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enfin offrent des spécimens de l’art primitif de tailler la pierre. Souvent autour des tombes gisent les ossements de chevaux égorgés dans les sacrifices. On trouve aussi quelques inscriptions en caractères runiques. Les villes principales de l’Altaï sibérien sont : Barnaoul, BiKk, Zmeïnogorsk, Snuzounskiy, Loklevskiy, Salair, Ziranovsk, Kouznetzk, Riddersk. Les Altaï ont été explorés en partie par Pallas, Ledehur, Humboldt et Adrianoff.

ALTAMIRA, chaîne de montagnes de l’Espagne centrale, entre le Taçe et le Guadiana, séparant les monts de Tolède à l’E. de la sierra Guadalnpe à l’O.

ALTARE. village d’Italie, province et à 10 kilom. N.-O. de Gênes, par 440 21’ de lat. N. et 50 59’ de long. E. ; 1860 hab. Altare, situé dans les Alpes Liguriennes, donne son nom au col d’Altare, 490 mètres, célèbre par les campagnes de Bonaparte et de Masséna. Dans le voisinage se trouvent d’importantes mines de lignite.

’ ALTAROCHE (Louis-Michel), littérateur et homme politique français, né à Issoire (Puy-de-Dôme), le 18 avril 1811. — Il est mort à Vaux le 14 mai 1884. De 1850 à 1852, il avait été directeur de l’Odéon, puis avait exploité, avec Louis Huait, les Folies-Nouvelles, devenues depuis le Théâtre-Déjazet, enfin il s’était consacré à l’établissement de Cabaurg-Dives. Outre les romans et pièces de théâtre que nous avons cités de lui, il est encore l’auteur des Aventures de Victor Atigerol, roman dans la genre àa Faublas ; de la Coiffure de Cassandre, comédie, et de Chansons politiques, qui eurent de la vogue dans les dernières années de Lonis-Philippe et sous la deuxième République. On v trouve la facétieuse complainte sur Romieu, préfet de la Dordogne, dévoré par les hannetons :

f/insecte, comme une teigne,

Dévora monsieur le préfet,

Commençant par le plumet

Et finissant par l’empeigne...

Et ce couplet sur M. Mole, une des continuelles victimes d’Altaroche, avec M. de Montalivet :,

Au puissant roi d’Angleterre,

Pour Mole te président

Nous demandons instamment

L’ordre de la Jarretière,

Car la jarretière Tait

Bon effet sur un Mole.

ÀLTAVJLLA, nom latin de la ville d’Elfeld, près de Mayence, une des sept premières villes qui aient eu une imprimerie.

ALTAV1LLA-IRPINA, ville d’Italie (Principauté Ultérieure), province et à 10 kilom. N. d’Avellino, à 55 kilom. N.-E. de Naples, par 40° 59’ de lat. N. et 120 21’ de long. E. ; 4.4D3 hab. Elle est bâtie sur les pentes du mont Vergine ; elle possède des eaux minérales.

ALTAV1LLA-SILENTINA, ville d’Italie (Principauté Ciiérieure), province de Saleme, à 14 kilom. S. de Campagna, par 40" Si’ de lat. N. et 120 48’ de long. E. ; 3.303 hab. Altavilla est assise dans un pays fortement ondulé, sur la Calore, un des affluents de la Sele. Elle fut fondée par les Normands et détruite par Frédéric II.

ALTAZIMUT s. m. (al-ta-zi-mutt — du lat. al tus, haut, et de azimut). Astron. Instrument avec lequel on peut déterminer la hauteur et l’az’mut d’un astre, il On l’appelle aussi théo-

BOI.ITB et INSTRUMENT UNIVERSEL. V, THEODO-LITE, au tome XV du Grand Dictionnaire.

ALTBODMAISN, hameau du grand-duché de Bade, dans In partie S.-E. du pays, à 6 kilom. S.-E. du Stockach, sur la rive gauche du lac Ueberlingen, bras septentrional du lac de Constance. Cet endroit, connu des All&mans sous le nom de Bodamas, donna son nom au Bodensee, en fiançais lac de Constance. Altboilmann, séjour favori des rois carlovingieus uprès Charlemagne, a été successivement la résidence des comtes palatins et des premiers ducs de Souabe aux ixe et xe siècles, la capitale des comtes de Bregenz, et il est aujourd’hui le séjour des seigneurs de Bodmann,

ALTEA, ville d’Espagne, province et à

46 kilom. N.-E. d’Alicante, à 38 kilom. S.-E. d’Alcoy, par 38« 35’ de lat. N. et 2o 24’ de long. O. ; 5.889 hab, Elle est bâtie près de la mer, presque à mi-distance entre la pointe d’Albir au S.-O. et le cap Toix au N.-E., qui forme les limites de la baie d’Altea. Elle se trouve au pied d’un petit cerro sur la sommet duquel est une chapelle construite sur les ruines d un ancien château fort. Communication par bateau à vapeur avec l’Algérie. ALTENÀU, ville de Prusse province de Hanovre, à 10 kilom. À l’E. de Klausthal et à 10 kilom. À l’O. de Brocken, 500 mètres d’altitude, par 51" 48’de lat. N. et 8" 7’de Ion ?. E. ; 8.78S hab. Altenau, assise au pied de l’Ackerbruchberg, massif des montagnes du EarZj possède d’importantes mines d’argent, de plomb, de fer et de cuivre, des usines et des aciéries,

ALTENBERG, ville de Saxe, à 30 kilom. S. de Dresde et h 34 kilom. S.-E. de Fribourg, par 50<> 46’ de lat. N. et 11» 26’ de long. E. ; 2.009 hab. Altenbergest située sur les pentes septentrionales des montagnes d’Erzgebirge, qui séparent la Saxe de la Bohème, près de la source Weisser-Itz.

xvu.

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ALTENBERGEN, village du duché de Saxe-Cobourg (Allemagne), dans la partie méridionale du pays, district d’Ohrdruf, canton de Georgenthal, près de la rivière de Leine. Sur une éminence se trouve le Candélabre, monument érigé en souvenir de la première église chrétienne construite en Thuringe, en 724, par saint Boniface.

ALTENDORF-FROHNHATJSEN, grande agglomération delà Prusse rhénane, à 3 kilom. O. d’Essen ; 15.000 hab. Cette agglomération renferme plusieurs bourgs, notamment Holsterhausen, où l’on trouve des papeteries. Les environs sont riches en mines de houille, qui alimentent les célèbres usines d’Essen.

ALTENESSEN (Vieil Essen), ville de la Prusse rhénane, à 3 kilom. d’Essen et à 32 kilom. S.-E. de Wesel ; 1.500 hab. Mine houillère d’une grande importance, qui fournit une exportation considérable, sans compter les houilles qui sont employées pour l’alimentation des usines d’Essen.

ALTEN FJORD, golfe de la Norvège, département de Finmarken, par 70° de lat. N. Les montagnes qui l’entourent arrivent perpendiculairement au bord de la mer, laissant entre elles des anses profondes de formes pittoresques et variées. Sur les plages intérieures du fiord se trouvent les petits bourgs d’Aliengaard, Talvik, Bosekop et Kaafjord, connu par ses mines de cuivre qui occupaient autrefois 1.800 ouvriers et qui sont aujourd’hui abandonnées. Les sites d’Alten fjord sont splendides, sauvages, sévères et grandioses. Ses bords sont en partie bien cultivés ; les prairies sont belles et les forêts de pins abondent partout. L’orge y arrive à maturité en quatre-vingt-dix jours. Les arbres sont élancés, mais dépouillés de leur écorce ; beaucoup d’entre eux présentent une colonne torse telement accentuée qu’elle fait deux circonvolutions sur un mètre de longueur du tronc, qui présente alors une sorte de tireboui’hon. Le bassin d’Alten fjord a 9.500 kilom. carrés de superficie ; sari vière principale, l’Altenelv, a ses sources au S.-O. de Kantokeino.

, ALTENHE1M (Gabrielle Soumet, dame Beuvaiîj d’), femme de lettres, née à Paris en 1814. — Elle est morte le 16 mai 1SS6.

ALTENTE1G, ville de Wurtemberg, dans la forêt Noire, à 45 kilom. S.-O. de Stuttgart et à 33 kilom. E. de Badeu, partagée en deux parties presque égales par la rivière de Nagold ; S. 169 hab.

  • ALTERCAS s. m.— "Vieux mot. Supprimé

dans le Dict. de l’Acad., éd. de 1877.

À LTER-DO-CHÂO, ville de Portugal (Alemtejo), à 20 kilom. S.-O. de Portalégre, et à 57 kilom. N.-O. d’Elvas, par 390 10’ de lat. N, et 90 56’ de long O. ; 3.015 hab. La ville se trouve à 200 mètres d’altitude sur le chemin de fer de Lisbonne-Badajoz.

Alternative (l’), contribution à la psyohotogie, ouvrage philosophique anglais de M. Edmund R. Clay, traduit en français par M. A. Burdeau (Paris, 1886). Ce livre est, d’après le jugement autorisé du traducteur, une des tentatives les plus considérables qui aient été faites depuis longtemps pour établir la psychologie sur une ba^e scientifique sans la réduire à un chapitre de la physiologie, et aussi un effort très intéressant pour reconstruire, sur la psychologie ainsi renouvelée, une sorte de christianisme libre.

M. Clay part de ce point, que nous n’avons pas de critérium absolu de la vérité. Dans les circonstances où se trouve l’esprit humain, et étant donnée sa nature, il n’y a pas de certitude légitime : il ne peut y avoir de légitime que des opinions fortes. Ainsi nous voguons, bon gré mal gré, sur un océan de doutes et de conjectures. Devons-nous y flotter à la dérive ? Pouvons-nous trouver un pilote qui nous guide ? Ce pilote existe : c’est le sens commun. Le sens commun gouverne la plupart des hommes : il leur inspire, en présence des mêmes circonstances, des opinions identiques ; il leur inspire aussi, à l’égard de ces opinions, un esprit de conservation. Chacun reconnaît aisément, au dedans de soi-même, ce qu’est le sens commun. Il apporte avec lui ses titres spéciaux de créance. Il édicté, selon les occasions, un certain nombre de règles qui constituent un véritable code.

La philosophie, d’ailleurs, ne saurait se soustraire à ce code sans perdre toute force persuasive auprès de la majorité des hommes. En effet, c’est le sens commun qui, pour eux, fixe souverainement le degré de valeur des i différents corps de doctrines ou systèmes de thèses, que l’homme peut constituer. Quand un df ces systèmes satisfait le sens commun, il prend le nom de science ; quand il convient au sens commun, sans lui donner pleine satisfaction, il se range parmi les théories philosophiques ; quand il acquiert le supplément d évidence nécessaire pour satisfaire le sens commun, il passe de l’état philosophique à l’état scientifique. Ainsi la philosophie est a la science ce que l’eau-mère est au cristal. Elle ne peut se faire admettre, elle ne pourra plus tard s’imposer qu’en obéissant à la juridiction du sens commun.

De là résulte une méthode pour la recherche du vrai. Le sens commun n’est pas immuable : il est susceptible d’accroissement, de progrès. Il ’ne s’agit donc pas de rester servilement attaché à ses données actuelles : i ! fiiut se

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lancer hnrdhnent h la. recherche d’hypothèses qui l’enrichiront plus tard, qui grossiront le trésor des vérités de sens commun. Seulement, il ne faut rejeter une de ces données que si elle est atteinte et convaincue d’incohérence, c’est-à-dire soit de contradiction avec elle-même, soit de contradiction avec une autre donnée. Et dans le cas où il y a désaccord entre deux données, il faut sacrifier celle dont la disparition entraîne le moindre trouble dans le système des croyances communes.

Sur ces principes, M. Clay croit pouvoir établir l’existence de l’âme et la liberté. D’abord, c’est une des données fondamentales du sens commun que l’homme est un être durable ; qu’il y a en lui une partie essentielle, laquelle demeure la même durant le cours de sa vie. Pour la rejeter, il faudrait prouver qu’elle est incohérente ; or, c’est ce qui n’a jamais été fait. Les physiologistes 1 ont bien écartée, au nom du principe d’économie, disant qu’on peut expliquer la vie, la conscience, l’esprit, sans l’âme, et que, par conséquent, la vie, la conscience et l’esprit sont de pures fonctions du corps. Mais des arguments de cette sorte n’ont pas de prise sur le sens commun ; il soutient que la conscience demeure inexplicable, sil’on n’en fait pas l’attribut d’une substance simple, et qu’à moins de ruiner les données fondamentales de la raison, il faut admettre une âme et lui attribuer le rôle essentiel dans toutes nos actions intentionnelles.

Quant à la liberté, elle aussi est affirmée par le sens commun. C’est une de ses données, que l’homme a un pouvoir de choisir, et Ton a vainement essayé de démontrer que cette idée est incohérente. Les déterministes prétendent que, lorsqu’il y a deux motifs en présence, le mofif préféré doit être regardé comme le plus fort, sans quoi la préférence serait un fait sans cause ; mais cest là une pure pétition de principes, car il s’agit précisément de savoir si c’est dans le motif que réside la cause de la préférence. Ce qui a donné naissance au déterminisme, c’est la difficulté de distinguer dans nos actes ceux qui sont libres et ceux qui ne le sont pas, c’est, par suite, la confusion qui s’établit entre les uns et les autres. L’objet essentiul de l’ouvrage est de montrer comment cette confusion peut être évitée et de déterminer exactement le domaine de la liberté.

Pour procéder à cette détermination, il faut analyser l’esprit humain, savoir de quels éléments il est composé et quel rôle jouent ces. divers éléments. L’esprit humain, selon M. Clay, n’est pas une chose simple, provenant d’un seul facteur ; ses actes ont une double origine : ils procèdent en partie du cerveau, en partie de l’âme. Cette dualité repose sur l’existence des phénomènes inconscients de l’esprit, lesquels sont prouvés par un grand nombre de faits. L’auteur cite ces faits et les classe en quinze catégories. Ces phénomènes inconscients sont produits par Je cerveau et le système nerveux ; ils constituent ce que M. Clay appelle l’organisme mental. La partie consciente de l’esprit vient de l’âme ; mais c’est l’organisme mental, c’est-à-dire le cerveau qui impose aux états de conscience leur forme Spécifique (instinct, sensation, émotion, souvenir, imagination, spéculation, jugement, etc.).

Ainsi les phénomènes conscients sont l’effet indirect des processus organiques inconscients. Nous sommes les jouets de ces processus ; ils nous maîtrisent comme le vent maîtrise la paille qu’il emporte. Nous en sommes, en outre, les dupes : ils nous font croire que nous accomplissons librement les actes qu’ils nous imposent. Nous en sommes enfin les victimes, car ils nous inspirent cette conduite méchante et vraiment diabolique que tiennent, les uns à l’égard des autres, leshommes tant qu’ils sont dans l’état d’égoïsme que M. Clay appelle l’état de nature. En cet état, nous ne semblons être liés ensemble que comme des jumeaux siamois dont l’un ne pourrait souffrir sans vicier le sang de l’autre ; la guerre est l’état naturel de 1 homme, non pas seulement la guerre de nation à nation ou de tribu à tribu, mais une guerre perpétuelle du prochain contre son prochain ; 1 espèce humaine se dévore elle-même et se fait son propre bourreau, à la manière de certains fo °s furieux.

Toute espérance nous serait fermée si la partie inconsciente de l’esprit avait un empire universel et nécessaire sur la partie consciente. En un mot, le pessimisme, un pessimisme radical et absolu serait la conséquence du déterminisme universel et absolu. Heureusement, il reste une place pour la liberté. L’âme peut n’être pas dominée par les processus organiques inconscients. Il y a des volitions qui ne sont pas déterminées par ces processus, que l’âme seule produit, et qui sont, à vrai dire, les seules volitions réelles, tes autres n’en ayant que l’apparence. La volition vraiment libre est révélée par le sentiment du devoir : à ce sentiment qui nous pousse à adopter entre deux motifs le plus faible, correspond sûrement la liberté réelle du vouloir. L’instinct, comme on le voit, suffit à la plupart des actions humaines qu’on attribue d’ordinaire à la volonté. Le rôle de celle-ci est de diriger notre vie conformément au devoir ; elle remplit l’office de gouvernail et non de propulseur. Il suit de là que tout acte de liberté, toute volition réelle est essentiellement abnégation ; car,

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en rejetant le motif le plus fort, l’agent s’inflige à. lui-même une souffrance. Mais c’est par là seulement qu’il peut devenir une personne, t un homme nouveau ■.

Par cette théorie du rôle de la liberté s’explique le titre de l’ouvrage : VAlternative. L’homme est, en effet, placé en face d’une alternative : il aie choix d’être le jouet de la partie inconsciente de s<>n esprit, c’est-à-dire au fond de son organisme, ou de devenir une véritable personne par une réaction libre de son âme. Le premier de ces deux états est l’état de nature. Il est accompagné d’une illusion qui le rend plus misérable encore : par un mirage que produisent les forces inconscientes dont nous sommes les jouets, nous nous croyons libres en toutes celles de nos actions qui ont un caractère intentionnel ; nous ne le sommes en réalité que dans celles qui impliquent l’abdication de tout égoïsme ; c’est alors seulement que nous sommes sur la voie de la délivrance, « sur le chemin de la croix ».

Cette abnégation qui sauve et où se manifeste la liberté mène à reconnaître la vérité morale du christianisme : la vérité morale, non la vérité théologique. M. Clay s’attache à établir que l’idéal moral, tel qu’il a été tracé par le Christ, est identique à l’idéal moral vrai, par cette double raison, que : 1° l’esprit chrétien seul peut nous inspirer la noblesse et la magnanimité véritable ; et 2° la discipline chrétienne, grâce surtout à l’humilité qu’elle nous enseigne, nous met souverainement en état de conquérir la liberté spirituelle et la maîtrise de nous-mêmes.

Il montre comment naissent et se développent les trois éléments de la bonté morale ; la piété, le détachement et la charité. Il y a en nous une faculté par laquelle nous avons la perception de ce qui est sacré : c’est la vénération. Quand celle-ci arrive à percevoir qu’il y a en chaque homme quelque chose de sacré, aussi bien chez le méchant et chez l’imbécile que chez l’homme de bien ; quand il nous semble que ce serait un sacrilège de porter atteinte à ce caractère sacré, fut-ce par un ds nos sentiments, à plus forte raison par une marque de colère ; quand la vénération a pris sur nous un tel ascendant, qu’une violation de ce qu’il y a de sacré en notre prochain serait de nature à nous causer un remords dont nul avantage illégitime ne compenserait pour nous la torture, c’est alors qu’apparaît la piété. La piété traîne à sa suite diverses vertus : la pureté morale, qui exclut la sensualité déréglée ; la tempérance, qui ne se permet pas de violer les lois de la prudence en vue d’un plaisir, même innocent ; la patience et la douceur, qui répugnent à la colère et à la vengeance. C’est la vénération, principe dé la piété, qui découvre, dans le devoir, une autorité sacrée, à laquelle l’obéissance est due. C’est la vénération qui est la source de toute dignité, de toute noblesse. En effet, où voit-on s’étaler le plus la vulgarité ? Là où les relations sont dénuées de respect, c’est-à-dire dans les milieux profanes au sens le plus profond du mot. Le respect multiplie notre valeur aux yeux les uns des autres ; c’est lui qui transmue en or les métaux même les plus vils.

De la piété nous passons naturellement & la charité et au détachement. Qu’est-ce que la charité ? C’est la bienveillance, mais agrandie par la piété, jusqu’à dépasser le cercle de nos affections privées, jusqu’à devenir une sympathie active et bienfaisante embrassant tous les hommes par cela seul qu’ils sont hommes. Dans ce sentiment, la piété, se joignant à la bienveillance, la purifie, l’élève au-dessus des antipathies de caractère, et notamment au-dessus du dédain. Là où ont été supprimés l’irascibilité, l’égoïsme et particulièrement l’orgueil et la vanité, apparaît le détachement. Le détachement, en effet, n’exclut pas, quoi qu’on en pense communément, les affections particulières de l’époux, du père, du fils, de l’ami, du patriote ; seulement, il les purifie, les débarrasse de tout esprit de retour sur nous-mêmes, ne leur lais-e que ce qu’ils ont de bienfaisant. En outre, il leur donne plus de virilité ; par exemple, il nous apprend à faire le bien sans être sensibles ni à l’ingratitude ni même au mépris de nos obligés ; et, en général, il débarrasse nos affectiuns de cette faiblesse qui nous porte à avoir besoin de ceux que nous aimons. Il nous élève au plus haut de^ré de vigueur morale et d’indépendance où l’homme puisse arriver. Il est fait, en somme, de deux éléments, force et humilité : d’humilité, car c’est être humble que n’avoir ni irascibilité ni amour-propre, rien de ce que saint Paul appelle l’esprit hautain ; de force, car le détachement nous arme du courage le plus invulnérable (la plus grande énergie animale n’est en comparaison que fragilité) ; il fait de nous les vrais soldats du devoir.

Mais ces vertus : la piété, la charité, le détachement, sont des vertus chrétiennes. C’est un produit chrétien que cette abnégation dont la sagesse complète est le fruit. Rencontre digne d’attention 1 Cette voie unique de salut, que la philosophie, éclairée par la physiologie, arrive à découvrir sur la lin du Xixe siècle, le Christ, près de deux mille ans auparavant, l’avait choisie, et sans donner raison de son acte, il avait orienté la société chrétienne naissante dans la direction voulue, en imposant à l’âme des règles do

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