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déposé trois ans auparavant sous prévention d’arminianisttie, il ne put trouver une place en Hollande. Il partit alors pour l’Angleterre et entra dans l’Église anglicane. Il mourut, laissant la réputation « d’un homme pieux et grand ami de ta vérité. » On a de lui une Dissertation sur l’Évangile de saint Jean (inédite) et te Platonisme dévoilé on Essai sur leVerbe platonicien, divisé en deux parties (Cologne, 1700, in-8°). Cet ouvrage, où Souverain cherche à prouver que les Pères de l’Église ont puisé dans les écrits de Platon mal entendu leurs idées sur la Trinité et le Logos, fut vivement attaqué par les protestants et par les catholiques.

SOUVERAINEMENT adv. (sou-ve-rè-neman

— rad. souverain). Excellemment, d’une manière souveraine, parfaite : La loi de Dieu est soDVERAiNEMENT/ijsie. (Acad.)L’Être souverainement bon, parce qu’il est souverainement puissant, doit être aussi souverainement juste. (J.-J. Rouss.) On respectait peu de choses dans le xvme sièclermais on respectait souverainement un livre. (S. de Sacy.)

— Autant que possible, au plus haut point : /(est souverainement ennuyeux. En Analeterre, le peuple méprise souverainement l’infortune. (Chateaub.) C’est être souverainement fou que de vouloir, de prétendre être souverainement sage. (B&iste.) La flatterie, si elle est bien adressée, s’accepte toujours, quoique nous méprisions souverainement le flatteur. (Mme de Blessington.) Frapper un homme au visage, c’est lui déclarer qu’on le méprise souverainement. (V. Parisût.)

— En souverain, avec un pouvoir souverain : Commander souverainement.

Une sagesse profonde

Aux aventures de ce monde

Préside souverainement.

Malherbe.

— Jurispr. Sans appel : Juger souverainement.

SOUVERAINETÉ s. f. (sou-ve-rè-ne-térad. souverain). Qualité de souverain, autorité suprême : La souveraineté de la nation. La souveraineté du peuple. Le principe de la souveraineté du peuple est le seul que l’avenir de toutes lesnations glorifiera. (Cormen.) La conspiration fut un mot vide de sens du jour oi la souveraineté de la nation a été proclamée. (Raspail.) La souveraineté vient non d’en haut, mais d’en bas ; elle est la résultante de toutes les volontés de la nation. (J. Favre.) Oh ne veut pas s’accoutumer à cette idée que la base de la souveraineté est désormais déplacée et qu’elle ne repose plus que sur le consentement populaire. (John Lemoinne.) Il Qualité, autorité de prince souverain : Souveraineté absolue, héréditaire Souveraineté limitée, élective. Usurper ta souveraineté. La souveraineté n’est plus qu’une tyrannie dès qu’elle n’est utile qu’à celui qui régne. (Mass.)

— Etendue de pays sous l’autorité d’un souverain : Sa souveraineté s’étend depuis tel endroit jusqu’à tel autre. (Acad.)

— Fig. Pouvoir suprême, irrésistible : Je crois à la souveraineté de la raison, de la justice, du droit. (Guizot.) Je n’ai jamais reconnu d’autre autorité que la souveraineté de l’intelligence. (Lerminier.) La souveraineté de la raison a été substituée à celle de la révélation. (Proudh.) Luther opposa à l’autorité séculaire de la papauté la souveraineté de la raison individuelle et la libre interprétation des Écritures. (Guèroult.)

Souveraineté du but. Qualité souveraine, suprême, qu’on attribue au but que l’on vise, et en vertu de laquelle on croit devoir lui sacrifier tout : La souveraineté du but est un principe de tyrannie. L’adnge de la souveraineté dû but est : La fin justifie les moyens.

— Encycl. Philos. I. La question de la souveraineté sociale ou politique. La souveraineté sociale résulte de la formation de la société même, du passage de l’état dénature à l’état social. La question de la souveraineté a. été posée, examinée et discutée pour la première fois d’une manière scientifique par celui que les docteurs du moyen âge appelaient le Philosophe, par Aristote. Il est curieux de voir son impuissance à la résoudre. « C’est un grand problème, dit-il, de savoir à qui doit appartenir la souveraineté dans l’État ; ce ne peut qu’être ou à la multitude, ou aux riches, ou aux gens de bien, ou à un seul individu supérieur par ses talents, ou à un tyran. L’embarras est égal de toutes parts. Quoi I les pauvres, parce qu’ils sont en majorité, pourront se partager les biens des riches, et ce ne sera poiut une injustice, attendu que le souverain aura décidé que ce n’en est point une ? Et que sera donc la plus crianie des iniquités ? Mais quand tout sera divisé, si une seconde majorité se partage de nouveau les biens de la minorité, l’État évidemment sera anéanti. Non, certes, la vertu ne ruine point celui qui la possède : la justice n’est point un poisou pour l’État. Cette prétendue loi n’est certainement qu’une flagrante iniquité. Par le même principe, tout ce qu’aura fait le tyran sera nécessairement juste, il emploiera la violence parce qu’il sera le plus fort, comme les pauvres l’auront été contre les riches. Le pouvoir appartiendrat-il de droit à la minorité, aux riches ? Mais s’ils agissent comme les pauvres et le tyran, s’ils pillent la multitude et la dépouillent,

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cette spoliation sera-t-ella juste ? Les autres alors ne le seront pas moins. Ainsi, de toutes parts, on le voit, ce ne sont que crimes et iniquités.

Doit-on remettre la souveraineté absolue aux citoyens distingués ? Alors c’est avilir toutes les autres classes exclues des fonctions publiques ; les fonctions publiques sont de véritables honneurs, et la perpétuité du pouvoir aux mains de quelques citoyens en repousse nécessairement tous les autres. Donner le pouvoir à un seul, quelque supérieur qu’on le suppose, c’est exagérer encore le principe oligarchique ; une majorité plus grande sera bannie des magistratures. On peut ajouter que c’est une faute grave de substituer à la souveraineté de la loi la souveraineté d’un individu, toujours sujet a mille passions. Eh bien ! dira-t-on, que la loi soit donc souveraine ? oligarchique ou démocratique, aurat-on évité tous les écueils ? Pas le moins du monde ; les mêmes dangers subsisteront toujours.

Attribuer la souveraineté à la multitude plutôt qu’aux hommes distingués, qui sont toujours la minorité, peut sembler une solution équitable et vraie de la question, quoiqu’elle ne tranche pas encore toutes les difficultés. On peut admettre en effet que la majorité, dont chaque membre pris à part n’est pas un homme remarquable, est cependant au-dessus des hommes supérieurs, sinon individuellement, du moins en masse, comme

un repas à frais communs est plus splendide que le repas dont un seul fait la dépense. Dans cette multitude, chaque individu a sa part de vertu, de sagesse ; et le corps assemblé forme, on peut le dire, un seul homme ayant des mains, des pieds, des sens innombrables, un moral et une intelligence en proportion ; ainsi la foule porte des jugements exquis sur les œuvres de musique, de poésie ; celui-ci juge un point, celui-là un autre, et le corps entier juge l’ensemble de l’ouvrage. L’homme distingué diffère de la foule, comme la beauté, dit-on, diffère de la laideur, comme un bon tableau que l’art produit diffère de la réalité par l’assemblage de beaux traits épurs ailleurs ; ce qui n’empêche pas que, si l’on analyse les choses, tel puisse avoir les yeux plus beaux, tel l’emporter par toute autre partie du corps. Je n’affirmerai pas que ce soit là, dans toute multitude, dans toute grande réunion, la différence constante de la majorité au petit nombre des hommes distingués ; et l’on pourrait dire plutôt sans crainte de se tromper que certainement, dans plus d’un cas, une différence de ce genre est impossible, puisqu’on pourrait bien pousser ia comparaison jusqu’aux animaux ; car en quoi, je le demande, certains hommes diffèrent-ils des animaux ? Mais l’assertion, Si on la restreint à une multitude donnée, peut être parfaitement juste.

« Ces considérations répondent à notre première question sur le souverain, et à celle-ci, qui lui est intimement liée : jusqu’où la souveraineté des hommes libres et de la masse des citoyens doit-elle s’étendre ? Je comprends par la masse des citoyens tous les hommes d’une fortune et d’un mérite ordinaires. Il y a danger à leur confier les magistratures importantes : faute d’équité et de lumières, ils seront injustes dans tel cas et se tromperont dans tel autre. Les repousser de toutes les fonctions n’est pas plus sûr : un État où tant de gens sont pauvres et privés de toute distinction publique compte dans son sein autant d’ennemis. Mais on peut leur laisser le droit de délibérer sur les affaires publiques et le droit de juger. Aussi Solon et quelques autres législateurs leur ont-ils accordé l’élection et la censure des magistrats, tout en leur refusant les fonctions individuelles. Quand ils sont assemblés, leur masse a toujours une intelligence suffisante, et, réunie aux hommes distingués, elle sert l’État, de même que les aliments grossiers joints à quelques aliments choisis donnent par leur mélange une quantité plus profitable de nourriture ; mais les individus pris isolément n’en sont pas moins incapables déjuger.

« On peut faire à ce principe politique une première objection et demander si, lorsqu’il s’agit de juger du mérite d’un traitement médical, il ne faut point appeler celui-là même qui serait capable de guérir au besoin la maladie, c’est-à-dire le médecin ; et j’ajoute que ce raisonnement peut s’appliquer à tous les autres arts empiriques. Si donc le médecin a pour juges naturels les médecins, il en sera de même dans toute autre chose. Médecin signifie à la fois celui qui pratique, celui qui prescrit et l’homme qui a étudié la science. Tous les arts, comme la médecine, ont des divisions pareilles, et l’on accorde le droit.de juger à la science théorique aussi w, ^n qUjk i instruction pratique. L’élection

bien

des magistrats remise à la multitude peut être attaquée de la même manière : les savants seuls, dira-t-on, ont assez de lumières fiour choisir. C’est au géomètre de choisir es géomètres, au pilote de choisir les marins ; car si, pour certains objets, dans certains arts, on peut travailler sans apprentissage, on ne fait certainement pas mieux que les hommes spéciaux. Ainsi, par la même raison, il ne faut laissar à la foule ni le droit d’élire les magistrats ni le droit de leur faire rendre des comptes. Mais peut-être cette objection n’est-elle pas fort juste par les motifs que j’ai déjà dits plus haut, à moins qu’on

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ne suppose une multitude tout à. fait dégradée. Les individus isolés jugeront moins bien que les savants, j’en conviens ; mais, réunis, ils vaudront beaucoup mieux, ou du moins ils vaudront autant. Dans bien des choses, l’artiste est moins bon juge que ceux qui Connaissent son œuvre sans connaître son art. Une maison peut être appréciée par celui qui l’a bâtie ; mais elle le sera bien mieux encore par celui qui l’habite, et celui-là, c’est le père de famille ; ainsi, le timonier du vaisseau se connaîtra mieux en gouvernails que le charpentier, et c’est le convive et non pas le cuisinier qui juge le festin.

Ces considérations peuvent paraître suffisantes pour lever cette première objection ; en voici une autre qui s’y rattache. Il y u peu de raison, dira-t-on, à investir la multitude sans mérite d’un plus large pouvoirque les citoyens distingués. Rien n’est au-dessus de ce droit d’élection et de censure que bien des États, comme je l’ai dit, ont accordé aux classes inférieures et qu’elles exercent souverainement dans l’assemblée publique. Cette assemblée, le sénat et les tribunaux sont ouverts à des citoyens de tout âge moyennant un cens modique, et en même temps l’on exige pour les fonctions de trésorier, celles de général et pour les autres magistratures importantes des conditions de cens très-élevées. La réponse n’est pas ici plus difficile ; les choses sont peut-être fort bien comme elles sont. Ce n’est pas l’individu, juge, sénateur, membre de l’assemblée publique, qui prononce souverainement ; c’e3t le tribunal, c’est le sénat, c’est le peuple, dont cet individun’est qu’une fraction minime dans sa triple attribution de sénateur, de juge et de membre de l’assemblée générale. De ce point de vue, il est juste que la multitude ait un plus large pouvoir, car c’est elle qui forme et le peuple, et le sénat, et le tribunal. Le cens possédé par elle dépasse celui que possèdent individuellement et dans leur minorité tous ceux qui remplissent les fonctions éminentes.

Quant à la première question que nous nous étions posée sur la personne du souverain, la conséquence la plus évidente qui découle de notre discussion, c’est que la souveraineté appartient aux lois fondées sur la raison, et que le magistrat unique ou multiple n’est souverain que là où la loi n’a pu rien disposer par l’impossibilité de préciser tous les détails dans des règlements généraux. »

Dire que la souveraineté appartient aux lois fondées sur la raison, c’est laisser la question irrésolue. Aristote s’en avise et le remarque, en ajoutant que les lois suivent les gouvernements, bonnes ou mauvaises, justes ou iniques, comme les gouvernements le sont eux-mêmes. C’est laisser, disons-nous, la question irrésolue. En effet, il s’agit de savoir en qui réside cette raison, sur laquelle doivent être fondées les lois souveraines ; il s’agit de savoir à qui appartient le pouvoir de porter des lois. Les lois civiles sont le produit, non le principe, de la souveraineté civile.

Montesquieu, qui a suivi la méthode d’Aristote dans J’étude et la comparaison des gouvernements, des institutions et des lois, se montre aussi impuissant qu’Aristote à résoudre le problème de la souveraineté. Il évite d’ailleurs de le poser et, au moment de l’aborder, semble se dérober de parti pris. « Une société, dit-il, ne saurait subsister sans un gouvernement aux mains duquel sont réunies toutes les forces particulières. La force générale peut être placée entre les mains d’un seul ou entre les mains de plusieurs. Quelques-uns ont pensé que, la nature ayant établi le pouvoir paternel, le gouvernement d’un seul était plus conforme à

la nature. Mais l’exemple du pouvoir paternel ne prouve rien ; car, si le pouvoir du père a du rapport au gouvernement d’un seul, après la mort du père, le pouvoir des frères, ou, après la mort des frères, celui des cousins germains ont du rapport au gouvernement de plusieurs. La puissance politique comprend nécessairement l’union de plusieurs familles. Il vaut mieux dire que le gouvernement le plus conforme à la nature est celui dont la disposition particulière se rapporte le mieux à la disposition du peuple pour lequel il est établi. La loi, en général, est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre, et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s’applique cette raison humaine. Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c’est un très-grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir k une autre. Il faut qu’elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi ou qu’on veut établir, soit qu’elles le forment, comme font les lois politiques, soit qu’elles le maintiennent, comme font les lois civiles. Elles doivent être relatives au physique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur ; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs ou pasteurs ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir, à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières. Enlin, elles ont des rapports entre elles ; elles en ont avec leur origine, avec l’objet du lé SOUV

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gislateur, a.vec l’ordre des choses sur lesquelles elles sont établies, >

Sans doute, la loi est la raison humaine en tant qu’elle gouverne les peuples de la terre ; mais cela ne nous dit pas quel doit être dans la société civile l’organe de cette raison gouvernante. Sans doute, une société ne saurait subsister sans un gouvernement ; mais cela ne nous dit pas qui doit constituer ce gouvernement. Sans doute, le gouvernement doit se rapporter à la disposition du peuple pour lequel il est établi, £t les lois à la nature et au principe du gouvernement établi ou à établir ; mais cela ne nous dit pas où doit se placer le pouvoir de choisir le gouvernement, de l’adapter aux dispositions du peuple et d’établir les lois qui doivent s’y rapporter. La question des rapports logiques des mœurs, des institutions et des lois n’est pas celle de la souveraineté sociale.

— IL L’ORIGINB ET LE SIÈGE DE LA SOUVE-RAINETÉ sociale ou politique. La première théorie de la souveraineté qui se présente à l’examen est celle que l’on désigne sous le nom de droit divin. Cette expression, droit divin, a. plusieurs sens ; nous en distinguerons deux : 1° le droit divin généralisé ou étendu à tous les gouvernements de fait ; 2" le droit divin restreint aux gouvernements dits légitimes, c’est-à-dire fondé sur un contrat politique implicite ou explicite.

Le droit divin généralisé ou étendu à tous les gouvernements de fait. On le fait dériver de ce précepte chrétien : « Obéissez aux puissances, car toute puissance vient de Dieu. » Sur quoi Rousseau, dans le Contrat social, failles réflexions suivantes, marquées au coin du bon sens : « Obéissez aux puissances. Si cela veut dire : Cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu ; je réponds qu’il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu. Je l’avoue ; mais toute maladie en vient aussi. Est-ce à dire qu’il soit défendu d’appeler le médecin ? Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois, non-seulement il faut par force donner ma bourse, mais, quand je pourrais la soustraire, suis-je en conscience obligé de la donner ? Car enfin le pistolet qu’il tient est aussi une puissance. » Rousseau conclut que, force ne faisant pas droit, l’obéissance n’est réellement due qu’aux pouvoirs dont on a au préalable reconnu la légitimité, et que la question est précisément de déterminer les conditions de cette légitimité.

Il est curieux de voir Kant, dans ses-Principe* métaphysiques du droit, écarter absolument, au nom de la raison pratique, toute recherche, tout débat sur cette question, à ses yeux oiseuse et dangereuse, et soutenir, contre Rousseau et l’école révolutionnaire, que le pouvoir de fait quelconque est inviolable et trouve dans l’occupation, la possession un titre suffisant de légitimité, un titre qu’il n’est pas permis de mettre en doute et au delà duquel il n’y a rien à chercher. Voici les termes mêmes dans lesquels est exposée cette thèse paradoxale : « L’origine du pouvoir suprême est, pour le peuple qui y est soumis, une chose qui, au point de vue pratique, ne peut être scrutée, c’est-à-dire que le sujet ne doit pas discuter en fait cette origine, comme si le pouvoir qui en découle n’avait encore qu’un droit contestable à son obéissance. En effet, comme pour avoir le droit de juger le pouvoir suprême il faut que le peuple ait déjà le caractère d’une association établie sous une volonté législative générale, il ne peut et ne doit juger autrement qu’il ne plaît au souverain actuel de l’État. Un contrat réel de soumission au pouvoir (pactus subjectionis civilis) a-t-il originairement présidé au fait, ou bien, au contraire, est-ce le pouvoir qui a paru d’abord et la loi n’est-elle venue qu’ensuite, et même pouvait-il en être autrement ? Ce sont là des questions entièrement oiseuses pour le peuple, qui est maintenant soumis à la loi civile, et en même temps dangereuses pour l’État. Que si, après en avoir scruté la première origine, un sujet voulait résister à l’autorité actuellement régnante, les lois de cette autorité auraient tout droit de le punir, de le mettre à mort ou de le bannir, comme étant hors la loi (exlex). Une loi qui est si sacrée, que c’est déjà un crime que de la mettre seulement en doute, au point de vue politique, et, par conséquent, d en suspendre un moment l’effet, ne sembla pas venir des hommes, mais de quelque législateur-suprême et infaillible, et c’est là ce que signifie cette maxime que toute autorité vient de Dieu. Elle n’indique pas le fondement historique de la constitution civile, mais elle exprime une idée ou un principe pratique de la raison, à savoir qu’on doit obéir au pouvoir législatif actuellement existant, quelle qu’en puisse être d’ailleurs l’origine. »

Kaut, en écartant ainsi la question de légitimité du pouvoir, c’est-à-dire la question d’origine de la souveraineté, établissait’ en réalité la légitimité de tous les pouvoirs, quelle qu’eu fût l’origine empirique. C’était le droit divin étendu à tous les gouvernements de fait, le droit divin généralisé. Il concluait logiquement à la négation absolue du droit d’insurrection. « Il n’y a, disait-il, contre le suprême législateur de l’État aucune résistance légitime de la part du peuple, car il n’y a d’état juridique possible que grâce à ia soumission de tous a sa volonté