élevé, par ses talents littéraires, jusqu’au titre de marquis, qu’une hovrible catastrophe l’a forcé de cacher sous la veste Je bure. Trompé par sa femme, il l’a poignardée. Le reste du roman se devine facilement. Hélène est libre ; la femme de Bastien, marquis de Rochebrune, est morte : ils sont jeunes et beaux tous deux, tous deux s’aiment ; un raaringe fera oublier à Bastien ses chagrins et servira de conclusion au roman intime de Mme d’Estang.
Secret de Polichinelle (LE), roman de mœurs, par M. Laurent Pichat (1862, in-18).
. Cette étude de mœurs est prise sur le vif,
mais un peu poussée au noir. Maurice Delayen
se trouve subitement riche de cinq ou
six. millions, par la mort de son père, et,
jeune, confiant, il offre une proie facile aux
intrigants. Ses larmes n’ont pas encore eu le
temps de sécher que ceux-ci ont ouvert la
chasse. Le général de Pontbriquet lui emprunte
son argent sur biilets qu’il ne paye
jamais, et M™« d’Aygaliers, tartufe féminin,
quêteuse infatigable, qui vit sur les sommes
qu’elle recueille au nom des pauvres, tout en
faisant d’incessants appels à la charité de
Maurice, parcourt avec lui la gamme deamour mystique, puis celle de l’amour sensuel.
Maurice se laisse enchaîner duns leurs
filets et. par faiblesse de caractère, il deviendrait
complètement leur dupe, sans son ami
Arsène, le Dégenais du roman, dont l’expérience
vient l’éclairer chaque fois qu’il trébuche.
Pour le remercier, Maurice tente
de séduire sa maitresse, Puule Dionay, un
esprit supérieur dans un corps maladif, dont
il cause involontairement la mort par le trouble
qu’il jette dans son existence. Sans insister
sur les péripéties de ce drame, tantôt
émouvant, tantôt comique, nous irons droit
au dénoùment. La tille de Mme d’Aygaliers,
Léontine, nature fuite pour le plaisir, mais
cœur excellent, fatiguée de l’hypocrisie de sa
mère, s’échappe et devient la maitresse de
Maurice ; de Pontbriquet, percé à jour par
Maurice, rentre en colère chez lui et met à
la porte sa sœur et sa nièce Marguerite, un
ange de candeur, qu’il nourrissait par ostentation.
Mm" d’Aygaliers, furieuse de se voir
supplantée par sa tille auprès de Maurice, va
continuer en province ses bonnes œuvres lucratives,
et Maurice, après avoir quitté Léontine,
qui se marié et devient uno honnête
femme, épouse Marguerite de Pontbriquet.
Quant à Arsène, comme il est sorti pendant
les funestes journées de juin 18J8 pour aller
soigner les blessés, il est arrêté et déporté.
Dans une dernière entrevue avec Maurice, il
lui donne, sous forme de conseils, la morale
du livre et l’explication du titre : «Quand on
veut parler d’une chose que tout le monde
sait, ou dit vulgairement : «C’est le secret de
Polichinelle. » La vie en masse ne peut pas
être mieux qualifiée ; tout est connu, .prévu ;
les rôles sont distribués d’avance, et, par une
convention tacite, par une complaisance foicée,
par une soumission fatale, les dupes se
laissent duper, obéissant peut-être il la même
loi magnétique qui fait que les oiseaux tombent
dans la gueule du serpent. Tout est su
de tous. Un vrai sentiment, par hasard,
échappe a la règle commune ; il est bien de
le deviner, mais on ne doit jamais l’admettre
d’autorité, tant il est improbable. Voyons, astu
pensé un seul jour, un seul instant que
Pontbriquet agissait de bonne foi et te payerait
les tant pour cent fantastiques qu’il promettait
à tes capitaux ? Non ! tu te sentais
entre les mains d’un habile escroc et tu te
laissais faire. As-tu cru que Mme d’Aygaliers
t’aimerait jamais ? Non, tu savais que l’urne
de cette femme était usée et que les plus
pures tendresses ne la rajeuniraient pas, et
pourtant tu lui livrais tes années, ta vie, ces
illusions, ces rêves dont on parle tant, ce que
nous avons de meilleur en somme. Elle eût
fait de toi un être haineux, qui n’eût jamais
pardonné aux autres femmes d’avoir été platement
trompé par celle-là. Lutter contre de
semblables résistances estd’un insensé ; certaines
amours nous tordent le cœur et le
faussent. Tout le inonde connaissait tes sottises,
on en parlait autour de toi, tu devinais
ce qu’on pensait, et tu vivais ainsi en plein
secret de Polichinelle, et ce qui te reuduit
difficile à guérir’, c’est que toi-même tu savais
que tous avaient raison. >
Secret de lady Audley (le), roman anglais de miss M.-E. Braddon (Londres, 1802, 2 vol. in-8°). Cet ouvrage révèle une singulière
témérité de pinceau chez une femme. A défaut
de l’adultère, qui n’a pas encore obtenu
droit de cité parmi les jeunes filles auteurs
d’outre-Manche, miss Hraddon a choisi pour
sujet la bigamie. Le début du livre est dramatique.
Victime d’une de ces imprudences
généreuses que multiplie en Angleterre l’habitude
des mariages précoces et trop faciles,
George Talboys a épousé, malgré son père,
une jeune fille pauvre, Helen Muldon. Ne recevant
plus rien de son père, le jeune homme
a.bienlôi épuisé ses dernières ressources et
les nouveaux époux restent face à face avec
une cruelle réalité. Avec la fortune l’amour
s’est envolé à tire d’aile du cœur d’Helen,
qui rend George si malheureux qu’un so.r,
sans prévenir personne, il s’embarquo furtivement
pour l’Australie. Il revient au bout
de trois uns, riche de vingt mille livres sterling,
enivré de bonheur eu songeant à sa
femme chérie et à son enfant. À peine arrivé,
SECR
il lit dans un journal l’annonce de la mort de sa femme. N ayant plus goût à la vie, n’acceptant qu’à regret l’enfant qui lui reste en échange de ia femme qu’il a perdue, il traîne ses jours pendant toute une année auprès d’un ami dévoué, dont la tendresse virile le soutient dans cette épreuve terrible. Cet ami se nomme Robert Audley, et l’oncle de celui-ci, Miehaiil Dudley, longtemps resté veuf avec une tille unique pour héritière, vient de se remarier tout récemment, à un âge avancé, par un coup de tête digne d’un jeune homme, avec miss Lucy Graham, une petite gouvernante dont on ignore les antécédents. L’Eglise anglicane n’exige point la production des pièces que réclame chez nous une municipalité tutélaire, sinon cémariage eût été impossible, et le roman se serait arrêté court dès la première page, car Lucy Graham n’est autre que la pi étendue morte, Helen Muldon, la femme de George Talboys.
Robert Audley, qui doit être présenté à sa nouvelle tame, veut emmener son ami George Talboys. Prévenue de ce dessein qui l’épouvante à bon droit, lady Audley cherche par tous les moyens possibles à éviter cette rencontre. Eu son absence, Robert et George pénètrent dans ses appartements et George y trouve son portrait. L’effet de cette espèce d’apparition sur le malheureux, dont elle ravive la douleur et qu’elle plonge dans le plus profond étonnement, est essentiellement dramatique ou plutôt théâtral. Son gant, tombé de ses mains frémissantes, reste la comme un défi porté devant Cette toile à la femme coupable. En le trouvant, lady Audley devine tout, et sa pénétration va jusqu’à lui faire comprendre que dès le lendemain même une rencontre est inévitable entre elle et George. Celte entrevue décisive, elle l’attend avec un impénétrable sang-froid. À l’heure indiquée, George Talboys s’enfonce avec elle dans un massif de feuillage, et de ce moment il disparaît. Lady Audley rentre paisiblement au château une heure après, apportant des gerbes de fleurs dans sa robe de mousseline et remonte dans ses appartements. Là, sur la table du boudoir, elle retrouve le gant de George, qu’elle fait jeter par Phœbé Matko, sa servante, et celle-ci, digne de sa maîtresse, lui laisse entrevoir que ce qui s’est passé dans la profondeur des bois n’est pas un mystère pour elle et qu’il faudra payer fort cher son silence. Ce secret sera doublement exploité, car Phœbé est à ta discrétion d’un rustre qui a promis de l’épouser et qui la domine par la terreur. Il exige que lady Audley les installe dans une bonne auberge qu’elle leur achète, tombant, pour premier châtiment, sous la sujétion de ce misérable ivrogne. Elle rencontre un ennemi autrement redoutable dans Robert Audley, que l’inexplicable disparition de son ami a plongé dans les plus terribles perplexités. Ses soupçons se sont éveillés il propos d’une marque queluialnissé entrevoir, eu se dérangeant, un des bracelets de l’élégante châtelaine, cicatrice dont elle a expliqué l’origine parut) mensonge flagrant. À partir de là, et tandis qu’il cherche de tous côtés les traces de George, mille incidents fortuits le ramènent, en dépit de lui-même, sur la voie d’un crime. Cette obsession du hasard, qui finit par le dominer tout entier et communiquer à ses idées une fixité voisine de la monomaiiie, est certainement ce qu’il y a de plus réussi dans ce roman. C’est eu effet par une véritable inspiration d’artiste que l’auteur a mis en un contraste saisissant lu rôle providentiel assigné à l’honnête Robert et sa nature paresseuse, la répulsion qu’il éprouve à remplir vis-à-vis d’une femme l’implacable fonction de bourreau et le respect involontaire que lui inspire l’amour aveuglément confiant de sir MiuhaBt. Peutêtre même céderait-il à toutes ces considérations réunies, peut-être le paralyseraientelles au moment décisif sans 1 amour profond que lui a inspiré Clara Talboys, la sœur de George, et sans le cri de vengeance qu’elle fuit sans cesse retentir à ses oreilles en lui montrant du doigt le but sacré vers lequel, s’il ne veut faillir à sa mission et encourir le mépris de cette vaillante créature, il faut marcher sans pitié ni trêve.
Acharné et habile en son enquête comme un vieux juge d’instruction, il a fini par réunir tous les fils de cette trame compliquée, moins un. Il a vérifié que, par une combinaison machiavélique et avec la complicité de son père, Helen a simulé un décès en règle à l’aide d’une substitution. Il sait it quel moment elle a fait peau neuve ; il a les preuves matérielles de son changement de nom. Il peut établir déjà, par des témoignages certains, la nullité de son mariage et 1 intérêt puissant qu’elle avait à faire disparaître son premier époux, inopinément revenu. Cependant il hésite encore. Il espère obtenir de cette femme, par une sorte d’accord tacite, qu’elle disparaisse et qu’en s’éioignant du châtiment suprême, elle le décharge de sa mission vengeresse. Par des menaces, par des avis indirects, il la met en demeure de s’éloigner, et, comme elle résiste, il la pousse à une de ces extrémités.qui semblent si contraires à son organisation féline. Ici se place la scène capitale de l’ouvrage, scène destinée sans doute à être applaudie Sur quelque théâtre du boulevard, sous le titre de l’/ucendie.
Profitant des paroles menaçantes de Robert, lady Audley décide son mari à s’èloi SECR
gner du château. Le jeune homme so retire à l’auberge, chez Phœbé, qu’il envoie porter un dernier avis à sa tante. C’en est fait, le moment de la lutte est venu. Tout en réfléchissant, lady Audley écoute distraitement son ancienne bonne, qui se plaint des imprudences de son mari ; l’ivrogne les a exposés plusieurs fois à êire brûlés vifs dans leur lit.
— dirûlésdans votre lit 1» répète machinalement lady Audley ; et soudain se dresse à ses yeux l’image de cette misérable auberge exposée à tous les vents, dévorée par les flammes et s’abîmant en quelques instants sur ceux qu’elle abrite. Le lendemain, elle se rend dans la maison de Phœbé, y passe quelques minutes, mais elle y emploie bien son temps et sort emmenant avec elle la trop confiante Phœbé, k qui certains souvenirs eussent du pourtant donner l’éveil et qui croit à peine à la vérité quand elle voit en chemin s’élever la brillante clarté d’un incendie sur l’emplacement de sa maison. Ce crime, qu’un hasard bienveillantse charge de déjouer, décide la question contre lady Audley et brise le fil qui retenait au-dessus de sa tète l’épée menaçante. Robert, miraculeusement échappé
des flammes, reparaît chez son oncle dégagé désormais de tout scrupule. Les preuves qu’il apporte sont écrasantes, et lady Audley, définitivement vaincue, n’a plus qu’à se courber. Ses aveux sont alors complets, et devant son époux consterné, avec un impassible sang-froid, elle raconte un à un tous les artifices k l’aide desquels elle a réalisé ses plans audacieux et voulu consolider sa frauduleuse prospérité. Elle confesse même qu’elle a tué George Talboys, mais sans préméditation, sous lo-coup des reproches et des menaces dont son premier mnn l’accablait et sous l’irrésistible empire d’uno maladie héréditaire. Le véritable secret do lady Audley et en, même temps l’excuse de ses forfaits, ce sont les défaillances momentanées de sa raison. À la justice clémente qui la poursuit elle offre ainsi, pour la dérober au dernier supplice, une ressource dont sir Micliuël et son neveu ne manquent pas de se prévaloir. Au lieu de la livrer aux tribunaux, c’est dans une maison de fous qu’on la reléguera. Le roman semble terminé, il n’en est rien. En écrivain habile aux coups de théâtie, miss Braddon nous réserve une dernière surprise. Le mari de Phœbé, sauvé des flammes par Robert, mais blessé mortellement, livre à ce dernier tous les secrets qu’il avait gardés jusqu’alors. Talboys, précipité à l’improvisto dans un puits par lady Audley, a survécu à cette horrible chute. Luke l’a retrouvé !e même jour, sanglant et brisé, dans le parc. Il l’a recueilli, et le malheureux George, dédaignant la vengeance, s’est empressé de
s’expatrier. On devine la fin : la récompense de Robert Audley est la main de Clara Talboys ; George revient d’Amérique juste à temps pour assister à leur mariage et pour apprendre que le sort, lui réservant un dédommagement, l’a délivré de sa dangereuse
épouse, morte au milieu des fous.
Ce roman a obtenu un succès éclatant en Angleterre, malgré ses invraisemblances, ses combinaisons violentes et vulgaires, où se trouvent accumulés tous les éléments du draine à sensation. Ce qui explique sou succès, c’est qu’il a su se créer une place à part, grâce à une certaine vivacité do style, à l’habileté des sous-entendus, au naturel du dialogue, à un certain vernis de littérature et à cette faculté indéfinissable qui permet de créer un type et de lui donner la consistance, le mouvement, la physionomie, l’accent d’un être humain. « Le contraste est frappant, dit M. E.-D. Eorgues, entre la vérité des personnages et le mensonge flagrant du drame où ils se meuvent ; c’est l’effet d’une méchante pièce jouée par d’intelligents acteurs ; ce serait aussi celui d’un mauvais tableau d’histoire où un peintre habile de portraits aurait introduit quelques têtes excellentes. >
Secret du bonheur (le), roman de M. E. Feydeau
(Paris, 1864). Ce roman est tout à fait
à part dans l’œuvre de l’auteur ; il n’y est
question d’aucune de ces dépravations morales
qui, d’ordinaire, lui servent de sujet
d’étude. Nous sommes en Algérie. Un décret
vient d’ordonner l’établissement d’un village
au fond de la baie du Montararach, et le capitaine
Thierry a reçu mission de diriger les
travaux. Veut depuis plusieurs années et ne
possédunt plus au monde que sa filie Noétni,
M. Thierry n’a pu se décider à s’en séparer,
et il l’a emmenée avec lui pour tout le temps
que doit durer son séjour dans sa nouvelle
résidence. Le chemin de Milianah, d’où il
part, jusqu’au Montararach est hérissé d’obstacles
et de dangers, que M. Eeydeau nous
décrit un à un avec une complaisance et une
minutie de pinceau vraiment remarquables.
Le passage de la rivière d’Oued-Dhamous lui
fournit surtout l’occasion d’étaler les plus riches
couleurs de sa palette, et si nous n’avions
assiste déjà, dans une foule de romans,
à des scènes du même genre, nous pourrions
nous intéresser au sauvetage de Nuémi par
Étienne, le Û.s du comte de Bugny, ancien
colonel, qui a quitté le service | our se faire
colon sur le territoire des Beiii-Haoua. Le
hasard veut précisément que le comte de
liugny soit l’ancien camarade du capitaine
Thierry, ce qui permet à celui-ci d’accepter
l’offre qui lui est fuite de laisser Noémi a la
SECR
ferme, voisine do Montararach. De cette façon, il aura la satisfaction d’avoir sa fille près de lui, sans l’exposer h tous les inconvénients qu’il prévoit avoir k supporter pour accomplir dignement la mission qui lui a été confiée. Ce capitaine Thierry est un brave officier, rivé à l’épaulette comme le laboureur à sa charrue ; mais, à force d’attendre en vain l’avancement auquel il a droit, il a fini par devenir ombrageux, chagrin, taciturne, restant ennemi du mal, mais croyant peu au bien et résigné à ne pas connaître le bonheur sur cette terre. Le père d’Étienne, au contraire, le kebbir, comme l’appellent par respect les Arabes, a donné sa démission de colonel par mépris des honneurs et surtout à cause de la répugnance qu’il avait à combattre les Arabes ; il n’est pas partisan du régime militaire en Algérie, et il a voulu, en se faisant colon, donner aux indigènes l’exemple du travail, de la loyauté et de toutes les vertus ; il a voulu surtout, entouré de sa famille qui se compose de sa femme, de son fils Étienne et de su fille Marguerite, faire autour de lui tout le bien qu’il lui serait possible et se procurer ainsi la satisfaction d’une vie modeste, mais paisible et honorée. C’est dans la différence de ces deux caractères que M. Feydeau a voulu placer l’intérêt moral de son livre, comme dans l’amour d’Étienne et de Noémi il en a développé l’intérêt romanesque.
Il serait trop long d’entrer dans le détail des moyens employés pour arriver à ce double but ; qu’il nous suffise de dire, ce qu’on peut deviner sans grand effort, que le capitaine Thierry, grâce aux bons offices de son ancien camarade, est nommé coirunandunt en chef du bureau arabe et que Noémi devient la femme d’Étienne. Il est vrai que, pour arriver à ce résultat, le kebbir a dû faire pr.euve de beaucoup de dévouement, sacrifier bien des fois son repos à celui des autres, sa fortune à celle d’autrui, et cela prouve que la vraie destinée de 1 homme est de faire le bien, et là seulement est le véritable secret du bonheur. À côté de l’action principale s’en déroule une autre, qui n’est pas la moins digne d’intérêt. M. Eeydeau a visité l’Algérie, et il nous peint toute une partie de cette contrée dans une suite de scènes où se retrouve la touche vigoureuse du peintre de Daniel, de Catherined’Ooermeire et de Syloie. ij’ai bien moins voulu, nous dit-il dans sa préface, raconter une légende d’amour que décrire une certaine contrée peu connue et, en même temps, exprimer une certaine manière de penser, de sentir, d’agir chez les gens réunis par hasard dans cette contrée attrayante." Il décrit avec soin le moindres sites, les plus petits cours d’eau, les mœurs publiques et privées des Arabes, leurs habitudes, le degré de perfectionnement de leur civilisation, etc. Mais tout cela, entremêlé à une intrigue d’amour que le lecteur s’obstine à considérer comme la partie principale du livre, tout cela, disons-nous, passe à côté du but, et les deux actions se nuisent mutuellement.
Secret de jeune fille (un), roman de M. Ange de Kéraniou (1865). C’est un petit roman gai,
vif, spirituel, découpé en petites scènes
comme une comédie de salon. Le comte Henri
de Jersey nourrit sa mère et sa sœur de ses
appointements de clerc de notaire. Envoyé
pour toucher le montant d’un acte chez un
riche Anglais, M, Bulier, il est reçu par sa
fille Sara d’une façon passablement impertinente.
Pour lui donner une leçon de politesse,
il lui adresse ce reçu : « Le comte ne Jersey
reconnaît avoir reçu 3,000 francs de Sara
Bulier. » La jeune fille trouve que, si elle a
été un peu leste avec le clerc, le comte a
été beaucoup trop grand seigneur avec Sara
Bulier, et elle court se plaindre i ; hez le notaire.
La destitution de Henri est la conséquence
de cette démarche. Il jure de se venger ;
le hasard l’a rendu maître d’un secret
de Sara : la jeune fille porte une fausse dent I
■ Miss, lui dit-ii, je m’attacherai à vous comme
votre ombre, et partout je vous dirai : Vous
êtes la plus jolie femme du bal, la plus gracieuse ;
vous êtes étourdissante d’esprit ; quel
dommage que vous ayez une fausse dentl •
Mais les hommes de la trempe de Henri, un
vrai gentilhomme de l’ancienne race, ne se
vengent pas d’une femme, ils se contentent
de piquer son amour-propre. Le rôle du papillon
qui voltige autour de la lumière et finit
par s’y brûler se jouera éternellement. Les
deux jeunes gens, en cherchant à se piquer,
se blessent mortellement au cœur. Ils veulent
se prouver qu’ils se délestent jusqu’au dernier
entretien où, près de se quitter, ils laissent
échapper l’aveu de leur amour mutuel et
terminent le-r petite comédie par un mariage.
L’idée de cette bluette est originale ; la manière dont elle est racontée simplement, sans prétention, spirituellement, fait paraître encore plus fine la broderie de ce canevas.
Secret à haute voix, drame de Calderon
(1682). C’est un des drames les plus romanesques
de ce théâtre espagnol si fertile en
intrigues. L’action y est fort ingénieusement
compliquée et vivement conuuite. La duchesse
de Parme, Eleiida (une duchesse imaginaire
placée dans un s.ecie inconnu), est
secrètement éprise de Frédéric, un pauvre,
mais galant chevalier de sa cour. Autour