou lit des vers tels que ceux-ci :

J’ai veu, ces jours passés, et, commemoy, la France A veu ce trait marqué de parfaicte impudence, Qu’ils nommoyent lrè$-chrestien ce motistre béarnais. Bien qu’il eust contre Christ endossé le harnojs. A grand’peine avoit-il, par une feinte messe, Résolu do piper la françoyse noblesse. Qu’ils le faisoient un saint et disaient, ces rieuic, Qu’il jetoit a pleins seaux des iarmesdeses yeux : Et lorsqu’on publia cette farce nouvelle, À ce saint vermoulu tous portoient leur chandelle, Et baisoient, a troupeau*, les mains et pieds poudreux De ce monstre, ttcarcheur de nos frères dû Dreux.

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La prose vaut les vers. L’auteur donne son avis sur ce qu’il fallait faire des ministres du culte protestant. ■ Il fulloit, dit-il, les bailler aux Seize de Paris, la veille de la Saint-Jehan, afin d’en faire offrande à saint Jehan en Grève, et que, attachez comme fagots depuis le pied jusqu’au sommet de ce haut arbre, et leur roy dans le tonneau ou l’on met les chats, on eust faict un sacrifice agréable au ciel et délectable à toute la terre. »

Ailleurs : ■ À la messe, au lieu de dire : Mea culpu, mea culpa, mea maxima culpa, le Béurnoîs, pensant à nous autres bons Françoys, disoit : » Si je les attrape, si je les attrape, si je les attrape, je ne leur faillirai pas. >

Ajoutons, pour tout dire, que l’auteurdece pamphlet, Louis d’Orléans, quand Henri IV l’ut décidément assis sur le trône de France, le nomme » lion formidable, aigle allier, Hercule et Alexandre, en qui tout étoit grandeur, et dont la sueur même sentoit le musc » (Remerciement au roy, 1G02).

Les catholiques accusaient Henri IV de ne s’être converti que du bout des lèvres ; mais les calvinistes, de leur côté, lui reprochaient bien plus amèrement ce qu’ils appelaient son apostasie. Parmi les écrivains réformés de ce temps, à la fois soldats prédicateurs et pamphlétaires, nul ne mérite plus d’être cité, a ce dernier titre surtout, que le rude d’Aubigné. Ses Tragiques, qu’il composait au jour le jour, suivant ses impressions du moment, sont le premier monument d’une valeur réelle que la politique ait inspiré à la poésie. Cette œuvre forte et passionnée parut en 1616 sous ce tilre : les Tragiques, donnes au public par le larcin de Prométhée, au désert, 1Q1G. Détachons de l’œuvre de l’austère huguenot quelques portraits politiques : celui < !e Charles IX d’abord, avec quelques traits à l’adresse de Catherine de Médicis :

Une...... après avoir esté

Maquerelle a ses fils, en a l’un arresté, Sauvage dans les bois, et, pour belle conqueste, Le faisoit triompher du sang de quelque beste. Elle en fit un Esau, de qui le ris, les jeux Seutoient bien un tyran, untraistre, un furieux. Pour se faire eruel, sa jeunesse esgarée N’aimoit rien que le sang et prenoit sa curée A tuer sans pitié les cerfs qui gémissoient, A transpercer les daims et les faons qui naissoient ; Si, qu’aux plus advisés, cette sauvage vie A faict prévoir de lui massacre et tyrannie

Maintenant, au tour de Henri IU :

L’autre fut mieux instruit à juger des atours Des putains de sa cour, et plus propre aux amours ; Avoir le menton rat, garder la face paste, Le geste efféminé, l’œil d’un Ssrdanapule. Si bien qu’un jour des Rois, ce doubteux animal, Sans cervelle, sans front, parut tel en son bal ; De coedons emperlez sa chevelure plaine, Sous un bonnet sans bord, faict à l’italienne, Faisoit deux arcs voûtés ; son menton pinceté (épilé avec des pinces), Son visage de blanc et de rougo empasté. Son chef toutempoudré nous tirent voir l’idée, En la place d’un roy, d’une putain fardée. Pensez quel beau spectacle ! et comme il fit bon voir Ce prince, avec un buse, un corps de satin noir Coupé a l’espaignole, où des déchiquetures Sortoient des passements et des blanches tirures.. Pour nouveau parement, il porta, tout ce jour, Cet habit monstrueux, pareil à sou amour : Si, qu’au premier abord, chacun estoit en peine S’il voioit un roy-femme, ou bien ua homme-reyne.

D’Aubigné, le puritain, prend à partie le roi de Navarre, Henri le renégat. Ecoutons-le :

Aigle né dans le haut des plus superbes aires,

Ou bien œuf supposé, puisque tu dégénères ;

Dégénéré Henri, hypocrite, bigot,

Qui aimes moins jouer le roy que le cagot,

Tu vole (s) un faux gibier.de tondroittu t’eslongnes ;

Ces corbeaux se paîtront un jour de ta charoygne.

Lieu Cûcciror par eux. Ainsi, le fauconnier

Quand l’oiseau, trop de fois, a quitté son gibier,

Le bat d’une corneille efla foule à sa vette ;

Puis, d’elle (s’il ne peut le corriger), le tue.

Tes prebstres, par la rue a grands troupes conduicts,

N’ont pourtant pu celer l’ordure de tes nuits.

L’on conte les amours de nos sales princesses,

Garces de leurs valets, autrefois tes maitresses.

D’Aubigné a écrit avec la même violence les Aventures du baron de Fœnesle et la Confession catholique du sieur de Sancy ; mais ces deux écrits, le premier surtout, qui est un roman do mœurs, s’éloignent trop de la forme même indécise de ce qu’on peut appeler un pamphlet, pour que nous puissions faire autre chose que d’y renvoyer le lecteur. On y trouvera des attaques passionnées, mais souvent éloquentes, contre l’Église catholique et la politique déraison de Henri IV,

La double excitation de la passion politique et du fanatisme religieux avait doublé le nombre des pamphlets sous Charles IX et l’avait quadruplé sous Henri III. La sage administration de Henri IV, en calmant l’effervescence des esprits, apporte un temps d’arrêt dans la fureur d’écrire. À sa mort, la France entière prend le deuil, et il parait une foule d’écrits populaires où les larmes se joignent à des cris de vengeance. Citons, parmi les principaux : la Chemise sanglante ; le Manifeste du Père du Jardin ; les Masnes de Henri le Grand se plaignant à tous les princes ; la Rencontre de d’Fspernon et de Ravaillac ; la France mourante, dialogue entre L’îlospital, Bayard et la France, etc. Les jésuites

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sont attaqués avec la plus vive indignation ; on publie coup sur coup : le Catéchisme des jésuites, l’Anti-Cotton, le Tocsin, le Tribun français, le Guet des bons Pérès jésuites pour espier les actions des roys. Nous avons cité entre autres pamphlets V Anli-Cotton : cet ouvrage célèbre mérite mieux qu’une simple mention. Aussi y revenons-nous avec quelques détails. Il fut publié, en 1611, sous ce titre : Anti-Cotton ou Réfutation de la lettre déclamatoire du Père Cotton, livre où il est prouvé que les jésuites sont coupables et autheurs du parricide exécrable commis en la personne du roy très-c/irestien Henri IV, d’heureuse mémoire. Ce pamphlet vengeur est attribué à David Home. Il est précédé d’une lettre à la reine, où se trahissent de justes défiances. L’auteur supplie la reine de ne « pas mettre le fils entre les mains teintes du sang de son père... Nous voyons le meurtre des roys devenir une coustume, et la trahison sera bientost entre les vertus chrestiennes, et estimée le plus court chemin au royaume des cïeux, > L’auteur établit d’abord, par des textes authentiques, tirés des écrits des principaux écrivains de la Compagnie, que leur doctrine approuve « le parricide des rois. » Puis il entre dans un véritable réquisitoire contre les jésuites, et rapporte la tentative de Jean Châtel, « escholier en leur collège, < en 1594 ; celle de Pierre Barrière, « venu en cour pour tuer le roy, poussé par un jésuite nommé Varade. » Mais citons : « Item furent trouvez au collège desdits jésuites plusieurs thèmes dictés par les régents des classes, dont l’argument estoit une exhortation à assaillir les tyrans et à souffrir la mort constamment. »

Plus loin l’auteur parle de » leçons et compositions dictées par aucuns de ladite Société, contenantes plusieurs damnables instructions d’attenter contre les rois, et l’approbation et louange de détestable parricide commis en la personne du roy Henri III. >

« Pour le fait de Ravaillac, tout ainsi qu’aprè’s la mort de Henri III, on oyait à Paris les jésuites prescher séditieusement et exhorter les auditeurs à faire de mesme à son successeur : entre autres le Père Commolet, criant à ses sermons : « Il nous faut un Aod ; fust-il moyue, fust-il soldat ; il nous faut un Aod. » Au caresme dernier, le Père Hardy, preschant à Saint-Severin, disoit « que les roys amassoient des trésors pour se rendre redoutables, mais qu’il ne falloit qu’un pion « pour mater un roy. »

« Quant à ce Ravaillac, il avoit esté soigneusement instruit en cette matière ; car, en tout autre point de théologiej il estoit de tout ignorant, mais en la question s’il est loisible tle tuer un tyran, il savoit toutes les défaites et distinctions jésuitiques. » Remarque profonde et d’une portée redoutable.

L’auteur termine son écrit par cette question : S’il est utile pour le bien de l’Estat que le Père Cotton soit près de la personne du roy ou de la royne régente, et si les jésuites doivent être soufferts. Il conclut naturellemont pour la double négative, mais, en passant, il porte au Père Cotton une botte assez plaisante. Après avoir flétri son ingratitude et sa duplicité politique : « Quant a sa vie, continue-t-il, on y recognoist une hyproerisie insigne. Il s’est vanté en présence de plusieurs seigneurs de la cour de n’avoir fait aucun péché mortel depuis vingt et deux ans, et cependant il y a moins que cela que sentence a été donnée contre lui à Avignon, pour avoir engrossé une nonnain. » À la fin, un quatrain à la royne :

Si vous voulez que vostre Estât soit ferme. Chassez bien loin ces tygres inhumains, Qui, de leur roy accûurcîssans le terme, Se sont païez de son cœur par leurs mains.

La régence de Marie de Médicis fournit largement carrière aux pamphlétaires ; seulement, le pamphlet, multiple comme les modes du temps, change de forme et devient gaillard, fanfaron, facétieux. Le temps est aux farces politiques. Ceux qui payent les frais de cette petite guerre sont les princes, Coucini et sa femme, le connétable de Luynes, les favoris et les malcontents, les Condé, les Longueville et les Rohan. Les personnages allégoriques sont volontiers des héros populaires, maître Guillaume, Bruscambille et dame Mathurine. Les titres mêmes de toutes ces publications indiquent suffisamment l’esprit qui les dicte.

Les querelles de cour produisent : le Contadin provençal, luChronigue des /Yit>om(162 ?) ; la Conjuration de Concilia Concini (1618) ; Plaintes à la reyne mère ; le Magot de Conchine (Coucini) advertissant les singes de se garder des pattes de Lino (lion) ; le Roman de Conchine et de sa femme ; la Vie, ruse, eautèle, trespas et obsèques du marquis d’Ancre ; le Dë/iniment de la guerre apaisée par ta mort de Concini, marqué d’Ancre ; la Magicienne estranyère, etc.

Parmi les pièces populaires, une seule mérite d’être citée, c est la Lettre de Jacques Bonhomme, païsan du Beauvoisis (Lyon, 1614), une boutade pleine de malice, de gros bon sens et de quolibets.

On serait porté à croire que l’humeur railleuse de la France dut se taire un peu sous le sentiment de terreur qu’inspiruit l’Eminence rouge. On se tromperait fort. La Cordonnière de Loudun, les Visions de Rabbi-Be-

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noni, la Miliade parurent à Paris sous fe ministère de l’homme redoutable qu’on y déchirait. Il en fut de même des pamphlets intitulés : Y Impiété sanglante du cardinal de Riche' lieu, la Translation de* reliques de saiut Fiacre pour guérir te cul pourri de Son Eminence.

Le pouvoir prenait parfois philosophiquement son parti des boutades qui sont dans le fond même du caractère national. On lit dans une brochure officieuse, comme on dirait de nos jours, datée de 1615, publiée sous ce titre : Advertissement à la France touchant les libelles qu’on sème contre le gouvernement de l’Estat, ces sages paroles : • Jamais on ne vit règne, tant fût-il heureux, qui n’ait eu des contradicteurs : c’est un vice attaché à notre nature, et non pas à l’époque. Il ne faut point doubler qu’il n’y ait eu des mal-contents sous le règne d’Auguste et de Trajan, sous celui de Chailemugne et de s ; iint Louys : il y en aura tant que le monde sera monde. C’est pourquoy on ne se doit point estonner des plaintes injustes qu’on fait du gouvernement de l’Estat. •

Sous Richelieu, les pamphlets se divisent en deux classes. Les premiers sont sérieux, méthodiques, étudiéj ; ce sont de véritables mémoires d’État. Tels sont : la Lettre de Monsieur au roy (1G31), contre Richelieu ; la Défense du roi et de ses ministres contre le manifeste de Monsieur (réponse nu pamphlet précédent) ; De la nécessité d’éviter les schismes (en latin), par Ch. Hersent, écrit supprimé par le parlement ; tes Recueils de pièces, de Mathieu de Morgues (pour la reine mère) et de Paul Hay du Chastelet (contre elle) ; l’Œdipe hollandois ou les Visions prophétiques du rabbin Benoni (1644).

Les autres pamphlets dirigés contre Richelieu, comme des coups de poignard dans l’ombre, sont rares : il y allait de la tête ; mais ils sont sanglants, atroces. Citons : l’Impiété sanglante du cardinal de Richelieu ; le Trésor des épilaphes, qui se termine par ces deux pièces : =.

Cy gist Armand, qui, dans toute la terre, Sema la peste, et la faim et la guerre, Productions dignes de son esprit : Et le seul pas, qu’au désordre où nous sommes. Ce. prebstra a fait sur ceux de Jésus-Christ, Cesi qu’il est mort pour le salut des hommes.

Cy gist, que personne ne pleure, Mon bon seigneur le cardinal ; S’il est au ciel, it n’est pas mal ; S’il est au diuble, a la bonne heure !

Sous la Fronde, lespamphlets fourmillant : c’est un vice du temps. On ne lit, on n’entend partout quo des arrêts burlesques, des épigrammes ou des chansons ;

Force vers, et plus encor d’impôts,

dit un poëte contemporain. Le nombre des pamphlets connus sous le nom do mazarinades est vraiment prodigieux. Il fallait l’impudence de Mazarin pour ne pas s’en émouvoir. Les contemporains eux-mêmes parlent de cette épidémie avec une sorte de stupéfaction et comparent la multitude des pamphlets à ces essaims de mouches et do frelons qu’engendrent les fortes chaleurs de l’été ; c’est, du moins, l’expression de Nautlé, dans son Jugement de tout ce qui a esté imprimé contre le cardinal, Mazarin. VInterprète des écrits du temps, s’adressant au cardinal en mars 1649, lui annonce la naissance de huit cents nouveaux pamphlets, depuis le mois de janvier seulement.

Huit cens petits livres nouveaux,

Qu’on appelle bride3 à veaux,

Marcheraient, ainsi que je pense,

Au-devant de Votre Eminence.

Peut-estre les a-t-elle veus.

Pour moi, après les avoir leus.

Je les nomme des nmusettes

Et des tire-sols de pochettes :

Car, interprétant sainement

Le fort dateur raisonnement,

Ostez les mots qui vous accusent,

Ce sont des folz qui s’y amusent.

Un savant bibliographe estime qu’un recueil complet do ces pièces, rien que pour celles qui sont sorties des presses parisiennes, formerait 150 volumes in-4o, chaque volume étant de 400 pages. M. Moreau, qui a publié une Bibliographie des mazarinades (lsso), a consacré à cet ouvrage 3 volumes grand in-8». ’ Les éditeurs, dit de son côté M. C Leber, s’enrichirent ; mais les auteurs ne furent pas moins gueux, si l’on en juga par le prix qu’ils tiraient de leurs manuscrits. Une feuille ordinaire, en prose ou en vers, leur était payée 3 livres. Il fallait produire un chef-d’œuvre de bouffonnerie ou de noirceur pour gagner t livres tournois... Après Scarron, Marigny et quelques écrivains connus, venait la tourbe des affamés sans nom, ni talent, ni honneur ; des histrions du plus ba3 étage, des écoliers, des cuistres, des secrétaires du marché des Innocents, des chanteurs de ponts-neufs, dont un seul enfantait quelquefois jusqu’à six pamphlets différents uans la même journée. Des garçons d’imprimerie composaient eux-mêmes une partie des pièces qu’ils mettaient sous presse ; plus d’un auteur colportait en personne celles qu’il avait faites ; plus d’un colporteur venait de faire celles qu’il débitait... C’était à qui donnerait son coup de pied au ministre. Enfin, Mazarin lui-même faisait ou faisait fuite des mazarinades 1 Ou sait, d’après son propre té."