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Aumôniers des hôpitaux. Les hôpitaux et les hospices ont aussi leurs aumôniers. Suivant l’importance de ces établissements, cet aumônier est spécialement affecté au service religieux de la maison ou pris dans le clergé paroissial. Il est nommé car la commission administrative, sur la désignation de l’évêque. Les pasteurs protestants ont toujours accès dans les hôpitaux pour visiter les malades qui appartiennent au culte réformé. Il en est de même des rabbins.

À Paris, les hôpitaux n’ont plus d’aumôniers depuis le 1er juillet 1883. Cette mesure a été prise par le préfet de la Seine à la suite du vote du conseil municipal, qui, lors de la discussion du budget de 1883, supprima le crédit dans sa séance du 30 décembre 2882. La délibération du conseil municipal fut approuvée par décret du 20 mars 1883. Ce décret donna lieu, au Sénat, à une discussion très vive. Une question de M. Bérenger (de la Drôme), qui voyait dans la mesure prise par le conseil municipal de Paris une attaque contre la religion, occupa la séance du £9 mai 1883. M. Bérenger soutint que le conseil municipal n’avait aucune autorité sur l’Assistance publique, placée sous la direction supérieure et la responsabilité du ministère de l’Intérieur ; qu’appelé à compléter les ressources de l’Assistance publique, le conseil n’avait qu’un simple avis à donner sur le budget de cette administration ; qu’en 1879, en 1880 et en 1881, le ministre de l’Intérieur avait maintenu ce principe et annulé les votes par lesquels le conseil municipal de Paris avait voulu supprimer, par voie budgétaire, les aumôniers des hôpitaux et des hospices. M. Bérenger termina en disant que la dotation des hospices et des hôpitaux constitue une dépense obligatoire pour la Ville, en vertu de la loi du 25 vendémiaire an XI, et il demanda au ministre de rétablir le crédit supprimé.

M. Waldeck-Rousseau, ministre de l’Intérieur, répondit à M. Bérenger que le traitement des aumôniers des hôpitaux n’a jamais été une dépense obligatoire pour la commune. Cela résulte du décret de 1821, des lois de 1837 et de 1849. Le ministre n’avait donc pas le droit de rétablir le crédit supprimé. Sans doute, ajouta M. Waldeck-Rousseau, il aurait pu prélever les sommes nécessaires au traitement des aumôniers sur les autres ressources de l’Assistance publique ; mais, s’il ne l’avait pas fait, c’est qu’il voulait entamer des négociations avec l’archevêque pour arriver à une organisation meilleure du service religieux dans les hôpitaux. Il était convaincu, en effet, que, pour assurer la liberté des malades, il n’était pas nécessaire d’avoir des aumôniers internes. Ces négociations, ouvertes avec l’archevêque, ne purent aboutir : le chef de l’autorité diocésaine, prétendaat que la loi était violée, s’était refusé à toute entente. Pourquoi, si la loi était violée, ne s’était-il pas adresé au conseil d’État ? La vérité, c’est qu’on ne veut pas renoncer à une situation de faveur. Il est parfaitement possible d’organiser dans les hôpitaux et dans les hospices le service religieux régulier sans avoir des aumôniers permanents et internes. Cette réforme a été appliquée aux établissements pénitentiaires qui n’ont plus d’aumôniers logés dans l’établissement. Dans les hôpitaux même, les aumôniers savent fort bien prendre des vacances sans se faire remplacer. Dans ce cas, le service est fait par des prêtres du dehors et nul ne songe à s’en plaindre. Or, c’est là ce que nous voulons organiser pour l’avenir, afin d’éviter certains abus qu’entraîne la présence constante de l’aumônier daDs l’hôpital. La question de M. Bérenger n’eut pas, ce jour-là, d’autre suite.

Une circulaire du directeur de l’assistance publique, en date du 15 juin 1883, ayant indiqué au personnel des hôpitaux les conditions nouvelles dans lesquelles devait se faire désormais le service des secours religieux aux malades, M. Bérenger intervint une seconde fois par une interpellation qui fut discutée le 30 juin. Insistant sur le caractère obligatoire de la dépense et sur le droit du ministre de rétablir le crédit supprimé, M. Bérenger s’efforça de démontrer que les malades n’étaient plus assurés de recevoir en temps utile les soins du ministre du culte. M. Waldeck-Rousseau répondit de nouveau qu’il ne se croyait pas le droit de rétablir une dépense non obligatoire. Quant à la crainte exprimée par M. Bérenger que les malades servaient privés des secours religieux faute d’un aumônier logé dans la maison, le ministre répondit par des faits irréfutables. • Il s’en faut de beaucoup que les recours aux prêtres soient si nombreux qu’on le prétend. À l’hospice Bichat, il y a deux cents lits et on ne demanda le prêtre que huit fois par mois. À la Charité, on le demande deux fois ; à Beaujon, on le demande huit fois par an. L’aumônier interne n’est pas constamment là. Il peut sortir, notamment pour des enterrements. Il y a bien là des interruptions forcées, dont on ne songe pas à se plaindre. Le nouveau service fonctionnera aussi bien que l’ancien. •

Le Sénat, par 132 voix contre 120, donna raison au ministre. Aujourd’hui les aumôniers des hôpitaux de Paris ont disparu. Seul, l’hôpital de Berck, très éloigné de l’église paroissiale, a conservé un aumônier spécial.

XVII.

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Aumônier du régiment (l’J, opéra-comique en un acte, livret de MAI. H. de Saint-Georges et de Leuven, musique de M. Hector Salomon, représenté au Théâtre-Lyrique le 13 septembre 1877. Un vaudeville populaire a fourni le canevas et presque tous les épisodes de la pièce. Robert, maréchal des logis, blessé dans un combat en Italie, sous la première République, est logé chez Carlo, jeune forgeron. La fille de ce vieux soldat 1 a accompagné, on ne sait trop pourquoi, si ce n’est afin que Carlo en devienne amoureux ; mais Robert ne veut qu’un gendre exerçant le métier des armes. Survient un jeûna aumônier de régiment, ce qui était assez rare en 1792. Le vieux soldat a des rancunes particulières contre les prêtres, depuis que le curé de son village d’Alsace a frustré sa fille d’un héritage. Il se trouve que l’aumônier en question est le frère de l’auteur de cette mauvaise action, et, en homme de cœur, il va faire tous ses efforts pour la réparer. Il s’habille en soldat, flatte les goûts du vieux maréchal des lojis, au point de se laisser préférer au forgeron, d’accepter le titre de futur gendre et même d’embrasser par ordre la jolie Marie. Ce n’est pas tout : on bat la générale ; un combat va se livrer. Il prend la place du vieux soldat et revient victorieux, mais blessé à son tour. Tout se découvre enfin ; l’aumônier répare de son mieux la perte causée à la famille de Robert, décide celui-ci à donner la main de sa fille au forgeron et à reconnaître que la soutane peut, comme tout autre uniforme, recouvrir la poitrine d’un homme de cœur. La partition est très agréable à entendre, et la musique est toujours spirituellement associée aux situations de la pièce et au caractère des personnages. Les morceaux les plus remarqués sont : l’ouverture ; diverses marches militaires ; les couplets de Maria, Ce bon garçon est un peu bêle ; ceux dans lesquels la forgeron fait une énumération de ses propres mérites, Un beau jeune homme ; l’air de l’aumônier, dans lequel la phrase de l’ancien vaudeville, Aumônier de régiment, est heureusement rappelée et développée, et un morceau d’ensemble. Chanté par Lepers, Gresse, Grivot, M»» Sablairolles-Caisso.

Au Patata, tableau par M.Jean Béraud (Salon de 1887). Cette toile représente la salle des pas perdus au Palais de justice. De la baie vitrée tombe une vibrante clarté, qui se réfléchit sur le parquet luisant et enveloppe les choses et les êtres, les avocats gouailleurs, les greffiers importants, les plaideurs qui discutent et gesticulent à l’envi, la foule des allants et venants à la démarche pressée, affairée. « Que d’esprit dans Au Palais, dit M. Paul Leroi 1 Est-il assez vivant ce plaideur qui plaide sa cause à son propre avocat absolument indifférent à ce déluge de paroles et de gestes, et qui songe à tout autre chose qu’à écouter son client I Et l’avocat qui, chargé de dossiers, s’avance vers le spectateur avec la plus yrudhominesque solennité 1 Et la piquante demi-mondaine en explications avec son conseil I Et le vieil officier supérieur en retraite égaré dans le temple de la Justice, examinant le dossier que lui montre le défenseur de ses intérêts I Et le jeune avocat grisé de ses effets oratoires et en ressassant les oreilles de ses confrères à grand renfort de poses conventionnelles ! Pas un de ces nombreux personnagesqui ne soit pris sur le vif ; toute la scène est merveilleusement d’ensemble, brossée de verve, vivement éclairée I C’est d’une justesse extrême, mais d’une justesse essentiellement artistique. •

An Paradis des enranta, par M. André Theuriet (1887, in-18). Voici un livre exquis dans sa simplicité, touchant dans son honnêteté et qui cependant contient des pages dramatiques. C’est à Juvigny, dans une humble boutique ayant pour enseigne « Au Paradis des enfants », que se passe l’action. Elle n’est pas compliquée. Ml’a Francine Labrèche, belle jeune fille, laborieuse et sage, habille des poupées et vend des jouets pendant que son père, ancien garde retraité, passe ses journées à bêcher un petit lopin de terre acheté aux abords du village. À côté de ces deux personnages, se trouve M.Onésmie Aubriot, avocat, vieux garçon qui a grandi sous les jupes de su mère, un cœur d’or, qui s’est pris d’une bonne amitié pour Francine. Il fréquente « Au Paradis des enfants» en tout bien, tout honneur, et il apporte un jour à la petite boutique une jeune chienne, Loute, que le père Labrèche et sa fille caressent à qui mieux mieux, sans se douter que la pauvre et innocente bête va devenir la cause de tous leurs malheurs. La Loute, en se jouant dans l’eau, étrangle un canard appartenant à M. Lauverjat, un riche banquier dont la maison est proche du logis de Labrèche. La gracieuse marchande de jouets, désolée et confuse, rapporte le corps du délit aux Lauverjat et ce couple déjà mùr et sans enfants, s’éprend de la gentille Francine. On la garde à dtner, on l’invite une fois, deux fois et bientôt elle ne sort plus de chez le banquier, au grand contentement de Labrèche, flatté de voir d’aussi belles relations à sa fille, mais au grand chagrin d’Onésime Aubriot. Celuici pense avec raison qu’il convient d’aller seulement avec les gens de son rang. Ses protestations fort sensées ne servent à rien et Francine, dont les Lauverjat ne peuvent

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plus se passer, les accompagne aux bains de mer. Ce monde des baigneurs est tout nouveau pour Francine. Elle s’étonne d’abord d’allures si différentes de celles qu’ont les gens de Juvigny ; elle écoute, elle examine ; le contact journalier de Lauverjat, qui n’a pas encore atteint l’âge où l’on commence à n’être que le père d’une charmante jeune fille, éveille en Francine des sensations confuses, des sentiments inconnus. Ce qui devait arriver se produit. Une occasion aidant, la petite marchande devient la maitresse de Lauverjat. De retour à Juvigny, elle veut rompre, mais tflle est sans énergie et sans défense contre sa passion. Elle est surprise, avoue à la femme de son amant. Chassée par M11»» Lauverjat, elle implore le pardon du père Labrèche, qui la chasse à son tour. Le bon Onésime recueille la pauvrette et la confie à des fermiers qui lui imposent les plus durs travaux. Elle supporte cette vie nouvelle sans une plainte. Les années passent. Le père Labrèche reste inflexible. C’est seulement quand il se sent près de mourir que Son âme se détend. Il envoie Onésime chercher Francine, qui arrive à temps pour recueillir le dernier soupir de son père. Elle s’installe da nouveau • Au Paradjs des enfants i et y vit seule dans ses remords et dans le souvenir.d’une faute chèrement expiée. Elle n’a pour consolation et pour appui que l’amitié du bon Onésime. Il offre à Francine de devenir sa femme. Elle refuse simplement, loyalement, et ils vivent là, l’un près de l’autre, « Au Paradis des enfants », dans cette vieille boutique où se trouvent encore les jouets de jadis. Le roman de M. André Theuriet est écrit avec une sensibilité communicative qui repose de l’école moderne.

An Paya du RUIu, par J.-J. WeisS (1886, in-18). On a beaucoup écrit sur l’Allemagne et l’Alsace-Lorruine depuis la funeste guerre de 1870, et tout ce qui s’en écrit est lu avec curiosité. L’ouvrage de M. J.-J. Weiss, simples notes de voyage d’un excursionniste aux bords du Rhin, est d’une lecture à la fois attachante et désolante. < Depuis 1870, dit-il, les écrivains français qui se sont occupés de l’Allemagne n’ont guère donné au public que des pamphlets qui sont jusqu’à présent notre seule et médiocre revanche, ou, ce qui vaut moins encore que des pamphlets, des apologies peu réfléchies. Celles-ci malheureusement venaient d’hommes autorisés par leur situation, et tout inconsidérées qu’elles fussent, elles n’en ont pas moins exercé chez nous, en des provinces importantes de la chose publique, sur nos institutions scolaires par exemple, et sur la réorganisation de l’armée, une influence qui n’a pas toujours été saine. On ne trouvera dans le volume que je livre au public aucune intention de pamphlet ou d’apologie ; j’y parle de l’Allemagne avec estime, mais sans prévention en sa faveur ; surtout je me garde de découvrir et de louer chez elle ce qui n’y est pas. > Il est remarquable, en effet, qu’un observateur aussi fin et aussi judicieux que M. Weiss n’ait pas vu ce que tant d’autres avaient cru si bien voir qu’ils nous l’ont fait imiter ; en revanche, il a fait des remarques bien intéressantes sur des points que ceux qui l’avaient précédé ont laissé à l’écart.

Pour aller faire un séjour de quelques semaines à Hombourg, non dans un but d’observation, mais pour sa santé, M. Weiss passe par Metz ; de Hombourg il pousse à Francfort et visite quelques localités environnantes : Ems, où une pierre encastrée dans le sol de la promenade marque l’endroit précis où le 13 juillet 1870, à neuf heures dix minutes du matin, eut lieu la rencontre de l’empereur Guillaume et de M- Benedetti ; Friedrichsdorf, où le voyageur retrouve une petite colonie d’émigrés français, chassés en Prusse par la révocation de l’édit de Nantes et qui ont conservé précieusement les mœurs et la langue du pays natal ; puis, ii’ revient par l’Alsace. C est une simple excursion de touriste ; mais l’Allemagne est un pays si méthodiquement réglé qu’il n’est besoin que

d’en voir une fraction minime pour juger l’ensemble. Trois ordres de faits ont surtout attiré l’attention de l’observateur ; l’instruction publique, l’armée, la situation de l’Alsace-Lorraine. Pour l’instruction publique, il pense que nous ’faisons fause route, en croyant imiter l’Allemagne ; il constate notre infériorité sur presque tous les points, qu’il s’agisse de l’école primaire ou des universités ; sur un seul nous étions supérieurs à l’Allemagne : nos anciens collèges, devenus lycées, faisaient des humanistes plus instruits que les gymnases allemands ; or, cette supériorité nous sommes en train de la perdre à mesure que l’étude des langues anciennes périclite dans nos établissements d’instruction secondaire. Même infériorité pour la France si l’on compare les écoles de cadets à notre unique école de La Flèche. Tous ces chapitres sont à lire et à méditer, de même que ceux où M. Weiss analyse le prince de Bismarck et l’empereur Guillaume, deux portraits qui ne sont pas des morceaux de bravoure, comme il est toujours aisé d’en faire à un styliste, mais des pages vivantes où se dessinent nettement ces deux grands ennemis de la France : le malheur, c’est que, vus ainsi, on est forcé de les admirer. Les pages relatives à l’Alsace-Lorraine ne sont pas plus réconfortantes pour nous. • Je n’ai

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rien écrit, dit M. Weiss, qui puisse décourager nos anciens compatriotes de la généreuse douleur où ils s’obstinent ; on ne pouvait l’attendre d’un fils dévoué de la France qui s’ho nore d’avoir été le dernier collaborateur de Gambetta. Je n’ai rien écrit non plus qui puisse entretenir chez eux des espérances que l’événement n’a cessé de tromper ; on ne l’attend pas d’un homme de bonne foi. » Et c’est là précisément ce qui est décourageant ; à iire ces pages, en voyant que les Alsaciens n’ont d’autre grief à reprocher aux Allemands que d’être Allemands ; que d’ailleurs ils avouent, tout en maudissant l’annexion, jouir d’une administration moins compliquée, d’une justice plus prompte et plus équitable, d’impôts inoins lourds ; que la discipline militaire prussienne elle-même ne leur parait déjà plus si pénible, on se con-Viiinc que bien des choses se sont modifiées depuis 1871, qu’il s’est fait sourdement, sans bruit et sans secousses, un travail d’unification, de pacification, sur lequel, avant ce livre, on n’avait aucune donnée. Mais ce n’est pas seulement Metz et Strasbourg que M. Weiss voit indéfiniment rester aux maii.s du vainqueur ; ne craint-il pas que toute la France ne subisse, à une époque plus ou moins lointaine, le même sort que ses provinces de l’Est ? On le dirait aux lignes mélancoliques par lesquelles il termine. • De l’alouette gauloise, de l’aigle prussienne, du léopard auglais, qui régnera sur les continents et sur les mers ? Hélas t ce n’est presque plus une question. Le léopard a la mer, et l’aigle de Prusse aura le continent. Il ne restera à la pauvre alouette que sa chanson. Mais va, pauvre alouette, tu seras bien vengée, car le monde était autrement gai sous tes auspices qu’il ne le sera avec l’aigle et le léopard. • Ce sont des conclusions bien pessimistes ; elles vous font froid dans le dos. Ce livre n’en est pas moins de ceux qu’il est bon de lire.

An Paya de» sonveiiira, par M. Armand Silvestre (Paris, 1887, in-18). En ce temps où l’on oublie si vite ceux-là surtout dont on a reçu quelque bien, c’est une douce chose que de suivre M. Armand Silvestre dans le voyage qu’il entreprend au pays de ses souvenirs. On éprouva un charme particulier à voir les portraits que sa plume trace de ceux qu’il a connus et aimés, et on se surprend à partager l’émotion sincère du gai conteur dont on n’avait jusqu’ici partagé que le joyeux rire. L’auteur de tant de gauloiseries qui ne sont pas précisément destinées aux pensionnats de jeunes filles, se laisse aller cette fois à la tendresse de sa mémoire, et, dans cette histoire du passé qu’il évoque, plus d’une page exquise révèle l’homme derrière l’écrivain, l’ami derrière le critique. Voici d’abord des souvenirs d’enfance : la première cravate blanche prêtée par un valet de pied ; la première pièce de vers écrite pour la fête de la grand’tante chez qui on passe ses vacances ; la première soirée chez Emile Deschamps, où le collégien timide fait ses débuts dans la société de Versailles. Les années marchent, le poète grandit, se façonne et se dégourdit. Ici se placent les joyeux récits de jeunesse, le souvenir des heures délicieuses passées cheï Feyen-Perrin, dont il garde le souvenir vivace. Et que dire de son culte pour Théophile Gautier, qu’il présente sous un jour tout nouveau ? Jusqu’ici on ne voyait dans l’auteur d’Emaux et Camées que le poète ciseleur, que le criti

?»e à la plume magique, bienveillant aux

aibles et se vengeant des mauvais peintres en leur donnant des leçons de coloris. M. Armand Silvestre nous révèle un autre Gautier : c’est < un sage, un héroïque, un vaillant de toutes les heures». Cet Athénien était un Spartiate ; ce délicat était un patriote. Lors des événements de 1870, Gautier, malgré ses cinquante-sept ans, prend les armes, et à ceux qui cherchent aie dissuader il répond : « On bat maman, je pars. » Quelques mois plus tard, ce Français mourait frappé au cœur par le siège de Paris et par la Commune. Si M. Silvestre a un culte pour Théophile Gautier, il a pour George Sand une adoration enthousiaste. Il raconte ainsi lsi première entrevue qu’il eut avec elle : ■ Je sortis de là adopté, me réfugiant sous le patronage d’un esprit plein de grandeur et de tendresse, sentant en moi je ne sais quoi de filial pour ce génie ciémetit aux faibles, pour cet être si plein d’une bonté pénétrante, pour cette femme auguste dont l’âge nimbait le front d’une auréole d’argent. » Chez M. Silvestre, l’enthousiasme commande l’indulgence, et il ne trouve qu’à admirer dans les romans écrits et vécus de George Sand. < Demande-t-on compte au torrent des roseaux

qu’il ploie et emporte ? En descend-il moins des cimes pures ? En reflète-t-il moins les transparences azurées du ciel ? Ceux qui ont

ftarie légèrement de sa vie ont eu tort de a mesurer à la toise commune. Le cœur était si haut chez elle qu’on n’y pouvait atteindre que lorsqu’elle daignait se baisser. ■ M. Silvestre se montre d’ailleurs bon pour tous. Suivons-le au café Guerbois, où naquit le naturalisme. Là il passe en revue tous ceux qu’il avait l’habitude d’y rencontrer : Zolu et Manet, Duranty, Desboutiûs, Funtin-Latour, Degas, Béraud. La plupart sont arrivés ; d’autres sont restés en route, éreintés, fourbus. Ces oubliés, M. Silvestre ne les

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