pas fermé la porte à tous les abus, elle laisse encore trop de place a l’arbitraire ; on ne peut méconnaître cependant qu’elle n’ait apporté quelque adoucissement à ce qu’il 3’ avait de cruel et d’odieux dans la mise au secret.
— Iconogr. Le sphinx était, chez les Egyptiens, l’hiéroglyphe ou l’emblème du secret ; il figurait avec cette signification sur le cachet d’Auguste. Les modernes ont représenté le Secret sous les traits d’un jeune homme tenant un sceau sur ses lèvres et marquant, par l’action de l’autre main, qu’il renferme en son cœur ce qui lui est confié ; quelquefois, au lieu d’être posé sur les lèvres, le sceau est placé simplement dans l’une des mains de ce personnage allégorique. Une figure de ce genre a été sculptée en bas-relief par Bertrand, dans la tribune du pourtour de la chapelle du château de Versailles. Une statue en plâtre intitulée le Secret a été exposée par M. E. Neble au Salon de 1839.
Un groupe en marbre des plus remarquables, sculpté par M, Hippolyte Moulin, a. ligure au Salon de 1875 sous ce titre : Un secret d’en haut. Coiffé de son pétase et chaussé de ses talonnières ailées, le caducée sous le bras, Mercure est accoudé sur la gaine d’un hermès de l’an ; il parle k l’oreille du dieu rustique et, levant vers le ciel l’index de la inuin droite, il parait lui raconter quelque scandale amoureux de l’Olympe. La i’uce de marbre de l’an s’épanouit en un large rire. Ce groupe, commandé par l’État, a obtenu un très-grand succès et a été signalé parmi les sculptures du Salon de 1875 pouvant prétendre à la médaille d’honneur. Le Mercure, aux formes jeunes, souples, élégantes, harmonieuses, forme le plus piquant contraste
avec l’hermès grimaçant et grivois du dieu Pan.
Une jolie composition de M. Adolphe Jourdan, le Secret de l’amour, exposée au Salon de 1866, a été gravée à l’eau-forte par L. Flameng. Sous le même titre, M. J.-E. Delaunay a peint une jeune fille demi-nue écoutant ce que le petit Cupidon lui chuchote à l’oreille ; ce tableau d’une fine couleur a paru au Salon de 1869. M. Charles Marchai a intitulé le Secret (Salon de 1870) une scène de genre où trois jeunes dames, de la société contemporaine, rapprochent leurs têtes charmantes pour écouter ce que raconte l’une d’elles. Un réaliste, M. Jean Desbrosses, a peint le Secret du moissonneur (1868), scène villageoise où l’on voit un jeune paysan parlant a l’oreille d’une gentille glaneuse. M. Édouard Hamman a exposé en 1873 deux pendants spirituellement composés : le Secret de la soubrette, une piquante Suzon, en costume du xvme siècle, adossée à un placard dont la porte trop prestement fermée laisse passer le par d’un habit rouge... ; les Secrets de madame, une jeune femme faisant disparaître dans son corsage un billet doux.
Secrets des femmes (les) [De secretis mulierum], ouvrage attribué k Albert le Grand et qui, suivant toute vraisemblance, est de Henri de Saxe, un de ses disciples. La première
édition, datée de 1428 (pour 1478), sans
lieu, est un in-4o gothique de 56 pages, très-rare.
Cet ouvrage, célèbre depuis le moyen
âge, a été réimprimé un grand nombre de
fois, le plus souvent avec un autre ayant pour
titre : Vertus des herbes, des jpierres et des
animaux (Liber secretorum de virfutibus herbarum, lapidum et animalium), qui n’est pas
plus d’Albert le Grand que les Secrets des
femmes. La traduction française de ce recueil,
imprimée k Turin dans le courant du
xvi» siècle, a pour titre : le Grand Albert.
Des secrets des vertus des herbes, pierres, bustes et aultres livres des merveilles du monde,
d’aucuns effets ’causés d’aucunes bestes. Item
y est.de nouveau adjousté ung traicté de lJfine
déterminant des secrets et merveilles d’aucunes choses naturelles. Les secrets des femmes
et homes composés par le Grand Albert et
nouvellement translatés en français tout au
long corrigez et amandez. V. Grand Albert.
Le livre De secretis mulierum est proprement un traité de la génération, qu’on ne pourrait traduire littéralement en fiançais sans manquer aux convenances les plus élémentaires. À part le cynisme de chaque expression, il ne renferme aucune théorie remarquable, mais un exposé tout empirique de phénomènes dont on ne rend aucun compte. Il y a même des milliers d’erreurs partielles que la physiologie et l’anatomie ont depuis montrées dans tout leur jour. Cependant l’auteur anonyme sait à peu près ce que les anciens ont dit sur la matière, et il le répète en un latin scolastique difficile à digérer, 11 emploie d’ailleurs la méthode syllogistique, qui apparaît là dans sa splendeur grotesque. Continuellement il invoque le témoignage d’Averrhoès, d’Aristote, de Salomon ou de l’Évangile k propos des choses les plus saugrenues. Il y a un chapitre intitulé : De la formation du fœtus. On y enseigne que Saturne préside à la conception de l’enfant. La matière première de l’enfaut est céleste d’après ce que dit Philon, que toute cause a une origine céleste. Durant la croissance de l’enfant, quand 1 rôle de Saturne est terminé, celui de Jupi’.^r commence. Saturne a fourni la substam r de l’être, Jupiter, donne aux membres la forme ; il préside au second mois de la grossesse, Saturne présidant au premier. Murs préside au troisième mois, le Soleil au quatrième, Vénus au ciu SECR
quième, Mercure au sixième, la Lune au septième ; au huitième mois, Saturne revient, et l’influence de Jupiter domine dans le neuvième. Chacun de ces principes opère sur l’enfant suivant sa vertu propre. Tout cela s’étale devant vous sous une forme grave, k la fois affirmative et inquiète d’établir la vérité de tout ce qu’on avance. C’était la science du temps. Comme toujours, elle a un aplomb solennel, s’autorise de la dignité du vrai pour mépriser lès préjugés. La Bible ne pèse pas plus sur elle que sur l’esprit des physiologistes modernes, et on sent qu’elle est fièrede cette indépendance.
11 faut voir avec quelle assurance on démontre quelles sont les propriétés de chaque mois de l’année à propos du sexe, de l’espèce et des qualités personnelles. L’enfant mâle est conçu dans le mois de mars, l’enfant du sexe féminin dans le mois de mai, les chiens dans le mois de février.
Dans un chapitre intitulé : De l’influence des planètes, l’auteur prouve que les planètes sont les dieux de la nature et qu’elles la gouvernent comme un roi gouverne son royaume. L’univers sensible est donc soumis à ces forces sidérales et toute sa vertu procède d’elles. Mais, se dit le grand philosophe, si les planètes sont les dieux de la nature, que fait donc le ciel étoile ? Réponse : Le ciel est bien la cause première de l’univers, mais les planètes sont les ministres de cette cause première, elles transmettent et exécutent ses ordres au sein de l’espace. C’est bien pourquoi elles ne sont pas immobiles, mais voyagent sans cesse, d’où vient leur nom qui en grec signifie errer. Ici l’auteur décrit les occupations quotidiennes des sept planètes dont il a été question tout à l’heure sous le nom de dieux.
Après la création physique de l’homme, l’auteur explique celle des animaux, puis, dans une série d’opuscules adjoints au principal, De secretis mulierum, il traite tour à tour des végétaux, des minéraux, et, parmi ces derniers, des pierres précieuses et de leurs propriétés. Le livre a, en définitive, la prétention d’être un cours complet d’histoire naturelle et représente assez bien l’état des sciences physiques au moyen âge. Comparées à ce qu’elles sont devenues maintenant, elles ne sont encore rien. Il y a pourtant dans ces livres si imparfaits et en même temps si prétentieux des notions variées, quelquefois exactes, mais non coordonnées et ne se rapportant à rien. L’intervention continuelle de l’imagination et des préjugés dans le soin de trouver la cause de chaque phénomène donne lieu à des hypothèses surprenantes, qui supposent une incroyable faiblesse de la raison.
Secret des philosophes (le), livre d’alchimie, de Bernard le Trévisan (xve siècle).
Cet ouvruge est curieux, non-seulement par
« les recettes qu’il donne pour opérer le grand
œuvre (car on devine que ce secret des philosophes,
c’est la pierre philosophale), mais
par le récit des tribulations ordinaires des
alchimistes. Né riche et comte par-dessus le
marché, Bernard de Trévise n’en fut pas
exempt et son récit aurait dû donner à réfléchir
aux adeptes. De quel ton lamentable il
fait la somme des écus dépensés par lui k la
recherche de cet insaisissable talisman ! « Le
premier livre que j’eus, dit-il, fut Rhasès ;
j’employai quatre ans de mon temps, et me
coûta bien 800 écus en l’éprouvant ; et puis
Géber, qui m’en coûta bien 2,000 et plus, et
toujours avec gens qui m’affiamboient pomme
détruire. Je vis le livre d’Archélaus par
trois ans ; là où je trouvai un moine, lui et
moi labourâmes pendant trois ans, et es livres
de Rupecissa, et avec eau-de-vie rectifiée
trente fois sur la lie, tant que, #en mon Dieu,
nous la fîmes si forte, que nous ne pouvions
trouver verre qui la souffrît pour en besogner,
et y despendîmes bien 300 écus. » Il
passa ainsi douze ou quinze ans sans rien
trouver et il énumère toutes les matières sur
lesquelles il s’essaya, les sels, les ammoniaques,
l’alun, l’urine, les cheveux, qu’il alambiilua
dans les cornues par « ascension et
deseension, fusion, ignition, élénientation,
rectification, êvauoration, conjonction, sublimation,
etc. » Travail inutile, argent perdu.
La pierre philosophale ne se montrait pas.
Et Bernard avait dépansé plus de la moitié
de sa vie et de sa fortune ; il avait cinquante-huit
ans. Il se mit en route, alla à Rome, en
France, en Écosse, en Espagne, en Grèce et
jusqu’en Perse, rencontrant beaucoup de gens
qui, comme lui, cherchaient sans trouver.
Revenu de si loin, il sut encore rencontrer
« un bon clerc religieux» qui lui fit dépenser
inutilement 500 écus. Il était temps de réussir,
Bernard avait -soixante-deux ans et la
bourse absolument vide ; dans un dernier et
suprême effort, il trouva le grand secret.
Voici l’allégorie par laquelle il décrit l’opération
et les phases diverses par lesquelles
le métal doit passer ; malheureusement le
métal dont il est question est inconnu, il ne
le nomme pas. « Sachez, dit-il, que le roi entre
tout seul, et nul étranger ni nul de ses
gens n’entre dans la fontaine. Toutes les fois
qu’il y est entré, premièrement il se dépouille
de su robe de drap de fin or battu et la baille
à son premier homme qui s’appelle Saturne.
Adonc Saturne la prend et la garde pendant
quarante jours. Après, le roi dévêt son pourpoint
de fin velours noir et le donne a son
second homme, qui est Jupiter, et lui le garde
SECR
vingt jours bons. Adonc Jupiter, sur le commandement du roi, le baille à la Lune, qui est sa tierce personne, belle et resplendissante, et le garde vingt jours. Et ainsi le roi est en sa pure chemise blanche comme neige ou fine fleur, plus que sel fleuri. Alors il dévêt sa chemise blanche et fine et la baille à Mars, lequel pareillement la garde quaranle jours ; et, après cela, Mars la baille k Soleil, jaune et non pas claire, qui la garde quarante jours..Et après vient le Soleil, très-beau et sanguin ! •
Outre cette chimérique et incompréhensible recette, on troave dans ce livre une théorie surprenante sur la chaleur. « La chaleur, dit Bernard de. Trévise, ne provient pas du soleil, mais de la réflexion des rayons qui traversent l’air et du mouvement perpétuel des corps célestes. Le soleil n’est par lui-même ni froid ni chaud, mais son mouvement donne naissance à la chaleur qui pénètre dans les entrailles de la terre, à Ainsi, dans l’opinion de l’auteur, ajoute M.Hœfer (Histoire de la chimie), la chaleur n’est qu’un mode de mouvement. On dirait que Bernard avait un peu deviné la physique du xrxe siècle.
Secret du Marseillais (LE), par Diderot (1767). Ce tout petit conte est d’une remarquable
finesse. Un eunuque chargé de la fourniture
du harem d’un pacha ne sait comment
satisfaire les goûts changeants de son maître.
Un Marseillais lui conseille d’acheter une
petite brune aux veux bleus, dont il semble
faire fi. Elle enchante le pacha. Dix mois
plus tard, l’eunuque, rencontrant le Marseillais,
lui demande son secret pour choisir les
femmes. « Tu vas le savoir, répond l’autre.
J’avais vu débarquer la fille et dès ce moment
je la désirais ; je ne dormais plus et
je suis sûr que si j’avais eu 500 sequins je l’aurais
soufflée à ton pacha. Voilà tout mon secret,
— Ah ! dit l’eunuque en s’éloignant tristement, je vois que je ne m’y connaîtrai jamais. » Que de gens sont dans le cas de l’eunuque, mais n’ont pas la franchise d’en convenir 1 Cela, dit sans méchanceté, peut s’appliquer à bien des Zoïles qui prétendent se poser en Aristarques. Néanmoins, il est des exceptions et on a vu des gens posséder k un haut degré le sens critique, bien que dépourvus de la faculté d’invention.
Secret de Javotte (LE), conte, par Alfred de Musset (1842, in-8o). Ce secret que possède
Javotte est la ba>e, bien fragile, sur laquelle
repose toute l’historiette. Tristan de
Berville, se trouvant au bal de l’Opéra, y a
fait la connaissance d’une grisette et il apprend,
un peutrop tard, que cette femme est
la maîtresse d’un de ses amis, officier comme
lui et du nom de Saint-Aubin. Ce dernier
veut d’abord se fâcher ; Tristan lui représente
que deux amis ne devaient pas se couper
la gorge pour une petite demoiselle qui
court les bals, et l’affaire est oubliée. Quelque
temps après, Tristan passe un congé chez
sa mère au château de Clignets. Une jeune
et jolie veuve, la marquise de Vernage, habitant
un château voisin, vient souvent aux
Clignets et il arrive tout naturellement que
le jeune et brillant officier se laisse subjuguer
par les charmes de la belle marquise.
Celle-ci ne se défend que tout juste assez
pour avoir le plaisir de se laisser vaincre, et,
un soir, entre un soupir et un baiser, elle dit
h Tristan qu’elle connaît son histoire du bal ;
que Saint-Aubin est venu lui en demander
raison, qu’il a reculé et qu’alors... Tristan ne
la laissé pas achever : « MadameVa marquise,
lui dit-il, un homme qui souffre qu’un autre
homme lève la main sur lui impunément s’appelle
un lâche, vous le savez très-bien. » Et,
là-dessus, il prend son chapeau et s’en va. Il
n’a plus qu’une idée en tête : aller trouver
Saint-Aubin et le ramener pour que la marquise
entende de sa bouche qu’on lui a répété
un sot conte et que ceux qui l’ont forgé en
ont menti. L’honneur de la famille des Berville
dépend de ce témoignage d’un galant
homme et Tristan ne veut rien épargner pour
confondre la médisance. Le soir même il
part pour Paris en compagnie de son frère Armand,
qu’il a mis dans la confidence, et tous
deux arrivent k l’hôtel où ils présument trouver
Saint-Aubin. Ils apprennent sa mort. Où
trouver un témoin qui atteste ce qui s’est
passé dans le téte-k-téte de Tristan et de
Saint-Aubin après l’aventure de l’Opéra ? Le
jeune officier calomnié se rappelle tout it coup
que, en signe de bonne amitié, les deux amis
ont fait graver la date de cette petite brouille
et leurs noms dans un bracelet qu’ils ont envoyé
à la grisette en question. Il croit se
rappeler qu on l’appelait Javotte ; quant k son
adresse, il en a complètement perdu le souvenir.
Cependant, k force de pas et de déinarches,
il finit par avoir un indice, Javotte
est retrouvée. On lui redemande le bracelet ;
elle se fait prier, car elle est devenue une
grande dame ; mais cependant elle promet
de le rendre en échange d’un autre bijou.
Tristan court chez un orfèvre et en chemin
il heurte dans l’antichambre le sieur de La
Bretonnière, un autre voisin des Clignets qui
papillonne sans cesse autour de la marquise
de Vernage. Tristan, irrité contre tout le
monde, bouscule ce monsieur et le provoque
pour le lendemain, puis il reprend sa course
et arrive chez Eossin, où il achète le bijou
demandé. Rentré chez lui, il l’envoie k lavotte
en lui redemandant le bracelet. Mais
SECR
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celle-ci est sortie et ne reçoit le bijou que trop tard pour renvoyer à Tristan ce qu’il lui demande. Le lendemain, elle veut réparer elle-même le temps perdu, prend son châle et son chapeau, et sort sans oublier le précieux talisman que Tristan doit attendre si impatiemment. Arrivée à l’adresse indiquée :
« Monsieur de Berville ? demande-t-elle.-Hélas, madame lui répond le concierge, il s’est battu..., on vient de le rapporter..., il est mort ! » On ne peut rien imaginer de plus fantaisiste qu’un pareil roman. À tout instant on croit saisir l’idée qu’a eue l’auteur, mais elle vous échappe, et si vous pensez l’avoir saisie de nouveau, elle vous échappe encore. Est-il besoin de dire que l’insuffisance du canevas est amplement rachetée par la finesse et la grâce de la broderie ?
Secret (le), roman anglais de Wilkie Collins
(1857). Le Secret est un des plus intéressants
romans de l’auteur, surtout par la manière
dont il est conduit. L’intérêt, éveillé
dès le début, se soutient, va en croissant
jusqu’au dénoûment, sans langueur et sans
fatigue. Le capitaine Treverton a épousé une
actrice malgré sa famille. Pendant un de sesvoyages, Sarah Leeson, la femme de chambre
de sa femme, accouche d’une petite fille,
dunt le père, Hugh Polwheal, a péri par accident
avant de pouvoir légitimer sa naissance
par un mariage. Afin de redoubler l’amour de
son mari et de faire passer la fortune du capitaine
dans sa propre famille, mislress Treverton
prend si bien ses mesures que tout le
monde la croit mère de l’enfant ; mais, k son fc
lit de mort, elle donne k Sarah une lettre
dans laquelle elle avoue la vérité à son mari.
D’un naturel craintif, Sarah n’ose remettre
la missive et la cache dans une chambre
abandonnée du manoir. Bien des années se
sont écoulées, le capitaine est mort laissant
sa fortune à Rosamonde Leeson, qu’il croit
saillie et qu’il a mariée k Léonard Frankland,
un jeune savant devenu aveugle. Le hasard
met en présence la mère et la fille, et Sarah
laisse échapper, non pas le secret lui-même,
mais l’existence de ce secret et du lieu où il
est enfoui. Léonard et Rosamonde se rendent
k Porthgenna-Tower, où, en dépit des précautions
prises par Sarah, ils découvrent la
fatale lettre. La franchise de Rosamonde, qui
révèle tout à son mari, étouffe promptement
je chagrin que peut lui causer sa mésalliance
involontaire, et tous deux se mettent k la recherche
de Sarah Leeson. Rosamonde ne retrouve
sa mère que pour la voir mourir, heureuse
de ne pas emporter le secret dans sa
tombe et de savoir que sa fille conserve l’héritage
des Treverton.
Telle est l’analyse succincte de ce roman singulier, où le mystère règne d’un bout k l’autre pour ne s’éclaircir qu’aux dernières pages, qualité rare dans un ouvrage de ce genre ; l’unité la plus sévère rallié tous les faits à un seul point, le secret. C’est lui qui commande aux événements, qui fait marcher et agir tous les personnages. Le Secret peut être considéré comme le type du romantisme en Angleterre : singularité dans le sujet, naturel et vérité dans les détails, tout s’y enchaîne et reste subordonné au plan général. Mais le talent de Wilkie Collins brille surtout du plus vif éclat dans la peinture des scènes d’intérieur. Les personnages des romans français parlent et agissent toujours comme des héros de roman ; les héros des romans anglais s’expriment et se conduisent comme on parle et comme on agit dans la vie réelle. Il y a dans le Secret deux ou trois scènes dignes du pinceau d’un maître : le voyage de Sarah Leeson k Porthgenna pour ravir la lettre de mistress Treverton, dont elle a révélé l’existence ; la scène où Kosamonde apprend à son mari le secret de sa naissance et enfin la mort de Sarah Leeson. De tels tableaux suffisent pour faire vivre un ouvrage et pour assurer au Secret une place distinguée dans la littérature moderne de l’Angleterre.
Secret d’une renommée (LE), roman de Stephen de La Madelaine (1859). La renommée
dont il s’agit est celle d’une femme auteur,
dont le mari écrit les romans, sans que la
moindre indiscrétion trahisse ce secret. Hélène
d’Estang, contrairement au portrait ordinaire
d’un bas bleu, est une jeune et jolie
femme du inonde, qui remplace la pédanterie
par la coquetterie. Eu partie de chasse chez
le baron d’Amussat, elle est frappée de la
beauté et de la noblesse d’un garde-chasse,
Bastien Perreira, et veut à toute force voir
en lui un héros de roman, un Parisieu déguisé.
Poursuivie par cette idée, elle ne recule devant
aucun danger pour assister à tous les
incidents d’une chasse k l’isard, si bien que
sans le dévouement du garde-chasse, peut-être
eût-elle perdu la vie. Rien n’excite plus
promptement l’amour que la communauté de
périls, et, à l’issue de la chasse, sans avoir
échangé un mot, Hélène et Bastien se sont
mutuellement révélé leur passion. À partir
de ce moment, une singulière intrigue se
noue entre eux. Jamais ils ne se voient et
cependant chaque jour quelque nouvelle ’attention
révèle à Mme d’Estang qu’elle occupe
toutes les pensées du hardi chasseur. La
délicatesse de sa conduite confirme Hélène
dans son opinion ; une preuve convaincante
vient lever ses derniers doutes. Bastien lui
fait parvenir le récit de sa vie. Il est bien ce
qu’il représente, un Antinous rustique et un
grand seigneur. De simple paysan, il s’est