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menée des Indes, qui le sert arec dévouement, le console dans ses malheurs et dédaigne pour lui l’amour de àom Sébastien, Je roi de Portugal, qui l’a remarquée dans les rues de Lisbonne. Enfin lorsque, égaré par la jalousie, le pauvre Camoëns attente aux jours du roi sans le connaître, c’est encore elle qui obtient sa grâce. Ce livret poétique, intéressant et très musical, fournit tout naturellement l’occasion de faire briller le talent d’une cantatrice.

La musique de M. de Floto’w a des qualités un peu superficielles au premier abord ; mais on re peut lui contester la grâce et la mélodie, un intérêt soutenu, une distinction naturelle et une mesure de bon goût dans l’expression dramatique, ce qui peut lui mériter le nom de Auber allemand. Les morceaux les plus caractérisés dans le premier acte sont : les couplets de l’aubergiste José, Non appena arrivai di Lisbona ; l’andante chanté par Camoëns, Il dolor covri di pallor ; le duo bouffe de Zingaretta et de José, Corsi già dalV aurora, et un petit trio dans le finale, Tutto taee ; dans le second acte, la romance de Camoëns revoyant sa patrie, O palria diletta ; la canzone idei marinai», chantée par Zingaretta ; le boléro de dom Sébastien, Un di de follia. M. de Flotow s’est rappelé qu’il avait obtenu un de ses plus grands succès dans le quatuor du Rouet, de Marlha, c’est-à-dire avec un hors-d’œuvre intercalé avec goût dans l’action, en un mot, avec un intermède musical, sorte d’entr’acte qu’on écoute. Il a tenté la même fortune dans Aima l’Ineantotrice en écrivant le gracieux terzetto de la cigarette, chanté par Zingaretta, José et SebastiaDO :

Yien. chiamala sigaretta

Questa foglia avvolta e stretta

Tra le dita, corne io fo ;

Fate voi pure corne io fo,

Poi cou grazia, leggermenie.

Aile labra dolcemente

Il tubelto io portera

E prigion là lo terri

Con l’acciar la selce urtando

La scintilla va brillando,

Accendete allor in fretta

La già fatta sigaretta,

Poscia l’ocehio sejuird

Corne il fuma all’aria va.

Cette historiette touchant la première apparition à Lisbonne du tabac à fumer est bien accessoire ; cependant ce terzetto, quoique moins brillant que le quatuor du Rouet, fait grand plaisir k cause de la vivacité du dialogue, du choix des idées, de la délicatesse de l’orchestration.

Après le grand air de virtuosité d’Alma,

? ; ui ouvre le troisième acte, dont l’allégro est

ort mélodieux, il faut encore citer la belle scène où Camoëns, abandonné de tous excepté d’Alma, entend chanter ses vers dans les rues de Lisbonne et sent le courage renaître dan.s son cœur, Ah sil quel canto è mio, et le duo final. Le morceau le plus saillant du dernier acte est la prière touchante et pathétique d’Alma, Non sià tua gloria.

Distribution : Il re dom Sebastiano, M. Verger ; dom Luiz de Camoëns, M.. Nouvelli ; Alrna, bayadère, Mlle Albani ; José, aubergiste, M. Rainini ; Zingaretta, femme de José, Mlle Sanz ; Pedro, Sylveira, Fernando, officiers ; Kubli, chef d’une troupe de saltimbanques.

ALMACH s. m. Astr. Nom de l’étoile y d’Andromède.

— Encycl, C’est une belle étoile jaune de deuxième grandeur, occupant le second rang sur la file d’étoiles de même éclat ou à peu près qui commence à Persée et aboutit au Carré de Pégase. Elle est remarquable comme étoile multiple. On peut, même à l’œil nu, distinguer son compagnon, petite étoile verte de cinquième grandeur, qui elle-même se dédouble, dans les lunettes les plus faibles, en une verte et une bleue gravitant assez rapidement l’une autour de l’autre et ensemble autour de la principale. Ce système triple de soleils est un des plus beaux du ciel.

ALMAGRERA (sierra), montagne d’Espagne, province d’Almeria (Andalousie), près de la mer, dans la partie orientale de la province. Cette montagne est célèbre par ses riches filons d’argent, déjà connus au temps des Romains. Les exploitations produisent chaque année pour environ 1.200.000 francs de plomb et près de 1S millions de francs d’argent.

ALMAGRÉRITE s. f. (al-roa-gré-ri-te— de A Imagrera, nom d’une montagne d’Espagne). Miner. Sulfate de zinc anhydre trouvé à la sierra Almagrera en Espagne.

ALMAGROS (Los), ville du Mexique (Vera-Cruz), à 220 kilom. S.-E. de Vera-Cruz, et à. 20 kilom. de la côte du golfe de Campéche ; 4.000 hab. Elle est située dans un centre de grande exploitation cotonnière.

ALMAGUER, ville de Colombie ou Nouvelle-Grenade, dans l’Amérique du Sud, province de Cauca, à 70 kilom. S.-E, de Popayan et k 435 kilom. S.-O. de Bogota, par i« 57 de lat. S. et 790 16’ de long. O. ; 5.470 hab. Almagner se trouve k 2.269 mètres d’altitude ; elle fait un grand commerça de quinquina et de froment,

  • ALMANACH s. m. — Encycl. Beaucoup

do sens emploient indifféremment les mots

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amanach et calendrier. Il y a pourtant une différence essentielle entre les choses signifiées par ces deux termes, et les prendre l’un pour l’autre équivaut a, prendre la partie pour le tout. Un calendrier, dans le sens rigoureux du mot, a trait exclusivement aux divisions du temps, c’est-à-dire à l’indication des jours, des mois et des saisons de l’année. On conçoit que l’idée du calendrier, étant la plus simple, ait dû se faire jour la première. Jalmanach, au contraire, développement du calendrier, contenait, dès le début, avec les jours de l’année, les mois et les lunaisons, les principales fêtes de la primitive Église. On a cherché à établir une assimilation entre les premiers almanachs et les fastes des Romains, et cela avec quelque raison. C’est même cette assimilation qui a permis d’établir l’origine de l’aimanach, qui est un développement du calendrier, ou plutôt la fusion de celui-ci avec les fastes, sorte de registre qui contenait, outre les triomphes, les noms des consuls et des censeurs et Jes principaux faits de l’année, soit passés, soit à venir, tels que les actes que nous appellerions aujourd’hui « actes administratifs !. Pendant longtemps, le plus grand désordre régna dans le calendrier, favorisé par les pontifes et l’aristocratie. Le calendrier, en effet, était réglé par les pontifes, tous patriciens à. l’origine, qui avaient intérêt à pouvoir fixer sans contrôle les élections, les échéances des fermes publiques, les jours fastes et néfastes, comitiaux ou fériés. Cette perturbation, volontairement entretenue dans un but de domination personnelle, était arrivée à un tel point, qu’une éclipse rapportée par Tite-Live au 4 septembre u été placée par les astronomes modernes au 22 juin. En 304, le scribe Flavius, secrétaire d’Appius Claudius, rendit les fastes publics ; mais le désordre et la confusion dans la division du temps n’en persista pas moins jusqu’à la réforme entreprise par César, l’an 46, justement appelée par Macrobe la dernière année de la confusion.

Ce sont les écrivains de Y Encyclopédie du XVIH6 siècle qui ont, les premiers, fait ressortir l’analogie existant entre les almanachs et les fastes. Ce qu’il y a de certain, c’est que les premiers chrétiens firent usage d’un almanach, qui se composait d’un calendrier astronomique, d’un cycle pascal, d’un calendrier des fêtes chrétiennes, des fastes consulaires, des fastes des préfets de la Ville (Rome, Urbs), de la série des pontifes romains, de la suite des empereurs, avec des notices historiques, et, enfin, de l’indication des quatorze régions de l’empire. Cet almanach, publié à Rome vers l’an 333 de notre ère, puis continué et publié de nouveau en 354, a pu être reconstitué grâce aux patientes recherches de Rossi et de Mommsen, qui en ont retrouvé et rapproché les fragments épars à la bibliothèque Barberine et à celle de Vienne. On ne sera pas surpris de voir un espace de plus de vingt ans entre les deux éditions consécutives de cette œuvre, et l’on concevra que ce n’est qu’après l’invention de l’imprimerie que les almanachs oni pu devenir populaires. Mais il ne faut pas croire que les chrétiens aient eu le monopole des almanachs. On en trouve des traces dans la plus haute antiquité, chez les Chinois, les Indiens, les Égyptiens et les Grecs, chez tous les peuples, eu un mot, dès qu’ils ont eu quelques notions d’astronomie.

Quelle est l’étymologie du mot almanach ? C’est ici le cas de dire : Grammatici certant. La mot a une apparence qui décèle une origine arabe : al, particule qui équivaut à l’article, et manah, qui signifie compte. Littré lui donne pour origine le grec byzantinaXnivayà, qui viendrait lui-même de l’arabe al et de manah, compter, qui serait, d’après lui, un mot hébreu et non arabe. Scaliger le fait dériver du mot grec navoxôç (le cours du mois), forgé sans doute par lui, et de la particule arabe al. Il ne faut pas oublier que Scaliger vécut à Agen, où il exerçait la médecine, et que, malgré son incontestable érudition, il subit souvent l’influence du voisinage de la Garonne, qui lui inspira plus d’une extravagance. Enfin, d’autres rattachent le mot almanach au saxon al monght, contracté de al moonheld, qui en vieil haut-allemand signifie « concernant toutes les lunes ». Nous croyons, quant à nous, que sans recourir à un grec imaginaire, sans mettre à contribution l’hébreu ou l’arabe, il est plus simple de rapprocher almanach de tj |iàv«, la lune, en dialecte dorien, qui fait au pluriel al i»ivm, les lunes. Nous n’hésitons pas à proposer cette conjecture, dans une question qui jusqu’à présent ne nous parait pas avoir reçu de solution plus satisfaisante.

Le premier almanach qui parut en France, selon Brunet, fut imprimé à Paris en 1493 sous le titre de Grand Compost des Bergers. Nous avons vu trois exemplaires de cet almanach à l’exposition du Cercle de la librairie en IS80. L’un, imprimé à Paris en 1497, par Guy Marchant, sous le titre do : Le Compost et Calendrier des bergers, en caractères gothiques avec figures sur bois, est un exemplaire réputé unique, appartenant à M. Firmin Didot ; l’autre, également sa propriété, est intitulé Le Grand Calendrier et Compost des bergers, Lyon, 1510, sans nom d’imprimeur ; impression en rouge et noir ; curieuses gravures sur bois ; initiales fleuronnées provenant de l’ancienne imprimerie de Garbin et Louis Crnse, de Genève. Enfin le troisième exemplaire, appartenant à M. Claudin, a été imprimé à

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Lyon en 1521 par Claude Nourry, sous le titre de : Le Calendrier et Compost des 6ergers. En 1533, Rabelais, qui avait déjà fait paraître les premiers livres de son Gargantua et de son Pantagruel, publia un almanach qui avait pour titre : Almanach pour l’an 1533. Calculé sur le Méridional de la noble cité de Lyon, et sur le climat du Royaume de France. Composé par moy, François Rabelais, Docteur en Médecine et Professeur en Astrologie, etc. Deux ans après, il donna l’Almanach pour l’an 1535. Calculé sur tanobte cité de Lyon, d l’éleaaiion du Pôle par xlv degrés, XV. minutes en Latitude, et xxvj. en Longitude. Par Maistre François Rabelais, Docteur en Médecine, et Médecin du grand Hospital dudit Lyon. Ces deux almanachs étaient précédés chacun d’une préface intitulée : De la Disposition de cette année, qui nous a été conservée. Il s’y défend de vouloir prédira les événements qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme d’annoncer k l’avance, ■ parce que je voy, dit-il, entre tous gens sçavans la Prognostique et judiciaire partie de Astrologie estre blasmée, tant pour la vanité de ceux qui ont traité, que pour la frustration annuelle de leurs promesses ». Aussi évite-t-il soigneusement de les imiter, et ses prédictions du genre de la suivante ne pouvaient guère le compromettre : 1 Nous commencerons en cette année sentir partie de l’infélicité de la conjonction de Saturne et Mars, qui fut l’an passé, et sera l’an prochain (1536) te xxv May. De sorte qu’en cette année seront seulement les machinations, menées, fondemens et semences du malheur suivant : Si bon temps avons, ce sera outre la promesse des astres : Si paix, ce sera non par défaut d’inclination et entreprise de guerre, mais par faute d’occasion. » Rabelais publia encore d’autres almanachs ; mais les titres seuls de trois d’entre eux ont été retrouvés : l° Almanach pour l’an m. D. alj. calcule sur le méridien de la noble cite de Lyon a lelevation du pôle par XLV. degrés. XV. minutes en latitude et XXVJ. en longitude, par maistre Françoys Rabelais docteur en médecine. — 2° Almanach pour fan 1546 composé par maistre Françoys Rabelais, docteur en médecine. Item la déclaration que signifie le soleil parmy les signes de lu Nativité de l’enfant. À Lyon, Devant Notre-Dame de Confort. — 3° Almanach ou Pronostication pour l’an 1548 imprimé à Lyon audit an. — 4° Almanach et Ephemeridespour l’an de Nostre Seigneur lesus Christ 1550. Composé et calculé sur toute l’Europe, pur Maisire François Rabelais, Médecin Ordinaire de Monseigneur le Reverendissime Cardinal Du Bellay. L’année même où avait paru son premier almanach, Rabelais avait publié sa Pantagrueline prognostication, certaine, véritable et infallible pour l’An perpétuel. Nouvellement composée au prouffit et advisement des gens estourdis et musars de nature. Par Maistre Alcofribas, Architriclin dudict Pantagruel. Du nombre d’Or non dicitur ; Je n’en trouve point ceste année, quelque calcula tion que j’en aye faict. Passons oultre. Vertb folium. Ainsi que nous Pavon3 déjà fait remarquer, Rabelais publia sa Pantagrueline prognostication la même année que son premier almanach. C’était une parodie et une critique des almanachs prophétiques qui avaient vu le jour en Allemagne et en France. Nous nous bornerons à citer quelques lignes de cette spirituelle bouffonnerie. On lit au chapitre III, intitulé : Des maladies de ceste année ; ■ Ceste année les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz oyront assez mat, les muetz ne parleront guières, les riches se porteront un peu mieulx que les pauvres, et les sains mieulx que les malades. Plusieurs moutons, beufz, pourceaulx, oysons, poulelz et canars mourront, et ne sera sy cruelle mortalité entre les cinges et dromadaires. Vieillesse sera incurable ceste année à cause des années passées... etc. • On ne peut se moquer avec plus d’esprit des faiseurs d’alinanachs qui avaient la prétention de prédire l’avenir, sinon de bonne foi, du moins pour agir sur les esprits faibles et crédules qui étaient en majorité au xvie siècle. On ne saurait, d’ailleurs, s’en étonner lorsque, de nos jours, des somnambules se disant extralucides voient accourir une clientèle empressée qui ne se recrute pas seulement parmi les gens illettrés, mais qui a ivussi de nombreux adeptes dans les classes de la société que leur éducation devrait tenir éloignées de toutes ces pratiques cbarlatanesques.

On peut dire que le xvr» siècle fut l’âge d’or de l’aimanach, car les livres sur la pronostication eurent à cette époque une vogue

inouïe. TJn chanoine deLangres, qui cumulait avec sa situation ecclésiastique la profession médicale, Richard Roussat, publia en 1550, à Lyon, chez Guillaume Rouille, à l’Escu de Venise, le Livre de. l’Estat et mutation des temps, prouvant par authorités de l’Escripture Saincte et par raisons astrologales, la fin du monde estre prochaine. Cet ouvrage, très curieux, et pour cette raison très recherché des bibliophiles, a atteint, dans les ventes, un prix très élevé. Il renferme, entre autres curiosités, une prédiction de la Révolution française tellement positive qu’elle plonge le lecteur dans la stupéfaction. Les dates de 1789 et 1814 y sont nettement indiquées. On lit à la page 182 : « Venons à parler de la merveilleuse conjonction que Messieurs les astrologues disent estre à venir environ les ans de Nostre Seigneur mil sept cens octante et neuf

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lys

et oultre environ vingt-cinq ans après. Toutes ces choses imaginées et calculées, concluent lessusdilz astrologues que si le Monde jusques k ce et tel temps dure (qui est à Dieu seul congnu), de très grandes mutations et altérations seront en cestuy universel Monde : mesmement quant aux sectes et loix. » En. 1582, un autre chanoine de Langres, nommé Jean Tabourot, publia un almanach ayant pour titre : Compost et manuel Kalendrier par lequel toutes personnes peuvent facilement aprendre et savoir les cours du soleil et de la lune... suivant la correction ordonnée par noslre saint-père Grégoire XIII. Il n est personne qui n’ait entendu parler de Nostradamus, dont le nom est devenu synonyme

de prophète. Michel No3tradamûs

était médecin de la faculté de Montpellier, et comme Rabelais, comme aussi tous ceux qui pratiquaient l’art de guérir à cette époque, il se mêlait d’être quelque peu devin. II avait été médecin et conseiller du roi René. Il fut appelé à Blois par Henri II et Catherine de Médicis pour tirer l’horoscope du jeune prince. Cette faveur lui valut la visite d’Emmanuel de Savoie et de la princesse Marguerite. Il devint le médecin de Charles IX, qui le couvrit d’or, comme l’avait fait Henri. Il publia ses prophéties sous le nom de Centuries. La première édition originale des prophéties de Nostradamus fut publiée à Lyon, chez Macé Bonhomme, le 4 mai 1585. Elle contient quatre centuries, dont les trois premières renferment chacune cent strophes de quatre vers de dix syllabes, et la quatrième cinquante-deux strophes seulement.

Cette manie de pronostiquer, dont on retrouve la trace dans tous les almanachs de l’époque, n’était pas inoffensive ; elle avait

fiour but de battre monnaie en abusant de a naïveté et de la crédulité populaires. Aussi avait-elle éveillé l’attention du pouvoir, qui chercha à y mettre un frein. Un arrêt du parlement de Paris du 2 mars 1535 défend à tous imprimeurs et libraires d’imprimer et mettre en vente • aucuns livres ni pronostications et almanachs, livres sur l’art d’empirique ou livres de médecine », sous peine de dix inarcs d’argent et de prison et d’autre amende arbitraire. Il serait facile de prouver par des conséquences de cet arrêt et par des exemples plus modernes qu’une foule de publications ont dû leur succès, succès quelquefois très grand, aux rigueurs et aux prohibitions dont elles ont été l’objet. En effet, cette même année 1S35, un chanoine de l’église Saint-Barthèlemy de Liège, Mathieu Laensberg, publia son premier Almanach Liégeois, avec ce titre : Almanach pour l’an bissextil deNostre-SeigneurMDXXXVI avec les Gueides de Bruxelles et d’Anvers pour aller et venir, supputé par M. Mathieu Lansbert, mathématicien. Ce M. Mathieu Lansbert ne tarda pas à se transformer en « maistre Mathieu Laengsberg ■, nom sous lequel il est parvenu jusqu’à nous et trouva encore des imitateurs. S’il faut en croire les mémoires du xvme siècle, Mmo Dubarry, ayant trouvé dans l’Almanach Liégeois, aux prédictions du mois d’avril 1774, la phrase suivante : «Une dame des plus favorisées jouera son dernier rôle, > elle fit supprimer tous les exemplaires de l’Almanach qu’elle put recueillir. Mais le souvenir de cette maudite phrase l’obsédait. Elle répétait sans cesse : »Je voudrais bien voir ce vilain mois d’avril passé. » Le mois d’avril passa, mais Louis XV mourait le mois suivant et, avec lui, s’écroulait la fortune de la favorite. Mercier, dans son Tableau de Paris, constate que, de son temps, l’aimanach de Mathieu Laengsberg, plus de cent ans après la mort de son auteur, se tirait à soixante mille exemplaires. En 15S0, Charles IX rendit une ordonnance» par laquelle défense était faite • à tous imprimeurs et libraires, à peine de prison et d’amende arbitraire, d’imprimer ou exposer en vente aucuns almanachs et prognostication» que premièrement ils n’ayent été visitez par l’archevêque ou évêaue, ou ceux qu’il commettra ; et contre celui qui aura fait et composé lesdits almanachs, sera procédé par nos juges extraordinairement et par punition corporelle. »

Le premier almunach. vraiment sérieux parut en France en 1679. C’était l’Almanach Royal. Il contenait bien encore quelques prédictions pour amorcer le lecteur, mais il indiquait surtout, avec les phases de la lune, le départ des courriers, les fêtes du palais, les

frincipales foires du royaume et les villes ou on battait monnaie. En 1697, Laurent Henry, son éditeur, y joignit des notices statistiques et la liste des principaux fonctionnaires de l’État. Louis XIV renouvela le privilège de cet almanach en 1699 ; l’Almanach Royal contint dès lors les naissances des princes, les noms des personnages importants dans ieclergé, la robe et l’épée. Ce livre devint une autorité ; tout nom qui y était inscrit acquérait, par cela même, une sorte de noblesse. On cite une célèbre courtisane de l’époque qui avait chez elle un Almanach Royal. Quand quelqu’un se présentait chez elle, il fallait qu’il lui montrât son nom inscrit dans l’aimanach ; s’il n’y était pas, dit Mercier, elle jugeait ce vulgaire mortel indigne de ses faveurs, et dès lors sa porte lui était fermée. À la fin du siècle dernier, l’Almanach Royal rapportait à son éditeur 40.000 francs par an. En 1760, un journal littéraire, qui ne vécut qu’une année et dont le titre était : La