Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 4, Suj-Testadon.djvu/90

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un brahme, un noble, un prince, à force d’oublier l’égalité, en venaient aussi à ne plus sentir rien de ce qui affectait même cruellement les hommes des castes ou des classes dites inférieures 1 Cependant, pour le spectateur qui ne voit encore que les affections du sujet, la sympathie ne fait que commencer, c’est la conniiissance des causes d’où sortent ces affections qui l’achève. Supposons que le sujet soit affecté d’une offense à laquelle le spectateur, à sa place, resterait insensible, la sympathie de celui-ci, qui s’était d’abord émue, tombera tout à coup ; dans le cas contraire, elle prendra, avec la connaissance de la cause, un nouveau degré de vivacité. On voit par là que les sentiments les plus généraux, les plus communs, ceux qui appartiennent à la nature foncière de l’homme et sont suis d’être approuvés de chacun, sont aussi les plus assurés de rencontrer une sympathie prompte et durable. Plus, en revanche, le sentiment est rare, particulier à. certaines natures d’esprit ou de caractère, plus les chances qu’il a d’émouvoir la sympathie se réduisent. C’est nu théâtre que les lois de la sympathie montrent le plus clairement leur empire ; tout l’effet des représentations est fondé réellement sur ces lois. La rè fle que nous venons de poser mènerait des détails intéressants si on voulait la suivre, mais ce serait la matière d’un livre. La sympathie est un plaisir pour celui qui l’accorde et pour celui qui en est l’objet ; réciproquement, s’il est pénible de se voir refuser la sympathie, il est presque aussi pénible de la refuser. Prenons quelques exemples : Un homme qui conte une histoire plaisante est enchanté de voir qu’on en rit ; i ! est peiné, blessé si ses auditeurs restent graves, et l’auditeur, à Son tour, n’est guère moins désagréablement affecté quand il ne peut pas se mettre à l’unisson des rieurs ; sa mauvaise humeur lui fait alors trouver détestable une plaisanterie qu’il aurait jugée excellente dans un autre moment, où il en aurait ri. La joie d’une bonne fortune se double quand on la raconte à une personne sympathique ; quand, au contraire, cette personne reste indifférente, on est choqué et, comme si chacun était obligé de nous aimer, on est porté à la considérer presque sur le pied d’un ennemi. C’est bien plus grave encore quand il s’agit d’une douleur. L’homme qui reste insensible au récit de nos peines parait manquer aux devoirs de l’espèce ; peu s’en faut qu’on ne le regarde comme un monstre étranger à l’humanité.

Les phénomènes sympathiques ont vraiment un certain aspect mystérieux. D’où vient qu’en racontant ses chagrins, bien qu’on les renouvelle, pour ainsi dire, on ne. s’en trouve pas moins allégé, soulagé ? L’expression commune qui dit qu’un ami partage nos peines est une figure d’une justesse profonde. D’autre part, comment se fait-il qu’en éprouvant, jusqu’à un certain point, la peine d’autrui, nous percevions cependant une sensation plus douce, en somme, que pénible ? Il semble que la sympathie soit une fonction naturelle, impérieuse, à la manière des fonctions du corps ; que pour elle, comme pour ces dernières, il résulte de son exercice un plaisir inévitable, tandis qu’au contraire sa non-activité est une source de malaise et de chagrins. Ce point de vue paraît encore plus exact quand on considère certains phénomènes qui sont incontestables, « Nous n’aimons pas, dit Smith, à ne pouvoir partager les peines d’autrui, et le triste privilège de ne point sympathiser avec un être souffrant, loin de nous paraître un avantage, nous rend mécontents de nous-mêmes. » Ajoutons ; mécontents aussi des autres, c’est-à-dire de ceux qui sont dans la peine. Nous sommes alors portés à leur trouver des torts ; nous accusons leurs plaintes d’être exagérées, ou contraires à la dignité ; parfois même nous allons jusqu’à, nier leurs chagrins, ou bien nous disons : il souffre, c’est possible, mais il a tort de souffrir ; il devrai*, rester insensible à cet événement, à ce malheur. On voit par là qu’il n’y a presque pas de milieu entre la sympathie et l’antipathie. Signalons encore deux phénomènes remarquables : c’est, d’abord, que l’expression des besoins, des désirs et des souffrances corporelles ne rencontre qu’une sympathie relativement faible, ce qui semble contredire la loi précédente, puisque rien n’est plus commun, plus général que ces sortes d’affections et que méuie, étant nécessaires, il est impossible de les desapprouver. Mais il faut tenir compte ici d’une disposition de notre nature. Il est beaucoup plus difficile d’imaginer les affections corporelles, quand on ne les sent pas, que d’imaginer les affections de l’esprit et de 1aine. Un homme qui sort de table a peine ix se mettre à la place d’un affamé et à concevoir les angoisses de la faim. Cela est si vrai que nous concevons difficilement les désirs corporels que nous venous d’avoir nous-mêmes dès que nous avons satisfait ces désirs ; leurs objets mêmes nous deviennent aussitôt presque désagréables à voir. « On regarde en général, dit Smith, la perte d’une jambe comme un malheur infiniment plus grand que la perte d’une maîtresse ; l’un serait cependant un sujet très-ridicule de trugédie, tandis que l’autre a souvent été la matière des plus beaux ouvrages de théâtre. * Cela vient de ce que l’imagination est intéressée dans l’un, tandis que le corps seul L’est dans L’autre.

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Rien encore ne s’oublie aussi aisément que la douleur physique. Nous concevons à peine les tourmenta du mal de dents ou de la goutte dès qu’ils sont passés ; comment, sympathisant si peu, pour ainsi dire, avec nous-mêmes dans le passé à cet égard, sympathiserions-nous vivement avec les autres, même

quand leur douleur est présente ? Il ne faut pas croire quelques apparences contraires. Sur ce sujet, si certaines maladies, certaines douleurs physiques excitent notre sympathie à un point extrême, c’est, on peut s’en convaincre par des observations, non au mal physique en lui-même, mais aux affections morales qui l’accompagnent, telles que la crainte, que notre sympathie s’adresse en réalité.

Les émotions du spectateur restent et doivent forcément rester au-dessous de celles qu’éprouve la personne intéressée. Le changement idéal d’où résulte la sympathie du premier n’est que momentané ; le sentiment de sa propre sécurité, l’idée que c’est réellement un autre qui souffre remplit continuellement son esprit et l’empêche de se

mettre à l’unisson. Quand l’accord ne s’établit pas, io désaccord est bien près d’éclater ; nous l’avons déjà vu, en sympathie, c’est comme en musique, la moindre dissonance est insupportable. Il faut alors que la personne intéressée prenne sur elle, pour diminuer l’intervalle qui la sépare du spectateur, il faut, disons-nous, qu’elle modère, qu’elle réduise ses impressions ; c’est ce qu’elle fait au reste instinctivement. Le patient, à son tour, se met à la place du spectateur, comme le spectateur se met à la sienne. Tandis que celui-ci considère ce qu’il éprouverait s’il était la personne souffrante, l’autre se figure réciproquement comment il serait affecté s’il n’était que le spectateur de sa propre situation. C’est pour cela que, généralement, nos émotions deviennent plus faibles, même à notre insu, devant un témoin et à proportion que ce témoin nous est moins familier. Le ton de notre âme, pour ainsi dire, baisse un peu avec un ami, plus encore avec une connaissance, beaucoup plus avec des étrangers, et ce n’est pas seulement l’expression extérieure de notre peine qui se modère, c’est encore notre peine intime et réelle qui se calme à la suite, par une bienfaisance singulière de la nature. On peut donc dire que le véritable remède à nos maux, c’est l’amitié, la conversation, le commerce général avec nos semblables.

SYMPATHIQUE adj. (sain-pa-ti-ke — rad. sympathie). Qui appartient à la sympathie : Vertu sympathique. Qualités sympathiques. Mouvements sympathiques. Les rapports sympathiques sont fort nombreux dans le corps humain. (Bérard.) Le sourire n’est qu’un doux épanouissement causé par quelque sentiment agréable ou sympathique. (Ch. Lévêque.) La plus solide affection, l’amitié, est involontaire et comme sympathique ; oji aime, malgré soimême, sans aucun espoir de retour. (Ch. Nod.)

D’un sympathique feu qui n’a senti les charmes ?

Amdribux.

— Qui inspire la sympathie : Un caractère Sympathique. BelUni a une qualité éminemment sympathique pour nous autres gens du Nord : la mélancolie. (Th. Gaut.)

Encre sympathique. Encre incolore quand on l’emploie, et qui noircit lorsqu’on soumet ensuite le papier à certaines manipulations.

Escargots sympalh’ques, Nom donné à deux escargots entie lesquels on prétendait qu’il existait une telle sympathie, qu’on espérait la faire servir à la correspondance de deux personnes éloignées.

— Anat. Nerf grand sympathique, ou Subst&ai :Grand sympathique, Partie du système nerveux qui se compose de deux cordons placés de chaque côté de la colonne vertébrale. Dichat a pensé que le cœur puisait dans les ganglions du grand sympathique le principe de ses mouvements. (Bouillaud.) Il est un ordre de nerfs situés le long de la colonne vertébrale et au milieu des viscères ; leur ensemble porte le nom de grand sympathique. (Broussais.)

— Méd. Poudre sympathique, Syn. de poudre de sympathie. Il Affections sympathiques, Affections ayant des sièges différents, mais tellement liées l’une à l’autre, que l’apparition de l’unedétermine l’apparition de l’autre.

— Encycl. Physiol. V. merf.

SYMPATHIQUEMENT adv. (sain-pa-ti-keînan

— rad. sympathique). D’une manière sympathique ; avec sympathie : Les membranes synoviales sont aussi, mais plus rarement, sympathiquemknt malades, avec les glandes séreuses splanchniques. (Cardini.)

SYMPATHISANT, ANTE adj. (sain-pa-tizan, an-te — rad, sympathiser). Qui sympathise, qui a de la sympathie pour quelqu’un : Des cœurs sympathisants.

Je le crois fort sympathisant.

La Fontainb.

SYMPATHISER v. n. ou intr. (sain-pa-tizé

— rad. sympathie). Avoir de la sympathie : Je vous assure que nous sympathisons, vous et moi. (Mol.) Il est impossible de sympathiser avec le fat. (Aliberc.) Les femmes éprouvent le besoin de sympathiser avec la joie, la souffrance, l’indignation. (Mme de Rémusat.) Il est duns ta nature de l’homme de ne sympathiser qu’avec les choses qui ont des rapports avec lui. (Chateaub.)

— Fig. Avoir certains rapports de conve SYMP

nance : L’esprit humain et le faux sympathisent extrêmement. (Rigault.) Le génie se plait avec la continence : il sympathise avec elle ; mais la luxure est pour lui meurtrière. (Dufieux.) L’amour et la majesté ne sympathisrnt point ensemble. (Naudé.) La gaieté soutenue et ta vraie joie ne peuvent sympathiser qu’avec des mœurs simples et pures. (SanialDubay.) Cette grande perruque, et ce linge, et ce point. Avec le nom d’auteur ne sympathisent point.

BOUllSAULT.

SYMPATHISTE s. m. (sain-pa-ti-ste — rad, sympathie). Celui qui prétend que l’unique source des sentiments que l’on éprouve pour une personne est dans l’effet produit par ses émanations.

SYMPÉRASME s. m. (sain-pé-ra-smedu préf. sym, et du gr.perasma, terminaison). Ane. log. Espèce de syllogisme dont la conclusion est très-directe.

SYMPÉHIANTHÉ, ÉË adj. (sain-pé-ri-anté

— du préf. sym, et de périanthe). Bot. Dont la corolle et le calice se réunissent en un seul tube staminifère.

SYMPÉTAL1QUE adj. (sain-pè-ta-li-kedu préf. sym, et de pétale). Se dit des étainines qui, réunissant ensemble les pétales, donnent à une corolle polypétale l’apparence d’une corolle monopétale.

SYMPEXION s. m. (sain-pê-ksi-on — du préf. sym, et du gr. pexis, coagulation). Anat. Masse dp corpuscules microscopiques qu’on trouve dans les vésicules closes de la glande thyréoîde, dans celles de la rate et des ganglions lymphatiques malades, dans les petits kystes utérins et dans le liquida des vésicules séminales.

— Encycl. M. le professeur Ch. Robin, qui a découvert ces corpuscules, en donne la description suivante : « Ils sont solides, incolores, remarquables par leur transparence et leur faible pouvoir réfringent, tantôt régulièrement arrondis, quelquefois k contours sinueux et à facettes. C’est dans les vésicules séminales que leurs formes sont les plus variées, et quelquefois ils y sont si nombreux qu’ils se touchent et se soudent aux points de contact, de manière à former des masses comme perforées et aréolaires ; là ils englobent quelques spermatozoïdes. Ils sont solides, mais friables, se brisant en éclats par la pression après s’être un peu aplatis ; leurs bords sout très-pâles ; leur masse est homogène ou quelquefois parsemée de granulations moléculaires grisâtres. Leur composition est azotée, peu connue et probablement différente d’une région du corps à l’autre. »

SYMPHACHNÉ s. m. (sain-fa-kné — du gr. sumphanés, apparent ; achnê, duvet). Bot. Genre de plantes, de la famille des ériocaulonées, réuni par quelques auteurs aux philodices.

SYMPHASE s. f. (sain-fa-ze — du gr. symphasis, apparition de plusieurs choses k la t’ois). Astron. Emersion de plusieurs astres qui paraissent simultanément.

SYMPHÈDBE s. jn. (sain-fè-dre — du préf. sym, et du gr. phtiidros, brillant). Entom. Genre d’insectes lépidoptères diurnes, de la tribu des papilionides, comprenant plusieurs espèces, toutes étrangères à l’Europe.

SYMPHÉMIE s. f. (sain-fé-mî — du préf. sym, et du gr. phémi, }e parle). Ornith. Genre d’oiseaux, formé aux dépens des scolopax.

SYMPHIANDRE s. m. (sain-fi-an-dre). Bot. V. symphyandre.

SYMPHISODON s. m. (sain-ti-zo-don — du gr. sumphusis, réunion ; odous, dent). Ichthyol. Genre de poissons, de la famille des labroïdes, ou mieux des sciénoïdes, voisin des chromis.

SYMPHOHIA s. f. (sain-fo-ni-a — mot gr. qui signifie symphonie). Ane. mus. Sorte de double tambour.

— s. m. Bot. Syn. de monorobée, genre de clusiacées.

— Encycl. Mus. Suivant Isidore, la symphonia était une espèce de tambour, percé dans le milieu comme un crible, et qu’on frappait des deux côtés, simultanément ou alternativement, de manière à produire, par le

mélange des sons graves et aigus, un accord très-agréable. Il parait que la sympkonia ne jouissait pas d’une très-grande considération, ou du moins qu’au xive siècle elle était tombée dans le mépris. Les Français appelaient cette sorte de tambour chiphonie ou chifonie, cyfoine ou sifoine et symphonie.

SYMPHOMASTE s. m. (sain-fo-ni-a-ste rad. symphonie). Mus. Compositeur de plaiuchant.

SYMPHONIE s. f. (sain-fo-nl — grec sumphônia ; de nui, avec, et de phonê, son, voix. Les Latins ont parfaitement traduit ce mot par consonantia ; de cum, avec, et de «mare, retentir, résonner). Mus. Union, concordance de sons musicaux : Les oiseaux sifflent, l’homme seul chante, et l’on ne peut entendre un chant, une symphonie, sans se dire à l’instant : « Un autre être sensible est ici. « (J.-J. Rouss.) il Aujourd’hui, Concert d’instruments : Belle symphonie. Excellente symphonie. Aimer la symphonie. (Acad.) |l Morceau de musique composé pour être exécuté par des instruments concertants ; Composer une sïm-

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phonib. Jouer, exécuter une symphonie. Les symphonies de Haydn, de Mozart, de Beethoven. (Acad.) La vie ressemble à une symphonie ^K ! charme et qui plait, mais qui dure trop peu. (Christine de Suède.) San Martini parait avoir été le premier qui nii écrit des symphonies véritablement intéressantes. (La Fage.) La. symphonie pastorale de Beethoven a des accents terribles et des naïvetés sans exemple. (G, Sand.) H Corps des symphonistes : Les voix sont prêles ; faites venir la symphonie. (Acad.) Partie exécutée par des instruments de musique accompagnant les

voix : Musique vocale avec symphonie, sans symphonie. Messe en grande symphonie. (Aciid.) Peu usité en ce sens, tt Ancien instrument, monté d’un petit nombre de cordée, et qui appartenait à la famille des harpes.

— "Bot. Genre d’arbres, de la famille des clusiacées.

— Encycl. Mus. La symphonie est la plus

Fure manifestation du génie musical ; elle est idéal de l’art, le paëme par excellence. Dans un morceau de chant quelconque, romance, air, duo, chœur, etc., soit conçu en dehors de toute pensée d’ensemble, soit faisant partie d’une œuvre considérable, du genre sacré ou du genre profane, messe, oratorio ou opéra, la partie instrumentale, quelle que soit l’importance qu’on veut bien lui accorder, quels que soient les développements qu’on lui donne, est toujours subordonnée à l’élément vocal et doit teniç compte des paroles, sans lesquelles elle n’aurait plus de raison d’être. On ne se figure point un ensemble de voix ne donnant que des sons inarticulés et non aidées par la parole, cet auxiliaire indispensable de l’action humaine. Nous le répétons donc, le corps instrumental, la masse symphonique, l’ensemble des forces de l’orchestre, est toujours et forcément subordonné aux voix, lorsque celles-ci ont une part quelconque dans une composition musicale. Or, nous ne voulons certes point médire du genre de l’opéra, qui est certainement l’une des manifestations les plus originales, les plus sincères, les plus complètes de l’esprit humain et qui restera toujours l’une des formes les plus admirables de l’art ; mais, nous le répétons, la symphonie est le drame musical par excellence, par cette raison que, dans lasymfthonie, la musique parle seule, sans aucun auxiliaire, sans aucun secours étranger qu’elle est tenue d’exprimer elle-même ce qu’elle veut dire, sous peine de ne pas être comprise.

C’est dans sa manifestation instrumentale seulement que la musique est vraiment elle-même, qu’elle vit de sa vie propre, sans rien devoir k qui que ce soit ; qu’elle se montre dans toute sa puissance, qu elle marche sans entraves, sans liens d’aucune sorte et prouve enfin ce qu’elle peut être lorsqu’on la laisse livrée à elle-même et dans sa liberté la plus absolue. I, e concerto, la sonate pour un ou deux instruments, le trio, le quatuor, le quintette peuvent déjà donner une idée de ce que peut être la musique livrée à ses seules ressources, lorsqu’elle est dans les mains d’un enchanteur comme Haydn, d’un artiste fin et spirituel comme Bocelierini, d’un grand poète comme Mozart, enfin d’un génie épique et pathétique comme Beethoven. Mais on conçoit facilement que, lorsque tous les élémunts de l’orchestre sont réunis dans un ensemble harmonieux, puissant et varié, la manifestation musicale acquiert alors une rare énergie.

Aussi, précisément parce qu’elle est une forme plus complète, plus raffinée de l’art, la symphonie est-elle l’une des dernières qui aient été imaginées. Depuis longtemps l’opéra était connu ; depuis longtemps on avait songé à marier ensemble les sons de deux, trois ou quatre voix, de deux, trois ou quatre instruments, lorsque la symphonie, la vraie symphonie, sinon telle que nous la comprenons aujourd’hui que l’orchestre a été complété par l’adjonction d’un certain nombre d’instruments, du moins telle qu’elle a été comprise par le vieil Haydn, naquit à la lumière. Depuis un siècle et demi le drame lyrique existait, lorsque deux musiciens eurent simultanément l’idée du poème symphonique et

travaillèrent à le constituer. De ces deux musiciens, l’un, Français, possesseur d’un vrai talent et doué d’une intelligence distinguée, devuit’être complètement éclipsé par l’autre, Allemand de naissance, artiste de génie, doué d’un tempérament musical d’une rare vigueur et d’une inspiration toujours fraîche, toujours souriante, toujours juvénile... le premier était Gossec, le second était Haydn.

En ce qui concerne le premier, Adolphe Adam a écrit ceci dans ses Derniers souvenirs d’un musicien : t Gossec voulut se mettre au courant du répertoire des concerts qu’il était appelé à diriger. Ce répertoire n’était pas bien étendu : il se bornait à quelques pièces de clavecin, dont les meilleures étaient celles de Couperiu et de Rameau, de quelques sonates et, comme musique d’orchestre, aux ouvertures des opéras de Lulli et de Rameau, et surtout aux airs de danse de ce dernier. II faut convenir qu’ils étaient charmants, et leur vogue était telle qu’ils étaient exécutés dans tous les pays de l’Europe, même dans" ceux où se manifestait la plus vive répulsion pour la musique française. En Italie, pendant près d’un siècle, les compositeurs n’écrivirent point de symphonies (symphonie, nous (levons le faire remarquer, est ici pris dans le sens