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de converser avec des hommes qui n’ont dans le cerveau que des cases tout est pris, et où rien d’extérieur ne peut entrer. (J. Joubert.) Le rêeitaieur se retire et s’enfonce en luimême ; il se loge dans les cases ds son cerveau, où toutes les phrases sont proprement rangées à leur ordre. (Cormen.)

— Tecbn. Caisse placée sous le bluteau d’un moulin, il Boite ou étui en terre cuite, dans laquelle on enferme, pour la faire cuire, une pièce de poterie précieuse, afin de la garantir de l’action immédiate de la flamme, de la fumée et de îa cendre qui pourraient en salir et en colorer la surface. Il Peu usité. On dit plus ordinairement casettë ou cazettb, et, par corruption, gazette.

— Chenu de fer. Compartiment d’un wagonécurie.

— Jeux. Aux dames et aux échecs, Chacun des carrés de l’échiquier, du damier ou d’un autre jeu analogue :

Chacun sur son damier fixe d’un œil avide Les cases, les couleurs, et la plein et le vide.

Delille.

Plus de projets à deux, de mutuelle extase ! Sa fie est un damier dont j’occupe une case, Rien de plus

E. AUOIER.

Il Au trictrac. Demi-case, Dame seule sur une flèche, tl Sur-case, Flèche sur laquelle il y a plus de deux darnes. Il Case du diable, La septième en comptant des piles ; on la nomme ainsi parce que le plein se fait très-difficilement ? quand il s’achève par cette case. Il Case de l’écolier, La plus près du coin de repos et la dixième en comptant des piles : c’est par cette case que les habiles joueurs cherchent à finir le plein. II Cases alternes. Cases entre chacune desquelles il y a une flèche vide, n Cases hautes ou hautes cases, Celles qui sont les plus éloignées de votre adversaire. Il Cases basses ou basses cases, Celles oui en sont le plus près. I) Cases configuës de la première espèce, Celles qui ont un côté commun à elles deux et une couleur différente. Il Cases continues de la seconde espèce, Celles qui n’ont qu’un angle de commun et une même couleur.

Il Faire une case, Mettre deux dames sur une flèche, il Faire fausse case, Se tromper en voulant faire une case, et toucher une autre dame que celle qui peut servir. Il Pousser case, Pousser une masse de dames qui remplissent des cases contigues. Il Tourner une case, Oter une dame d’une case déjà faite, pour composer une autre case.

— Pratiq. Compartiment dans un registre dont les colonnes sont divisées dans leur hauteur par des lignes horizontales : L’acte est enregistré au verso du folio 12, case 5.

Cn«e do l’oncle Ton (la) [ Vncle Tom’s Cabin, Boston, IS52, 2 vol. in-12J, roman aboliiionniste anglo - américain de mistress H. Beecher-Stowe, dont le succès rapide est un des plus remarquables événements littéraires de notre temps, The national Era, journal abolitionniste de Washington, en eut la primeur et il publia en feuilletons, dans le courant de l’été de 1851, le chapitre contenant le récit de la mort de l’oncle Tom, qui termine l’ouvrage. Cette publication causa une telle émotion qie l’auteur la fît suivre d’une série de scènes et d’esquisses qui, terminées en mars 1852 et réunies, formèrent une œuvre complète, et peu après le roman fut réimprimé à Boston, en deux volumes. Au mois de novembre de la même année, cent cinquante mille exemplaires en avaient été vendus seulement en Amérique, et, avant 1853, ce chiffre atteignait trois cent cinq mille. La première édition anglaise fut publiée au mois de mai 1852, et une année suffit à mettre en circulation un million d’exemplaires. En même temps, l’ouvrage était traduit en français, en italien, en espagnol, en danois, en suédois, en hollandais, en allemand, en polonais et en magyare. La traduction italienne eut les honneurs de l’index. Le théâtre ne tarda pas à s’emparer du sujet traité par Mme Beeeher-Stowe, et de nombreuses pièces se produisirent sur les principales scènes de l’Europe et dans les États libres de l’Amérique du Nord. L’influence morale de ce roman, moins extraordinaire à la vérité que sa popularité littéraire, fut cependant considérable : c’était, en effet, un véritable pamphlet politique et une attaque audacieuse a la loi sur les esclaves fugitifs de l’Amérique, loi dont l’exécution barbare ne tarda pas à devenir impossible, par suite de ce réquisitoire qui en signalaitrles dispositions cruelles au monde civilisé. Cet accueil fut universel ; de toutes parts, on s’émut à cette touchante peinture qu’une plume énergique et passionnée nous présentait de l’état de plusieurs millions d’hommes victimes d’un esclavage cent fois plus dur et plus abrutissant que celui de l’antiquité. Mme Beecher-Stowe avait puisé dans sa vie même, et dans les scènes dont elle avait été témoin, les éléments de son impitoyable satire contre le honteux système qui tend chaque jour à disparaître et dont l’Amérique-ellemême ne gardera bientôt plus que le souvenir.

L’action débute dans le Kentucky, sur les domaines de M. Shelby, maître indulgent, mais sans prévoyance, spéculateur trop porté à livrer sa confiance aux chances aléatoires. À côté de sa demeure s’élève une jolie cabane construite en bois ; c’est là qu’habite

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avec sa femme, la tante Chloé, le plus habile, le plus intelligent, le plus probe des esclaves, le véritable intendant de la ferme, en un mot, l’oncle Tom. Et ici, qu’on nous permette d’ouvrir une parenthèse. Le titre du roman de Mmc Beecher-Stove, Uncle Tom’s Cabin, a été traduit chez nous de deux façons, tantôt uncle est resté oncle, tantôt il est devenu père, et les nouveaux traducteurs de l’ouvrage se sont partagés en deux camps : les uns pour affirmer qu’il fallait écrire le Père Tom, les autres pour soutenir qu’il fallait écrire l’Oncle Tom. 1/Onele Tom a prévalu, oncle pris dans le sens familier du mot français père. Nous n’en avons pas moins eu des ennemis acharnés de l’oncle, qui, non con-I tents d’arborer à grand renfort de préface et

! d’articles de journaux le drapeau du père, ont

I cru devoir supprimer la case ou cabane (ca-

bin) qui figure dans le titre original. C’était

pousser l’ardeur trop loin. Oncle ou père, le vieux Tom a une cabane, et il n’était pas indispensable de la lui ôter.

Quoi qu’il en soit, le héros principal est une de ces créatures qu’on voudrait voir moins parfaites ; l’intérêt n’en deviendrait que plus saisissant. L’oncle Tom est résigné, patient ; il pardonne les injures, et, sous la bastonnade, il sait souffrir et se taire t sans murmurer, 1 comme disait feu Scribe. Lorsque les nègres sont réunis dans sa cabane, il leur fait des sermons dont le ministre de la paroisse lui-même aurait pu se montrer jaloux. Tom est un vrai chrétien, dans la rigoureuse acception du mot.

Certes, ce n’est pas pour lui qu’a été rendu le bill sur les esclaves fugitifs ; serviteur dévoué, il a bercé dans ses bras son maître enfant, et maintenant M. Shelby peut le vendre si cela lui convient, Tom ne poussera pas une plainte, ne cherchera pas à fuir. C’est assurément une création souvent fort intéressante que ce personnage de Tom, qui peut supporter sans trop de désavantage le parallèle avec leCalebBalderstone deWalter Scott, Et cependant, on ne peut s’empêcher de trouver que ce pauvre mouton à la toison noire et crépue bêle un peu trop la résignation. Cette monotonie fatigue, agace les nerfs à la longue, et l’on voudrait la voir interrompue de temps en temps par quelques sourds rugissements de colère. C’est un saint, ce nègre, un saint né pour baiser et bénir la main qui l’envoie en paradis à grands coups de fouet.

Or, il advient que, pendant que le bonhomme enseigne à lire dans la Bible au fils de son maître, celui-ci, poursuivi pour des billets qu’il a souscrits, vend le vieil esclave à un trafiquant nommé Haley. Il veut également se défaire d’Elisa, la femme de chambre de sa femme, et de son enfant : mais Elisa a connaissance de ce projet, et elle en prévient aussitôt son mari, George Harris, mulâtre hardi, qui s’enfuit au Canada tandis qu’Elisa s’échappe à son tour la nuit suivante. Portant son enfant dans ses bras, elle traverse l’Ohio sur des glaces flottantes et se soustrait ainsi à son nouveau propriétaire, sur lequel sa beauté a fait une impression dont elle est justement effrayée. Elle trouve enfin un asile momentané dans une famille de quakers ; son mari l’y, rejoint, et tous deux, avec leur enfant, continuent à fuir, tandis que Tom Loker et Marks, les marchands d’esclaves payés par Haley, galopent avec les officiers dejustice pour les ressaisir. Tom Loker, sur le point de les atteindre, est tué par George Harris, et ses compagnons, effrayés de l’audace du mulâtre, abandonnent momentanément leur poursuite. Pendant ce temps, que devient Tom ? Tom est emmené par Haley avec d’autres esclaves sur un bateau à vapeur. Parmi les passagers en route pour la Nouvelle-Orléans se trouve un gentleman, dont la fille Ev, a court le plus grand danger pendant la traversée. Sur le point de se noyer, Eva est sauvée par le vieux nègre, qu’à sa prière le gentleman consent à acheter. Tom passe plusieurs années de bonheur chez la colon ; mais un jour celui-ci est assassiné, ses esclaves vendus, et notre héros devient alors la propriété de M. Legree, possesseur d’une plantation de coton près de la rivière Rouge. Ce nouveau maître, homme à face bestiale, sans mœurs, dépourvu de toute intelligence véritable de ses intérêts, a pour principe d’économie domestique de faire travailler ses esclaves au delà de leurs forces, • car, dit-il, il coûte moins cher d’en remplacer un lorsqu’il meurt, que de l’épargner lorsqu’il est bien portant. » ici commence une histoire horrible qui peut se résumer par ces seuls mots : des coups de fouet. Dans cette maison de torture, Tom mourra victime de son humanité et de sa fidélité. Une mulâtresse nommée Cassy, fille naturelle d’un riche planteur mort avant d’avoir pu la rendre libre, est tombée, de main en main, au pouvoir de Legree, qui en a fait sa maîtresse. Fière et orgueilleuse comme une fille qui a du sang blanc dans les veines, et qui a reçu une éducation dont le sort ne lui a pas permis de jouir, Cassy a conquis sur Legree un certain empire ; elle est parvenue à dompter et à endormir la bête, qui quelquefois pourtant se réveille et montre les dents. Un jour, entre autres, elle a voulu prendre le parti d’une jeune femme de sa couleur qui résiste aux brutales obsessions de Legree, et le planteur furieux ordonne à Tom de la fouetter : • Je ne le ferai pas, maître, répond l’esclave ; j’aime mieux mourir que de commettre une injustice. > Tom paye aussitôt

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cette noble réponse. Le supplice qu’il n’a pas voulu infliger a la mulâtresse, on le lui inflige avec une cruauté sans nom, et son corps n’est bientôt plus qu’une plaie. La pauvre Cassy le soigné en secret pendant la nuit et lui propose de s’échapper avec elle et la jeune esclave objet des convoitises de Legree. Tom refuse, comme il a déjà refusé de s enfuir autrefois de la ferme de M. Shelby. L’esclave selon l’Évangile, poux nous servir du mot de l’auteur, se résigne à mourir et invoque Dieu. Les> deux femmes partent seules j Legree fait tomber sa colère surTom, à.qui il nepeurarracher son secret, et le malheureux nègre, martyr de son dévouement, expire après avoir eu toutefois la consolation de revoir George Shelly, le fils de son premier maître, qui vient, mais trop tard, pour le racheter : Tom ne re verra jamais sa case ; il va trouver l’éternelle Jésusalem, dont il a lu si souvent le nom dans la Bible et dans ses cantiques.

Tel est en substance ce livre, qui échappe en quelque sorte à l’analyse ; c est par les détails surtout que l’auteur fait ressortir la déplorable condition des noirs. L’impression universelle que produisit la Cabane de l’oncle Tom s’explique moins par l’intérêt du sujet que par la vivacité avec laquelle l’auteur peignait et flétrissait l’esclavage. La critique lui reprocha bien des défauts d’ordre et de composition, mais le public vit avant tout un plaidoyer chaleureux, écrit avec le cœur pour le service d’une noble cause. On mit en doute que la Case de l’oncle Tom fût un tableau fidèle de l’esclavage tel qu’il existait au moment de la publication du livre ; cependant les caractères des trois maîtres de Tom sont pris sur nature, et l’auteur a eu soin plus tard de nous le prouver. M. Shelby représente, commet nous l’avons dit, l’injustice involontaire ; Augustin Saint-Clare la sensibilité élégante, qui n’est qu’un égoïsme déguisé ; enfin Legree est la brute passionnée et cruelle, qui, aux prises avec l’esclave, le torture ou le fait servir à ses plaisirs horribles. Cependant un procès fut intenté à mistress Stowe au nom des lois établies, qui ne s’accommodent pas toujours des protestations de la morale. L’auteur, à quelque temps de là, publia sous ce titre : Clef de la case de l’oncle Tom (Boston, 1853, in-so), un commentaire qui prouve que son ouvrage a été une combinaison soigneusement extraite d’incidents réels, de faits réellement accomplis, de paroles réellement dites, groupés selon les nécessités d’un résultat à obtenir, absolument comme le mosaïste assortit ses fragments de pierre d’après leurs couleurs variées, en vue du tableau qu’il se propose. « Sa ^ mosaïque est de cailloux, ajoute l’auteur ; la nôtre est de faits. » Mistress Beecher-Stowe y dit encore que c’est » comme histoire incontestable qu’il est convenable de défendre son ouvrage contre les attaques dont il est l’objet. > L auteur est tout prêt à reconnaître que son livre n’offre qu’un tableau fort atténué de l’esclavage aux États-Unis ; il n’en pouvait être autrement, par cette simple raison que l’esclavage, en quelques-unes de ses conséquences, est trop révoltant pour que l’artiste ose entreprendre de les reproduire. Un ouvrage qui aspirerait à le montrer sans réserve tel qu’il est serait un ouvrisse qu’on ne saurait lire. Dans toute œuvre destinée aux plaisirs de l’esprit, un voile doit être étendu sur ce qui,

Ear trop d’exactitude, irait à l’encontre du ut. Dans la Clef de la case de l’oncle Tom, mistress Stowe reprend son récit dans l’ordre même où on le connaît, et rappelle les incidents qui lui ont suggéré chaque portion de ce récit. Comme preuves à l’appui des faits articulés, elle a réuni de nombreux documents sur le trafic des esclaves : des lettres, des articles de journaux, des documents officiels et jusqu’à des sermons. Tout ce qui peut protester efficacement contre ce qu’on a appelé souvent l’institution providentielle de l’esclavage y a trouvé sa place. Ce recueil, où les pièces du procès sont groupées avec intelligence, est le complément indispensable du ; roman lui-même, de ce beau et magnifique i livre, qui a plus fait pour la question dont il ’ s’occupe que tous les discours des congrès, j que toutes les colères des philosophes. Une i faible main de femme a fait jaillir l’étincelle qui devait mettre le feu à la traînée de pou- : are et allumer le flambeau qui éclaire aujourd’hui le nouveau monde. Quelques pages, trempées de larmes, ont flétri & jamais l’esclavage, < ce mal et ce malheur immenses I » La Clef de la case de t’oncle Tom, contenant les faits et les documents originaux sur lesquels le roman est fondé, avec les pièces justificatives, a été également traduite dans toutes les langues. Parmi les traductions françaises de la Case de l’oncle Tom, nous citerons celles de MM. Old Nick et Adolphe Joanne ; de I MM. Rolet et Ch. Romey ; de M. Louis Enault (Bibliothèque des chmitis de fer, i vol.) ; de M. Emile de jl Bédollière (sous le titre le Père Tom), etc. On a fait aussi passer dans notre langue un livre plus récent de mistress Beecher-Stowe, Dred (Boston et Londres, 1856, in-12), qui est encore une attaque contre l’esclavage ; mais bien qu’il.s’y révèle, comme dans la Case de l’oncle Tomx ce christianisme pratique, cette philanthropie douce et cette sensibilité pénétrante qui ont donné tant de vogue à son a !né, il a le tort de venir après le chef-d’œuvre de l’auteur.

Ca»e de l’onclo To™ (la), drame en cinq actes et huit tableaux, de MM. Dumanoir et

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Dennery, représenté à Paris, sur le théâtre de l’Ambigu - Comique, le 10 janvier 1853. Nous avons dit plus haut, dans notre compte rendu du célèbre roman de mistress Beecher-Stowe, que les malheurs de l’oncle Tom

avaient servi de point de départ à. la confection de plusieurs ouvrages dramatiques jolies ’ sur toutes les scènes des deux mondes. L» France ne pouvait, sur ce point, rester en ar- ; rière, et nos faiseurs, toujours à la piste du succès, ne tardèrent pas à flairer un bon drame, bien fertile en émotions de tout genre, dans le livre qui captivait alors l’attention universelle. Barbouillant de suie ses premiers sujets, et leur donnant du coton à éplucher, le boulevard traduisit à sa manière l’œuvre abolitionniste de l’écrivain américain. Il en résulta un drame bien fait, bien conduit, et qui mettait en scène, avec un intérêt soutenu, le livre quelque peu monotone, par endroits, de mistress Beecher-Stowe. Le seul personnage que les dramaturges n’ont pu mettre à l’unisson du caractère français est justement ce brave oncle Tom, qui remplit si généreusement le volume de ses psalmodies et de ses sermons. Sa résignation, conforme à la formule biblique, agace en plus d’un passage les nerfs de spectateurs peu accoutumés à voir mettre en pratique, à un pareil degré, le pardon des : injures et la patience évangélique, « Sa vertu tourne au comique, écrivait, en 1864, lors de la reprise de ce drame au Chàtelet, M. Paul de Saint-Victor, sa vertu tourne au comique lorsqu’il revient au dernier acte, roué de coups et les os brisés, expirer en râlant une absolution dernière, sur le cadavre du bon maître à li, qui l’a fait périr sous la bastonnade. Encore une fois, c’est trop de vertu, de longanimité et de douceur d’âme. On n’aime pas à voir, même un nègre, bénir le fouet qui l’assomme, et on se rappelle malgré soi ce mot d’une farce cynique : « Comme ce nègre4k bénit bien 1 » M™8 Beecher-Stowe, dès l’apparition de son livre, avait- vu critiquer comme improbable le caractère du vieux Tom ; et cependant il n’en est aucun, se contenta-t-elle de répondre, dans un chapitre de la Clef de la case de l’oncle Tom intitulé l’Esclave selon l’Évangile, il n’en est aucun, dans le roman, dont plus de témoignages venus de différentes sources aient mieux constaté l’exactitude. « Un grand nombre de gens ont dit à l’auteur (c’est l’auteur qui parle) : « Moi > aussi j’ai connu un oncle Tom dans tel ou tel de nos États du Sud.» Réunies ensemble, les histoires de ce genre qui lui ont été rap Îiortées formeraient à elles seules un petit voume. Il faudra se contenter de choisir, ■ Ainsi le type de l’esclave flagellé, et recevant comme des coups de la grâce les effroyables coups de fouet du maître, est un type parfaitement vrai, parfaitement exact : l’enseignement biblique des ministres américains a produit sans doute ce miracle.

La partie comique du drame n’est pas toujours d’un goût irréprochable. M. Paul de Saint-Victor la trouve la meilleure de la pièce ; ce n’est pas notre avis. Nous n’aimons pas qu’on réduise l’homme à l’état de singe grimaçant ; l’esclave rendu grotesque à plaisir peut divertir, certes ; mais Te moyen de s’apitoyer sur le sort d’une classe d’individus dont on vousinvïte à rire I Cette partie de l’ouvrage est remplie par Philémon et Bengali, deux nègres farceurs —Arcades ambo. — Un drame ne saurait se passer de deux loustics, à l’Ambigu. La maîtresse de Bengali vient à mourir et lui lègue un petit pécule. Bengali, rendu à la liberté, a acheté Philémon pour lui prouver son estime. Mais Philémon, dans son intimité

Sassée, a contracté la déplorable habitudeallonger de grands coups de pied à son camarade Bengali, et il continue cet exercice amical sur son échine affranchie ; sur quoi Bengali conduit Philémon au marché des esclaves. Pour détourner son attention, il le bourre de noisettes et de morceaux de sucre, puis il l’adjuge sournoisement au plus farouche planteur de la contrée. Les grimaces et les roulements d’yeux de nègre à pendule qu’exécute alors le pauvre Fmlémon vendu par son ami Bengali font beaucoup rire le public. La charge se mêle ici au tableau de mœurs sociales, et c’est dommage. • II faut savoir gré aux auteurs d’avoir écarté Evanféline de leur drame, dit le critique théâtral e la Presse. j-, es rubriques du genre auraient altéré ce type d’une idéalité céleste, supérieur au livre ou il.apparait, et qui rappelle les plus transparentes créations de la peinture anglaise. Quelle suave figure que celle de cette jeune poitrinaire de la pitié, qui se meurt du mal qu’elle voit faire et ses souffrances qu’elle ne peut guérir I La douce créature recueille toutes les larmes qui tombent autour d’elle dans le frêle calice de son cœur, et son cœur se brise sous cette pluie amère. Cette âme angélique a besoin d ailes pour se voiler devant les misères et les iniquités de ce inonde ; elle retourne les chercher au ciel, où elle les avait oubliées. Son agonie est celle d’une lampe consumée devant un autel, une flamme qui s’éteint dans un corps d’albâtre l « Des fleurs sur cette fleuri » comme dit la mère d’Hamlet devant le cercueil d’Ophêlie. Jonchez de sensitives sa bière virginale, la boîte de cette harpe éoltenne de la douleur l Je ne me figure pas autrement la Lucie de Dante, ennemie de quiconque est cruel,

Lucia, nimica di ciascun crudele.

La Case de l’oncle Tom a été reprise au

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