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fille d’Hamilcar, qu’ils ont aperçue tous les deux, dans les jardins, le soir de la grande fête, forme le lien entre les deux camps ennemis, lien bien fragile, niais qui f-uflit dans une tjeuvre archéologique. M. Flaubert a épuisé sa science et son originalité à graver, de la pointe la plus fine, cette image de la belle prêtresse de Tanit, qui ignore tout du monde, sauf les rites de sa religion, mais que tourmente une nubilité précoce.et qui adresse à )’impure Astarté des Phéniciens des vœux que, dans son ignorance, elle croit d’une chasteté absolue. Le siège traîne en longueur et, pour décider l’affaire tout autant que pour revoir cette idéale figure qui le trouble dans ses rêves grossiers, Mathô se décide à pénétrer dans Carthage, seul avec Spendius, par l’aqueduc à demi détruit. Il y réussit à travers mille obstacles, trouve l’immense palais d’Hamilcar, qu’il parcourt, ainsi que le temple, vole le zaïmph, voile mystérieux, palladium de Carthage, et trouve Salammbô endormie, qu’il couve du regard et dont il n’ose approcher. La jeune fille se réveille, pousse des cris de frayeur à la vue du zaïmph, que nul mortel ne doit voir, et Mathô n’a que le temps de fuir, protégé, du reste, par le voile mystérieux, dont tout le monde se détourne avec frayeur. La fortune de Curthage chancelle et les dévots la croient perdue ; ils font d’horribles sacrifices humains à Moloch, le dieu formidable ; mais le grand prêtre imagine un autre moyen de ramener la confiance, c’est de reprendre le zaïmph, et puisque Mathô aime Salammbô, la chose est faisable. Il ordonne à la prétresse de Tanit d’aller trouver Mathô jusque sous sa tente et d’obtenir de lui à tout prix, quelque faveur qu’il exige, la restitution du voile. Salammbô marche vers le camp des barbares, parée de ses plus beaux atours ; couverte de pierreries et d’aromates, elle pénètre jusqu’auprès du Libyen, reçoit docilement ses caresses et revient avec le voile.

Les mercenaires, vaincus à la bataille du Macar, enfermés dans le défilé de la Hache, deux épisodes qui ont offert à l’auteur un prétexte à des descriptions d’une grande puissance, livrent leurs chefs ; Spendius est mis en croix, Mathô est envoyé à Carthage et réservé aux plus horribles supplices ; quant à Narr’Havas, le Numide, figure douteuse qui n’apparaît dans le roman que comme une ombre avec ses fantastiques cavaliers, il s’est rallié à temps aux vainqueurs et Humilear, qui a deviné le déshonneur de Sa fille, lui donne Salammbô en mariage. Au moment où il va passer l’anneau au doigt de sa fiancée, celle-ci aperçoit Mathô, que ses geôliers viennent de livrer à la populace pour qu’elle le déchire en morceaux ; elle reconnaît l’homme à qui elle s’est livrée pousse un cri et tombe à la renverse, morte d’émolion.

Après avoir exposé les lignes principales du roman, reproduisons les reproches de la critique ; ils ont été vifs, car ce n’est, jamais impunément qu’un auteur s’écarte du chemin battu et veut faire une chose nouvelle,

« Qu’est-ce que Salammbô ? se demande M. Dusolier ; un épisode historique ? le récit véridique et lumineux de la guerre des mercenaires contre Carthage ? Mais, sur cet épisode, il existe à peine quelques renseignements très-secs, très-nus et très-brefs, fournis par l’impassible Polybe. Il se commit, de part et d’autre, des cruautés terribles, si terribles que l’antiquité épouvantée a marqué cette guerre du nom de guerre inexpiable. Mais quelles furent ces cruautés et que se fit-il d inexpiable ? Nul détail, aucune lueur, l’ombre partout. L’histoire veut des certitudes, et nous sommes réduits à conjecturer. Du reste, si peu que lui offrît Polybe, M. Flaubert ne l’a pas accepté, ce qui prouve bien qu’il ne songeait pas à écrire une histoire. Ainsi, dans l’ancien, le Grec Spendius nous esfr présenté comme un brave et habile soldat, se battant bien, commandant mieux ; et lui, le moderne, il nous le donne comme un être bas, rusé (mais point dans les choses militaires), peureux, ayant fuit jadis commerce de courtisanes, plaisant d’ailleurs et même bouffon, une manière de Sinon ou de Thersité. M. Flaubert n’a donc pas écrit une histoire.

Peut-être un roman historique ? Mais le roman historique, c’est la représentation du côté pittoresque, légendaire, familier de l’histoire ; c’est le tableau de genre faisant pendant au tableau de bataille ; ce sont les mœurs, déduites des événements. La tradition écrite, et à son défaut, la tradition parlée, voila le sol dJoù il s’élance. Ici, le sol manque ; le roman n’a ses racines nulle part.

Est-ce une restitution archéologique ? Mais on dispute encore sur l’emplacement où s’élevait Carthage 1 Quan^ au plan de cette ville, « Polybe et Tite-Live avaient sans doute parlé fort au long du siège de Carthage, maisnousn’avonsplus leurs descriptiens. «(Chateaub.) Qui dira quels furentses temples, ses statues, ses maisons ? Quelle indication subsiste ?

Qu’est-ce donc que Salammbô ? Une chose qu’on n’avait jamais vue : de la fantaisie scientifique.

Nul sujet, d’ailleurs, autant que celui-ci, ne devait solliciter M. Flaubert, qui unit à la rage du raffinement la rage de la description, cette rage froide. Et, d’abord, ce mot a guerre inexpiable > lui ouvre a l’infini le champ des cruautés inouïes, des supplices sa SALA

vants, des sacrifices exceptionnels réclamés par des divinités sanguinaires. Les détails abonderont sous sa plume.

■ Ce n’est pas encore assez d’horreur. La nature est cruelle aussi : il la faut mettre à contribution, H ne faut pas oublier que nous sommes à Carthage, en Afrique, sous un ciel magnifique et morne, écrasant et souriant, qui verse, de son azur, les fièvres, les pestes, les fléaux, toutes les épidémies énormes, tout ce qui verdit l’homme, le pourrit, le décompose, Afriea portentosa. Et voilà qu’on voit passer sans cesseàtravers le roman le hideux suffète Hannon, forcé, pour résister à ses ulcères, d’avaler une pharmacie par jourl Car il n’est qu’infection et purulence ; sa chair pend par lambeaux et s’effiloche sur les chemins, malgré les bandelettes qui l’emmaillottent et tentent vainement de la retenir. Partout Hannon se répand ; il s’essuie à chaque page du volume. L’horreur croît de plus en plus, et M. Flaubert, qui est patient et qui aime à éterniser les descriptions, sourit : Patiens, quia œternus.

On s’aperçoit assez que M. Gustave Flaubert a le goût de l’exagération et de l’accumulation. Lisez ses descriptions de Carthage (il y en a plusieurs) ; de même qu’il rassemble de côté et d’autre tout ce qu on a écrit sur les supplices, il réunit, pour reconstruire Carthage, tout ce que les livres sacrés ou profanes ont dit des villes d’Orient et particulièrement des villes égyptiennes. Et il outre encore l’architecture orientale déjà si énorme 1 Les maisons sont des Babels ; il ne voit pas la fin de la terrasse haute du palais Barca. M. Flaubert ne regarde rien qu’à travers un stéréoscope grossissant. Mathô a l’épaisseur et la solidité d’un éléphant ; Narr’ Havas n’a pas plus de consistance qu’une ombre. À voir ce capitaine numide, on dirait une vapeur qui porte une armure.

Pour Salammbô, la tille d’Hamilcar, qui vit, non, elle ne vit pas, qui se dodeline hiératiquement entre une nourrice stupide et

un serpent Python, il y a un moment où l’on croit qu’elle va s’animer et, du même coup, animer le roman. C’est lorsque, à l’exemple de la Judith biblique, elle va trouver Mathô dans sa tente et se donne à lui pour reprendre le zaïmph. Erreur 1 Rien ne bouge, rien ne dérange les plis roides du roman : Salammbô reste la Velléda effacée des premières pages. Et, plus tard, à la vue de Mathô vaincu, supplicié et mourant, de Mathô qu’elle aime et qu’elle perd du même coup, s’échuppera-t-il un cri de sa poitrine, un cri de passion ou seulement de pitié ? Non, elle se contente de mourir à l’antique I Ce n’est pas une femme, c’est une forme drapée qui s’affaisse, < la tête en arrière, blême, roidie, les lèvres ouvertes et ses cheveux dénoués pendants jusqu’à terre. ■ La description matérielle, toujours cela et rien que cela. Une émotion immense passe dans une âme et la foudroie ; M. Flaubert ne s’ingénie qu’à rendre artistement le trouble extérieur produit dans les vêtements et dans la coiffure.

Ainsi, M. Flaubert nous aura présenté les plus épouvantables spectables, les plus douloureux, les plus dramatiques : les inères poussant elles-mêmes leurs enfants aux bûchers pour apaiser Moloch irrité ; il nous aura parlé de l’amour qui desespère (Mathô), la chose la plus lamentable qu’il y ait dans l’âme humaine ; et il ne nous aura pas touchés, il ne nous aura même pas fait frémir. Il nous glace, et devant tout ce sang et tous ces cœurs répandus, nous disons froidement : Mon Dieu, que cette sanguine est curieusement travaillée l >

Ces reproches sont exagérés ; nous les avons reproduits cependant parce qu’alors la presse fut unanime dans ce sens, et que d’ailleurs quelques points sont vrais. Le manque d’émotion est le défaut capital de l’œuvre, qui ne fait vibrer qu’une seule corde, la curiosité. Mais que dire de cette assertion de M. de Pontmartin : • Salammbô n’est ni.une jeune femme, ni une jeune tille, mais una créature passive, hystérique, dominée par des puissances fatales, sentant le miel et le poivre, gouvernée par un absurde grand prêtre, enroulée dans des plis de voile sacré et dans des nœuds de serpent. Elle est peut-être admirablement vraie comme Carthaginoise de l’an 240 avant Jésus - Christ. Comme femme, comme personnage de roman, comme figure poétique, elle n’existe pas. s Bon critique ! Si M. Flaubert avait peint, dans ce gigantesque palais Barca, une Emma Bovary,

une baronne d’Ange ou une M»"* Marneffe, M, de Pontmartin ne manquerait pas de lui dire : « Comme femme, comme personnage de roman, votre héroïne est parfaite ; mais, comme Carthaginoise, elle n’existe pas ; vous oubliez que nous sommes à Carthage, l’an 240 avant Jésns-Christ. »

D’un autre côté, voici l’opinion de Sainte-Beuve : «Savez-vous quelle eût été la forme la plus naturelle, la plus vraie à adopter, dans l’état actuel de la science, pour qui voulait nous entretenir de ce vieux monde punique ? C’eût été d’écrire tout bonnement une relation de voyage, un Itinéraire sur cette côte de l’Afrique depuis les Syrtes jusqu’à l’Utique. On aurait décrit tout à son aise le pays et le paysage. On aurait montré les habitants, les races confondues ou persistantes, et discuté jusqu’à quel point il est légitime de conclure du présent au passé, et des autres peuples sémitiques de par delà-l’Égypte à

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ceux d’Afrique, si traversés et si mélangés. L’amour de la vieille Carthage, puisque amour il y avait, y aurait trouvé son compte. On en aurait refait l’histoire, en indiquant les lacunes, en restituant, à l’aide des fragments et du parti raisonnable qu’on en peut tirer, la religion, la politique, le caractère, les mœurs. L’écrivain pittoresque aurait même pu, dans un ou deux, chapitres, nous livrer à l’état de rêve ou d’idéal rétrospectif sa reconstruction architecturale et morale, restitution imaginaire, mais devenue par là même plus plausible, puisqu’il n’aurait rien affirmé. Voilà la forme juste et vraie dans laquelle il pouvait se produire un beau travail d’érudit et d’artiste sur la civilisation carthaginoise. Le roman historique est un moule suspect et ambigu qui ne peut nous rendre, en telle matière, qu’une médaille en grande partie fictive et controuvée. i

Nous ne nous rallions pas à cette opinion ; si M. Flaubert eût fait un itinéraire, il est plus que probable qu’on lui aurait demandé un roman. Un reproche plus juste que l’on peut faire à son œuvre, c’est que tout est sur le même plan ; la perspective manque, sinon le relief.


SALAMON (Louis-Sifrein-Joseph-Foncrosé DE), ecclésiastique français, né à Carpentras le 22 octobre 1759, mort à Saint-Flour le Il juin 1829. Il acheta à Paris une charge de conseiller clerc au parlement et, de 1790 au 10 août 1792, exerça les fonctions d’interuoncedu pape auprès de Louis XVI. En 1791, il transmit aux évêques français les brefs pontificaux contre la constitution civile du clergé, fut arrêté et échappa aux exécutions de septembre. Forcé de fuir à la suite d’un nouvel acte d’accusation lancé contre lui, il se cacha jusqu’à la révolution du 9 thermidor, passant, dit-on, la nuit dans les bois. Traduit de nouveau en justice et menacé de la déportation en 1798, il fut acquitté. Salamon fut nommé, en 1806, par le pape, évoque in partibus d’Orthosia ; en 1814, le roi Louis XVIII le désigna pour auditeur de rote à Rome ; mais le pape ne reconnut pas cette nomination, disant quo l’évêque Isoard, nommé précédemment par Napoléon, ne pouvait pas être destitué. Salamon ne revint de Rome à Paris qu’en 1817 et fut nommé évoque de Belley. Enfin, il fut nommé, en 1823, évêque de Saint-Flour. Il légua tout ce qu’il possédait aux pauvres et aux établissements publics de la ville et du diocèse.


SALAMPOSE s. m. (sa-lan-pô-ze). Sorte de pagne que portent les négresses esclaves au Maroc.


SALANDRA, bourg d’Italie (Basilicate), district de Matera, mandement de Feirandina, sur la Salandrella ; 2,470 hab. Culture de coton ; fabriques de tissus.


SALANDRELLA, petite rivière du royaume d’Italie, province de Basilicate. Elle prend sa source près du bourg de Salandra. et se jette dans le golfe de Tarente, près de la tour de son nom, après un cours de 65 kilom.


SALANDRI (l’abbé Pellegrino), poète italien, né à Reggio le 3û avril 1723, mort près de Mantoue Je 17 août 1771. Reçu docteur en théologie, il abandonna l’état ecclésiastique pour se livrer à la littérature. Précepteur dans la maison du comte Cristiani, il devint secrétaire particulier du comte, puis premier officier de la secrétairerie de Mantoue. Salandri a été membre des Académies des Timides et de la Colonie de Virgile, puis secrétaire de l’Académie unique formée en 1767 par leur fusion. Il mourut subitement en 1771 d’un accident de voiture.


SALANGA s. f. (sa-laD-ga), Ornith. Syn. de SALANGANE.


SALANGA, île de la mer des Indes, archipel de Mergui. V. Djankskylon.


SALANGANE s. f. (sa-lan-ga-ne). Ornith. Espèce d’hirondelle qui habite la Chine et dont les habitants de ce pays mangent les nids.

— Encycl. Ce genre est principalement caractérisé par un bec petit, plus haut que large, légèrement bombé, à mandibule supérieure très-arrondie et convexe, à mandibule inférieure concave en dessous ; la queue presque carrée, ou du moins très-faiblement écbanerée ; des tarses nus, courts, mais robustes ; des doigts vigoureux, comprimés, terminés par des ongles forts et très-arqués. On connaît aujourd’hui quatre espèces du genre salangane, mais il est probable qu’il en existe un bien plus grand nombre. La salangane est un petit oiseau de rivage, que la singularité de ses nids a depuis longtemps vendue célèbre. Ces nids su mangent ; en Chine et dans tout l’Orient, on les sert comme un mets de luxe sur les tables des riches, qui les payent au poids de l’or. Pendant longtemps la composition de ces nids a été le sujet de controverses entre les savants d’Europe. Lamouroux, Kuhn, Meyen, G. Cuvier et Pouchet ont cru que les nids de salangane étaient formés d’une substance végétale extraite de certains fucus, d’où le nom qu’on a donné à cet oiseau d’hirondelle fuciphage. D’autres les ont considérés comme le produit de certaines substances animales semblables au mucilage qui entoure le frai du poisson.

Voici, du reste, ce que dit au sujet de la salangane et de ses nids, Poivre, le premier naturaliste qui en ait parlé avec précision :

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t M’étant embarqué en 1741 sur le vaisseau le Mars pour aller en Chine, nous nous trouvâmes, au mois de juillet de la même année, dans le détroit de la Sonde, très-près de l’île de Java, Ayant été pris de calme en cet endroit, nous descendîmes dans le dessein d’aller à la chasse des pigeons verts. Tandis que mes camarades de promenade gravissaient le3 rochers pour chercher des ramiers verts, je suivis les bords de la mer pour y ramasser des coquillages et des coraux qui y abondent. Au bout de quelque temps, un matelot chaloupier qui m’accompagnait découvrit una caverne assez profonde creusée dans les rochers qui bordent la mer, il y entra. La nuit approchait. À peine eut-il fait deux ou trois pas qu’il m’appela à grands cris. En arrivant, je vis l’ouverture obscurcie par une nuée de petits oiseaux qui en sortaient comme des essaims. J’entrai en abattant avec ma canne plusieurs de ces petits’ oiseaux que. je ne connaissais pas encore. En pénétrant dans la caverne, je la trouvai toute tapissée dans le haut de petits nids en forme de bénitiers. Le matelot en avait déjà arraché plusieurs et avait rempli sa chemise de nids et d’oiseaux. J’en détachai aussi quelques-uns ; je les trouvai très-adhérents au rocher. La nuit vint, nous nous rembarquâmes emportant nos chasses et nos collections. Chacun de ces nids contenait deux ou trois œufs ou petits posés mollement sur des plumes semblables a celles que les père et mère avaient sur la poitrine. Comme ces nids sont sujets à se ramollir dans l’eau, ils ne pourraient subsister à la pluie, ni près de la surface de la mer. Arrivés dans le vaisseau, nos nids fuient reconnus par les personnes qui avaient fait plusieurs voyages en Chine, pour être de ces nids si recherchés des Chinois. Le matelot en conserva quelques livres, qu’il vendit très-bien à Canton. De mon côté, je dessinai et peignis en couleurs naturelles.les oiseaux avec leurs nids et leurs petits dedans ; car ils étaient tous garnis de petits de l’année, ou au moins d’oeufs. En dessinant ces oiseaux, je les reconnus pour de vraies hirondelles. Leur taille était à peu près celle des colibris. Depuis, wj’ai observé en d’autres voyages, que dans les mois de mars et d’avril, les mers qui s’étendent depuis Java jusqu’en Cochinchine au nord et depuis la pointe de Sumatra à l’ouest, jusqu’à la Nouvelle-Guinée à l’est, sont couvertes de frai de poisson qui forme sur l’eau comme une coile forte à demi délayée. J’ai appris des Malais, des Cocbinchinois, des Indiens Bissagas des îles

Philippines et des Moluquois, que la salangane fait son nid avec ce frai de poisson. Tous s’accordent sur ce point. Il m’est arrivé, en passant aux Moluques, en avril, et dans le détroit de la Sonde en mars, de pêcher avec un seau de ce frai de poisson dont la mer était couverte, de le séparer de l’eaUj de le faire sécher, et j’ai trouvé que ce frai ainsi séché ressemblait parfaitement à la matière des nids de salangane. Elle le ramasse, soit en rasant la surface de la mer, soit en se posant sur les rochers où ce frai vient se déposer et se coaguler. On a vu quelquefois des fils de cette matière visqueuse pendant au bec de ces oiseaux, et on a cru, mais sans aucun fondement, qu’ils la tiraient de leur estomac au temps de l’amour. C’est à la lin de juillet et au commencement d’août que les Cochinchinois parcourent les îles qui bordent leurs côtes, surtout celles qui forment leur paracel, à 20 lieues de distance de la terre ferme, pour chercher les nids de ces petites hirondelles. Les salanganes ne se trouvent que dans cet archipel immense qui borne 1 extrémité orientale de l’Asie. Tout cet archipel, où les îles se touchent pour ainsi dire, est très-favorable à la multiplication du poisson ; le frai s’y trouve en très-grande abondance ; les eaux de la mer y sont aussi plus chaudes qu’ailleurs. »

Quelques auteurs ne partagent pas absolument l’opinion de Poivre touchant la composition des nids de salangane. Us seraient presque tentés de l’attribuer à une sécrétion de l’oiseau. Pour cela, ils se fondent sur ce que l’on trouve de ces nids dans les profondes cavernes des hautes montagnes qui occupent le centre de l’île de Java. Or ces cavernes sont très-éloignées de la mer, dont elles sont en outre séparées par de hautes montagnes où régnent constamment des vents impétueux que d’aussi petits oiseaux ne seraient sans doute pas en état de vaincre. On sait d’ailleurs au une sécrétion analogue se forme chez nos hirondelles et nos martinets d’Europe.

Lesson a émis une opinion intermédiaire à celles-là, qui pourrait bien être la vraie. D’après lui, les salanganes vivraient d’insectes, comme tous leurs congénères, quelle que soit leur position au bord de la mer. Seulement, au temps de la ponte et successivement, chaque paire ordinairement sédentaire, poussée par une prévoyance instinctive, s’élance vers les lieux où elle peut trouver les matériaux nécessaires k la constructiou de son nid. Elle recueille, en rasant les flots, la matière animale qui nage sur leur surface, et, par un travail viscéral particulier qui dépend sans doute de l’organisation de son gésier, elle l’épure, la débarrasse des matières hétérogènes, la pétrit à l’aide d’un mucus, dont l’analogue est chez nous le suc pancréatique, en forme un corps gélatino-muqueux, visqueux comme l’ichthvocolle, et la divise en