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verre en main, mais qui monte volontiers sur la table en jouant du tambourin, et qui fait rire son peuple après boire. •


Chanson de la chemise (LA), par Thomas Hood. Cette chanson, célèbre en Angleterre, parut pour la première fois, en 1843, dans les colonnes du Punch, Ce chef-d’œuvre d’esprit et de style est une des dernières productions de l’auteur ; c’est une émouvante peinture de la misère des pauvres ouvrières de Londres, plainte touchante et énergique dont on se sent involontairement ému. Notre traduction ne peut donner qu’une idée bien imparfaite de cet admirable morceau.

PREMIER COUPLET.

Avec ses doigts roidis par la fatigue Et ses paupières lourdes et rougies, Une femme assise, vêtue de guenilles, Faisant courir le fil avec l’aiguille, Cousait, cousait, cousait, Pauvre, affamée et crasseuse ; Et cependant, d’une voix douloureusementplaintive, Elle chantait la Chanson rie la chemise.

DEUXIÈME COUPLET.

Travailler, travailler, travailler, Tandis qu’au loin retentit le chant du coq ! Travailler, travailler, travailler, Jusqu’à ce que les étoiles brillent dans le ciel ! Travailler jusqu’à ce que le jour vienne. Et la tâche quotidienne, Il s’en faut bien, mon Dieu ! N’est pas encore accomplie.

TROISIÈME COUPLET.

Travailler, travailler, travailler, Jusqu’à ce que le vertige me prenne ;

Travailler, travailler, travailler. Jusqu’à ce que mes yeux s’obscurcissent ! Coutures, goussets, epaulettes, Epaulettes, goussets et coutures, Jusqu’à ce que je tombe endormie sur mes boutons, Que je crois voir encore dans un songe.

QUATRIÈME COUPLET.

Oh ! hommes, qui avez des sœurs chéries,

Hommes qui avez mère ou femme, Ce n’est pas du linge que vous usez, Mais la vie de pauvres créatures humaines ! Elle cousait, cousait, cousait, Pauvre, affamée et crasseuse, Cousant, avec un double fil, Un linceul aussi bien qu’une chemise.

CINQUIÈME COUPLET.

Mais pourquoi parler de la mort, Ce fantôme aux affreux ossements ? Je ne crains guère sa figure décharnée ; Elle ressemble tant à la mienne ! Elle ressemble tant a la mienne ! Car je jeûne trop souvent. Comment, mon Dieu, le pain est-il si cher. Quand la chair et le sang humain sont à vil prix ?

SIXIÈME COUPLET. Travailler, travailler, travailler,

Mon labeur ne cesse jamais ; Et quel est son salaire ? une couche de paille,

Une croûte de pain, des haillons. Cette mansarde dévastée, ce plancher nu,

Une table, une chaise cassée,

Un mur si blanc que je remercie Mon ombre de s’interposer entre lui et moi.

SEPTIÈME COUPLET.

Travailler, travailler, travailler,

D’un carilion à l’autre ; Travailler, travailler, travailler. Comme les prisonniers font pour expier leurs crimes ! Epaulettes, goussets et coutures, ■Coutures, goussets, epaulettes, Jusqu’à ce que le cœur tourne et le cerveau se glace. Aussi bien que les mains roidies.

nUlTIÈME COUPLET.

Travailler, travailler, travailler.

Sous le rude aquilon de décembre !

Travailler, travailler, travailler,

Au souffle énervant du brûlant été,

Tandis que, sous les toits, Les hirondelles attachent leurs nids, Comme pour me montrer leurs dos luisants Et me rappeler le printemps.

NEUVIÈME COUPLET.

Oh ! respirer seulement l’odeur Des primevères, odeur si douce. Avec le ciel au-dessus de ma tête, Et l’herbe tendre sous mes pieds, Seulement pour une petite heure ! Eprouver tes sensations Que j’ai connues avant celle du besoin, Et avant de savoir ce que coûte un repas !

DIXIÈME COUPLET.

Oh ! seulement une petite heure,

Un moment de répit, si court qu’il soit !

Jamais un moment pour aimer ou espérer ;

Mais du temps et de reste pour gémir !

Des pleurs soulageraient mon cœur,

Mais que chaque goutte s’arrête

Dans sa source amère, Car elle ralentirait mon travail.

ONZIÈME COUPLET.

Avec ses doigts roidis par la fatigno Et ses paupières lourdes et rougies. Une femme assise, vêtue de guenilles, Faisant courir le 81 avec l’aiguille. Cousait, cousait, cousait. Pauvre, affamée et crasseuse ; Et cependant, d’une voix douloureusementplaintive. Elle chantait cette Chanson de la chemise.

« Ce court poëme, dit M. Forgiies — Déranger a des odes pîus longues — venait après

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bien des déclamations pathétiques sur le sort des classes laborieuses, après bien des pétitions au parlement ; bien des pamphlets chartistes, bien des malédictions, prose ou vers, lancées contre la sévère domination de l’opulence par quelques - unes des victimes que broie en passant le char doré du Mammon britannique ; mais ces idées rebattues et triviales n’attendaient, pour redevenir jeunes et fécondes, qu’une formule énergique, une occasion favorable ; semblables aux gaz répandus dans l’atmosphère souterraine des mines, elles flottaient ça et là, brumes invisibles, foudres cachées, qu’une étincelle, un jet de flamme suffirait pour faire éclater. Elles reçurent de Hood cet ébranlement qui, dans d’autres temps, eût été formidable, et n’a-eu, de nos jours, que la valeur d’un symptôme inquiétant. • Cet anathème du pauvre contre le riche obtint néanmoins à Londres et dans toute l’Angleterre un succès étonnant.


Chansons politiques de Lucien de la Hodde, publiées en 1845. Ces chansons épigraminatiques sont toutes de circonstance. Sous le règne de Louis-Philippe, elles ont plus d’une lois troublé le repos dés puissants du jour. La meilleure analyse de l’œuvre, de de la Hodde consistera il reproduire sa préface ; c’est le claquement du fouet de la satire qui avertit de vous garer.

Muse, à vous les puissants, à vous ceux dont les mains Pétrissent leur pouvoir dans le sang des humains.

Némésis a jeté son cri de vengeance ; coupables, sauvez-vous. Toi, latin à l’œil vif, aux mouvements ardents Dont la bouche qui rit montre de longues dents. Gai Méphistophélès, qui toujours chante, veille, Et s’abat sur les sots pour leur tirer l’oreille, lias semble dans la presse, où leurs noms sont épars, Ton troupeau de pasquins tout criblés de brocards. Allons ! que tout défile : hommes de loi, de banques, Baron juif, archevêque, épiciers, saltimbanques, Aides de camp hautains, dont les deux éperons (Eloquence d’acier !...) font trembler les poltrons. Bourgeois enharnachés, famille végétale Qui, sous le bonnet d’ours, pompeusement s’étale, ■ Lourds journaux paradant devant leurs abonnés, Écrivains se jetant l’encensoir par le nez, Philanthropes sans cceur, dont la phrase patauge, Ventrus dont l’appétit se démène dans l’auge, Bas-bleus dont !e clinquant et le style en coton Se font or pur et soie au souffle d’un Platon, Et toi, roi des hâbleurs, Puff, dont la voix qui grince A toute heure assourdit Paris et la province. Allons ! que par ma strophe ou bien par mon couplet, Clouée en ce recueil comme par un stylet, Chaque figure livre, ou confuse ou hautaine. Sa sottise au sifflet, son stigmate h la haine.

Ce fier programme, l’auteur le remplit sans erainte ni pitié ; tous les ministres de Louis-Philippe viennent à leur tour tendre le dos. En vain Thiers remplace Guizot, Guizot remplace Tbiers ; la Bascule fredonne : Çà, Thiers vous déplaît ! Bien ! Guizot est prêt Guizot vous déplaît ? Eh bien ! Thiers et tout prêt ; Un tour de bascule et le tour est fait. L’Angleterre se figure que le coq gaulois n’a pas les serres aussi redoutables que cette aigle qui jadis la faisait trembler. Le peuple lui crie ;

Le lion ne craint pas le serpent ; Venez donc au champ clos, et redressant la tête, Notre coq, quoiqu’il soit sans éperons ni crête, Saura crever les yeux h votre léopard.

Nicolas croit le moment propice pour enterrer la Pologne, Cadavre dont le cœur était resté vivant ;

ne reculera-t-il pas devant cette foudroyante apostrophe ?

C’est que depuis dix ans, à la face des cieux, Penché sur un cadavre à qui tu ravis l’âme, Tu souilles ses lambeaux, et de ta botte infâme Tu lui piétines les deux yeux.

S’il ne s’agit que d’arrêter un fonctionnaire dans sa manie d’expropriations, Némésis empruntera les grelots de Momus : Bravant les plaintes et les cris Et n’en faisant qu’à votre tête, Vous avez, sans que rien vous arrête, Constamment embelli Paris D’plâtras, de cass’-cous, de débris. Vous vous disiez : l’génie, en somme. C’est de remuer du moellon, ’ Et cependant on vous dégomme, Monsieur l’préfet ; ça n’a pas p’nom |

M. de Rambuteau ne fut pas plus satisfait que MM. Guizot, Thiers, Cousin, Jaequeminot, Duehâtel et autres personnages d’un rang plus éievé encore.

Les pièces les plus remarquables de ce recueil sont : la Revue nocturne, imitée de Sedlitz ; lei*bu de Waterloo ; laGentilhommanie ; la Parole et le fer, invocation à l’Irlande, et l’apostrophe célèbre Aux héros de Juillet : Morts de Juillet, dormez !

Ces chants respirent un souffle poétique puissant, une verve d’ironie incontestable ; le style est coloré, précis, vigoureux, visant plus à l’effet qu’à la correction. C’est un beau monunient élevé à l’esprit d’indépendance ; pourquoi faut-il que l’on puisse reprocher au poète de ne pas avoir suivi une ligne de conduite politique conforme aux nobles sentiments qu’il exprime dans ses vers ? L’homme absurde est celui qui ne change jamais.

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Chansons de Charles Gille, disséminées dans les recueils les plus répandus, de 1845 à 1856. L’auteur est doué d’un véritable talent, et il est à regretter que le public attende encore une édition des œuvres de ce poste, qui s’est suicidé à trente-six ans, doutant de son talent parce que le Théâtre-Français refusait son Barbier de Pésenas. Les chansons de Charles Gille sont d’un style remarquable ; on en connaît une centaine, tant satiriques que politiques ou grivoises, parmi lesquelles les plus célèbres sont ; la Trente-deuxième demi-brigade ; le Vengeur ; la Fête des imprimeurs ; le Bataillon de la Moselle, et Allez cueillir des bluets dans les blés. Ce sont bien de gais refrains, de joyeux flonflons, des airs à chanter au dessert, avec accompagnement du cliquetis des verres. Depuis Béranger, nul poète n’avait donné des chansons plus originales, mieux senties, plus saturées de sel gaulois et de verve parisienne. Quelle facilité dansées versl

Courez, courez, jeunes filles rieuses, Dans les sentiers, sur le bord des sillons. Et dépensez votre jeunesse heureuse A folâtrer après les papillons. Ce clair ruisseau qui caresse sa rive Pourra demain rouler des flots troublés ; En attendant que l’amour vous arrive, Allez cueillir des bluets dans les blés. Le mouvement est naturel, le tour gracieux, le style correct. Parfois, on remarque un grain d’amertume qui semble un signe caractéristique du talent de Charles Gille, du pauvre Gille, mort à trente-six ans.


Chansons magyares, par Pétœfy (1846 et 1851 ; traduites en allemand, 1850 et 1852). La Hongrie possédait des chants nationaux par milliers, et ces chants sont la vive expression des mœurs guerrières et de l’esprit altier d’une race puissante. Un héros de la guerre de l’indépendance, un aide de camp du général Betn, tour à tour paysan, étudiant, comédien, poëte et soldat, est venu soudain faire oublier tous les vieux chants du Danube et de la Theiss

Ear de nouvelles chansons magyares, par des allades rustiques et des chansons de guerre qui répètent le cri national : Hongrois, défends tes droits de ta patrie ! Aujourd’hui et depuis longtemps, laboureurs et soldats, honveds et magnats redisent ces hymnes ou ces idylles, plus françaises qu’on ne croit. Dans le feu de ta bataille, au milieu des travaux des champs, pendant les loisirs des longues veillées, ce sont les vers de Pétœfy qui enflamment les courages, ce sont les chants de ce poëte soldat, dont le corps n’a pas été retrouvé sur les champs de bataille. On comprend aisément que des compositions si populaires n’aient rien de commun avec les œuvres factices et froides de nos poètes académiques, fantaisistes, coloristes ou réalistes. Point d’artifice, point de recherche, point de faux brillant dans ces fragments d’épopée, dans ces chansons de geste, où la passion du merveilleux, celle surtout de la liberté ; où l’amour de la patrie, la haine de l’étranger, l’ivresse de la musique et l’esprit des aventures guerrières éclatent avec une naïveté pleine de charme. Ici, c’est la nature même, c’est l’âme, c’est le cceur qui parlent. L’homme domine le poète, et c est par là que le poëte est sublime. Ses émotions sont profondes ; son imagination combine tous les sentiments, tous les rêves, toutes les traditions, toutes les aspirations du pays à qui il s’adresse. Mais en recueillant ces légendes nationales, en rassemblant mille traits épars de la vie historique des Hongrois, le poste a puisé surtout dans sa propre nature. Ll s’est composé une palette des plus riches, où s’étalent le réel et le fantastique, l’ode, l’élégie, la chanson et l’épopée, la mélancolie et la gaieté, l’ardeur guerrière et l’ivresse de l’amour.

Une œuvre à part, qui est un long poëme, le Héros Jancsi, respire l’enthousiasme intrépide, le patriotisme jaloux, le naïf orgueil de cette forte race qui pousse la bravoure jusqu’à la folie. Dans les tableaux de bataille, le récit est aussi impétueux que le galop des chevaux, aussi rapide que l’éclair des sabres. Dans les scènes familières, la parole est franche et alerte comme les sentiments exprimés. Une allégresse joyeuse, une saine et vaillante humeur, une allure gaie, tendre et dégagée, le don des larmes, la grâce des pensées, l’élégance de la langue et l’harmonie de la versification, telles sont les qualités qui ont placé Pétœfy au premier rang des poètes populaires de notre âge. Un de ses premiers admirateurs a dit : « Ses poésies, filles d’une inspiration spontanée, sont nombreuses ; mais on est assuré, quelle que soit celle qui, la première, ait attire l’attention, de mettre la main sur un bouquet de fleurs rares. Leur parfum sauvage cause une étrange ivresse au sein de laquelle la douleur même est la bienvenue. Pétœfy aussi a goûté « le sombre plaisir d’un cœur mélancolique. » Sa flamme, comme celle qui circule dans les admirables romances de l’Espagne, brûle tout ce qu’elle approche ; mais lejetenest plus soudain encore." Après avoir remarqué qu’on rencontre des saillies presque gauloises dans ces poésies aux brillantes images et un sentiment tout français avec un élan plus impétueux dans l’expression, M. Valmore ajoute : « Il est tel chant de Pétœfy, celui par exemple où il interpelle son sabre, qui paraîtrait tout naturellement placé dans la bouche d’un de ces mille héros dont nos régiments sont formés. Dans le Clair de lune, n’est-il pas un compatriote à nous, ce voyageur si

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facile à se prendre aux larmes d’une jeune fille, si prompt à mettre l’hommage d’un éternel amour aux pieds de la beauté malheureuse ? Mais ce qu’il est impossible derevendiquer à titre de parenté nationale, ce qui est aussi propre au génie de ce peuple musical que l’est a celui de la France la douce liberté d’esprit de La Fontaine, c’est la volupté des pleurs, l’ardeur impétueuse qui donnent tant d’accent et un caractère si original à la poésie de Pétœfy. Quand le jeune soldat s adresse à sa gaieté disparue, ou lorsqu’il se sent et se proclame le frère du soleil, il est le vrai représentant du génie magyare. • (Revue contemporaine, t. XXVIII.)

Signalons tout particulièrement, en terminant, le remarquable travail que MM. Chassin et Iranyi ont consacré à Pétœfy (lS6l).


Chansons de Nadaud. Ces chansons, publiées en 1857, avaient déjà fait le tour de la France lorsque l’impression permit d’en faire une étude d’ensemble, et de reconnaître lesqua litès et les défauts de l’auteur. Après Bérangor, le chantre national, et Pierre Dupont, le poète de l’atelier, il restait place à une gaieté plus légère ; Nadaud s’en empara et devint le chansonnier des étudiants. Sa muse affecte l’allure légère et gouailleuse de la jeunesse. Écrivain coloré, sans, rancune, sans colère et sans fiel, insouciant de l’heure à venir, jouissant de l’heure présente, il jette sa chanson au vent comme elle lui vient. Il ne cherche qu’à égayer, et manque rarement son but. Le sentiment n’est naturellement pas son fait ; aussi cherehût-il rarement à nous émouvoir ; c’est plutôt notre rire que notre pitié qu’il s’efforce d’exciter. Le style de ses chansons est naturel, mais les idées ne le paraissent pas toujours, et le trait semble parfois un peu force. Il a cependant quelque chose de la maligne bonhomie de La Fontaine, et sa Muse ironique peut dire avec une de ses héroïnes : Je ne vis pas des soupirs de la brise, De l’air du temps, de la manne du ciel, Non ! non ! je vis de l’humaine bêtise ; Vous le voyez, mon règne est éternel.

« Le ridicule, telle est l’arme qu’il manie avec dextérité, se moquant également des réactionnaires dans les Ècrevisses et des révolutionnaires dans le Phalanstère. L’auteur est bien inspiré lorsqu’il rajeunit à sa manière la vieille thèse de la décadence du monde :

Alors nous avions, enfants,

Des écrivains de génie.

Ils étaient beaucoup plus grands

Avec plus de modestie ;

Ils avaient moins de procès,

Ils apprenaient la grammaire,

Ils écrivaient en français !...

Vieille histoire, ma grand’mêro !

ou bien lorsqu’il dit à Lucifer : Satan, crois-mot, ■

La femme est plus fine que toi !

Quelquefois Nadaud s’élève jusqu’au lyrisme, comme dans son Invalide, qui forme le pendant de la Vieille garde, de Théophile Gautier :

Noble soldat mutilé par la gloire, Dernier débris d’un temple dévasté, Tes ennemis surpris de leur victoire Kestent tremblants devant ta pauvreté. Cent coups gagnés sur vingt champs de batailla T’ont fait pourtant un assez beau trésor ; Comme un drapeau criblé par la mitraille, Pauvre invalide, ils te craignent encore.

Il a aussi trouvé par moments de ces accents énergiques qui firent trembler les puissants jusque sur leur trône, et les forcèrent de lancer leur foudre contre ce Vieux mendiant de Lazare. Mais ce lyrisme durait peu ; après avoir laissé échapper ce cri d’indignation arraché à la générosité de sa nature, il abandonnait promptement la trompette héroïque pour reprendre son petit fifre criard et mutin. La chanson badine, voilà son élément ; c’est à elle qu’il doitsa popularité et ses plus bruyants succès. Qui n’a fredonné les Reines de Mabille, la Lorette, la Loretle du lendemain, les Deux notaires, le Docteur Grégoire, cette charmante fantaisie bachique, et le chef-d’œuvre du genre, les Deux gendarmes, le fameux refrain : Brigadier, vous avez raison T

Tout le monde a ri et applaudi à cette chanson, sauf les gendarmes et le ministère public, qui crut voir une atteinte à la dignité de la gendarmerie dans ce couplet :

Puis ils rêvèrent en silence ;

On n’entendit plus que le pas

Des chevaux marchant en cadence ;

Le brigadier ne parlait pas.

Mais quand revint la pale aurore,

On entendit un vague son :

Brigadier, répondait Pandore,

Brigadier, vous avez raison.

Le tribunal eut le bon esprit de faire chorus avec le public et de s’écrier :

Chansonnier, voua avez raison,

Ce n’est pas à dire cependant que Gustave Nadaud ait toujours eu raison. On peut en ■ effet lui reprocher des négligences, des incorrections même, qui se pardonnent dans l’improvisation, mais dont la répétition finit pur indisposer le lecteur.


Chansons polonaises, par le comte de Platen, poëte allemand contemporain. Le vers énergique de ce poste, que dra critiques ont