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l’artillerie ; c’est un témoignage pour les marques d’estime, d’affection et d’amitié que nous a données ce brave et intrépide général. »

Bonaparte partit de Toulon dans les derniers jours de décembre 1793 ; le 30 décembre il était à Marseille, où il revit sa mère, ses frères, et ses sœurs, qui n’avaient cessé d’y habiter depuis que sa famille avait quitté la Corse ; il était accompagné du sergent-calligraphe Junot, dont il avait fait son aide de camp, et un peu aussi son secrétaire. C’est de cette ville et sous cette date qu’en qualité de général de brigade d’artillerie, nous le voyons délivrer un certificat élogieux à la 17e compagnie d’artillerie à cheval, et les jours suivants donner des ordres en la même qualité. Huit jours après, le 7 janvier 1794, il recevait l’ampliation du brevet de son grade de général de brigade d’artillerie, signé des membres du comité de Salut public, et telle était alors déjà la confiance qu’il inspirait, qu’il fut chargé, par le Comité, du commandement en chef de l’artillerie de l’armée d’Italie, ainsi que de l’armement des côtes de la Méditerranée, depuis l’embouchure du Rhône jusqu’à celle du Var.

Mais ne quittons pas cette bonne ville de Marseille sans dire que c’est là, pour la première fois, que Junot vit cette Paulette, dont il devint tout d’un coup éperdument amoureux. Des huit enfants, Pauline Bonaparte était celle qui ressemblait le plus à Mme Laetitia Ramolino ; elle avait alors quatorze ans, et l’aurore de cette splendide beauté que devait immortaliser le ciseau de Canova se reflétait déjà en elle.

Pendant les mois de janvier et de février 1794, Bonaparte s’occupa de l’armement dont il avait été chargé, et c’est alors qu’il fit avec sa famille plusieurs courses pour déterminer la position des diverses batteries à établir, et qu’il adressa au comité de Salut public un mémoire où étaient savamment calculés les moyens de défense du littoral de la Méditerranée, et où il annonçait les mesures qu’il avait prises lui-même en qualité de général de brigade d’artillerie, chargé de l’armement de ce littoral. Ainsi il menait de front les devoirs de sa charge et ceux non moins sacrés de la famille et de l’amitié. Le général La Poype lui avait été adjoint pour cette opération ; et c’est ici que se place un incident qui faillit le compromettre assez gravement et terminer d’une manière tragique la carrière la plus gigantesque qu’il soit donné à un homme de parcourir.

Bonaparte avait proposé au représentant Maignet, délégué de la Convention et alors tout-puissant à Marseille, de faire réparer les forts Saint-Nicolas et Saint-Jean, en partie démolis par le peuple au commencement de la Révolution. Son dessein, très-louable et très-patriotique, était de mettre par là à l’abri d’un coup de main les poudres de guerre et les armes qui y étaient renfermées. Le citoyen Maignet trouva là une belle occasion de faire du zèle, à cette époque suprême où chacun tremblait pour sa vie. Adressa-t-il à ce sujet une dénonciation en forme au comité de Salut publie ? on serait tenté de le croire. Toujours est-il que, dans la séance de la Convention nationale du 7 ventôse an II (25 février 1794), le représentant du peuple Granet dénonça le général La Poype et son chef d’artillerie Bonaparte, comme ayant voulu faire rétablir les bastilles que le tyran (Louis XVI) avait fait élever autrefois autour de Marseille, et demanda qu’ils fussent cités l’un et l’autre à la barre de la Convention. La Poype dut recevoir à Marseille, vers le 6 mars, le décret qui le mandait à Paris. Il partit immédiatement, et, dans la séance du 15 mars, Barrère lut des lettres écrites par le représentant Maignet, démentant le fait imputé à La Poype, et l’attribuant uniquement au général d’artillerie Bonaparte. La Poype, justifié, fut admis aux honneurs de la séance. Mais Bonaparte n’y parut point, parce que, lorsque le décret qui l’y appelait en même temps que La Poype parvint à Marseille, il était déjà parti de cette ville avec Junot pour visiter les côtes de la Méditerranée, puis se rendre à Nice, où il avait à exercer les fonctions de commandant en chef de l’artillerie de l’armée d’Italie. Il était donc à Nice, où s’étaient rendus de leur côté les représentants du peuple Ricord et Robespierre jeune, délégués de la Convention à l’armée d’Italie. Ricord avait emmené avec lui sa femme, et Robespierre jeune sa sœur Charlotte Robespierre, amie de Mme Ricord. Or Mlle Robespierre conçut, à première vue, pour le jeune protégé de son frère une estime qui avait fait sur son cœur de jeune fille et de républicaine une telle impression, qu’elle aimait encore à en parler le 1er août 1834, quand elle mourut dans la petite chambre qu’elle occupait avec Mlle Mathon, à Paris, rue Fontaine-Saint-Marcel.

Ce fut à Nice que Bonaparte apprit la dénonciation de Maignet et la comparution du général La Poype à la barre de la Convention. Mais il était à l’armée d’Italie, où sa présence fut jugée nécessaire, et il employa l’assistance des représentants qui l’avaient vu à l’œuvre à Toulon, et qui, mieux placés pour juger de l’affaire, pouvaient la présenter sous son vrai jour au comité de Salut public. Le Comité en jugea comme eux et révoqua l’ordre de comparution à la barre de l’Assemblée. Ce résultat, où il y allait de la liberté et de la vie du futur empereur, fut dû surtout à Joseph Robespierre, qui, au siège de Toulon, avait conçu la plus haute estime pour le caractère et les talents de Bonaparte.

Bien que les Austro-Sardes fussent en ce moment en force dans les Alpes-Maritimes, les hostilités n’avaient pas été reprises, et l’armée languissait au quartier général de Nice, où l’on attribuait son inaction au général en chef Dumerbion, vieux, impotent, goutteux, morose, rempli d’un zèle inutile, et dont le cœur valait mieux que le bras. En arrivant à Nice, Bonaparte, qui voyait d’un regard le défaut de l’armure, s’affligea de cet état de choses, et, du 27 mars au 2 avril 1794, c’est-à-dire en six jours, il se mit au courant de la situation. Il en conféra sérieusement avec les représentants Ricord et Robespierre jeune. Il reconnut d’abord toute la force des positions de l’ennemi et le vice du système d’attaque ; et il eut le bonheur, non-seulement d’en concevoir, mais d’en faire adopter un meilleur, grâce au concours des représentants et à la franche loyauté du général en chef. Ses démonstrations portaient la conviction dans tous les esprits droits ; à cette époque d’abnégation patriotique tous les cœurs battaient à l’unisson quand il s’agissait du salut de la France. Il proposa de tourner la gauche de l’armée austro-sarde, pour rendre l’armée française maîtresse de la chaîne supérieure des Alpes, sans l’engager dans des entreprises trop difficiles. Ce plan devait avoir pour résultat de placer la défensive dans sa position naturelle, c’est-à-dire sur la crête des Alpes ; de porter la droite de l’armée dans un pays où les montagnes étaient beaucoup moins élevées ; de couvrir une portion de la rivière de Gènes et de rétablir les communications entre cette ville, l’année d’Italie et Marseille. Tout ce plan reposait sur ce principe de la guerre de montagnes : forcer l’ennemi à sortir de ses positions sous peine d’être tourné. Il fut adopté le 2 avril 1794, dans un conseil de guerre composé des représentants Ricord et Robespierre jeune, du général en chef Dumerbion et des généraux Masséna, Vial, Rusca et Bonaparte.

Le même jour, 13 germinal an II (2 avril 1794), Bonaparte écrivit de Nice au chef de brigade Manceaux, directeur du parc d’artillerie à Port-la-Montagne (Toulon), le billet suivant :

« Nous avons un besoin urgent de cartouches, envoie-nous-en un million, à Nice, sans délai. Nous entrons demain en campagne avec 30,000 hommes ; juge des cartouches que l’on consumera. »

Il y a consumera ; mais, ma foi, quand on est si français de style, de cœur et de génie, on peut bien se permettre un léger divorce avec madame la syntaxe, d’autant plus qu’il est des cas où les lexicographes ne s’entendent pas encore sur l’emploi de consumer et de consommer.

Le mouvement fut retardé de deux jours ; mais on sait que, quand Napoléon paraissait reculer, c’était pour mieux sauter.

Nous avons plusieurs fois nommé Robespierre jeune ; c’est que, comme on l’a vu et comme on le verra plus clairement encore, il fut pour beaucoup dans les heureux commencements de Bonaparte. Cette liaison, cette amitié réciproque va nous faire quitter pour un instant le fil de notre narration.

M. Fossé-Darcosse, ancien conseiller à la cour des comptes, mort à Versailles, grand amateur d’autographes, et qui en avait réuni une très-riche collection, aimait à raconter que la première pièce dont l’intérêt lui avait révélé l’attrait et l’importance de ce genre de documents historiques, était une lettre de Robespierre jeune à son frère, datée de Nice, le 16 germinal an II (5 avril 1794), et où se trouve cette apostille : « J’ajoute aux patriotes que je t’ai déjà nommés le citoyen Buonaparte, général, chef de l’artillerie, d’un mérite transcendant. Ce dernier est Corse ; il m’offre la garantie d’un homme de cette nation qui a résisté aux caresses de Paoli et dont les propriétés ont été ravagées par ce traître. » Ce post-scriptum prouve que le jeune Bonaparte avait eu avec Robespierre jeune de longs et intimes entretiens, où il aimait à parler de ses souvenirs de jeunesse.

Joseph Robespierre écrivait cela à vingt-huit ans, au début de la campagne d’Italie ; et ce jugement si clairvoyant, porté par un homme si jeune sur un officier plus jeune encore, qui n’avait pu jusque-là se signaler que par ses services au siège de Toulon, avait naturellement de quoi frapper un esprit attentif, curieux de rapprochements et de singularités historiques. Aussi est-ce cette lettre qui a fait de M. Fossé-Darcosse un amateur passionné d’autographes, et qui a été l’origine de la remarquable collection dans laquelle il nous a été donné de consulter des pièces importantes qui figureront ici même. Cette lettre fut son chemin de Damas et sa langue de feu. Ce noble goût des autographes avait rectifié en lui bien des opinions, bien des préjugés sur les hommes et les choses de la Révolution.

Notre reconnaissance devait ce souvenir et ces deux alinéas à l’excellent conseiller, au risque de nous écarter un peu du cadre qui nous est tracé. Une des qualités saillantes de notre héros est la reconnaissance, et l’on sait avec quelle facilité un auteur s’assimile, d’une manière presque inconsciente, le sujet qu’il traite. Ainsi nous voilà confondu avec ce morceau d’argile grossière de l’apologue oriental, qu’un sage avait ramassé dans son bain : « D’où te vient cet arôme inusité ? — J’ai séjourné quelque temps au milieu d’un bouquet de roses. »

Ce fut, on peut le dire, au sortir de ce conseil de guerre du 13 germinal an II, où Bonaparte fit adopter le plan de campagne qu’il y proposa, que Robespierre jeune, qui avait connu et vu à l’œuvre son nouvel ami au siège de Toulon, qui avait signé le 20 décembre 1793 sa nomination au grade de général de brigade d’artillerie, ce fut à cette occasion qu’il écrivit à son frère la lettre dont nous avons recueilli le passage si remarquable qui vient d’être cité, lettre bien propre à faire tomber l’imbécile dénonciation de Maignet, lettre inconnue à tous les historiens de Napoléon, et à M. de Coston lui-même, le mieux informé de tous sur les premières années de sa vie. M. de Coston, en effet, n’a connu et ne cite de Robespierre jeune qu’une lettre, bien curieuse aussi, écrite durant sa mission près de l’armée d’Italie, mais où Bonaparte n’est pas nommé ; elle se rattache cependant à ce début de la campagne d’Italie dont nous parlions tout à l’heure, et fait le plus grand honneur aux sentiments honnêtes et au pur patriotisme du jeune délégué de la Convention. M. de Coston la cite avec les remarquables rapports au comité de Salut public, qui, bien que signés par ses collègues, sont évidemment rédigés par lui. Voici cette lettre de Joseph à Maximilien Robespierre. Ces documents parlent haut, et sont d’eux-mêmes, sans avoir besoin de commentaires, la réfutation de bien des calomnies et des contes ridicules ; on y voit clairement ce que pouvaient et ce que sentaient ces hommes que la réaction thermidorienne s’est attachée à noircir pour les besoins de sa cause, et dont le procès, selon l’expression de Cambacérès, a été jugé, mais non plaidé. Cette lettre, qui est écrite du théâtre même de la guerre, anticipe un peu sur les événements, mais nous y reviendrons.

« Ormea, le 29 germinal an II de la République.

« Plus nous avançons en pays ennemi, plus nous sommes convaincus qu’un des grands moyens de contre-révolution employés par ces hommes perfides, dont plusieurs sont tombés sous le glaive de la loi, était les outrages et les violences faits au culte.

« Partout nous avons été précédés de la terreur : les émigrés avaient persuadé que nous égorgions, violions et mangions les enfants, que nous détruisions la religion.

« Cette dernière calomnie produisait les plus tristes effets. Une population de 40,000 âmes de la vallée d’Oneille avait pris la fuite. On n’y rencontrait ni femmes, ni enfants, ni vieillards. Une si énorme émigration nous aurait opposé de grands obstacles, si nous n’étions parvenus à la dissoudre par l’accueil fait aux misérables habitants des campagnes, en proie à la plus affreuse ignorance.

« Les défenseurs de la patrie se sont parfaitement conduits : ils n’ont touché à aucune image dans un pays où la superstition en a couvert toutes les murailles. »

Les événements auxquels cette lettre se rapporte avaient eu lieu en onze jours, du 6 au 18 avril 1794. Dans ce court intervalle, l’armée républicaine avait marché de succès en succès, au pas de course.

Le 6 avril, une division de 14,000 hommes, commandée par le général Masséna, partie de Nice la veille au matin, passe la Roya, s’empare du château de Vintimille, marche sur le mont Tanardo et y prend position. Le même jour, une brigade, sous les ordres du général Bizannet, passe la Taggia, s’établit au Monte-Grande, et s’empare du camp de Fougasse.

Le 8 avril, le général Bonaparte, à la tête de trois brigades d’infanterie, culbute au delà de Menton une division autrichienne, et s’empare du port d’Oneille, où les Anglais s’étaient établis. Le 10 avril, combat de Ponte-di-Nave, où fut battu le reste d’une division autrichienne.

Le 17 avril au matin, l’armée entra à Ormea, ville approvisionnée de toutes sortes de munitions et défendue par une garnison de 400 hommes, qui capitula. C’est de là que, le lendemain, 29 germinal (18 avril), Robespierre jeune adressa à son frère la seconde lettre qu’on a vue plus haut. Ce même jour 18 avril, l’armée républicaine, poursuivant le cours de ses succès, occupa Garessio et Loano. Le 24, Masséna emporta les hauteurs de Muriato, qu’occupaient les Autrichiens.

On manquait cependant de bouches à feu, et le général Bonaparte avait été envoyé à Nice pour y activer le service de l’artillerie. Il adressa de là, le 25 avril, une lettre de service au capitaine Perrier, à Marseille, et, le même jour, une autre lettre au directeur d’artillerie, à Port-la-Montagne, pour presser l’envoi des objets nécessaires à l’armée. Tout allait bien d’ailleurs, et une lettre écrite de Saorgio le 10 floréal an II (29 avril 1794), par les représentants du peuple Ricord et Robespierre jeune, l’annonçait à la Convention nationale. Telle était toutefois l’urgence des besoins de l’armée, en fait d’artillerie, que Bonaparte ne cessait d’écrire de Nice lettres sur lettres à ses subordonnés dans son arme. Le 2 mai 179.4, il adressait le billet suivant à Manceaux, directeur du parc de Toulon :

Le général commandant l’artillerie, au citoyen Manceaux.
                      Nice, le 13 floréal an II.

« Tu feras partir pour Nice dix pièces de 4 avec leurs caissons. Buonaparte. »

Son activité s’étendait à tout. Il écrivait, le 19 floréal an II (8 mai 1794), au citoyen Chartron, adjudant-major d’artillerie :

« Dès le moment que la carte sera faite, tu te rendras au golfe Juan ; tu en lèveras le plan ; tu marqueras la position des batteries existantes et de celles que j’ai ordonnées ; tu auras soin de spécifier le mouillage,

              BUONAPARTE. »

Il remplissait avec zèle en ceci les fonctions dont il avait été chargé pour l’armement des côtes de la Méditerranée.

Le vieux Dumerbion avait retrouvé, malgré sa goutte, toute l’ardeur de sa jeunesse au contact de celle de Bonaparte ; il était venu lui-même à Nice pour diriger une expédition vers le nord des Alpes ; et il put, le 11 mai, annoncer à la Convention l’occupation du Col de Tende par l’armée sous ses ordres.

Par l’exécution du plan de campagne de Bonaparte, adopté au conseil de guerre du 2 avril 1794, l’armée d’Italie était ainsi maîtresse, un mois après, de toute la chaîne supérieure des Alpes maritimes, et communiquait avec le poste d’Argentière, dépendant de la droite de l’armée des Alpes, dont le quartier général était à Grenoble. 4,000 prisonniers, 70 pièces de canon, deux places fortes, Oneille et Saorgio, enfin l’occupation de la chaîne des Alpes jusqu’aux Apennins, tels furent les résultats inespérés de cette belle opération ; et c’était à Bonaparte que le général en chef Dumerbion, homme loyal autant que brave, se plaisait à en faire honneur. Il disait aux représentants du peuple à l’armée d’Italie : C’est au talent du général Bonaparte que je dois les savantes combinaisons qui ont assuré notre victoire.

Tout allait vite en ce temps, tout était extraordinaire. L’officier général qui avait montré ce talent, trouvé ces savantes combinaisons dont la victoire avait été le résultat, et qui recevait ce bel éloge de la bouche de son vieux général en cher, était un jeune homme qui avait encore deux mois à courir avant d’atteindre sa vingt-quatrième année.

Ces résultats obtenus, les anciens comtés de Nice, Monaco, Menton et Roquebrune, affranchis de l’étreinte de l’ennemi, et les frontières de la République française portées jusqu’à celles de la Ligurie, Bonaparte se livra tout entier à la mission dont il avait été chargé par le comité de Salut public, et sembla ne plus s’occuper que de plans topographiques et de mesures d’administration. Avec son fidèle Junot et son jeune frère Louis, il parcourt en peu de jours les côtes voisines, ayant l’œil sur tout, pour tout mettre sur un bon pied contre l’ennemi. La guerre maritime le préoccupe autant que l’autre, car l’une et l’autre doivent concourir à la défense du pays. Il envoie au comité de Salut public un travail dans lequel il indique les neuf bons mouillages où les flottes de la République peuvent abriter des vaisseaux de haut bord, entre le golfe du Lion et celui de Gênes :

1o Le port du Rhône, qu’il qualifie de chantier-construction de la Méditerranée, tandis qu’il appelle Toulon et la Spezzia ports d’armement ;

2o L’Estisset, au fond de la baie de Marseille,

3o Port-la-Montagne, à la fois mouillage et port d’armement ;

4o L’île de Portecros, l’une des îles d’Hyères ;

5o Fréjus ;

6o Le golfe Juan ;

7o Villefranche, à l’est de Nice, au delà de Montalban ;

8o Gênes ;

9o La Spezzia.

Il s’adjoint, pour ces sortes de travaux, les hommes les plus instruits, entre autres un capitaine d’artillerie, le citoyen Chantron, savant mathématicien et bon dessinateur, qu’il avait connu à Marseille, et qu’il avait fait appeler auprès de lui et élever au grade d’adjudant-major par Robespierre jeune. Par un ordre daté de Nice le 10 prairial an II (29 mai 1794), il avait chargé ce savant de lever divers plans jugés par lui utiles, et, pour cet objet, il lui avait envoyé le libellé suivant :

ARMÉE D’ITALIE.

Liberté. Égalité. Fraternité.

Le général commandant l’artillerie de l’armée d’Italie, au quartier général de Nice, 10 prairial an II de la République.

« Il est ordonné au citoyen Chantron, adjudant-major d’artillerie, de se rendre à Ormea.

« Il dessinera les vues des monts Orio, col de l’Arma, col Capriola, qui ont été enlevés à l’ennemi.

« Il visitera nos postes les plus avancés du côté de Carnin, de la Certosa et les hauteurs de Morta, qui ont été enlevés à l’ennemi le 8 floréal ; il fera après cela deux cartes :

« 1o Une des hauteurs qui joignent les hauteurs de Ponte-di-Nave à Carnin, à Certosa, à la hauteur de la Morta ;

« 2o L’autre, qui joigne les hauteurs de Ponte-di-Nave avec le col Ardente-Pezzo, Tanaro et la hauteur de la Briga.

« Il prendra des renseignements à Oneille