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une description poétique de son bouclier, qui semble une imitation de celle du bouclier d’Achille au XVIIIe chant de Y Iliade. Les anciens mêmes ont élevé des doutes sur l’authenticité de ce troisième morceau. Il est certain, vu son ampleur, qu’il n’a pas été fait pour le récit où il est intercalé. La description du bouclier d’Hercule ne peut provenir que de quelque grande épopée "qui ne nous est point parvenuej ou d’un plus grand ensemble poétique. Quoi qu’il en soit, le Bouclier d’Hercule n’est pas un centon, une pièce sans originalité et sans valeur. Il y a du mouvement, de l’énergie ; le style n’est dénué ni de souplesse ni d’éclat.

« Ce lambeau d’épopée, dit M. Bignan, traducteur, est rempli sans doute de brillantes images, de traits vigoureux, de nobles pensées ; mais plusieurs vers sont textuellement empruntés de VIliade, et l’on reconnaît dans la couleur générale du style un caractère évident d’imitation. La poésie en est souvent abondante et large, comme dans Homère ; elle n’est plus serrée et pleine, comme dans Hésiode. » La traduction de M. Bignan fait partie de la grande collection du Panthéon littéraire. "

BOUCLUS s. m. (bou-kluss-rad. boucler). Ouvrage qui est destiné à couper les communications de l’ennemi, h Vieux mot.

— Bot. Conceptacle à surface large et aplatie, qui se développe au bord du thalle de certains lichens, il Nom vulgaire de l’agaric à pied court.

BOUCON s. m. (bou-kon — de l’ital. boccone, bouchée, formé de bocca, bouche). Mets ou breuvage empoisonné : Donner le boucon à quelqu’un. Prendre, avaler le noucon. D’Effiat se détourne, va à l’armoire, l’ouvre, jette son boucon ; puis, en entendant quelqii un, s’arme de l’autre pot d’eau commune. (St-Sim.) Il Vieux et familier,

BOUCQUE s. f. (bou-ke— lat. bucca, mémo sens). Ancienne forme du mot bouche.

BOUCQUEAU (Jean-Baptiste), jurisconsulte belge, né à Wavre dans le Brabant, mort en 1802, était avocat à Bruxelles. Il s’est surtout fait connaître par un livre des plus bizarres, qu’il dédia à Bonaparte et à Pie Vif, et qui a pour titre : Essai sur l’application du chapitre vu du prophète Daniel à la Révolution française, un motif nouveau de crédibilité, fourni par la Béuolution française sur la divinité de l’Écriture sainte (Bruxelles, 1802, in-8°).

BOUCQUEMON s. m. (bou-ke-mon). Race de bœufs qui tire son nom d’un bourg voisin de Saverne (Bas-Rhin) : Les caractères du boucquemon sont : robe rouge vif, tête blanche, cornes dirigées en bas, peau peu épaisse, poil fin. La race du boucquemon est remarquable par. ses qualités laitières et sa disposition à l’engraissement.

BOUCQUET (Victor), peintre flamand, né a Furnes en 1019, mort en 1677. Plusieurs de ses compositions se trouvent à Loo ; mais celle qui passe pour la meilleure est le Jugement de Cambyse, tableau qui décore la salle d’audience de l’hôtel de ville de Nieuport.

boucquetine s. f. (bou-ke-ti-nc). Bot. iiyn. de boucage.

BOUCRAIE s. f. (bou-krè). Ornilh. Nom vulgaire de l’engoulevent. Il On dit aussi

BOUCHERAIE.

BOUDA s. m. (bou-da). Nom des sorciers chea les Abyssins.

boudant (bou-dan) part. prés, du v. Bouder : Surtout sacrifiez aux Grâces, et ne croyez pas vous rendre plus aimable en boudant. (J.-J. Rouss.) Elle se retira en boudant, et éteignit sa lampe avec colère. (Lamart.)

BOUDANT, ANTE adj.(bou-dan — rad. bouder). Qui boude : Enfant boudant. Femme boudante. Après cinquante ans, il n’y a plus de cour, et les femmes les plus accréditées dans la bourgeoisie régnante, ou dans l’aristocratie boudante, ne parviendraient pas à faire donner un débit de tabac dans le moindre bourg. (H. Beyle.)

BOUDDHA. C’est le nom sacré du fondateur du bouddhisme, de même que le mot Christ est celui de Jésus. Bouddha signifie littéralement, en sanscrit, le savant, l’éclairé, celui qui est arrivé à la possession de la bodhi, ou science parfaite ; ce n’est pas un nom propre ; s, c’est un titre ascétique ; aussi doit-il être précédé de. l’article : il faut dire le Bouddha, et non Bouddha. Ce titre, du reste, ne s’applique pas à un seul personnage ; il désigne un certain nombre d’êtres privilégiés quii’ont obtenu ou qui doivent l’obtenir par une longue suite de tonnes œuvres accomplies sous la forme humaine. Il faut doue distinguer des Bouddhas qui appartiennent à la seule croyance, et qu’a imaginés le bouddhisme, le Bouddha qui appartient à l’histoire et qui a fondé le bouddhisme. Ce dernier s’appelait de son nom personnel Siddhartha, de son nom dejfarailîe Çakia et Gaoutama, parce qu’il était de la famille des Çakyas et de la race des Gotamides. Lorsque le désir d’atteindre la perfection morale l’eut déterminé à se retirer dans la solitude, il reçut le surnom de mouni, qui signifie le solitairet comme le fiovoç grec, et celui de eramana, qui signifie l’ascète : de là les noms de- Çakyamouni (le solitaire de la famille des Çakyas) et de Çramana-Gaoutama (l’ascète de la race des Gotamides), par lesquels il est ordinairement désigné.

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A quelle époque parut le Bouddha Çakyamouni ? Les traditions ne sont pas d’accord Sur ce point ; celle des Chinois ou des bouddhistes du nord placent sa vie au xie siècle avant notre ère ; celle des Singhalais ou des bouddhistes du sud, seulement vers le vie ou le vue siècle. De ces deux opinions, la véritable, selon Eugène Burnouf, est celle des Smghalais. «Je démontrerai, dit l’éminent auteur de VIntroduction à l’histoire du bouddhisme indien, les incohérences de ce système étranger à l’Inde, qui donne au fondateur du bouddhisme quatre siècles d’antiquité de plus que ne lui en reconnaissent les Singhalais, dont les annales indiennes, conservées avec un soin et une régularité remarquables depuis le ivc siècle environ avant notre ère, nous offrent les seuls renseignements originaux et authentiques que nous possédions jusqu’ici sur l’origine et l’histoire du bouddhisme. » Sur la patrie du Bouddha, l’accord des traditions est complet ; toutes le font naître en une ville de l’Inde centrale, dans la caste des Kshattriyas ou guerriers ; toutes le présentent comme un fils de roi, qui, à vingt-neuf ans, quitta furtivement le palais de son père, pour embrasser la vie d’ascète, pour élaborer, puis prêcher la doctrine bouddhique.

Histoire du Bouddha. Deux soutras boud dhiques, le Lalita vistara et le Louis de la bonne loi, traduits en français, le premier par M. Eoueaux, lo second par Eugène Burnouf, contiennent l’histoire du Bouddha, mais couverte d’une couche épaisse de légendes. M. Barthélémy Saint-Hilaire, en son intéressant ouvrage le Bouddha et sa religion, a dégagé des détails fabuleux où les événements réels sont noyés un récit sinon rigoureusement historique, au moins vraisemblable. Nous en donnerons ici la substance.

Ce fut vers la fin du vnie siècle avant notre ère que naquit le Bbuddha, dans la ville de Kapilavastou (ville de Kapila), capitale d’un royaume de ce nom dans l’Inde centrale, au

Fied des montagnes du Népaul, et au nord de Oude actuel. Son père Çouddhodana, de la famille des Çakyas, et issu de la race des Gotamides, était roi de la contrée. Sa mère, Mayadévi, était fille du roi Souprabouddha, et sa beauté était tellement extraordinaire qu’on lui avait donné ce surnom de Maya ou VIllusion, parce que son corps, ainsi que le dit le Lalita vistara, semblait être le produit d’une illusion ravissante. Les vertus et les talents de Maya Dévi surpassaient encore sa beauté, et elle réunissait les qualités les plus rares et les plus hautes de l’intelligence et de la piété. Çouddhodana était digne d’une telle compagne, et, « roi de la Loi, il commandait selon la Loi. Dans le pays des Çakyas, pas un prince n’était honoré et respecté autant que lui de toutes les classes de ses sujets, depuis ses conseillers et les gens de sa cour jusqu’aux chefs de maison et aux marchands. » Maya Dévi mourut sept jours après avoir donné naissance à Siddhartha, « afin qu’elle n’eût pas ensuite, dit la légende, le cceur brisé de voir son fils la quitter pour aller errer en.religieux et en mendiant, p L’orphelin fut confié aux soins de sa tante maternelle Radjapati Gaoutami, qui était aussi une des femmes de son père, et qui devait être, au temps de la prédication du Bouddha, une de ses adhérentes les plus dévouées. Dès son enfance, il lit pressentir les hautes destinées qui l’attendaient. Conduit « aux écoles d’écriture, » il s’y montrait plus habile que ses maîtres ; un d’eux, Viçvamitra, sous la direction duquel il était plus spécialement placé, déclara bientôt qu’il n avait plus rien à lui apprendre. Au milieu des compagnons de son âge, l’enfant ne prenait point part à leurs jeux ; souvent il se retirait a l’écart pour se livrer a la méditation.

Devenu jeune homme et pressé de se marier par sa famille, il y consentit, ne mettant à son union qu’une seuie condition : « La femme qu’on lui offrirait ne serait point une créature vulgaire et sans retenue ; peu lui importait d’ailleurs quelle serait sa caste ; il la prendrait parmi les vaieyas et les coudras aussi bien que parmi les brahmanes et les kshattriyas, pourvu qu’elle fût douée des qualités qu’il désirait dans sa compagne. » La liste de ces qualités était longue ; il les trouva réunies dans la belle Gopa, qui fut déclarée la première de ses épouses. Aussi indépendante que son m&ri des usages et des préjugés de la société brahmanique, la belle Gopa se montra digne du

jeune prince dont le cœur, sans se laisser éblouir ni par la famille ni par la race, ne se plaisait qu’aux qualités vraies et a la moralité, » en prenant, dès ce moment, malgré sa famille, l’habitude de ne jamais se voiler. « Assis, debout ou marchant, disait-elle, les gens respectables, quoique découverts, sont toujours beaux. Le diamant précieux et brillant brille encore davantage au sommet d’un étendard. Les femmes qui, maîtrisant leurs passions et domptant leurs sens, satisfaites de leur mari, ne pensent jamais à un autre, peuvent paraître sans voile, comme le soleil et la lune. Le suprême et magnanime Rishi, ainsi que la foule des autres dieux, connaît ma pensée, mes mœurs, mes qualités, ma retenue et ma modestie. Pourquoi donc me voiierais-je le visage ?» Quelque heureuse que fût cette union, elle ne pouvait détourner Siddhartha des graves pensées qui fermentaient en son esprit. Il se disait souvent avec mélancolie : > Les trois mondes, le monde des dieux, celui des Asouras et celui des hommes, sont brûlés par les dou BOUD

leurs de la vieillesse et de la maladie ; fis sont dévorés par le feu de la mort et privés de guide. La vie d’une créature est pareille à l’éclair des cieux. Comme le torrent qui descend de la montagne, elle coule avec une irrésistible vitesse. Par le fait de l’existence, du désir et de l’ignorance, les créatures dans le séjour des hommes et des dieux sont dans la voie des trois maux. Les ignorants roulent en ce monde, de même que tourne la roue d’un potier. Les qualités du désir, toujours accompagnées de crainte et de misère, sont les racines des douleurs. Elles sont plus redoutables que le tranchant de l’épée ou la feuille de 1 arbre vénéneux. Comme une image réfléchie, comme un écho, comme un éblouissement ou le vertige de la danse, comme un son, ; e, comme un discours vain et futile, comm/1 a magie ei le mirage, elles sont remplies Je faussetés ; elles sont vides comme l’écume et la bulle d’eau. La maladie ravit aux êtres leur lustre et fait décliner les sens, le corps et les forces ; elle amène la fin des richesses et des biens. Elle amène le temps de la mort et de la transmigration. La créature la plus agréable et la plus aimée disparaît pour toujours ; elle ne revient plus à nos yeux, pareille à la feuille et aux fruits tombés de l’arbre dans le courant du fleuve. Tout composé est périssable ; ce qui est composé n’est jamais stable ; c’est le vase d’argile, que brise le moindre choc. Tout composé est tour a tour effet et cause. La substance, sans être durable, n’a pas cependant d’interruption ; nul être n’existe qui ne vienne d’un autre ; et de là, la perpétuité apparente des substances. Mais le sage ne s’y laisse point tromper. En y réfléchissant, ils’aperçoit que tout composé, toute agrégation n’est que le vide, qui seul est immuable. Les êtres que nos sens nous révèlent sont vides au dedans ; ils sont vides au dehors. Aucun d’eux n’a la fixité qui est la marque véritable de la Loi. » Puis, touché de compassion pour le monde et plein de foi en lui-même : 0 Cette loi, se disait-il, qui doit sauver tous les êtres, je l’ai comprise ; je dois la faire comprendre aux dieux et aux hommes. Après airoir atteint l’intelligence suprême (Bodhi), j& rassemblerai les êtres vivants ; je leur montrerai la porte la plus sûre de l’immortalité. Les retirant de l’océan de la création, je les établirai dans la terre de la patience ; hors des pensées nées du trouble des sens, je les établirai dans le repos. En faisant voir la clarté de la Loi aux créaturcs obscurcies par les ténèbres d’une ignorance profonde, je leur donnerai l’œil qui voit clairementles choses ; jeleur donnerai le beau rayon de la pure sagesse, l’œil de la Loi, sans tache et sans corruption. »

Ces réflexions poursuivaient Siddhartha jusque dans ses songes ; et une nuit, un des dieux du Toushita, le séjour de la joie, Hridéva, dieu de la modestie, lui apparut et l’encouragea par ces douces paroles a. accomplir les desseins qu’il nourrissait : « Pour celui qui a la pensée d’apparaître dans le monde, dit le dieu, c’est aujourd’hui le temps et l’heure. Celui qui n’est pas délivré ne peut délivrer ; l’aveugle ne peut montrer la route ; mais celui qui est libre peut délivrer ; celui qui a ses yeux peut montrer la route aux autres qui l’ignorent. Aux êtres quels qu’ils soient, brûlés par le désir, attachés à leurs maisons, à leurs richesses, à leurs fils, à leurs femmes, fais désirer, après les avoir instruits, d’aller dans le monde errer en religieux. »

Tout ce qu’il voyait lui rappelait sa pensée et le confirmait dans sa résolution. Un jour qu’avec une suite nombreuse il sortait par la porte orientale de la ville, pour se rendre au jardin de plaisance de Lumbini, il rencontra sur sa route un homme vieux, cassé, décrépit, couvert de rides, articulant a peine des sons rauques et désagréables. « Quel est cet homme ? dit avec intention le prince à son cocher. Il est de petite taille et sans force ; ses chairs et son sang sont desséchés ; ses muscles sont collés à sa peau, sa tête est blanchie, ses dents sont branlantes, son corps est amaigri ; appuyé sur un bâton, il marche avec peine, trébuchant à chaque pas. Est-ce la condition particulière de sa famille ? ou bien est-ce la loi de toutes les créatures du monde ? — Seigneur, répondit le cocher, cet homme est accablé par la vieillesse, tous ses sens sont affaiblis, la souffrance a détruit sa force ; et il est dédaigné par ses proches ; il est sans appui ; inhabile aux affaires, on l’abandonne, comme le bois mort dans la forêt. Mais ce n’est pas la condition particulière de sa famille. En toute créature, la jeunesse est vaincue par !a vieillesse ; votre père, votre mère, la foule de vos parents et de vos alliés finiront par la vieillesse aussi ; il n’y a pas d’autre issue pour les créatures. — Ainsi donc, reprit le prince, la créature ignorante et faible, au jugement mauvais, est hère de la jeunesse qui l’enivre, et elle ne voit pas la vieillesse qui l’attend. Pour moi, je m’en vais. Cocher, détourne promptement mon char. Moi qui suis aussi la demeure future de la vieillesse, qu’ai-je à faire avec le plaisir et la joie ? » Et le jeune prince rentra dans la ville sans aller à Lumbini.

Une autre fois, il se dirigeait avec une suite nombreuse, par la porte du midi, au jardin de plaisance, quand il aperçut sur le chemin un homme atteint de maladie, brûlé de la fièvre, le corps tout amaigri et tout souillé, respirant avec peine, et paraissant obsédé de la frayeur du mal et des approches de la mort. Après s’être adressé à son cocher, et en avoir reçu

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la réponse qu’il en attendait : « La santé, dit le jeune prince, est donc comme le jeu d’un rêve, et la crainte du mal a donc cette forme insupportable ! Quel est l’homme sage qui, après avoir vu ce qu’elle est, pourra désormais avoir l’idée de la joie et ou plaisir ? » Le prince détourna son char ; rentra dans la ville, sans vouloir aller plus loin.

Une autre fois encore, il se rendait, par la porte de l’ouest, au jardin de plaisance, quand sur la route il vit un homme mort, placé dans une bière et recouvert d’une toile. Les parents l’entouraient, se lamentant avec de longs gémissements. Le prince, prenant encore le cocher à témoin de ce douloureux spectacle, s’écria ; ■ Ah.1 malheur à la jeunesse, que la vieillesse doit détruire ! Ah ! malheur à la santé, que détruisent tant de maladies 1 Ah ! malheur à la vie, où l’homme reste si peu de jours ! S’il n’y avait ni vieillesse, ni maladie, ni mort ! Si la vieillesse, la maladie, la mort étaient pour toujours enchaînées ! » Puis, trahissant pour la première fois sa pensée, le jeune prince ajouta : « Retournons en arrière ; je songerai à accomplir la délivrance. »

Une quatrième rencontre vint le décider. Il sortait par la porte du nord pour se rendre au jardin de plaisance, quand u vit un religieux mendiant (ohilcshou), dont la contenance grave et digne indiquait la sérénité intérieure. « Quel est cet homme, demanda le prince. — Seigneur, répondit le cocher, cet homme est un de ceux qu on nomme bhikshous ; il a renoncé à toutes les joies du désir, et il mène une vie très-austère ; il s’efforce de se dompter lui-même et s’est fait religieux. Sans passion, sans envie, il s’en va cherchant des aumônes. »-Cela est bon et bien dit, reprit Siddhartha. L’entrée en religion a toujours été louée par les sages ; elle sera mon recours et le recours des autres créatures ; elle deviendra pour nous un fruit de vie, de bonheur et d’immortalité. » Sa résolution de renoncer à son rang pour remplir ce qu’il croyait sa mission était définitivement arrêtée.

Rempli de respect et de soumission pour son père, il alla le trouver et lui dit : « Seifneur, voici que le temps de mon apparition ans le monde est arrivé ; n’y faites point obstacle et n’en soyez point chagrin. Souffrez, à roi, ainsi que votre famille et votre peuple, souffrez que je m’éloigne. — Que faut-il, ô mon fils, lui répondit le roi, les yeux remplis de larmes ; que faut-il pour te faire changer de dessein ? Dis-moi le don que tu désires, jo te le ferai. Moi-même, ce palais, ces serviteurs, ce royaume ; prends tout. — Seigneur, répondit Siddhartha d’une voix douce, je désire quatre choses, accordez-les-moi. Si vous pouvez me les donner, je resterai près de vous, et vous me verrez toujours dans cette demeure^ que je ne quitterai pas. Que la vieillesse, seigneur, ne s’empare jamais de moi ; que je reste toujours en possession de la jeunesse aux belles couleurs ; que la maladie, sans aucun pouvoir sur mon corps, ne m’attaque jamais ; que ma vie soit sans bornes et sans déclin. « — Le roi, en écoutant ces paroles, fut accablé de douleur, à O mon entant, s’ôcria-t-il, ce que tu demandes est impossible, et je n’y puis nen. Les risbis eux-mêmes, au milieu du Kalpa où ils ont vécu, n’ont jamais échappé a la crainte de la vieillesse, de la maladie et de la mort, ni au déclin. — Si je ne puis éviter la crainte de la vieillesse, de la maladie et de la mort, ni le déclin, reprit le jeune homme ; si vous ne pouvez, seigneur, m’accorder les quatre choses principales, veuillez du moins, ô roi, m’en accorder une autre, qui n’est pas moins importante : faites qu’en disparaissant d’ici-bas je ne sois plus sujet aux vicissitudes de la transmigration. ■ Le roi Çouddhodana, comprenant qu’il était inutile d’employer la persuasion et la prière pour combattre le dessein de son fils, mit de3 gardes aux portes du palais et de la ville pour empêcher sa fuite. Mais toutes ces précautions furent vaines. Siddhartha parvint à tromper la vigilance des gardiens et put s’échapper la nuit de Kapilavastou, sans que personne l’eût aperçu. « Je ne rentrerai pas, dit-il en jetant un regard sur Je palais et la ville qu’il abandonnait, je ne rentrerai pas dans la ville de Kapila, avant d’avoir obtenu la cessation de la naissance et de la mort ; je n’y rentrerai pas avant d’avoir obtenu la demeure suprèmo exempte de vieillesse et de mort, ainsi que l’intelligence pure. » Libre des liens de la naissance, il se dépouilla de tout ce qui lui rappelait sa caste et son rang. Il se coupa les cheveux et les jeta au vent : un religieux no pouvait plus porter la chevelure d’un guerrier. Il échangea ses vêtements de soie de Bénarès avec un chasseur qui en avait de tout usés en peau de cerf de couleur jaune. Il fréquenta quelque temps les écoles des plus sages brahmanes, celle d’Arata Talama dans la grande ville de Vaiçali, celle de Roudraka à Radjagripa, capitale du Maghada. Mais l’enseignement brahmanique ne put le satisfaire. Il n’y trouvait point « la vote qui conduit à l’indifférence pour les objets du monde, qui conduit à l’affranchissement de la passion, qui conduit à la fin des vicissitudes de l’être, qui conduit h l’état de çramana, qui conduit au nirvana. » Il se retira alors en un village nommé Ouroulviva, où il passa six années dans la solitude, se livrant aux austérités les plus rudes, supportant la faim, la soif, le froid, le chaud, la pluie, ne mangeant qu’un grain de sésame par jour. Au bout de ce temps, il s’aperçut q’iQ