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ne serait pas nette sans 16 principe de l’indépendance des effets.

— Hist. littér. Les théologiens et les casuistes ont très-souvent donné le titre de Somme aux ouvrages qui contenaient la substance d’une science ou d’une doctrine. La Somme théologique de Thomas d’Aquin, dont nous donnons ci-après l’analyse, peut être considérée comme le type de ces sortes de traités contenus d’ordinaire dans de volumineux in-folio. Outre la Somma théologique, Thomas d’Aquin a encore composé une autre Somme, la Somme contre les gentils, que nous analysons également ; parmi les autres ouvrages portant le même titre, nous nous contenterons de citer la Somme théologique de saint Bonaventure, dans ses œuvres complètes (1588-1596, 7 vol. in-fol.) ; celles du Père Martin Becan (1645, in-fol.), d’Herincx (1660, 2 vol. in-fol.), du Père H. Favre (1669, jn-40) ; la Somme chrétienne de B. Merbesius (1683, 2 vol. in-fol.) et celle de Ganisius(1834, A vol. in-8o) ; la Somme de Suarez pour la défense de la foi (1739, in-4o) ; la Somme des conciles, de Bail (1672, 2 vol. in-fol.), et celle de Carraazam (1775, gr. in-18) ; la Somme des constitutions des souverains pontifes, par le Père Mathieu (1588, in-4o) ; la Somme des cas de conscience, par 1>. Pierre de Saint-Joseph (1652, in-12) ; la Somme des péchés et le remède d’iceux, par le Père Benedicti (1586, infol.) ; la Somme des vertus et des vices, par G. Pérauid (1658, in-4o) ; la Somme du droit naturel, par A.-M. Bensa (1856, 2 vol. in-8o), etc.

Tous ces in-folio et in-4o ont ce caractère commun qu’ils sont énormément ennuyeux ; il faut faire une exception en faveur de la Somme des péchés du Père Benedicti, un easuiste de bonne souche, car les ■ belles et honnestes dames » du xvtB siècle, dit Brantôme, préféraient cette Somme aux contes de Boccace et de la reine de Navarre ; elles trouvaient ce livre beaucoup plus égrillard.

Somme contre le* gentils (t>A), par Thomas d’Aquin (Summa cathotic£ fidei contra geniiles ; Rome, 1478, in-fol.). Les premières éditions de cet ouvrage, l’un de ceux auxquels l’auteur doit sa célébrité, sont sans lieu ni date. Après l’édition de Rome, il s’en est fait un grand nombre, beaucoup de théologiens préférant même cette Somme contre les gentils à la Somme théologique. Elle n’a été traduite en fiançais que de nos jours, par l’abbé Ecallé (Paris, 1854 et suiv., 3 vol. in-8o).Elle contient l’exposition et la défense de la foi catholique contre les infidèles. L’auteur commence par démontrer la nécessité de croire a quelque chose, et cela par les seules lumières de la raison. Celle-ci offre des motifs certains de croire à sa concordance avec la foi. Suit une vaste étude sur Dieu considéré : 10 en lui-même ; 2° dans ses rapports avec la création ; 3» dans les rapports de la création avec, sa cause infinie. lin grand nombre d’arguments qu’il a reproduits dans la Somme théologique se trouvent ici sous une autre forme et il n’y a pas à insister sur le fond même du livre qui, à la méthode près, ne diffère aucunement de la théorie émise ailleurs par l’auteur.

Sa doctrine de la science de Dieu, qui est la partie la plus originale de l’œuvre entière, a fait naître des.co’ntro verses qui ont duré jusqu’à nos jours et soulevé des problèmes que la philosophie théiste moderne est loin d’avoir résolus. Il s’agit de la science divine et par suite de la prédestination et du libre arbitre. La science divine est infinie et infaillible au dire de saintThomas ; Dieu connaît toutes nos pensées et tous nos sentiments tant à venir que passés. Il voit tout en lui, car tout est eu lui, ce que Malebranche exprimait d’une autre manière en disant que nous voyons tout en Dieu. La science de Dieu ne diffère pas de son être. « La science de Dieu est la substance de son être, et, en cette qualité, elle est immuable, de sorte qu’il est impossible qu’elle varie. »

La prédestination, au même sens que dans saint Augustin, est la conséquence forcée de cet enseignement : Deus facit futura, ex prsdestinando. Il y a donc des heureux et lies malheureux que Dieu a volontairement destinés à être heureux ou malheureux. Saint Fhoiuas cite à ce sujet le passage si connu de la Bible : « Non ex operibus, sed ex votuntate dictumest : Jacob ditesci, Esau odio autem habui ; Les œuvres de l’homme ne comptent pas ; la volonté de Dieu est tout ; il a dit à Jacob : Je vous aime, et à Esait : Je vous hais. » Aux termes de cette déclaration, l’homme est libre comme un cheval entre les jambes de son cavalier.

Pourtant, saint Thomas admet l’existence Su libre arbitre et il essaye même de la mettre d’accord avec celle de la prédestination. Il faut reconnaître qu’au xine siècle un’ docteur ayant une robe de moine sur le dos et l’Église à défendre ne pouvait pus agir autrement. Interprète officiel du dogme catholique, ayant à prononcer entre Dieu et l’homme, il n’aurait pu, malgré tout.le bon vouloir possible, sacrifier la science divine au libre arbitre de l’homme. Il y avait même du courage à se contredire et à admettre l’existence du libre arbitre, quoiqu’on ne pût évidemment pas concilier le fait avec la prescience divine. Tout un système de casuistique est né, dans les écoles théoîogiques du moyen âge, de cette contradiction formelle, comme

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en sont nées également une foule de théories philosophiques, prémotion physique, prédétermination physique, harmonie préétablie,

vision en Dieu, libertas a culpa, a miseria, a necessitate, etc., dont le christianisme théorique et pratique est contenu dans la question du libre arbitre, sans lequel il n’y a pas de morale. Jusqu’à la réforme philosophique inaugurée par Descartes, cette question tint le monde intellectuel en échec. N’en pouvant triompher, Descartes et Bacon l’éliminèrent, et le monde moderne a fait comme eux. Depuis les jansénistes, la question posée par saint Thomas, après avoir donné naissance à une prodigieuse quantité de systèmes, est donc mise à l’écart.’

Si la question morale et la question de foi ont été définitivement éliminées, saint Thomas et l’école scolastique peuvent revendiquer une grande part dans les efforts qui ont amené cette révolution dans les esprits. Ce sont les scolastiques qui ont fondé l’empire exclusif de la raison. Ils l’ont fait sournoisement, si l’on peut s’exprimer ainsi, sans oser avouer leur but. Ils avaient sans cesse le mot foi dans la bouche quand leur entendement y répugnait. Saint Thomas, dans la Somme contre tes gentils, ne prétend pas que l’intelligence, appuyée sur la sensation, s’élève jusqu’à l’extrême limite de toute connaissance. Au contraire, l’âme connaît d’une manière beaucoup plus sûre parla foi que par la raison. Mais enfin c’est la raison qui initie l’homme à la foi, et voici comment saint Thomas s’y prend pour le démontrer : « Les choses sensibles, desquelles la raison humaine tire les principes de sa connaissance, retiennent en elles-mêmes quelques vestiges de l’imitation divine, en tant qu’elles ont l’être et la beauté ; ce vestige imparfait est suffisant pour nous manifester la substance de Dieu, caries effets ont, à leur manière, la ressemblance de leurs causes, puisque l’agent fait son semblable, sans que cependant l’effet arrive toujours à la parfaite ressemblance de l’agent : donc la raison humaine pour connaître les vérités de la foi, qui n’est connue qu’à ceux qui voient la divine essence (les mystiques), peut en recueillir quelques vraisemblances, qui ne suffisent pas cependant à former une preuve démonstrative de ces vérités, ou à les rendre compréhensibles par elles-mêmes. Il est cependant utile que la raison de l’homme s’exerce dans ce genre de preuves. »

Il est impossible d’analyser, même d’une manière sommaire, la matière contenue dans la Somme contre les gentils, qui sont, aux 3-eux de l’auteur, les mahométans, les juifs et les incrédules, comme il y en avait déjà beaucoup au xin® siècle. Hors la méthode qui est toujours la même et le sujet qui est aussi toujours le même, c’est - à - dire Dieu et l’homme, il n’y a pas de doctrine d’ensemble dans les œuvres de saint Thomas. Ce sont des questions souvent connexes, mais’ liées par des rapports éloignés, qui se succèdent l’une à l’autre sans qu’on voie la nécessité de les traiter ici plutôt qu’ailleurs. D’ordinaire, une question est un traité tout entier auquel succédera dans la question suivante un autre traité sur un sujet différent.

L’abbé Uccelli a décrit, il y a quelques années, un manuscrit qui pourrait bien avoir été écrit et corrigé de la main de saint Thomas. Il contient trois livres de la Somme contre les gentils et les commentaires sur Isaïe et sur les livres de la Trinité de Boece. Le volume paraît avoir été la propriété des dominicains de Bergame, qui le conservaient

comme une relique précieuse. On y trouve, dit l’abbé Uccelli, des variantes nombreuses de nature à faire assister le lecteur au travail de la composition. Il n’est pas encere publié, quoique le propriétaire, M. Fantoni, ait plusieurs fois manifesté l’intention de le mettre au jour.

A consulter sur la Somme contre les gentils ; Dautier, Un manuscrit autographe de saint Thomas d’Aquin dans la Revue contemporaine du 15 juillet 1857 ; Jourdain, Philosophie de saint Thomas d’Aquin (Paris, 1852, 2 vol. in-8»).

Somme «héoiogique, de saint Thomas d’Aquin (Summa totius theologix ; Bâle, 1485, 4 vol. in-fol.). Cet immense ouvrage contient la doctrine entière des thomistes et fait encore autorité parmi les théologiens. L’auteur s’est plu à y réunir non-seulement les notions qu’il s’était faites lui-même sur l’homme, Dieu et la nature, mais encore toutes les connaissances de son temps sur ces divers objets. Les premières éditions de la Somme n’ont pas de date. Il existe une édition de la première partie, imprimée à Mayence en 1465 (l vol. gr. in-fol.) ; une édition delà deuxième partie parut également à Mayence en 1471 (1 vol.gr. in-fol.). La première édition complète de l’ouvrage est celle dont nous avons donné plus haut la date. Un grand nombre d’autres ont paru depuis, ainsi que plusieurs traductions françaises, dont la plus connue, est celle de l’abbé Drioux (Paris, Migne, 1855-1857, 15 vol. in-so).

La Somme théologique de saint Thomas se compose de trois parties ; la première contient une théorie des êtres en général et des êtres intellectuels en particulier ; la seconde est un traité des facultés humaines considérées au poiut de vue théologique, c’est-à-dire dans leurs mobiles et dans leur direction ;

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l’auteur y décrit les règles auxquelles il raut soumettre chacune d’elles afin de les rendre capables d’atteindre à la destinée que Dieu a faite à l’homme ; la troisième partie est un plan la rédemption, suivi d’un traité des sacrements qui finit à celui de la pénitence, c’est-à-dire au quatrième. Cette encyclopédie théologique n’est pas terminée. On a essayé de diverses manières d’en combler les lacunes. La plus ingénieuse, aux yeux des théologiens du moyen âge, aurait été de le faire à l’aide de matériaux tirés des autres écrits de saint Thomas. Mais l’entreprise n’a pas réussi et d’ailleurs n’aurait guère atteint son but, qui était, dans la pensée du temps, de parfaire un tableau complet des connaissances humaines.

Dans tout l’ouvrage, la méthode employée est la même, et quand on en a la clef il n’y a rien en apparence de plus commode. C’est la méthode célèbre appelée scolastique, en usage dans les écoles depuis cinq à six cents ans et qu’on suit encore dans beaucoup d’établissements religieux et surtout de grands séminaires. Elle consiste à énoncer d’abord le problème ou théorème à résoudre ou à développer. On énumére ensuite et on résout les objections, puis on donne diverses solutions ; la première, considérée comme la meilleure, est la solution rationnelle, produite à l’aide du raisonnement ; puis la solution tirée des textes de l’Écriture ; suit une troisième solution tirée des Pères et docteurs de l’Église, et enfin une quatrième tirée de la raison théologique, c’est-à-dire fondée sur la déduction rationnelle de prémisses qui reposent sur l’autorité ou, si l’on veut, sur un texte qui fait foi.

Cette méthode, saint Thomas l’applique invariablement à résoudre environ dix mille objections et à exposer les quatre mille propositions dont se compose la Somme. Chemin faisant, il se sert d’Aristote et de l’esprit qui règne dans ses livres, comme saint Augustin s’était servi des livres et de l’esprit de Platon dans l’intérêt des thèses qu’il avait abordées.

Les doctrines de saint Thomas ont pour objet ordinaire la portée et les limites de la ratson, l’utilité de la foi, la mission propre de la philosophie et ses rapports avec la religion, qui étaient la grande question agitée dans les écoles philosophiques du moyen âge. Le propre de la sagesse d’après lui est de connaître la fin des choses. Le bien consiste à conduire les choses à cette fin ; un pur rationaliste ne dirait pas autrement. Le sorte que la sagesse se borne à connaître la vérité. Quant à son rôle actif, il est demedi7er, d’eMse !§ , iieretde combattre l’erreur. Deux voies conduisent l’homme à la sagesse : la raison et la foi. La foi était le moyen en usage au xiiie siècle pour arriver à la sagesse. Le docteur dominicain, qui est le père spirituel de Descartes et de Cousin, préfère en pratique la raison à la foi et ne néglige aucune occasion de revendiquer les droits de la raison. Au commencement d’une Somme théologique doit naturellement se trouver le nom de Dieu. Peut-ou démontrer l’existence de Dieu par la raison ? demande saint Thomas. Il répond : Oui, et continue en ces termes : « L’existence de Dieu et les autres vérités que nous pouvons connaître, comme dit l’apôtre, par la raison naturelle ne sont pas des articles de foi, mais les préambules de la foi. Car la foi présuppose les lumières naturelles, de même que la grâce présuppose la nature, et la perfection ce qui est perfectible. «Mais faut-il une grâce de Dieu, comme on le croyait au moyen âge, pour faire un bon usage de la raison ? Oui et non. « En thèse générale, pour connaître la vérité, l’homme ne peut se passer du secours de Dieu, qui seul peutdonnerl’impulsionà son entendement. JVIais il n’a pas toujours besoin d’une lumière nouvelle qui se surajoute à la lumière naturelle ; ce surcroît de lumière n’est nécessaire que pour les choses qui surpassent les lumières naturelles. »

Saint Thomas invoque Aristote ou Averrhoès comme il invoque saint Paul. Pourtant les facultés humaines ont des limites étroites. Suivant lui, il y a chez les différents êtres divers degrés de la connaissance ; de même qu’un pâtre est étranger à une foule de notions que possède le philosophe, de même i’homme ignore une foule de choses que comprendrait un être supérieur k lui. Saint Thomas par cet être supérieur entend un ange. C’est à coup sûr une réminiscence du gnosticisme et du néo-platonisme alexandrin, aux yeux desquels l’univers contient une série non interrompue d’êtres disposés sur une échelle qui s’étend depuis la matière brute jusqu’à l’Être infini qui est Dieu. L’homme est un être intermédiaire placé sur un échelon de cette immense échelle. Il a plus d’intelligence qu’un végétal ou qu’un animal, mais il en a moins qu’un pur esprit dégagé des liens grossiers de la matière. Si notre ignorance des choses visibles est considérable, comme l’expérience le démontre chaque jour, combien n’est-elle pas plus profonde en ce qui concerne le monde invisible ou si l’on veut le pur intelligible ? La foi commence où la raison finit. Elle est d’ailleurs le soutien de la raison elle-même. Si le genre humain tout entier était forcé de se conduire d’après les seules lumières de la raison, où eu serait-il ? Quelques hommes arrivent à giand’peine, <" au prix d’un labeur infini, à ta notion des éléments les plus simples de la connaissance. La foi naturelle est lo seul recours du plus irrand nombre contre les ténèbrps ri- ignorance absolue. En ce qui touche Dieu, la raison des sages balbutie.

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Sans la foi, la notion du Créateur végéterait obscurément dans quelques consciences d’élite... La science divine, dans l’âme du Christ,dit l’auteur, n’éteignait pas la science humaine, mais la rendait plus lumineuse... ; et puis la foi et la raison ne sont pas en opposition l’une avec l’autre. î II est constant que les notions premières que la raison naturelle porte en elle-même sont tellement certaines, qu’il n’est pas possible d’en supposer la fauâ ’ seté ; il n’est pas non plus permis de regarder

! comme faux ce que la foi nous enseigne, puisque

les enseignements de la foi sont confirmés

’ avec la plus entière évidence par le témoignage de Dieu lui-même. Ainsi, comme il n’y a que le faux qui soit contraire au vrai, comme il résulte de leur définition, il ne se peut pas que les vérités de la foi soient contraires aux premiers principes connus par la raison naturelle.» On peut conclure delà ce que saint Thomas entend par la philosophie : elle est l’œuvre de la raison appliquée à la recherche de la vérité. Le philosophe et le théologien étudient les mêmes questions par des procédés différents. Il y a un grand nombre de méthodes scientifiques et philosophiques plus ou moins bonnes et plus ou moins aptes à obtenir le but particulier qu’elles se proposent. Mais elles ont toutes ce point commun qu’elles cherchent la vérité par la voie de la raison. De sorte que la philosophie ne suppose pas l’existence préalable de la théologie. Ce sont deux terrains différents. Au surplus, saint Thomas ne craint pas que la philosophie fasse tort à la théologie. « Puisque la foi repose sur une vérité infaillible, dit-il (sans le démontrer), et que d’autre {art il est impossible de démontrer le contraire d’une vérité, il est de toute évidence que les prétendues difficultés qu’on élève contre la foi ne sont pas des démonstrations, mais des objections susceptibles d’être résolues. » Cousin, après Descartes, parle avec la même assurance de la raison pure. Saint Thomas, de fait, subordonne la raison à ia foi systématiquement. De même le rationalisme éclectique subordonne tout à la raison.

De ce que saint Thomas, dans sa Somme lliéologique et dans ses autres écrits, accorde beaucoup à la raison, il ne faudrait pas croire qu’il ne lui préfère pas la théologie, qui est en définitive 1 objet exclusif de son enseignement. Les autres sciences ne sont que les servantes de la théologie. La prééminence de cette dernière résulte : l» de la grandeur de son objet, qui est Dieu ; 2» de la certitude de ses conclusions, qui sont fondées sur la révélation ; 3» de ses fruits, qui sont la béatitude éternelle.

On a beaucoup médit de la méthode dont ces données sont l’œuvre. Ce n’est pas celle de Bacon, qui n’est applicable qu’aux sciences naturelles ; cen’est pas davautâge la méthode déductive, c’est-à-dire le pur raisonnement.

’ C’est un procédé mixte, par lequel l’érudition et la raison se mettent de compte k demi au service de l’orthodoxie, car il est bon de le répéter : avant tout examen, tout système et toute idée personnelle, saint Thomas se propose, comme ses contemporains, de démontrer que le dogme catholique est vrai dans son ensemble et dans chacun de ses détails. On a parlé de méthode géométrique. Ce n’est pas exact. Cette méthode date de la culture des sciences exactes et ne s’est introduite qu’au xvtiu siècle, sous l’influence de Descartes, Spinoza et Leibniz, dans le domaine de la spéculation philosophique. On ne trouve dans la Somme iheologique, comme dans les autres écrits de saintThomas, que des questions, des réponses et des objections. Cela écarte les vues d’ensemble, ralentit la marche de l’esprit, mais n’en a pas moins de sérieux avantages. Les utopistes et les hommes à système se tiennent enfermés dans leur opinion individuelle et ne s’occupent point des raisons qu’on peut alléguer contre eux, ce qui les dispense de répondre, tâche qui serait souvent au-dessus de leurs forces.

Abailard, dans le Sic et non, est le père de la méthode dite des thomistes. C’est aussi celle de Pierre Lombard dans le Livre des sentences, et de la plupart des contemporains. SaintThomas n’a pas envie d’innover : « Notre but dans cet ouvrage, dit-il, est d’exposer tout ce qui regarde la religion chrétienne, de la manière la plus convenable pour l’instruction de ceux qui sont au début de la carrière ; car nous avons remarqué que les jeunes élèves en théologie trouvent beaucoup de difficultés dans les divers traités dont ces matières ont été l’objet. Tantôt on multiplie inutilement les questions, les articles et les arguments ; tantôt, au lieu de présenter dans un ordre logique les choses qu’il est nécessaire de savoir, on attend que l’explication d’un texte ou les accidents de la controverse fournissent l’occasion d’en traiter. Eu nous efforçant d’éviter ces défauts et tous les autres du même genre, nous essayerons, confiant dans le secours d’en haut, d’exposer tout ce qui concerne la science sacrée aussi clairement et.aussi brièvement que notre sujet le comportera. » On a contesté, auxviii ; siècle, à saintThomas la paternité de la Somme théo~ logique. Le savant Launoy découvrit dans la bibliothèque Letellier un manuscrit contenant un panégyrique du Docteur angélique, daté de 1323 et dû à Pierre Roger, dans lequel il n’est pas question de la Somme. D’iuouction en iuduction, le critique en vint à démontrer que l’ouvrage avait été attribué à.