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grand renfort de chocs do vôtres et de bruits d’assiettes. Qu’importait, en ce joyeux temps, si le petit bleu trônait seul sur la table sans nappe, si le suresne prenait 1» place de l’orgueilleux chambertin ? La chanson n’était-ella pas là qui faisait trouver lo vin bon et la vie joyeuse ? Pas de baptême sans chansons, pas de mariage sans couplets. Le petit cousin courait sous la table chercher la jarretière consacrée ; le marié regardait l’heure et trouvait le temps long, tandis que l’oncle célébrait Bacchus et l’Amour. Aujourd’hui, plus de pointes égrillardes, plus de sourires narquois, vlus de tendres regards, plus de gaieté, plus le chansons enfin. Désaugiers fut le dernier amant de la dive bouteille.

Chantées dans les réunions gastronomiques du Caseaa moderne, sous le Directoire, l’Empire et la Restauration, les chansons de Désaugiers sont restées dans toutes les mémoires comme cellesde Déranger. Leur popularité peut dispenser de toute réflexion critique. Qui ne sait par cœur ces délicieux petits chefsd’œuvre : la Treille de sincérité ; le Tableau de Paris ; M. et Mme Denis ; Pierre et Pierrette ; Ma Margot ; les Bons amis de Paris, la Manière de vivre cent ans ; le Carnaval ; le Jour de l’an ; Ma philosophie ; Ma fortune est faite ; l’A telier du peintre ; Ma vie épicurienne ; le Carillon bachique ; le Délire bachique, etc. ? Désaugiers est la chanson personnifiée. C’est l’allégresse, la gaieté, l’éclat de rire. Désaugiers a quelque chose du génie rabelaisien ; sa verve franche fait explosion et mousse comme le vin de Champagne. La pensée et le rhythine naissent chez lui avec le chant ; ses joyeux refrains pétillent ; sa chanson grivoise, bachique, satirique, célèbre la philosophie épicurienne. Sans fiel et sans calcul, mais non sans malice, son observation critique les travers et les ridicules de toutes les classes ; chacun des couplets de sa chanson est une miniature, une petite scène, qui représente les mœurs ou temps de l’Empire. Outre la gaieté et la rondeur, l’esprit et l’à-propos, Désaugiers a de la candeur et de la sensibilité. Sa philosophie rieuse est consolante. Chez lui, la verve et le naturel n’enlèvent rien à la pureté la plus élégante du style, ni la gaieté la plus folle à la décence de 1 expression. Les tableaux mêmes où sa muse bachique et grivoise prend ses ébats les plus irrévérencieux restent inoffensifs, tant sa franchise est cordiale et son rire gaulois.

C’est par ces qualités éminemment françaises que les chansons de Désaugiers se rattachent à cette littérature qui a produit les sirventes et les fabliaux du moyen âge : veine secondaire, si l’on veut, mais digne d étude, car elle est un des traits du caractère national. Elles ont éclipsé les vaudevilles et les refrains de Panard, de Collé, de Piron, de Favart, de Laujon, de de Piis, de Goutté, de Brazier et autres joyeux émules de Désaugiers.

Cadet-Buteux est le type du faubourien de Paris, curieux et badaud, l’observateur gobemouche qui ? se faisant une philosophie, veut être épicurien. L’ouvrier parisien du temps du Directoire, où tout le monde avait la fièvre des jouissances matérielles, a sa parodie dans Cadet-Buteux. L’école de David, si fertile en héros grecs et romains, a inspiré le tableau comique de YAtelier du peintre. Les scènes du Paris de l’Empire revivent dans les deux pièces si entraînantes de Paris à cing heures du matin et de Paris à cinq heures du soir. Les vieilles mœurs de la bourgeoisie, qui depuis a pris un faux air de décorum britannique et de luxe ambitieux, sont peintes dans la chanson de M. et M>nc Denis, ce singulier épithalame après la lettre, que les peiïtes Allés peuvent chanter sans penser à mal, si elles sont bien, bien naïves, et que je n’hésite pas s. chanter moi-même, a table, devant ma fille Antonine, qui n’a que cinq ans, tant il est vrai, aimable Désaugiers, qu’il y a presque de la chasteté jusque dans tés grivoiseries.

Qui croirait que du temps même où ces gais refrains prenaient leur vol, l’académicien Étienne ait dit : • Il faut l’avouer, nous avons un peu négligé ce précieux héritage de la gaieté de nos pères. Qu’est devenue cette joie vive et franche qui charmait leurs loisirs et embellissaitleurs fêtes ? Nous sommes sérieux, rêveurs, jusque dons nos plaisirs ; la froide étiquette préside h. nos festins et la triste raison s’assied avec nous. » Qu’aurait dit Étienne s’il avait vécu do nos jours et s’il avait vu le cours de la Bourse prendre la place de la chanson et celle-ci reléguée dans les cafés chantants ?

Chez les Grecs, chaque profession avait sa chanson particulière ; Désaugiers n’a pas songé à faire des chants pour les tisserands, les soldats, les matelots, les nourrices, etc. ; il s’est même abstenu, jusqu’à, un certain point, de composer des pièces politiques, le triomphe de Béranger ; mais aucun recueil de chansons n’offre autant de variété. Leur voue n’eut aucunement à souffrir de l’absence des refrains politiques. Certaines chansons de Béranger sont, au contraire, destinées à expier leur ancien succès. Quand les événements politiques de la Restauration ne réveilleront plus qu’un souvenir effacé et que les générations nouvelles s’intéresseront à des taits plus importants pour elles, il y aura, chose regrettable 1 telle chanson de Béranger qui ne sera plus comprise que par les historiens.

« Comme poète, dit M. Sainte-Beuve, Bé-

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ranger n’a de nos jours nulle comparaison à craindre ; mais sur un seul point, en ce qui est de la chanson proprement dite, sur un seul point Désaugiers garde l’avantage, c’est sur le chapitre de la gaieté franche... Béranger a de la sensibilité, de la malice, de l’élévation, je ne veux certes pas prétendre qu’il n’ait pas aussi de la gaieté ; mais cette gaieté, il songe vite à s’en servir, à s’en couvrir, à s’en faire un cadre, un véhicule et un ’auxiliaire pour aller à mieux et viser plus haut, tandis qu elle était à la fois la forme et le fond, la source et le fleuve même chez Désaugiers... Il y a beaucoup d’art dans le talent de Béranger, il y entre même quelque ruse ; avec Désaugiers, le naturel est tout grand ouvert ; on rit rien que pour rire ; on sent une sécurité complète résultant de 1 entière cordialité, »

Béranger a dit lui-même, dans des couplets sémillants :

Bon Désaugiers, mon camarade,

Mets dons tes poehes deux flacons ; Puis rassemble, en versant rasade. Nos auteurs piquants et féconds. Ramène-les dans l’humble asile

Où renaît le joyeux refrain.

Eh S va ton train

Gai bout-en-train !

Mets-nous en train, bien en train, tous en train, Et rends enfin au Vaudeville

Ses grelots et son tambourin.

Grelots et tambourin, Margot et Lisette, Désaugiers et Béranger, le chansonnier et le poète, la Muse épicurienne et la Muse patriotique iront du même train à la postérité.


Chansons de Béranger. Le recueil complet des chansons de Béranger comprend les chansons qui ont été publiées de 1815 à 1833, c’est-à-dire cinq recueils, plus un recueil intitulé Nouvelles chansons, et enfin les Chansons posthumes. Ces chansons, dont il y a eu en France douze éditions complètes, ont été traduites dans toutes les langues de l’Europe, malgré leur caractère et leur esprit éminemment français. L’édition de 1833-1831, en 4 voL in-8°, est enrichie de loi vignettes sur acier ; celle de 1835-1838 parut en 3 vol. in-8°, avec 120 dessins de Grandville et autres ; celle de 1845-1848 (2 vol. in-8°, avec 52 gravures), la plus riche de toutes, est complétée par un volume de musique. Il existe, en outre, un grand nombre d’éditions diamant et elzèviriennes. Mais est-il besoin de consacrer ici un article bibliographique aux chansons de Béranger, quand on a déjà écrit la biographie du chansonnier ? Béranger est le grand prêtre de la chanson. Béranger, chanson, ces deux mots seront éternellement synonymes. Soleil veut dire chaleur, Vénus signifie beauté, rossignol se fond dans harmonie. Qui prononce le nom de Béranger a prononcé le doux nom de enanson. Ces deux mots sont-collés l’un à l’autre, comme la tunique du centaure l’était à la peau du grand Alctde : ne séparons donc pas ce qui est si intimement, si profondément mêlé, et renvoyons le lecteur au mot Béranger.


Chansons de Pierre Dupont (1840-1857). Après Désaugiers et Béranger, les deux seuls chansonniers restés populaires, il y avait une place à occuper dans le domaine de la chanson. La chanson pouvait être moins frivole, plus simple, plus morale, enfin pi us pop u tare encore, c’est-à-dire mieux appropriée aux besoins et aux aspirations du peuple. C’est Pierre Dupont qui s’est emparé de cette place. Désaugiers personnifie la gaieté, le joyeux éclat de rire -. Béranger a été le poëte de la bourgeoisie, dont il a fidèlement chanté toutes les variations, morales et politiques, jusqu’au jour où il a brisé sa lyre pour ne plus avoir à célébrer son avènement au pouvoir, en 1830. P. Dupont ne peut être mis, sous le rapport du talent poétique, au niveau de son prédécesseur ; mais il vienten première ligne après lui, grâce a l’élévation des idées et des sentiments. Son aspiration est toujours saine. C’est la un mérite nouveau, et qui a assuré au chansonnier la vogue dont il jouit et lui a donné une réelle influence moralisatrice. Sa Muse honnête et robuste est la digne fille du peuple, non de ce faux peuple fainéant, libertin et ivrogne, qui est 1 écume de la société, mais du vrai peuple, du peuple actif, laborieux et fraternel. Elle éprouve le besoin d’être utile, de concilier, de perfectionner. Elle a moins de cordes à sa lyre que la Muse de Béranger ; mais aussi elle a peut-être plus de portée et d’élévation dans les idées et les sentiments. Sa morale prêche le travail, la concorde, la cordialité. Ainsi, dans le Chant des ouvriers, la plus remarquable peut-être de toutes ses compositions, P. Dupont commence par une récapitulation amère des griefs du prolétaire contre la société. Au refrain, on s’attend à un cri de vengeance et de guerre ; mais c’est une invocation imprévue et sublime à la fraternité et a l’indépendance du monde. Rien de faux, de convenu chez le poëte ; ce qu’il écrit respire la conviction. Son vers, d’une bonne facture ; est nourri d’idées ; la sincérité de son sentiment, sa nature expansive et aimante, ses intentions cordiales, s’affirment par leur propre accent, 11 met de l’originalité dans le choix des sujets et de la fantaisie dans le détail. Il a le sentiment de la composition, et son style familier et concis, qui n’est pas toujours assez rigoureusement châtié, prend un tour aisé et gracieux. C’est

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ainsi que toutes les bouches ont entonné les refrains de P. Dupont : les Bœufs ; la Mère Jeanne ; Ma Vigne ; le Cochon ; la Vache blanche ; les Louis d’or ; le Chant du blé ; la Chanson de la soie ; la Chanson du pain ; le Chant des soldats ; le Chant des ouvriers ; le Tisserand ; le Tonneau, etc.

On sait que P. Dupont compose en même temps les vers et la musique de ses chansons. M. Er. Reyer juge ainsi le musicien : ■ La manière de Pierre Dupont a une certaine analogie avec celle d’Hippolyte Monpou, et la critique a cru devoir constater chez 1 un comme chez l’autre des défauts à peu près semblables. L’auteur de Piquillo, des Deux archers et de VAndalouse n’en a pas moins parcouru avec éclat sa carrière d’artiste, et quand la mort est venue-le frapper dans toute la force du talent et de la jeunesse, son nom était déjà inscrit par la renommée non loin de ceux d’Hérold, d Auber et de Boieldjeu : Dupont, lui aussi, dans l’étroite sphère où il a la modestie ou l’orgueil de se placer, restera, en’ dépit des oppositions systématiques qu’il aura rencontrées sur sa route, comme un des types les plus saisissants et les plus exceptionnels d’un gebre qu’assurément il n’a pas créé, mais auquel son imagination a su donner un développement, un intérêt et une popularité incontestables. Un fait digne d’être signalé, c’est que, chez Pierre Dupont, l’inspiration musicale n’est que la conséquence de l’inspiration fwétique ; il se sert de la musique comme d’une angue plus éloquente, plus voluptueuse et plus sonore pour traduire sa pensée ; il est musicien parce qu’il est poète... Nous n’entrerons pas dans une analyse détaillée des compositions de Pierre Dupont ; un recueil de chansons ne s’analyse pas comme une partition d’opéra. Nous dirons seulement qu’elles se divisent en plusieurs catégories, ayant chacune leur caractère distinctif. Les Chants rustiques viennent en première ligne. Les Bœufs, les Louis d’or, les Sapins, la vigne, la Musette neuve, les Fraises des bois, la Mère Jeanne, la Fille du cabaret, le Lavoir et le Noël des paysans, sont aussi remarquables

f>ar la fraîcheur, la simplicité et la grâce de a mélodie que par la nouveauté du rhythme et de la forme. Parmi ces chants rustiques, quelques-uns sont conçus dans un sentiment musical tout à fait à la hauteur de la portée philosophique que le poète leur a donnée : le SouïojFe, Belzébuth et les Sapins, dont le récitatif est largement accentué et la prière saintement recueillie, sont de grandes scènes dramatiques qui appellent les sonorités imposantes de l’orchestre. Dans le genre qui se rapproche le plus de la romance ordinaire, nous citerons la Promenade sur l’eau, la Délaissée, le Dahlia bleu et le Peuplier, graves inspirations toutes pleines d’amour, de tristesse et de rêverie ; la Sérénade du paysan et le Tisserand, mélodies légères et imitatives ; la Comtesse Marguerite et les Fers à cheval, qui ont bien le caractère mystérieux du fabliau et de la légende ; le Tonneau et les Taureaux, dans lesquels on retrouve cette verve entraînante et joyeuse des chansons méridionales. De tous ces refrains, empreints pour la plupart d’une couleur locale pleine de vérité et de poésie, les uns ont été inspirés au compositeur sous le chaume du villageois, à la table du paysan ou dans la mansarde de l’ouvrier ; les autres lui ont été chantés par la grande voix de la nature : il les a entendus au sein de la forêt, sous les grands arbres, le long des fleuves dont les ondes harmonieuses sillonnent la vallée entre des haies de nénufars et de lauriers-roses, au creux des ravins embaumés et sous les frais ombrages de la tonnelle ? à l’heure où le rossignol s’éveille sur. des buissons en fleurs et ou commence, au milieu du silence des solitudes, ce concert céleste formé d’accords mystérieux et de sublimes harmonies... Bien que les chants dits politiques soient, à notre avis, inférieurs aux autres, il nous semble que cette portion des œuvres de Pierre Dupont a été jugée d’une façon trop partiale et trop sévère. Cela tient évidemment à ce que l’esprit de parti n’est pas resté étranger à la critique. Il est difficile, en effet, d’entendre le Chant du pain, le Chaut des transportés et le Chant des soldats, sans être frappé de l’allure franche et énergique du rhythme et de la mélodie. Quant au Chant des ouvriers, cette Marseillaise du travail, cet hymne de paix et de liberté, nous le trouvons à la hauteur de la poésie, et c’est certainement là le plus bel éloge que nous en puissions faire. »

C’est M. Er. Reyer qui a aidé P. Dupont à plier aux lois savantes de l’harmonie musicale les mélodies spontanées qui naissent dans la tête du poste en même temps que ses vers.


Chansons de A.-H. Hoffmann de Fallersleben (1841-1850). Ces chansons, œuvre d’un poëte allemand, comprennent plusieurs recueils : les Chansons non politiques (1841) ; les Chansons des rues (1842) ; les Gouttes d’Hoffmann (1843) ; les Diavolini (1845). On remarque dans ces diverses compositions un esprit critique et railleur, la haine de certains ridicules particuliers a la race allemande, une tendance révolutionnaire. Le talent du poëte a un caractère un peu bourgeois ; sou essor est modeste, et courte son haleine. Sa raillerie a du sel, mais non du plus lin. En définitive, ses chansons sont des chansons à boire, des odes anacréontiques, où le parfum de la bière et le

choc des verres accompagnent des facéties

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et des colères peu terribles au fond. L’auteur se moque volontiers de la police et de la censure, de l’ogre du Nord et du knout ; il frappe de préférence sur les épaules de ces pachydermes tudesques, de cette race de philistins, de ces égoïstes sensuels, bornés, prétentieux, étrangers aux nobles.aspirations et aux sentiments élevés, plongés dans le plus épais matérialisme, et qui deurisseDt en Allemagne

aussi bien que les épiciers dans la belle France. Le poète flagelle aussi le clergé d’une façon peu chrétienne, mais ses accusations amères paraissent être justifiées par les faits. Il trouve néanmoins tantôt des inspirations fraîches et douces, pénétrées d’un sentiment attendri, tantôt des élans tiers et des accents mâles et hardis, quand il invoque le droit et la liberté. Le dernier recueil de M. Hoffmann est empreint d’optimisme ou plutôt d’indifférence politique. C’est l’Italie qui lui a fourni les sujets de ces chants ; mais elle ne lui a inspiré ni des élans de colère généreuse, ni des entraînements d’enthousiasme, ni des imprécations, ni des idylles. L’auteur n’a pas suivi l’exemple de Goethe, qui a composé des Elégies romaines ; de Platen, son contemporain, qui a décrit avec un profond sentiment de la nature les beautés de la campagne romaine ; de Lamartine ou de Barbier, qui ont payé à l’Italie déchue, mais toujours belle, le tribut de leur admiration ou de leur sympathie. M. Hoffmann n’a trouvé dans la patrie de Virgile et de Dante qu’un thème à fantaisies

— narquoises. Rien de sacré pour sa plaisanterie ; il raille tour à tour la cour de Rome et les chapelets bénits par le pape, les bons gendarmes chargés de la police des passe Eorts, le Père Michel (c’est le Jacques Bonoinme allemand), le touriste anglais ou John Bull enthousiaste, le riche éditeur Cotta, d’Augsbourg, enfin tout le pauvre monde. Toutefois, 1 indignation du poste se réveille devant la décadence de l’Italie, et son riro moqueur disparaît pour faire place & une parole émue et sympathique. Le caractère général de ses chansons, où des sons touchants et graves alternent avec des plaisanteries banales, est «ne simplicité tour a tour énergique ou gracieuse.

« Pour manquer le plus souvent de souffle et d’envergure, son lyrisme, dit M- N. Martin, ne présente pas moins des qualités réelles, précieuses surtout pour le succès de propagande libérale que poursuit le poète. Sa veine facile, la contexture peu savante de ses vers, ses images un peu vulgaires et parfois aussi son défaut d’images, le tour peu neuf de sa phrase et de ses refrains, sont autant de conditions favorables à l’incrustation de ses chansons dans les mémoires populaires, autant de passe-ports qu’il possède pour faire circuler plus librement des idées générales. Un vêtement plus splendide, mieux choisi, leur vaudrait un moins bon accueil auprès d’un certain public, qui leur fait doublement fête à cause de leurs habits de bure...* Caractérisant les qualités dont fait preuve l’auteur dans ses Diavolini, le même critique ajoute : « Ces qualités consistent surtout dans le trait comique et dans le tour aisé du vers. La plaisanterie est généralement d’un entrain plus facile que dans les précédents recueils de l’auteur. Il ne fallait pas un médiocre talent pour doter la chanson allemande d’une aussi vive allure de l’expression et de la pensée... M. de Pallersleben, qui n’est pas un grand poète et qui ne monte pas sur des échasses pour le paraître, qui de tous ses confrères affiche les prétentions les plus modestes, a trouvé l’originalité sans la chercher ; il a une qualité que les Allemands rendent par un mot dont l’équivalent manque à notre langue : il a le vriti. Le wits est quelque chose de moins vif que l’esprit français, de moins maladif et de moins affecté que l’humour anglais, et je le définirais mal en disant que c’est l’étincelle comique qui s’échappe d’une certaine rencontre d’idées ou de paroles sérieuses. L’art, en ce genre d’originalité, serait donc de grouper les paroles et les pensées de manière à en faire jaillir l’étincelle comique. »

Un autre critique fort versé dans l’étude de la littérature allemande, M. Saint-René-Taillandier, caractérise ainsi le talent d’un poëte qui semble avoir eu l’ambition d’être le Béranger des universités et des tavernes d’outre-Rhin : * M. Hoffmann prend les choses du côté bouffon-, au lieu de s’indigner, il raille. Sa raillerie est bien allemande ; elle a une allure particulière, une saveur natale, un goût de terroir qui ne messied pas. Joyeuse, sans façon, un peu gauche, un peu grossière parfois, l’auteur 1 a trouvée le plus souvent au fond ’une cruche de bière. Malgré cette bonhomie, cependant, on entend çà et là quelques accents plus doux ou plus fiers ; un sentiment poétique qui ne manque pas de grâce fait, par intervalles, d’heureuses apparitions ; mais on est bien vite ramené aux facéties, aux propos de table, aux grelots et au tambourin... Cette poésie sans enthousiasme convient bien au cabaret où il s’est attablé. Entre le choc des verres, dans les courts moments où l’on fait silence, il chante Son couplet et sourit. On ne peut dire qu’il soit vraiment un poëte, ni surtout un poëta politique ; il n’a

Îioint les fermes allures du commandement, e rhythine impérieux qui soulève les multitudes frémissantes. C’est plutôt, le dirai-je ? malgré la grâce de certains détails, c’est plutôt un ménétrier joyeux, assez timide, assez embarrassé de lui-même, quand il n’a pas -le