Aller au contenu

Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 2, Scir-Soir.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sion de son mariage, l’idylle pour les noces du marquis Neri-Bii’fi Tolomei et de Marie-Louise Corsini, etc.

SHAAVIA s. m. (châ-vi-a). Bot. Syn. de SHAWIA.


SHADWELL (Thomas), poëte dramatique anglais, né à Stanton-Hall (Norfolk) en 1640, mort en 1692. Il étudia le droit, voyagea à l’étranger, puis se lit auteur dramatique. A l’époque de la révolution de 1688, Shadwell, qui appartenait au parti whig, obtint la plaça d’historiographe et de poète lauréat de Guillaume III, qui fut enlevée à. Dryden, lequel en conserva un profond ressentiment. Il mourut empoisonné par une forte dose d’opiumfsubstance dont il faisait un fréquent

usage. Les comédies de Shadwell sont remplies de caractères originaux, dessinés avec force et vérité ; mais ses poésies ont peu de —aleur. Ses principales pièces de théâtre sont : les Amants chagrins (1668), imitation des Fâcheux de Molière, mais bien inférieure au modèle ; les Eaux d’Epsom (1676) ; Timon le misanthrope (1078) ; Psyché, tragédie ; la Véritable veuve (1679) ; les Sorciers de Lancastre (1682), etc. On lui doit aussi quelques traductions estimées d’auteurs latins. Ses Œuvres complètes ont été publiées en 1720 (4 vol. in-12).


SHAFTESBURY ou SHASTON, ville d’Angleterre, comte de Dorset, a 45 kiiom. N.-E. de Doi ehester ; 9,460 hab, Fabriques de draps ; ses manufactures de boutons de chemise n’existent plus. Commerce de grains. On y remarque trois églises, dont la plus importante, dédiée à saint Jacques, possède des fonts fort curieux. Cette ville, très-ancienne, avait autrefois un des plus riches monastères de l’Angleterre, fondé par Alfred le Grand. Shaftesbury donne le titre de comte à la famille Ashley-Cooper.


SHAFTESBURY (Antoine ASHLEY-COOPER, comte DE), homme d’État anglais, né à Winborne (Dorset) en 1C21, mort à Amsterdam en 1683. Il reçut à Lincolu’s Inn une forte éducation, dirigée spécialement vers la législation anglaise, et il n’avait pas encore dix-neuf ans lorsqu’il fut élu membre.du Parlement, Ashley-Cooper, au début de la guerre civile en 1642, se montra d’abord assez dévoué au roi et tenta même d’opérer la réconciliation des partis. Mais la défiance qu’on lui témoigna le jeta dans le parti des communes. Il se mit à la tète d’un corps de troupes et prit, pour le Parlement, Wareham, ainsi que plusieurs autres villes (1644). Mais il renonça bientôt au métier des armes, devint shérif dans le comté de Wilt et ne joua aucun rôle dans la fin tragique de Charles 1er. Lorsque le Long Parlement eut été remplacé par la Chambre de 1654, Ashley en devint membre et fit une opposition assez vive aux actes arbiirairesde Cromwell ; mais comme son opposition n’était pas constante, le protecteur le désigna pour faire partie du conseil privé. Sous le gouvernement de Richard Cronrwell, Ashley se signala comme un adversaire déclaré du nouveau pouvoir et contribua à sa chute. Il devint alors membre du conseil d’État, commissaire pour l’armée, siégea au Parlement croupion et prit part, aec Monk, aux intrigues qui eurent pour résultat de remettre l’Angleterre sous le joug odieux des Siuarts. Il lit partie des douze députés que le Parlement, dit réparateur, envoya auprès de Charles II pour lui demander de monter sur le trône (1600). Après l’avènement de ce prince méprisable et corrompu, il fut nommé successivement conseiller privé, commissaire pour le jugement des régicides, pair d’Angleterre (1661), baron Ashley de Wiuborne-Saint-Uilles, chancelier, sous - secrétaire de l’échiquier, lord commissaire de la trésorerie. Egoïste, ambitieux, dépourvu de tout principe, ne songeant qu’à sa fortune, < Ashley avait trahi gouvernement après gouvernement, dit Mucaulay ; mais il avait si bien combiné ses trahisons, qu’au milieu de tant de révolutions Sa fortune s’était constamment élevée. La multitude, frappée d’admiration pour une prospérité si constante aumiLeu des circonstances du temps, lui attribuait comme un don de divination miraculeuse. » En 1671, il Ht partie du ministère si justementexécré, connu sous le nom de cabinet Cabale, prit, part au pitoyable traité de Douvres, se prononça pour la guerre contre la Hollande, s’associa à la honteuse mesure qui décréta la banqueroute pour tirer le gouvernement d’embarras, prit part à tous les actes arbitraires de Charles II, à cette politique antinaiionale qui devait précipiter la chute des Sluarts, et reçut en 1672, en récompense d’un si coupable zèle, le poste de grand chancelier avec le titre de comte de Shaftesbury. Cependant cet homme d’État était trop sagaee pour ne pas voir le mouvement de réprobation qui s’opérait dans l’opinion du pays. Craignant de se trouver compromis, il jugea prudent de faire une évolution nouvelle et de se jeter du côte du para libéral. Il dut sortir du ininUtère (1673), après avoir reconnu l’illégalité de la déclaration d’indulgence qui avait soulevé tant de protestants de la part des partisans de la religion reformée. Biento. ou le vil faire a la Chambre des lords (1675) la plus vive opposition au bill présente par fortl Danby et ayant pour objet de déclarer incapable de siéger au Parlement tout membre qui refuserait de

SHAF

s’engnger par serment à considérer comme criminelle toute résistance au pouvoir royal. Ses critiques furent telles que le pouvoir dut abandonner le bill. Lord Shaftesbury se prononça avec tant d’énergie, de concert avec Wharton et Bockirigham, contre les prorogations fréquentes et prolongées du Parlement, que le roi le fit emprisonner à la Tour de Londres.’et ce ne fut qu’au bout de treize mois qu’il consentit à faire sa soumission et fut mis en liberté. Son emprisonnement avait eu pour résultat de le rendre populaire. Le grand complot papiste dénoncé en 1678 eut pour effet de le ramener au pouvoir. Nommé président du conseil le 21 mars 1679, il dénonça le papisme, qui se proposait de détruire toute liberté en Angleterre. « Le papisme et l’esclavage se donnent la main, dit-il ; tantôt l’un marche en avant, tantôt c’est l’autre qui le précède ; mais partout où l’un va on est toujours sur de rencontrer l’autre, > Il fit voter le célèbre bill d’habeas carpus et proposa à la Chambre des communes de voter le bill d’exclusion par lequel le duc d’York était déclaré incapable de succéder à la couronne. Renversé du pouvoir par l’influence de ce dernier, il retourna siéger dans les rangs de l’opposition. Le bill d’exclusion, voté par la Chambre des communes en 1680, fut repoussé par celle des lords, et la Chambre des communes fut dissoute. De nouvelles élections donnèrent une majorité whig moins nombreuse. Shaftesbury n’en continua pas moins son ardente opposition et fut emprisonné de nouveau sous une accusation de haute trahison. Acquitté par le grand jury (1681), il entra dans le complot de Monmouth et, craignant d’être découvert, s’enfuit en Hollande (1682), où il se fit recevoir bourgeois d’Amsterdam et termina sa vie, pendant que les principaux chefs whigs étaient mis à mort. Shaftesbury était un orateur de premier ordre, un homme d’État habile et I capable, mais profondément corrompu. Sa versatilité politique l’a fait juger fort sévèrement par les historiens.


SHAFTESBURY (Antoine ASHLEY-COOPER, comte DE), philosophe anglais, né à Londres en 1671, mort en 1713. Il était le petit-fils du précédent, qui le fit élever sous ses yeux et avec les conseils de Locke. Après avoir montré dans ses études classiques une étonnante précocité, il voyagea sur le continent, en Italie, où il donna des preuves d’un goût exquis pour les chefs-d’œuvre de l’art ; en France, où il se distingua par son urbanité et par la pureté avec laquelle il parlait la langue française ; en Hollande, où il se lia avec les libres penseurs de ce pays, surtout avec Bayle et Leclerc. La disgrâce de son grand-père lui avait, sous Jacques II, fermé la carrière politique ; la révolution de 1688 la lui ouvrit ; il siégea quelque temps à la Chambre des communes et entra à la Chambre des lords à la mort de son père ; il fut même sollicité par Guillaume III d’accepter une place dans le cabinet ; mais le mauvais état de sa santé le força bientôt de renoncer aux affaires et il consacra ses loisirs aux lettres et à la philosophie.

Shaftesbury avait, dès l’âge de vingt ans, rédigé des Recherches sur la vertu, qu’il ne destinait pas à la publicité. Cette ébauche d’un jeune homme était assez estimée pour qu’on en tirât des copies. Tôland, qui en possédait une, la lit imprimer pendant un voyage de l’auteur. Celui-ci en fut vivement contrarié, quoique ïoland fût son ami. Il acheta les exemplaires qui restaient chez le libraire et tous ceux qu’il put découvrir et se disposa à donner la dernière main à cet ouvrage. Il le publia dans la suite, revu et complété, tel, en un mot, que nous le possédons, Diderot en a donné une traduction française sous le titre de Philosophie morale réduite à ses principes ou Essai de Shaftesbury sur le mérite et la vertu ; il y a joint des notes intéressantes et originales. L’objet des Recherches sur lu vertu et te mérite est de déterminer quels sont les rapports qui lient, d’une part, la vertu à la croyance en Dieu ; de l’autre, le bonheur temporel à la vertu. L’homme, selon Shaftesbury, possède en lui un sens réfléchi, un sens moral qui lui fait trouver dans certaines qualités de ses semblables, dans certaines actions, dans certaines affections un objet d’amour ou de haine ; ce qui obtient ainsi l’approbation et l’amour constitue la vertu et le mérite. Cette faculté morale est naturelle et primitive. «Qu’une créature sensible, dit-il, puisse naître si dépravée, si mal constituée que la connaissance des objets qui sont à sa portée n’excite en elle aucune affection ; qu’elle soit originairement incapable d’amour, de pitié, de reconnaissance et de toute autre passion sociale, c’est une hypothèse chimérique. Qu’une créature raisonnable, quelque tempérament qu’elle ait reçu de la nature, ait senti l’impression des objets proportionnés à ses facultés ; que les images de la justice, de la générosité, de la tempérance et des autres vertus se soient gravées dans son esprit et qu’elle n’ait éprouvé aucun penchant pour ces qualités, aucune aversion pour leurs contraires ; qu’elle soit demeurée vis-à-vis de ces représentations dans une parfaite neutralité, c’est une autre chimère. L’esprit ne se conçoit non plus sans affection pour les choses qu’il connaît que sans la puissance de connaître ; niais s’il est une fois en état de se former des idées d’ac SHAF

tion, de passion, de tempérament et de mœurs, il discerne dans ces objets laideur et beauté aussi nécessairement que l’œil aperçoit rapports et disproportions dans les figures et que l’oreille sent harmonie et dissonance dans les sons... La distinction d’injustice et d’équité nous est originelle ; apercevoir dans les êtres intellectuels et moraux laideur et beauté, c’est une opération aussi naturelle et peut-être antérieure dans notre esprit à l’opération semblable sur les êtres organisés, i

Cette faculté morale est indépendante des religions, des croyances relatives à l’auteur et au gouvernement de la nature. Shaftesbury établit l’indépendance de la morale par une argumentation aussi ingénieuse que simple. « Celui qui admet un Dieu vrai, juste et bon suppose une droiture et une injustice, un vrai et un faux, une bonté et une malice indépendants de cet être suprême et par lesquels il juge qu’un Dieu doit être vrai, juste et bon. Car si ses décrets, ses actions ou ses lois constituaient la bonté, la justice et la vérité, assurer de Dieu qu’il est vrai, juste et bon, ce serait ne rien dire ; puisque, si cet être affirmait les deux parties d’une proposition contradictoire, elles seraient vraies l’une et l’autre ; si, sans raison, il condamnait une créature à souffrir pour le crime d’autrui, ou s’il destinait sans sujet et sans distinction les uns à la peine et les autres aux plaisirs, tous ces jugements seraient équitables. »

Cependant les religions ne sont pas sans influence sur la faculté morale j elles peuvent la fortifier comme elles peuvent la corrompre et la pervertir par les habitudes intellectuelles et passionnelles qu’elles font contracter. « Tant que le culte est un pur cérémonial auquel on est entraîné par la crainte ou par la violence, l’adorateur n’est pas en grand danger d’altérer ses idées naturelles ; car si, tandis qu’il satisfait aux préceptes de sa religion, qu’il s’occupe à se concilier les faveurs de sa divinité, en obéissant à ses ordres prétendus, c’est l’effroi qui le détermine ; s’il consomme à regret un sacrifice qu’il déteste au fond de son âme comme une action barbare et dénaturée, ce n’est pas à son Dieu, dont il entrevoit la méchanceté, qu’il rend hommage, c’est proprement à l’équité naturelle, dont il respecte le sentiment dans l’instant même de l’infraction. Tel est, dans le vrai, son état, quelque réservé qu’il puisse être à prononcer entre son cœur et sa religion et à former un système raisonné sur la contradiction de ses idées avec les préceptes de su loi. Mais, persévérant dans sa crédulité, répétant ses pieux exercices.se familiarise-t-il a la longue avec la méchanceté, la tyrannie, la rancune, la partialité, la bizarrerie de son Dieu, il se réconciliera proportionnellement avec les qualités qu’il abhorrait en lui, et tehe sera la force de cet exemple qu’il en viendra jusqu’à regarder les actions les plus cruelles et les plus barbares, je ne dis pas comme bonnes et justes, mais comme grandes, nobles, divines et dignes d’être imitées... Si ia méchanceté reconnue d’un être suprême influe sur ses adorateurs ; si elle déprave les affections, confond les idées de vérité, de justice, de bonté et sape la distinction naturelle de la droiture et de l’injustice, rien au contraire n’est plus propre a modérer les passions, à rectifier les idées et k fortifier l’amour de ia justice et de la vérité que la croyance d’un Dieu que son histoire représente en toute occasion comme un modèle de véracité, de justice et de bonté. La persuasion d’une providence divine qui s’étend à tout et dont l’univers entier ressent constamment les effets est un puissant aiguillon pour nous engager à suivre les mêmes principes dans les bornes étroites de notre sphère. »

D’autre part, toujours d’après le philosophe dont nous analysons les idées, l’athéisme tond à nous rendre le mérite et la vertu indifférents en les montrant indifférents à la nature, en leur ôtant, pour ainsi dire, toute valeur au sein d’un monde impassible, où il n’y a que hasard et fatalité. « Supposer, dit Shaftesbury, qu’il n’y a ni bonté ni charme dans la nature, que cet être suprême, qui nous prescrit la bienveillance pour nos semblables par les témoignages journaliers que nous recevons de la sienne, est un être chimérique, ce n’est pas le moyen d’aiguiser les affections sociales et d’acquérir l’amour désintéressé de la vertu. Au contraire, un tel système tend à confondre les idées de laideur et de beauté et à supprimer ce tribut habituel d’admiration que nous rendons au dessein, aux proportions et à l’harmonie qui régnent dans l’ordre des choses. Car, que peut offrir l’univers de grand et d’admirable a celui qui regarde l’univers même comme un modèle de désordre l Celui pour qui le tout, dénué de perfection, n’est qu’une vaste difformité remarquera-t-il quelque beauté dans les parties subordonnées ? Cependant, quoi de plus affligeant que de penser que l’on existe dans un éternel chaos, qu’on fait partie d’une machine détraquée dont on a nulle désastres à craindre et où l’on n’aperçoit rien de bon, rien de satisfaisant, rien qui n’excite le mépris, la haine et le dégoût ? Ces idées sombres et mélancoliques doivent iDtluer sur le caractère, affecter les inclinations sociales, mettre de l’erreur dans le tempérament, affaiblir l’amour de la justice et saper à la longue les principes de la vertu. »

L’athéisme pousse facilement, selon Shaftesbury, à un pessimisme misaiithrupique et

SHAF

éloigne de ces deux vertus si nécessaires à la condition humaine, la tolérance et lu résignation, à Toute créature a naturellement quelques degrés de malice qui lui viennent d’une aversion ou d’un penchant qui ne sera pas au ton de son intérêt privé ou du bien général de son espèce. Qu’un être pensant ait la mesure d’aversion nécessaire pour l’alarmer à l’approche d’une calamité ou pour l’armer dans un péril imminent, jusque-là il n’y a rien à dire, tout est dans l’ordre. Mais si i’aversion continue après que le malheur est arrivé, si la passion augmente lorsque le mal est fait, si la créature furieuse du coup qu’elle a reçu se récrie contre le sort, s’emporte et déteste sa condition, il faut avouer que cet emportement est vicieux dans sa nature et dans ses suites, car il déprave le tempérament en le tournant à la colère et trouble dans l’accès cette économie tranquille désaffections, si convenable à la vertu ; mais

avouer que cet emportement est vicieux, c’est reconnaître que, ’ dans les mêmes conjonctures, une patience muette et une modeste fermeté seraient des vertus. Or, dans l’hypothèse de ceux qui nient l’existence d’un être suprême, il est certain que la nécessité prétendue des causes ne doit amener aucun phénomène qui mérite leur haine ou leur amour, leur horreur ou leur admiration. Mais comme les plus belles réflexions du monde sur le caprice du hasard ou sur le mouvement fortuit des atomes n’ont rien de consolant, il est difficile que, dans des circonstances fâcheuses, dans des temps durs et malheureux, l’uthéo n’entre en mauvaise humeur et ne se déchaîne contre un arrangement si détestable et si malfaisant. ■

Nous venons d’exposer avec quelque développement les idées fondamentales de Shaftesbury sur les rapports de la morale et de la religion. On a pu voir par les passades ci :és qu’elles ne manquent pas d’originalité et qu’elles mériteraient peut-être d’être plus connues. Il nous faut ajouter que Shaftesbury, qui était l’ami de Locke, se sépare de ce philosophe sur la question de l’innéité des idées. Dans ses Lettres à un jeune gentilhomme quiétudie à l’université, lettres publiées après sa mort, il s’élève avec force contre les conséquences qu’il voit découler de ? la ps3’ehologie sensualiste. « C’est M. Locke, dit-il, qui a porté le premier coup. Le caractère servile et les princi’pes rampants de Hobbes, en fait de politique, sont une production empoisonnée de ia philosophie de Locke. C’est Locke qui a renversé tous les fondements de la morale ; il a détruit l’ordre et la vertu dans le monde en prétendant que les idées d’ordre et do vertu, ainsi que celle de Dieu, étaient acquises et non pas innées, et que la nature ne nous avait donné aucun principe d’équité. Il joue misérablement sur le mot d’idée innée, et ce mot, bien entendu, signifie seulement une idée naturelle ou conforme à notre nature. Car qu’importe, au point de vue de la question, la naissance ou la sortie du fœtus hors du sein maternel ? 11 ne s’agit point du temps auquel nos idées se forment m du moment auquel un corps sort d’un autre ; il s’agit de savoir si la constitution de l’homme est telle que, devenu adulte, soit plus tôt, soit plus tard, ce qui est assez indiffèrent en soi, l’idée de l’ordre et de la vertu ainsi que celle de Dieu naissent nécessairement et inévitablement en lui... La vertu, suivant Locke, n’a point d’autre mesure, d’autre loi ni d’autre règle que la mode et la coutume. La justice, la morale et l’équité dépendent de lu loi et de la volonté. Dieu est libre et parfaitement libre de faire consister le bien et le mal en ce qu’il juge à propos de rendre bon ou mauvais selon son bon plaisir. Il peut, s’il le veut, faire que le vice soit vertu et que la vertu soit vice. C’est lui qui a institué lu bien et le mal. Tout est de soi indifférent, et il n’y a ni bien ni mal qui découle de la nature des choses. Delà vient que notre esprit n’a aucuns idée du bien et du mal qui lui soit naturellement empreinte. L’expérience et notre catéchisme nous donnent l’idée du juste atde l’injuste. Il faut apparemment qu’il y ait aussi un catéchisme pour les oiseaux qui leur apprenne à faire leur nid et à voler quand ils ont des ailes. >

Pour ce qui est de la méthode, Shaftesbury regarde le ridicule comme la pierre de touche de la vérité. Il sou’ient qu’il y a certaines erreurs, surtout fii morule et en religion, qu’il suffit d’attaquer avec l’arme du ridicule au lieu de déployer, pour les combattre, l’appareil de l’argumentation sévère et savante. Les doctrines qui ne peuvent pas subir cette épreuve, dit-il, ressemblent à un b n mot qui ne paraît plus qu’un trait de faux bel esprit lorsqu’il est soumis à l’analyse, qui en détruit le charme. Il lit l’application de cette théorie dans sa Lettre sur l’enthousiasme^ publiée en 1708, satire ingénieuse où il ridiculisait le fanatisme de quelques-uns des treiubieurs des Cévennes, qui s ètaietr réfugiés en Angleterre. Il 1 érigea en système dans le Sens commun, e>sui sur la liberté de l’esprit et sur l’usage de la ruison de la ramené et de l’enjouement (1709), puis uans le Solitogue ou Avis à un auteur (1710).

Eu métaphysique, Shaftesbury prétend qu’il existe un ordre universel réglé par la Providence, où tout a sa place marque :*, où tout tend à sa fin, où, par conséquent, tout est bien. C’est la première apparition chez les modernes de cet optimisme qui a été du-