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blé en septembre ; après la moisson, on les bine et on les repique ou on les laisse en place. Dans le centre ou vers l’Ouest, on ne sème les colzas qu’en août et en septembre, après la première récolte. La première quinzaine de ce mois est l’époque la plus favorable pour semer les féveroles d’hiver, les vesces, les jarousses, les lentillons d’hiver, les lentilles à une fleur, le seigle, l’orge et l’avoine d’hiver, la spergule, la moutarde blanche et le sarrasin, les fourrages verts supplémentaires dont on a besoin. Dès la seconde quinzaine, on sème le blé. C’est dans ce mois également qu’on repique les choux cavaliers et autres choux branchus. On récolte successivement les pois et vesces de printemps gardés pour graine, les féveroles de printemps, les haricots cultivés en plein champ, le trèfle laissé pour graine, le colza et la navette d’été, la moutarde blanche et la cameline, le safran, le sarrasin et le maïs, les pommes de terre tardives et le houblon. Dans la seconde quinzaine, on fauche les regains, les troisièmes coupes de luzerne et on commence la vendange. Le mois de septembre est très-propre à la confection du beurre et du fromage. En Brie et en Normandie, les fromages fabriqués à cette époque passent pour les meilleurs de toute l’année.

Horticulture. On continue les semis d’épinards, de mâche, de pimprenelle. Du 1er au 15, on peut semer les choux-fleurs. Vers la fin du mois, on peut encore semer des poireaux, des oignons, des carottes, des panais et des ciboules. On peut semer des petits radis, des raves, du cresson alénois, que l’on récoltera avant l’hiver. On relève et on attache les feuilles des cardons pour les faire blanchir ; on met en fosse le céleri dans le même but. On met en pots les fraisiers destinés à être forcés ; on plante ceux de pleine terre ; on repique l’oseille de Frevent, l’oseille vierge, la menthe poivrée, la civette, l’estragon. C’est la saison de récolter les graines de chicorée, céleri, betterave, poirée, choux-fleurs, etc. On continue les couches de champignons. On réunit les fumiers, terreaux et engrais divers, dont le besoin se fera sentir avec les premiers froids.

Arboriculture. Le mois de septembre est surtout consacré à la culture ; cependant, on greffe en écusson, tant que la sève et la chaleur ne font pas défaut, le pécher sur l’amandier, le poirier et le pommier sur franc. Le mois de septembre est même un des plus avantageux pour greffer les bourgeons à fruit. On sait que ces bourgeons peuvent être posés sur tous les sujets, sans distinction de variétés ni de greffes et aussi tard que l’état de la sève le permet. On termine l’effeuillaison de la vigne. Pour cela, on enlève toutes les feuilles qui, appliquées sur le mur, font obstacle à la réverbération solaire ; on en laisse seulement sur le devant autant qu’il en faut pour garantir les grappes contre les pluies et les rayons trop directs du soleil. Il est indispensable de surveiller les fruits avec soin pour les garantir des insectes qui les attaquent.

Le mois de septembre est le plus convenable pour la plantation des arbres verts ou résineux dans les terrains légers des jardins d’agrément. On greffe de même des sujets dont la sève était encore trop abondante en août. On achève de rempoter les plantes à rentrer. On donne aux arbres et aux arbustes des arrosages avec engrais ; on les entoure de paille, etc., afin de les aider à supporter les rigueurs de l’hiver.

Floriculture. On continue les travaux d’entretien et de propreté du jardin comme dans le mois d’août. On réunit en pépinière les plantes dont les graines ont été semées en juin. Les variétés délicates sont mises en pots et sous châssis. On met aussi en pots les oignons destinés à être chauffés en hiver, tels que ceux des jacinthes romaines, passe-tout, double rose, hollande, tulipes duc de Thol et tournesol doubles, crocus, narcisse de Constantinople. Tous les pots enterrés dans une planche seront couverts, en outre, d’une litière assez épaisse pour que la gelée ne les atteigne pas. On sème en place les pavots, adonides, pieds-d’alouette, bluets, coquelicots, immortelles, thlaspi blanc ou violet, collinsies, pensées, silene pendula à fleurs roses et blanches, calcéolaires, cinéraires, mimulus cardinalis et rivularis, cantua picta. On divise les pâquerettes, les petites marguerites, les mignardises, œillets d’Espagne, juliennes et toutes les plantes destinées à fleurir de bonne heure au printemps. Pendant la première quinzaine, on continue de poser les écussons des rosiers. Dès les premières pluies, on divise et on transplante les pivoines, soit ligneuses, soit herbacées.

Dana la serre et l’orangerie, on prépare tout pour recevoir les plantes les plus délicates qui doivent être rentrées dans la seconde quinzaine. Les plantes de serre chaude doivent être rentrées définitivement dès les premiers jours du mois. On doit desserrer les ligatures des greffes de rosiers faites en août. On peut greffer les conifères, camellias, rhododendrons, azalées de l’Inde. Dans la deuxième quinzaine, on continue le rempotage des plantes de serre tempérée, l’arrangement des serres ; on termine la rentrée des plantes de terre chaude, auxquelles on donnera grand air, même la nuit, si la température ne descend pas à 8° au-dessus de zéro. On ne doit plus ombrager les serres à orchidées que pendant les heures où le soleil a le plus de force ; vers la fin du mois, on n’ombragera même plus du tout.

C’est dans le mois de septembre que mûrissent les meilleures pêches. On récolte aussi d’excellentes prunes, des poires savoureuses, de très-bonnes pommes, etc. La chasse ouvre ordinairement au mois de septembre, et le gibier fait son apparition sur les tables, recherché, sinon pour sa succulence, du moins pour sa nouveauté.

Septembre 1792 (MASSACRES DE). Ce n’est pas sans émotion que nous inscrivons ici cette date fatale et que nous nous préparons à esquisser ces tragiques événements, qui ont fait plus de mal à la cause de la liberté que toutes les guerres et toutes les manœuvres de ses ennemis.

« Ces terribles plaies saignent encore, dit M. Quinet ; combien de temps suffira-t-il de les étaler au jour pour faire reculer l’avenir ? »

« 2 septembre 1792 ! s’écrie M. Louis Blanc. Quels événements lui assignèrent une place dans nos annales à cette date horrible ? Et d’où vient qu’aujourd’hui encore, à tant de superstitieux esprits, dans l’obscurité des nuits sans sommeil, la Révolution apparaît, comme la nonne sanglante de la légende, tenant un poignard à la main et portant une immense tache rouge à la place du cœur ? »

L’impression que causèrent ces affreuses journées fut terrible, en effet, et n’est pas encore complètement évanouie, c’est-à-dire que beaucoup de personnes n’ont pas perdu l’habitude de juger cette époque héroïque par ce sanglant épisode.

Cependant, il y a longtemps que La Fayette l’a dit et que d’autres après lui l’ont répété : les tueries de septembre ne sont pas plus la République et la Révolution que l’inquisition et la Saint-Barthélémy ne sont le christianisme.

Pénétré de cette idée que les principes de justice, de paix et de liberté, qui sont l’essence même de la doctrine démocratique, n’ont pu être atteints ni compromis par les odieux excès d’une poignée d’égorgeurs, le Grand Dictionnaire va raconter ces événements douloureux avec impartialité, en s’efforçant d’éviter avec un égal soin et les exagérations des écrivains de parti, et les atténuations trop complaisantes de ceux qui ont voulu tenter des réhabilitations paradoxales.

On se trouve d’abord en présence de deux systèmes : les historiens hostiles à la Révolution veulent que le massacre ait été préparé, organisé et soldé par les pouvoirs publics, ou du moins par une partie des hommes qui exerçaient alors l’autorité. Cette méthode sommaire est simple et nette ; elle classe tout de suite la moitié des révolutionnaires parmi les purs scélérats. Les royalistes s’y sont attachés avec passion.

De leur côté, les écrivains démocrates ne voient dans ces événements qu’une effroyable explosion de la fureur populaire, provoquée par la grandeur des périls publics, par les complots de l’aristocratie, par la panique de l’invasion et par les trahisons dont on se sentait enveloppé. Ils admettent, à la rigueur, que ces sacrifices humains aient pu paraître, à quelques hommes politiques pris d’une sorte de vertige, d’une affreuse, mais indispensable nécessité ; ils nient formellement qu’ils aient été le résultat d’un plan concerté, d’une froide et atroce préméditation.

Ce débat émouvant et d’un si haut intérêt historique n’est pas clos encore et ne le sera peut-être pas de longtemps. Nous présenterons, quant à nous, l’opinion qui nous semble la plus probable ; au lecteur de juger.

Mais voyons les faits.

La royauté était détruite ; la République n’était pas constituée ; l’Assemblée législative s’éteignait dans l’impuissance et l’irrésolution ; la faction vaincue au 10 août comptait sur une revanche prochaine, persuadée que la France révolutionnaire ne résisterait pas à l’invasion étrangère, et elle semait partout l’irritation par ses intrigues et ses complots ; la monarchie avait laissé le pays complètement désorganisé ; l’ennemi s’avançait ; la trahison lui avait livré Longwy ; il venait d’investir Verdun, et, si cette dernière ville succombait, il pouvait être devant Paris en quelques jours ; une conspiration était découverte à Grenoble, une autre dans le Morbihan ; enfin, une pièce envoyée d’Allemagne, dont on a contesté depuis l’authenticité, mais qui cependant concordait assez avec le fameux manifeste de Brunswick, paraissait d’abord dans la Gazette nationale (31 août), puis dans la feuille de Gorsas et dans tous les journaux sous ce titre alarmant : Plan des forces coalisées contre la France. 11 n’y était question que de raser ou d’incendier les villes, de décimer la population, d’envoyer tous les patriotes au supplice, de confisquer leurs biens, de rétablir le pouvoir absolu sur des ruines, de démembrer la France, etc.

Que ce document fût supposé, c’est ce qu’on a répété, mais c’est ce qui n’est pas établi. D’ailleurs, les royalistes ne disaient pas autre chose en leurs pamphlets ; c’était la pure doctrine de l’émigration et de la faction tout entière. On n’a qu’à parcourir les journaux dévoués ou vendus à la cour ; depuis 1789 jusqu’au 10 août, ils ne parlent que de bâtonner, de pendre et de fusiller les amis de la liberté, de dompter le peuple par la force brutale, de noyer les réformes dans le sang et de rétablir intégralement l’ancien régime.

On savait en outre que, sur la frontière de l’Est, l’ennemi se livrait à des violences terribles. Ainsi, les uhlans coupaient les oreilles aux officiers municipaux et aux patriotes qu’ils pouvaient saisir et les leur clouaient sur le front.

L’histoire n’a que trop souvent oublié toutes ces causes d’excitation pour ne se souvenir que des violences des révolutionnaires, et il nous paraît juste, avant d’entrer dans le détail de ces sombres journées, de rappeler que les excès de la monarchie, comme les conspirations des monarchistes à demi vaincus, devaient fatalement amener de sanglantes représailles.

Ainsi, la frontière violée ; des généraux traîtres ou incapables ; une armée faible et mal organisée ; une Assemblée énervée ; l’ennemi, maître de plusieurs points, à quelques marches de la capitale ; la trahison partout ; les ressources nulles ou du moins d’une insuffisance notoire ; les royalistes insolents et menaçants, quoique vaincus, calculant tout haut quel jour arriverait l’ennemi, conspirant jusque dans les prisons où les avait jetés la victoire du peuple au 10 août, affectant de s’y livrer à de folles dépenses (dans un temps de disette), y fabriquant même de faux assignats ; un peuple exalté par tous les périls, une nation plongée dans une crise sans exemple et qui se voyait, pour ainsi dire, entrer dans la mort : telle était la situation à la veille des journées de septembre.

En outre, on acquit la certitude, par le procès d’un certain Collot d’Angramont, que les royalistes avaient des bandes enrégimentées, soldées, divisées par brigades et soumises à la direction d’un comité central. Et, le 1er septembre, un misérable condamné aux galères et à l’exposition avait crié sous le carcan : « Vivent les Autrichiens ! Vivent le roi, la reine ! » etc., et avait déclaré qu’il serait bientôt vengé, qu’il y avait une conspiration dans les prisons et que, la nuit suivante, les prisonniers, délivrés par leurs complices, devaient sortir armés, délivrer Louis XVI et sa famille et égorger les patriotes, incendier Paris et opérer la contre-révolution. Vraies ou fausses, ces assertions contribuaient à augmenter la colère et la terreur. L’acquittement par le tribunal criminel du 17 août de quelques aristocrates avérés acheva d’exaspérer le peuple.

Dans les journées précédentes, sur la proposition de Danton, des visites domiciliaires avaient été faites dans Paris et avaient amené l’arrestation d’un grand nombre de suspects.

La position semblait tellement désespérée, que le ministre Roland et les principaux du parti girondin délibérèrent de quitter Paris et de transporter le gouvernement à Blois ou dans le Midi. Danton combattit ce projet funeste et le fit abandonner.

Le 1er septembre, le conseil général de la Commune arrêta la réouverture des barrières, le terme de quarante-huit heures fixé par l’Assemblée nationale (pour les visites domiciliaires) étant expiré de la veille. Cette mesure serait déjà une preuve manifeste contre le dessein prêté à la Commune de plonger Paris dans la terreur pour organiser les massacres.

Dans cette même séance, Robespierre réclama l’expulsion de certains membres de l’ancienne administration municipale justement suspects de royalisme, et qui s’étaient compromis au 10 août. Il engagea ensuite ses collègues, vu la gravité des circonstances, à remettre le pouvoir au peuple, c’est-à dire à se retremper dans de nouvelles élections. On a voulu forcer ces paroles et leur donner une signification sinistre ; mais il nous semble évident que l’interprétation que nous donnons est la vraie. Quelque passion qu’on y mette, il est impossible de trouver la main de Robespierre dans les journées de septembre.

Quoi qu’on en ait dit, Danton non plus ne prit aucune part à ces horribles événements. Il proposa, il est vrai, les visites domiciliaires ; mais cette mesure était commandée par les circonstances ; et, quant à son fameux discours où il recommandait « de l’audace et encore de l’audace, » il était relatif à la défense nationale. V. d’ailleurs l’article Danton.

Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’il ne s’opposa point aux exécutions, reproche qu’on peut adresser d’ailleurs à tous les hommes politiques d’alors ; on peut encore supposer que son inertie, dans des circonstances aussi terribles, et qui parait une complicité muette, provenait moins peut-être de l’impuissance que d’un sentiment d’approbation tacite.

On a accusé aussi les membres de la Commune Manuel, Sergent, Hébert, Billaud-Varenne, Panis, Tallien et surtout le comité de surveillance de la Commune, dont nous parlerons dans un moment. Il est constant que quelques-uns des hommes désignés ont figuré dans divers épisodes de l’horrible tragédie ; mais c’est la préméditation qui est tout à fait conjecturale. Il faut reconnaître que les pièces sur lesquelles on s’est appuyé pour l’établir ne sont pas absolument concluantes.

Pétion, qui était en position d’être bien instruit et qui était fort opposé, non-seulement aux septembriseurs, mais encore aux hommes de la Commune et de la Montagne, a dit dans son discours sur l’accusation intentée à Robespierre : « Ces assassinats furent-ils commandés, furent-ils dirigés par quelques hommes ? J’ai eu des listes sous les yeux, j’ai reçu des rapports, j’ai recueilli quelques faits ; si j’avais à prononcer comme juge, je ne pourrais pas dire : voilà le coupable. »

Ajoutons qu’en tout état de cause, il convient de séparer le conseil général de la Commune de son comité de surveillance ; le premier était l’assemblée délibérante, le pouvoir législatif, en quelque sorte, siégeant à l’Hôtel de ville et délibérant publiquement ; l’autre était comme le pouvoir exécutif de la Commune ; il siégeait à la mairie (aujourd’hui la préfecture de police). Autorisé par le conseil général à s’adjoindre quelques membres supplémentaires, il eut le tort d’appeler à lui, dans la matinée du 2 Septembre, Marat, le sombre journaliste, dont le nom signifiait plutôt vengeance que justice. Mais Marat lui-même, en dehors des meurtrières excitations de son journal, a-t-il réellement joué le rôle considérable que quelques-uns lui ont prêté ? Qu’il ait poussé aux tueries, on peut l’admettre ; mais nous pensons qu’on a exagéré son action. L’exaspération populaire, hélas ! n’avait pas besoin d’être excitée.

Nous venons de citer Pétion ; voici l’appréciation d’un homme du parti opposé, Robespierre : « Ce fut un mouvement populaire, et non, comme on l’a ridiculement supposé, la sédition partielle de quelques scélérats payés pour assassiner leurs semblables. Et, s’il n’en eût pas été ainsi, comment le peuple ne l’aurait-il pas empêché ? Comment la garde nationale, comment les fédérés n’auraient-ils fait aucun mouvement pour s’y opposer ? » (Quatrième lettre à ses commettants, p. 170.)

Le dimanche 2 septembre, le procureur-syndic Manuel, en annonçant officiellement à la Commune l’investissement de Verdun, propose de rassembler aussitôt au Champ-de-Mars les citoyens en état de porter les armes, afin de les engager à marcher au-devant de l’ennemi. Le conseil acclame cette motion patriotique, arrête, en outre, diverses mesures de défense et ordonne que, pour faire comprendre au peuple toute l’étendue du péril, le canon d’alarme sera tiré, le tocsin sonné, la générale battue. Deux commissaires municipaux se rendent à l’Assemblée pour lui annoncer cette convocation de la population valide. Les représentants applaudissent à ces mesures vigoureuses. Vergniaud prononce un discours brûlant qu’il termine ainsi : « Il n’est plus temps de discourir ! il faut piocher la fosse de nos ennemis, ou chaque pas qu’ils font en avant pioche la nôtre ! »

Danton sonne la charge à son tour ; on connaît assez cette harangue brève et enflammée, dont nous rappellerons également les derniers mots :

« Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie ! Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée ! »

Sur sa proposition, l’Assemblée décrète la peine de mort contre ceux qui refuseraient ou de servir personnellement, ou de livrer leurs armées, contre ceux qui, soit directement, soit indirectement, entraveraient les mesures de salut ordonnées par le pouvoir exécutif.

Dans la même séance, Roland annonça la découverte d’une vaste conspiration dans la Vendée, et Lebrun, ministre des affaires étrangères, révéla les projets hostiles de la Russie, qui se préparait à se joindre à la coalition.

Et comme pour augmenter l’effroi de la grande ville, le bruit courait partout qu’un courrier extraordinaire venait d’arriver, annonçant qu’on entendait au loin le canon de l’ennemi.

Toutes ces nouvelles sinistres, les unes vraies, les autres fausses, tombant coup sur coup, ne faisaient qu’aviver jusqu’à la fureur l’exaltation de Paris.

Danton court au Champ-de-Mars haranguer les volontaires, pendant que les canons d’alarme du pont Neuf tonnent de moment en moment, que le drapeau noir de la patrie en danger est arboré à l’Hôtel de ville, que les cloches de toutes les églises sonnent à la fois le tocsin et que la générale retentit à travers les rues.

Les barrières sont de nouveau fermées.

Jamais peuple ne se leva avec un tel emportement d’enthousiasme pour défendre ses foyers et les libertés nouvellement conquises. En un seul jour, le contingent de Paris fut doublé.

Qui pourrait dire quel est le premier qui a jeté la parole de mort au milieu de tant de d’éléments en combustion ? Toujours est-il que l’idée d’un vaste complot royaliste obsédait toutes ces imaginations enflammées. Nous copions dans un journal du temps un tableau qu’on retrouve d’ailleurs, à quelques variantes près, dans une foule de documents :

«... À midi, le canon d’alarme avait fait retentir la terreur. Le tocsin se faisait entendre de toutes parts... ; chacun court aux armes... ; chacun s’écrie : Volons à l’ennemi ! mais nos ennemis sont ici ; ils sont à Paris comme à Verdun ; ils sont dans les prisons. Laisserons-nous nos femmes, nos enfants