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du couvent des Frères-Mineurs pour aller à Lausanne étudier la théologie et revint en France prêcher la Réforme. Arrêté à Château-Gontier le 1er août 1555, il fut jeté en prison et soumis à de nombreux interrogatoires touchant les points délicats et controversés du dogme catholique. Rabec en écrivit un résumé, que Crispin a publié dans son Martyrologe. L’évêque d’Angers, dont il était justiciable, le déclara excommunié, hérétique, schismatique et apostat, par sentence du 24 octobre 1555. Rabec en appela comme d’abus au parlement de Paris ; mais le roi ordonna que la semence fût exécutée quand même et le malheureux fut brûlé vif, après avoir eu la langue arrachée et avoir été traîné sur une claie.

RABEL (Jean), peintre, et graveur français, né à Beauvais vers le milieu du XVe siècle, mort à Paris en 1603. Il s’adonna avec succès à la peinture et grava au burin les portraits de François Ier, Henri II, Henri III, Henri IV, Jeanne d’Albret, Marie Stuart, Catherine de Médicis, Élisabeth d’Angleterre, etc. On lui doit les dessins du livre intitulé les Antiquités et singularitez de Paris, qu’on lui attribue tout entier. Rabel avait de son temps beaucoup de réputation. L’Estoile le regarde comme l’un des premiers artistes de l’époque et Malherbe lui a consacré un sonnet.

RABEL (Daniel), peintre et graveur français, fils du précédent, né vers 1578, mort vers 1640. Marie de Médicis le chargea d’aller faire le portrait de la fiancée de Louis XIII, Anne d’Autriche, et Rabel a retracé cet acte mémorable de sa vie dans une de ses plus jolies gravures : le Peintre, agenouillé sur un coussin, dessinant la jeune princesse assise et entourée de trois dames d’honneur. Suivant Mariette, Rabel peignait des fleurs et des insectes avec un grand talent et faisait avec non moins d’habileté les dessins à la plume et les caricatures. Ses estampes sont souvent confondues avec celles de son père.

RABELAIS (François), écrivain français, un des premiers prosateurs par ordre de date comme par ordre de mérite, né à Chinon, en Touraine, vers 1495, mort à Paris vers 1553. Son père, Thomas Rabelais, exerçait à Chinon, suivant les uns, la profession d’apothicaire, suivant d’autres celle d’aubergiste, à l’enseigne de la Lamproie. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il possédait dans cette ville une maison qui, du temps de l’historien de Thou, était devenue un cabaret et, aux environs, le clos de la Devinière, renommé pour l’excellent vin blanc qu’il produisait. « Ô lacryma-christi, fait-il dire à ses buveurs (Gargantua, chap. v), c’est de la Devinière, c’est vin pineau ! Ah le gentil vin blanc, par mon âme, ce n’est que vin de taffetas !» À dix ans, Rabelais fut mis chez les bénédictins de l’abbaye de Seully pour y faire ses premières études, et, comme il n’y apprenait rien, on l’envoya au couvent de la Baumette, près d’Angers, où il se lia d’amitié avec les frères du Bellay, dont l’un devint cardinal et le couvrit plus tard de sa protection dans des circonstances difficiles. Jeune encore, par la volonté de son père, il prit l’habit des cordeliers à Fontenay-le-Comte, en bas Poitou. Il répara dans le cloître le temps perdu dans les classes, étudia avec ardeur, particulièrement les langues, et fut ordonné prêtre vers 1519. Son ardeur pour les sciences profanes, peut-être aussi quelques facéties burlesques comme la tradition lui en prête un si grand nombre, lui attirèrent l’inimitié de ses confrères. Condamné à l'in-pace, il en fut délivré par les habitants de Fontenay et, après avoir obtenu l’autorisation de passer dans l’ordre de Saint-Benoît, à l’abbaye de Maillezais, avec le titre de chanoine régulier, il finit par jeter le froc aux orties pour courir le monde en habit de prêtre séculier. Il serait difficile de le suivre à travers toutes ses pérégrinations aventureuses, et il ne le serait pas moins de dégager sa véritable histoire du fatras d’anecdotes burlesques dont la tradition populaire a enrichi la légende rabelaisienne. Les meilleurs esprits, et notamment Voltaire, ont rejeté avec incrédulité une partie de ces anecdotes, qui ne sont pourtant pas toutes indignes de la spirituelle bouffonnerie de l’auteur de Gargantua et Pantagruel. Au milieu des étranges péripéties de son existence, Rabelais cultivait toutes les sciences et surtout la philologie avec une puissance d’assimilation que peu d’hommes ont possédée au même degré. En 1530, il prit sa première inscription à la Faculté de médecine de Montpellier. Pour remplir l’obligation imposée aux bacheliers de faire des cours pendant trois mois, il expliqua les Aphorismes d’Hippocrate et l'Ars parva de Galien, tirant parti de ses études philologiques pour rectifier le texte grec d’après un manuscrit qu’il possédait. Il ne fut reçu docteur que le 22 mai 1537 ; mais, depuis 1531, il exerçait et professait la médecine avec succès. Il publia une édition latine de quelques écrits d’Hippocrate, estimée des médecins et des lettrés, ainsi que plusieurs ouvrages d’érudition et des Almanachs qui eurent une grande vogue. On rapporte aussi à cette époque l’éclosion du premier ouvrage pantagruélique, qui parut à Lyon sous ce titre : les Grandes et inestimables chroniques du grand et énorme géant Gargantua, etc. (1532 ou 1533). Depuis lors, les éditions se succédèrent en se corrigeant et s’amplifiant sous sa main, sans préjudice de ses autres fonctions, ou études ; car ce n'est que successivement et livre par livre que Rabelais dota la langue française de ce Livre seigneurial, comme il l’appelle, héroïde la plus bouffonne, la plus large et la plus puissante qui ait jamais été écrite dans aucune langue. Les cinq livres qui composent l’œuvre parurent à diverses époques et sous des titres différents : la Vie inestimable du grand Gargantua, père de Panlagruel, jadis composée par l’abstracteur de quintessence ; livre plein de pantagruélisme (Lyon. 1535) ; le Quart livre des faitz et ditz du bon Pantagruel (1552), etc. Au milieu des événements du XVIe siècle, au moment où la grande scission religieuse préparait les guerres civiles et allumait les bûchers, les saillies de Rabelais firent une diversion aux luttes acharnées des partis. Étrange et puissante époque ! le mouvement prodigieux des esprits produit la Renaissance ; la science et les arts éclosent et fleurissent, la philosophie naît, le moyen âge expire, la pensée nouvelle est en germe, les bûchers pétillent, le sang ruisselle de toutes parts, et, au milieu de ces contrastes et de ces antagonismes, on entend retentir l’immense éclat de rire de ce Démocrite gaulois, de cet Homère bouffon, dont l’œuvre monumentale ne périra pas, non-seulement à cause de sa puissante originalité, non-seulement parce qu’on y trouve les origines de notre langue, mais encore parce que, sous les crudités du langage, derrière le scepticisme, les moqueries irréligieuses et les folles imaginations, on y sent une critique supérieure et des jugements exquis, un vif amour de l’humanité, la passion de la justice et le culte de la science et de l’art. C est lui qui recommande « de rompre l’os pour en sucer la moelle. »

La composition de l’ouvrage qui l’a rendu immortel, mais qu’il ne considérait que comme une facétie, n’y employant autre temps, dit-il, que « celluy qui estoit estably à prendre sa réfection corporelle, sçavoir en buvant et mangeant, » ne l’empêchait pas de se livrer à des travaux plus sérieux. De 1525 à 1530, il fit un cours à la Faculté de médecine de Montpellier sur les Aphorismes d’Hippocrate ; puis, s’étant rendu à Lyon (1530-1535), il aida Étienne Dolet et Sébastien Gryphe dans la publication de leurs éditions grecques et latines. Le tome second des Épîtres médicales, de J. Menardi de Ferrare, édité par Gryphe (Lyon, 1532, in-8o), est précédé d’une êpître dédicatoire signée de Rabelais ; divers traités d’Hippocrate et de Galien, également édités par Gryphe (1531, in-16 de 417 pages), ont été collationnés par Rabelais sur les manuscrits, et leurs textes sont corrigés avec un grand soin. C’est aussi à Lyon qu’il fit imprimer la première édition des Chroniques de Gargantua et qu’il commença la série, aujourd’hui introuvable, de ses almanachs. Le premier porte ce titre : Pantagruéline pronostication certaine, véritable et infaillible, pour l’an 1533, nouvellement composée au profit et pour l’advisement des gens estourdis et musars de nature, par Me Alcofribas, architriclin dudit Pantagruel (in-8° de 8 feuilles, sans lieu ni date). Cet opuscule est probablement de 1532 et Rabelais en fit paraître un nouveau chaque année pendant longtemps, chez le libraire François Juste. Quelques-uns seulement nous sont parvenus. Une chose remarquable, c’est que, dès lors, quoique simple bachelier, il prenait le titre de docteur en médecine. Les Aphorismes d’Hippocrate (Gryphe, 1531) portent ce sous-titre ; Revus par François Rabelais, médecin accompli dans tous ses grades, et l’éditeur de la Panlagruéline pronostication a ajouté au titre : publiée par François Rabelais, docteur en médecine et professeur en astrologie.

Le cardinal du Bellay, nommé ambassadeur à Rome, emmena Rabelais avec lui, peut-être comme médecin. Le joyeux compagnon profita de son séjour dans la Ville éternelle pour obtenir l’absolution de toutes ses fredaines (1536) et s’assura ainsi une vieillesse abritée et le loisir nécessaire à l’achèvement de ses études et de ses livres. Des biographes ont raconté des facéties assez hardies que maître Rabelais se permit à la cour du pape. En voici quelques-unes, qui sont assez curieuses pour être rapportées ici. Il est ordinaire aux ambassadeurs d’aller baiser les pieds de Sa Sainteté, ce qu’aucuns appellent adoration. Le cardinal du Bellay l’ayant fait et ceux de sa suite, il ne resta que Rabelais, lequel, se tenant contre un pilier, dit assez haut que, puisque son maître, qui était grand seigneur en France, n’était digne que de baiser les pieds du pape, partant qu’on lui fit baisser ses chausses et laver le derrière, afin qu’il l'allât baiser. Une seconde fois, le cardinal du Bellay l’ayant mené avec toute sa famille pour demander quelque grâce au pape et étant requis de faire sa demande, il dit qu’il ne demandait rien au pape, sinon qu’il l’excommuniât. Cette demande impertinente étant mal reçue, il fut pressé de dire pourquoi, et alors il dit : « Saint-père, je suis François et d’une petite ville nommée Chinon, qu’on tient être fort sujette au fagot ; on y a déjà brûlé quantité de gens de bien et de mes parents ; or, si Votre Sainteté m’avoit excommunié, je ne brûlerois jamais et ma raison est que, venant ces jours avec monsieur le cardinal du Bellay en cette ville, nous passâmes par les Tarentaises, où les froidures étoient fort grandes. Et, ayant atteint une petite case où une pauvre femme habitait, nous la priâmes de faire du feu à quelque prix que ce fût ; pour allumer un fagot, elle brûla de son lit et, ne pouvant avoir du feu, elle se mit à faire des imprécations et à dire : sans doute, ce fagot est excommunié de la propre gueule du pape, puisqu’il ne peut brûler ; et nous fûmes contraints de passer outre sans nous chauffer. Ainsi donc, s’il plaisoit à Votre Sainteté de m’excommunier, je m’en irois sain et libre en ma patrie. » Ces faits ne sont pas invraisemblables de la part de Rabelais. Et, d’ailleurs, le pape auquel il s’adressait n’était autre que Clément VIII, dont Brantôme parle quelque part. On sait qu’il ne montrait pas, en fait de bienséances, une réserve qui semble avoir été inconnue à cette époque. Dans un voyage qu’il fit plus tard, Rabelais se trouva à Lyon sans argent et fort embarrassé pour faire le voyage de Paris. Ici se place une anecdote fort diversement racontée et interprétée par les commentateurs et les biographes, qui la donnent comme une explication du mot populaire le quart d’heure de Rabelais, qui exprime, comme on sait, le moment de compter avec son hôte. Il imagina de faire écrire par un enfant les étiquettes suivantes, qu’il collait à mesure sur de petits sachets : Poison pour le roi ; Poison pour la reine ; Poison pour le dauphin, etc. Arrêté, suivant ses prévisions, il fut amené à Paris aux frais de l’État et, sur sa demande, conduit devant François Ier, qui rit beaucoup avec lui du stratagème. Voltaire rejette avec mépris cette historiette et en démontre la ridicule invraisemblance.

En 1535, François Rabelais publia à Lyon un nouvel Almanach, qui a été retrouvé, et une nouvelle édition de Gargantua. Il est à remarquer que ce fut l’époque dés persécutions dirigées contre Dolet, son ami, et contre Cl. Marot, qui se trouvait aussi à Lyon et que Rabelais y connut certainement. Pendant que Dolet était jeté en prison et que Marot se réfugiait à la cour de la reine de Navarre, Rabelais, également suspect d’hérésie ou tout au moins de libre parler, s’enfuit aussi et retourna à Rome. On a de lui quelques lettres datées de Rome, janvier et février 1536, adressées à Godefroy d’Estissac, évêque de Maillezais. En 1537, il revint en France, reprit ses cours à Montpellier et se fit recevoir docteur. Le registre de la Faculté de médecine contient cette mention : « 22 mai 1537 ; le docteur François Rabelais, pour sa thèse, a choisi le livre des pronostics d’Hippocrate, qu’il a expliqués en grec. » On y trouve aussi cette autre mention : « 1538 ; reçu de M. Schyron un écu d’or pour une leçon d’anatomie expliquée par le docteur François Rabelais. »

Sa robe de docteur, ou du moins celle que l’on prétend avoir été la sienne, a été conservée jusqu’à nos jours à la Faculté de Montpellier et il est d’usage que les récipiendaires la revêtent, après avoir passé leur thèse.

Peu de temps après, il était médecin au grand hôpital de Lyon ; mais il a été impossible d’y retrouver ses traces et l’époque précise de son entrée en fonction, ni l’époque où, quittant la pratique officielle de la médecine, il rentra dans les ordres. Tout ce que l’on sait, c’est que, comme médecin, il s'adonna surtout à l’étude et à la cure de la syphilis, qui alors faisait les plus terribles ravages, et qu’il suivait la méthode de l’Italien G. Torella. Cette méthode consistait à faire suer les malades dans des fours en les soumettant, pendant quinze jours, à une diète absolue. La bibliothèque de Lyon possède un exemplaire, peut-être unique, moitié sérieux, moitié drolatique, d’un traité composé par Rabelais sur la syphilis et sur ses méthodes curative, le Triumphe (1538, in-4o), Les malheureux soignés par lui passaient de bien mauvais moments dans leurs étuves, et c’est pour les distraire, comme on sait, que Rabelais écrivait ses prodigieuses facéties ; il ne manque pas de le dire dans les prologues des diverses parties du Gargantua et du Pantagruel, en des termes qu’il est inutile de rappeler.

De Lyon, Rabelais vint à Paris ; peut-être fit-il un nouveau voyage en Italie, ou tout au moins dans le Piémont, en compagnie de Guillaume du Bellay, et de petits séjours à Castres et à Narbonne, il revit aussi Chinon et les çordeliers de son ancien couvent ; mais la plus grande incertitude règne sur toute cette période de sa vie. En 1546, il était ’ probablement à Paris où parut le troisième livre du Pantagruel', chez Chrestien Vecchel, rue Saint-Jacques, à l'Écu de Basle. Un quatrième livre parut à Lyon (1547) ; mais Rabelais le désavoua comme apocryphe. Cette même année, une lettre latine de J. Sturm, recteur du gymnase de Strasbourg, témoigne que Rabelais était à Metz ; mais on n’a que très peu de renseignements sur toutes ces pérégrinations.

Ce qui est certain, c’est qu’il eut l’art de se ménager des protecteurs dans les plus hautes sphères de la société et de l’Église, et de s’assurer ainsi la tolérance pour ses hardiesses satiriques, une vieillesse abritée et le loisir nécessaire à ses études et à ses travaux. Il obtint, par le crédit du cardinal du Bellay, une prébende dans l’abbaye de Saint-Maur, et enfin, vers 1550, la cure de Meudon. Trois, ans plus tard, il fit paraître le quatrième livre du Pantagruel.Quelle que soit la réalité des jovialités traditionnelles de sa vie, il desservit sa cure avec autant de zèle que de régularité. Il paraît qu'il la résigna vers la fin de sa vie et qu’il vins mourir à Paris ; peu de temps après la publication du quatrième livre de Pantagruel. Dans les nombreuses versions qu’on donne de sa mort, nous trouvons celle-ci. Le cardinal de Châtillon ayant envoyé un page s’informer de sa santé, il répondit ; « Dis à monseigneur en quelle galante humeur tu me vois. Je vais quérir un grand peut-être. Il est au nid de la pie : dis-lui qu’il s'y tienne ; et pour toi, tu ne seras jamais qu’un fou. » Puis il rendit l’âme dans un grand éclat de rire accompagné de ces paroles : « Tirez le rideau ; la farce est jouée ; » Mais, suivant d’autres témoignages, Rabelais serait mort avec plus de gravité et dans des sentiments chrétiens. « Il est certain, dit Colletet, que, sur la fin de ses jours, rentrant en soy-mesme, reconnoissant ses péchez et ayant recours à l'infinie miséricorde dé Dieu, il rendit son esprit en fidèle chrestien. Ainsy tous ces contes ridicules que l'on a faits de luy, et toutes ces paroles libertines qu’on luy a attribuées n’ont esté que de vaines chimères et dés fauussetées punissables, inventées à plaisir pour le rendre plus odieux au monde. »

On a raconté aussi qu’au lit de mort il se fit revêtir d’un domino, et, comme son confesseur le reprenait de son irrévérence dans un si grave moment, Rabelais lui aurait fermé la bouche par cette citation de l’Écriture : Beati qui in Domino moriuntur.

Les Œuvres de Rabelais ont donné lieu à d’innombrables travaux critiques et bibliographiques. Touchant le Gargantua et le Pantagruel, on peut consulter un travail spécial de J.-Ch. Brunet : Recherches bibliographiques et critiques sur les éditions originales des cinq livres du roman satirique de Rabelais (Paris, 1852, in-8o). L’édition des quatre livres réunis du Pantagruel et du Gargantua est de 1553 ; elle fut suivie de plusieurs autres éditions, et c’est dans celle de 1558 que se montre, pour la première fois, le cinquième livre, dont l’authenticité a été l’objet de controverses ; La première édition critique de l'épopée rabelaisienne est celle de Jacques Le Duchat (Amsterdam, 1711, 5 vol. petit in-8o). La plus volumineuse des éditions de Rabelais est celle dite Variorum (Paris, Dalibon, 1823-1826, 9 vol. in-8o). Une des bonnes éditions du Gargantua et du Pantagruel a été donnée par MM. Burgaud des Marets et Rathery (Paris, 1857-1858, in-8o), et M. Gustave Doré a illustré avec beaucoup d’originalité une édition publiée avec luxe (1860, 2 vol. in-8o). Le crayon du dessinateur s’est donné libre carrière dans ce livre de haute fantaisie ; ce ne sont que personnages gigantesques ; accoutrements bizarres, trognes rubicondes de moines, grandes dames à falbalas, architectures capricieuses présentant un pittoresque fouillis de tourelles en poivrière, de donjons crénelés, d’échauguettes et de mâchicoulis. Tout est soigné, dans ces curieuses illustrations, non-seulement les grandes pages représentant les faits principaux du livre, comme l’enfant de Gargantua à qui sa nourrice fait passer une couple de vaches, à bras tendus, par-dessus le mur des étables ; Gargantua menant les ambassadeurs voir ses chevaux par des escaliers qui n’en finissent pas ; les combats de Gargantua et de ses compagnons ; les aventures de Pantagruel et de Panurge, etc., mais même les têtes de page, les simples culs-de-lampe, où G. Doré a ébauché d'excellents croquis. Lemerre a terminé en 1875 la publication des Œuvres complètes de Rabelais (5 vol. in-8o), avec notes et glossaire par M. Ch. Marty-Laveaux. Cette belle édition est une des meilleures et des plus soignées de ce temps-ci.

Le roman de Rabelais a fourni le sujet de plusieurs pièces de théâtre. Montauban, échevin de Paris, a fait deux comédies : l’une, Pantagruel, imprimée en 1654 ; l’autre, les Aventures de Panurge, non imprimée, mais représentée en 1674. On doit à Autreau Panurge à marier et Panurge dans les espaces imaginaires. Citons encore Panurge dans l’île des Lanternes, opéra1 attribué à Morel Chefdeville. Le Mariage de Figaro, par Beaumarchais, renferme plusieurs idées empruntées à Rabelais. Divers romanciers et conteurs modernes ont fait figurer dans leurs récits le curé de Meudon. On le rencontre dans les romans du bibliophile Jacob, dans les Contes drolatiques de Balzac. Dumersan a donné au théâtre des Variétés, en 1813, Gargantua ou Rabelais en voyage, comédie.

Rabelais a été traduit et imité par les étrangers ; Burton l'avait lu et relu avant d’écrire son Anatomy of melancholy ; Swift l’a Souvent mis à contribution ; Sterne s’en est inspiré pour écrire son Tristram Shandy ; Southey l’a pris à certains égards pour modèle dans le singulier ouvrage qu’il a intitulé The Doctor, et le célèbre Jean-Paul Richter a été surnommé le Rabelais de la métaphysique.

Voici le jugement que Geruzez a porté sur l’auteur de Gargantua et de Pantagruel : « Rabelais est le type populaire du cynisme bouffon ; c’est à ce titre que sa mémoire est chargée d'une foule de faits plaisants dont il demeure responsable aux yeux de la poistérité. Mais ce masque n'est qu’une enveloppe qu’il faut percer pour passer outre et atteindre ce qu'elle recouvre. Or, en dépouillant Rabelais de cet étrange costume, on met à nu l’érudition la plus profonde et la plus variée et la philosophie la plus audacieuse.