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aussi l’opinion do l’abbé Barges (Mémoire sur trente-neuf nouvelles inscriptions puniques, Paris, 1852). Movers, Munk, Ewald, au contraire, pensent que le texte a été gravé sous la domination grecque ; mais Munk et Ewald attribuent le décret au comptoir phénicien ou carthaginois de Marseille, tandis que Movers suppose avec plus de vraisemblance que les sunètes nommés sur la pierre sont ceux de Carthnge. Quoi qu’il en soit, l’inscription de Marseille est en hébreu presque pur et elle confirme l’opinion qui rattache les Carthaginois à la souche cbananéenne. On peut consulter à ce sujet le mémoire de Munk, publié dans le Journal asiatique de décembre 1847.

— Allas, hist. Fol puulquo. Y. PUMCA FIDES.

Punique» (guerres) (de Pœni, Carthaginois), ’ nom donné aux trois périodes de la lutte formidable entre Rome et Carthage. Quand les Romains eurent conquis la Grande-Grèce et soumis toute l’Italie jusqu’au détroit de Messane (272 av. J.-C), ils portèrent naturellement les yeux sur la Sicile et n’attendirent plus qu’une occasion de Be jeter sur cette riche proie, dont Carthage possédait une partie et s’efforçait de conquérir le reste. Telle fut la véritable cause du choc terrible des deux puissantes républiques. Le monde antique était trop étroit pour leur ambition et elles devinrent nécessairement ennemies dès que leurs possessions se touchèrent.

Première guerre punique. Elle dura vingt-trois ans, de 264 à 241, et se termina par la réduction de la Sicile carthaginoise en province romaine, JLa Sicile était partagée en trois dominations : les Carthaginois, les Syracusains et les Mamertins. Ces derniers

étaient une colonie d’aventuriers du Summum ou de la Campanie qui, après avoir guerroyé quelque temps comme mercenaires, avaient égorgé leurs hôtes de Messane et, maîtres de la ville, s’étaient donné ce nom osquo de leur dieu Mamers (Mars). Assiégés par les Carthaginois et les Syracusains, ils implorèrent, à titre d’Italiens, le secours des Romains, qui saisirent avidement ce prétexte d’entrer en Sicile. Ils emportèrent Messane, s’avancèrent dans l’intérieur de l’Ile, qu’ils soumirent en partie, pendant que les Carthaginois, restés maîtres des villes maritimes, ravageaient avec leurs flottes les côtes d’Italie. Rome dut créer une marine et combattre pour la première fois sur mer. Les événements principaux de cette guerre furent les batailles navales de Myles (260), des lies Lipari (257), d’Ecnoine (256), les expéditions de Régulus en Afrique, la prise de Panorme, d’Hunére et de Lipari, par les Romains (254) ; le siège de Drépane et du Lilybée, enfin la victoire décisive des lies jEgates (241), qui força Carthage à demander la paix au prix de l’évacuation de la Sicile et des petites Iles voisines et d’une forte contribution de guerre. La Sicile, sauf le petit royaume de Syracuse, fut la première contrée qui subit le nom et le gouvernement de province romaine.

Deuxième guerre punique. Elle dura dix-sept ans, de 218 à 201, et finit par la cession de l’Espagne aux Romains. Cette deuxième période fut remarquable par la grandeur et les conséquences de la lutte, par les efforts prodigieux qu’on lit des deux côtés et par le génie qu’y déploya l’homme qui combattait pour Carthage. Elle éclata lorsque le grand Annibal, après avoir écrasé cent mille Espagnols confédérés, vint assiéger à dessein la ville de Sagonte, alliée des Romains, et la détruisit après Un siège ’de huit mois (219). Une ambassade romaine vint k Carthage pour demander satisfaction et, n’ayant pu l’obtenir, déclara la guerre. Annibal commença alors l’exécution du plan audacieux qu’il avait formé ; aller à la rencontre des Romains par un immense circuit et transporter la guerre au cœur même de l’Italie. Il franchit l’Ebre, écrasa toutes les peuplades du nord de l’Espagne, passa les Pyrénées, traversa toute la Gaule, puis les Alpes, et apparut enfin dans cette Gaule Cisalpine toujours si facile à soulever contre les Romains. Son armée était réduite de moitié ; mais il comptait sur son génie et sur les Gaulois cisalpins ; il en entraîna un grand nombre et il les plaçait toujours au premier rang. C’est avec le sang des Gaulois, dit Michelet, qu’il gagna les grandes batailles de la Trébie (218), de Trasimène (217) et de Cannes (216). Cependant Rome avait envoyé les Scipions, l’un en Afrique, l’autre en Espagne, où l’on croyait encore Annibal quaud il avait déjà franchi le Rhône ; mais ce plan fut déconcerté par’la marcha prodigieuse du Carthaginois. Pub. Scipion envoya une partie de son armée, sous le commandement de son frère, en Espagne, pendant qu’il revenait précipitamment pour couvrir l’Italie. Blessé au Tésin, il fut battu de nouveau avec l’autre consul près des eaux glacées de la Trébie. Annibal, après divers succès dans la Cisalpine, prit sa route à travers les marais de l’Arno et pénétra en Etrurie. Rome était très-agitée ; malgré les succès de Cn. Scipion en Espagne, l’Italie restait ouverte et les esprits étaient divisés sur la conduite de la guerre. Fabius Maxiinus voulait qu’on n’attaquât pas l’enrfeini de front, qu’on laissât ses forces se consumer d’ellesmêmes comme une flamme légère, tandis que le consul plébéien Klaminius voulait combatire sur-le-ohninp. Ce dernier alla faire écra^

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ser l’armée romaine et se faire tuer à la célèbre bataille de Trasimène, dont le résultat plongea Rome dans la consternation. Fabius fut nommé prodictateur ; il suivit exactement le système qu’il avait indiqué, évitant de combattre Annibal, qui avait pénétré par l’Oiiibrie et le Picenum jusqu’en Apulie, se contentant de le harceler et cherchant à le ruiner en détail. C’est cette tactique, humiliante pour la fierté romaine et qui n’eut aucun résultat décisif, qui lui fit donner le surnom de Cunctator (temporiseur). En 216, les consuls Paul-Emile et Terentius Varron perdirent la sanglante bataille de Cannes, qui coûta la vie à plus de 50,000 Romains, Rome était à deux doigts de sa perte ; mais Annibal ne pouvait songer à l’emporter par un coup de main ; son armée était affaiblie et il avait besoin de s’assurer des places maritimes dans l’Italie méridionale pour établir ses communications avec Carthage. Après une tentative sur Naples, il prit ses quartiers d’hiver à Capoue. Ni lui ni son armée ne s’amollirent dans les délices de cette ville, comme on l’a répété d’après Tite-Live ; ces soldats guerroyèrent encore pendant treize années en Italie et firent’pâlir au dernier moment Scipion k Zama. Cependant, abandonné pour ainsi dire par Carthage, forcé de lutter seul contre la constance et l’énergie du sénat romain, enveloppé d’ennemis, Annibal ne remporta plus de succès éclatants comme celui de Cannes. Des prises de villes, des marches et des contre-marches savantes, des expéditions hardies, des coups de main audacieux et & la fin une guerre purement défensive, qu’il fit avec une vigueur et des retours admirables, tels furent les principaux épisodes des campagnes suivantes (v. Annibal). Rome fut, en général, à la hauteur de ses désastres et ses citoyens luttèrent de désintéressement et d’énergie. Ils soumirent la

Sardaigne, soulevée par leur terrible ennemi, puis Syracuse, dont le siège, conduit par Marcelius, dura plus de deux ans (214-212). L’île entière retomba bientôt sous leur domination. En Espagne, les deux Scipions avaient été vaincus et tués ; mais le jeune P. Corn. Scipion vengea son père et son oncle par la prise de Carthagène (211) et par une suite de victoires brillantes. Resté seul avec son génie au milieu des désastres de ses alliés, Annibal balança encore longtemps les efforts de la puissance romaine-, a la Un, on parvint à le refouler vers l’extrémité méridionale de l’Italie, dans le Brutium ; il en fit l’antre du lion, résista pendant trois années encore aux généraux romains et, quoique sans ressources et presque sans année, il causait une mortelle inquiétude au sénat. Scipion, revenu d’Espagne, conseilla une diversion en Afrique. Il en fut lui-même chargé, prépara son expédition en Sicile, débarqua avec 30,000 légionnaires (204), s’unit avec Massinissa, roi de Numidie détrôné parSyphax, négocia avec ce dernier et les Carthaginois pour gagner du temps, puis tout a. coup, au milieu de la nuit, incendia à la fois le camp d’Asdrubal et celui de Syphax et écrasa aux Grandes plaines (203) les troupes échappées à ce désastre. Tunis ouvre ses portes, Utique est contenue par la flette romaine, Massinissa s’empare de la Numidie. Carthage épouvantée rappelle Annibal, qui tenait encore tête dans le Brutium. Le héros punique s’indigne, mais il obéit. Jamais exilé ne quitta sa patrie avec autant de regrets qu’il s’éloigna de cette Italie si longtemps marquée de ses étreintes. Arrivé en Afrique, il considéra d’un œil ferme la situation de sa patrie et n’hésita pas à demander la paix. Scipion refusa ; comment pouvait-il reparaître à Rome sans avoir même osé se mesurer avec Annibal ? Le lendemain se donna entre les deux capitaines la célèbre bataille de Zama (202). Cette fois, Annibal fut vaincu, malgré ses admirables dispositions stratégiques. Carthage subit la paix aux conditions les plus dures, abandonna aux Romains l’Espagne, la Sicile et toutes les lies, livra ses éléphants, ses vaisseaux, à l’exception de dix trirèmes de commence, paya une énorme contribution et dut s’engager à n’entreprendre aucune guerre sans le consentement du peuple romain.

Troisième guerre punique. Elle dura trois ans environ, de 149 à 146, et sétermina par la destruction de Carthage et la réduction de son territoire en province romaine. Ce fut, au reste, moins une guerre qu’un siège. Dans la pensée des Romains, le roi de Numidie Massinissa devait servir à tenir les Carthaginois en échec ; aussi le favorisaient-ils en toute rencontre. Le Numide, sûr d’un constant appui, usurpa à plusieurs reprises sur les possessions de Carthage, à qui le traité ôtait le droit de se défendre et dont les plaintes étaient toujours repoussées avec mépris par les Romains. Caton l’Ancien, digne représentant de l’avidité et de l’ambition romaines, envoyé en 157 avec une commission d’enquête, fut irrité de retrouver la ville punique riche, prospère et peuplée d’une florissante jeunesse. À son retour, il insista sur le danger qui subsistait toujours sur ce rivage ennemi et, depuis ce jour, il ne termina jamais une de ses harangues sans ajouter ce cri de haine et de jalousie devenu célèbre dans l’histoire : Il faut détruire Carthage I (Détendu Carthago !) Toutefois, le sénat laissa pendant longtemps les factions numide et romaine lutter à Carthage contre le parti

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populaire ou national. On apprit enfin que les Carthaginois, poussés àboutpar les usurpations toujours impunies de Massinissa, avaient pris les armes pour résister a leurs éternels ennemis. Vaincus dans une grande bataille, ils virent arriver une députation romaine qui les accusa d’avoir violé les traités et réclama satisfaction. Les plus humbles soumissions ne purent apaiser les implacables représentants du sénat. Le conseil farouche de Caton avait prévalu. La puissante cité phénicienne était irrévocablement condamnée. On exigea d’abord que les Carthaginois livrassent leurs armes. Ensuite on leur enjoignit de quitter Carthage et d’aller s’établir à dix milles de la mer, dans une ville sans murailles ; à ce prix, on voulait bien leur pardonner. Cette dernière exigence souleva leur indignation et releva leur énergie ; quoique la ville eût livré ses dernières ressources, on résolut de combattre jusqu’à la mort. Asdrubal fut rappelé ; les places publiques, les palais, les temples devinrent des ateliers d’armes ; on construisit des machines de guerre, on arracha la charpente de* maisons pour construire une flotte ; à défaut de fer et d’airain, on fondit l’or et l’argent, et « les femmes coupèrent leur chevelure pour en faire des cordages. • (Florus.) Le désespoir enfanta l’héroïsme, on voulut an moins mourir libre. Les Romains échouèrent dans trois attaques. En 147, Rome envoya comme consul Scipion Emilien. Il prit de nouvelles et sévères dispositions, serra la place de pius près, détruisit la flotte carthaginoise, emporta par un assaut terrible la partie de la ville nommée Mégara et enferma ce malheureux peuple dans une situation désespérée en barrant par un mur l’isthme qui joignait la ville au continent, et par une digue énorme toute la largeur du port. On vit alors une chose incroyable ; en quelques jours, les assiégés ouvrirent à travers le roc une nouvelle issue à leur port, et il en sortit une flotte nouvelle construite avec des débris. L’hiver se passa en combats acharnés. L’armée carthaginoise du dehors était détruite, toute communication coupée, la famine au dedans ; Scipion Emilien recommença les attaques. Il réussit enfin à pénétrer dans la ville inférieure, mais il fallut faire le siège de chaque rue, de chaque maison. Les assiégeants n’avancèrent qu’à travers une résistance meurtrière pendant six jours et six nuits jusqu’à la citadelle (Byrsa), au milieu des édifices enflammés qui s’écroulaient sur leurs défenseurs indomptés. Le septièmejour de cette lutte épouvantable, il ne restait plus que le temple d’Esculape, défendu par 700 héros, au milieu desquels était Asdrubal avec toute sa famille. Cet homme, si déterminé jusque-là, changea tout à coup ; le cœur lui faillit et, abandonnant ses compagnons de désespoir, il courut seul vers le vainqueur en agitant des branches d’olivier. Alors on vit une chose horrible et sublime tout à la fois. Les assiégés mirent le feu au temple ; la femme d’Asdrubal parut sur les murailles embrasées et, après des imprécations contre la lâcheté de son époux, elle poignarda ses deux jeunes enfants et se précipita avec eux dans les flammes, au milieu des ruines fumantes de l’édifice (146). À la vue de ces scènes de désolation, Scipion Emilien ne put retenir ses larmes et, frappé tout à coup de crainte sur les destinées de sa patrie, il se tourna les yeux baignés vers l’historien Polybe, qui était auprès de lui, en récitant ce vers d’Homère :

Et Troie aussi verra sa fatale journée ! L’Afrique fut réduite en province romaine ; les décrets furent impitoyablement exécutés ; on détruisit jusqu’aux ruines de l’antique et puissante cité et Carthage fut littéralement effacée de la terre. Rome n’avait plus de rivale dans le monde.

Puniques (les), poème épique de Silius Italiens, composé vers 90 de notre ère. C’est une épopée historique en dix-sept livres, dans laquelle l’auteur ne fait autre chose que raconter, d’après Tite-Live, la deuxième guerre punique, depuis ses débuts jusqu’au triomphe de Scipion. Pline dit de Silius que ce fut moins son génie que le travail qui le rendit poote ; ce poème confirme le jugement de Pline, l.e sujet qu’il choisit offrait le plus grand intérêt aux Romains ; il convenait même à l’épopée. Trois siècles s’étaient écoulés depuis ce grand événement ; et bien que, grâce aux historiens grecs et latins qui les avaient consignés avec soin dans leurs ouvrages, tous les détails en fussent connus, il restait cependant un champ libre k l’imagination du poste, qui pouvait se permettre des fictions et faire usage de toutes les machines que le poème épique emploie volontiers. Silius ne dédaigna pas ce moyen de plaire. Peut-être même serait-on fondé à lui reprocher ces fictions, et sa Junon, et son Jupiter, toutes ces divinités si usées depuis le vieil Homère. Surtout, et c’est le plus grand reproche qu’il y ait à lui faire, son plan est défectueux, suivant pas à pas la troisième décade de Tite-Live, lui empruntant tout ce qui se prête aux amplifications de la poésie, marches, sièges, batailles, sans se mettre en souci du reste ; préférant, en un mot, la méthode historique à la manière poétique qui, dans une série de faits, en choisit un pour en faire l’action principale et le but vers lequel tout doit tendre. En suivant un autre

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plan, en préférant à l’épopée la marche da l’histoire, Silius devait, comme Lucain, s’abstenir des fictions mythologiques, déplacées dans l’histoire. Le mélange des deux genres a donné naissance à une production informe, à laquelle on ne sait quelle place assigner. Est-ce une épopée ? Elle manque d’unité. Estce une histoire ? Que font la ces machines poétiques et que signifient ces fictions ?

Silius emprunte le sujet de son poUme aux histoires de Tite-Live et de Polybe, et sa poésie à Virgile ; mais il ne possède pas l’art de s’approprier ce qu’il emprunte, et ses larcius sont trop manifestes. Il ne s’est pas contenté de dérober à Virgile ce qu’il a pu lui prendre ; il a pillé aussi Lucrèce, Horace, Hésiode, Homère ; de là un style inégal, aussi désagréable que médiocre.

Silius était-il donc un écrivain sans valeur ? Les Romains le regardaient pourtant comme un grand poëte. Quelques-uns ne faisaient pas difficulté de le comparer à Homère, de même qu’ils le comparaient, pour l’éloquence, à Cicéron. Voici le jugement de M. Nisard sur ce poëte : à Silius, qui avait très-peu d’imagination, a fait de l’érudition sérieuse ; il a suppléé les omissions de Tite-Live, en. sorte qu’on ne pourrait faire une histoire complète des guerres puniques sans consulter Silius Italicus. Seulement, pour se persuader à lui-même et pour faire croire aux autres qu’il compose un po8me et non qu’il versifie l’histoire, il emprunte aux vieilles recettes de l’épopée des machines ou des fictions glacées, qui rendent la lecture de son poème insupportable. » Silius est-il donc entièrement indigne de la haute estime où le tenaient les Romains ? Il a des qualités : ses tableaux de batailles ne manquent pas de mouvement ; son style est assez simple et ne dément qu’à moitié la prétention du poëte da rester fidèle aux traditions de Virgile ; sa versification est bonne et c’est même là son plus incontestable mérite. Non qu’il ait droit d’être compté comme un légitime héritier de Virgile, mais il faut lui savoir gré d’être, en général, un assez bon écrivain et d’avoir eu quelques heures où il a été vraiment poëte. La plupart des beautés dont on est tenté de lui faire honneur lui appartiennent moins qu’à Tite-Live ; mais c’est quelque chose que le poëte n’ait pas toujours été trop au-dessous d’un tel prosateur. Plusieurs de ses pages sont à lire. Voici, par exemple, un portrait d’Annibal : • Par caractère, Annibal était avide de mouvement et incapable de garder sa foi ; consommé dans la ruse, mais déviant de l’équité. Armé, il bravait audacieusement les dieux. Son courage indomptable lui fait mépriser une paix avantageuse ; jusqu’au fond de ses entrailles brûle la soif du san^j humain. D’ailleurs, verdoyant de jeunesse, il ambitionne d’effacer le souvenir des jEgates, honte de ses pères, et d’engloutir les traités dans les mers de la Sicile, junon l’anime encore et tourmente son cœur de l’espérance de la gloire. Et déjà, dans les visions de ses songes, où il pénètre au Capitule, où il s’avance à pas rapides à travers les sommets des Alpes. Souvent aussi ses serviteurs, au seuil d« sa porte, éveillés dans leur sommeil, tremblèrent à la voix terrible qui troublait le vaste silence, et ils trouvèrent le guerrier inondé de sueur, livrant des combats futurs et faisant des guerres imaginaires. • (Liv. I, v. 56 et sq.)

Silius Italicus n’eut pas de génie, mais il avait une belle âme, et c’est quelque chose. I ! avait la passion du bien et du beau, un vif enthousiasme et presque- une sorte de culte pour les héros de la pensée, pour Virgile surtout et pour Cicéron. Il avait acheté, dit-on, une des maisons de campagne du grand orateur et un domaine, près de Naples, où se trouvait te tombeau du grçnd poëte. Cela était plus aisé (pour un homme riche comme Silius) que de ressembler à l’un ou à l’autre. On a l’ait cette remarque, et elle est juste ; il ne se peut pas, néanmoins, que de tels sentiments ne laissent quelque trace dans les œuvres de celui qui les éprouve.

Quelle qu’eût été la réputation de Silius parmi ses contemporains, il tomba bientôt dans l’oubli ; aucun grammairien ancien ne le cite et SidoinéApollinaire est le seul qui le compte au.nombre des poètes illustres. A la renaissance des lettres, on était si biea persuadé de la perte de son poème, que Pétrarque s’avisa de vouloir le remplacer et composa son Afrique, dont le sujet est précisément la seconde guerre punique. C’est pendant le concile de Constance que le Pogge trouva un exemplaire de Silius, probablement à Saint-Gai !, où il avait aussi fait la découverte de Valerius Flaccus. Il en fit, avec son ami Bartolomeo di Montepulciano, une copie qui devint l’original de toutes celles dont les premiers éditeurs se servirent, jusqu’à ce que Louis Carrion découvrit, vers 1575, à Cologne, un manuscrit de Silius, qu’il crut pouvoir dater de l’époque de Charlemagne. Un autre enfin fut trouvé à Oxford ; il est plus moderne que celui de Cologne.

Ou cite la traduction anglaise de Thomas Ross (1656-1672) ; la traduction italienne do Buzio (1765) ; la traduction française de Lefebvre de Villebrune (1781). La meilleure est celle que donne la Bibliothèque latine-française de Panekouke, et elle est, en effet, très-remarquable. Elle est de MM. E.-F. Corpet

et Dubois, a paru en 1836 et forme 3 vol, in-8°. Les meilleures éditions, après l’édition