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litê, le tribunal devrait renvoyer devant l’autorité administrative, pour interpréter les actes rendus à l’occasion de ce.- ; chemins.

Si un chemin vicinal était inscrit sur le tableau des chemins communaux déclarés, et que l’embranchement sur lequel aurait eu lieu 1 usurpation n’y figurât pas, le conseil de préfecture serait incompétent pour en connaître ; l’embranchement rentrerait tout au plus dans la catégorie des chemins non reconnus.

Enfin, aucun tribunal ni juge ne peut statuer sur une contravention relative aux chemins vicinaux classés, tant qu’il peut y avoir, à raison du classement, de la largeur ou de la direction, un doute pouvant avoir influence sur la condamnation. Tout fait qui dégrade un chemin vicinal est reconnu prescriptible par un an, aux termes de l’article 640 (lu code d’instruction criminelle. S’il s’agit, au con- ’ traire, d’une usurpation permanente, d’une construction, d’une plantation, la contravention se renouvelle ou plutôt se continue, et l’on ne peut opposer la prescription même immémoriale. En ce cas, il est impossible de séparer le fait et la criminalité.

Les articles 11, 12, 13 et 14 traitent, soit du personnel des agents préposés au service des chemins vicinaux, soit des mesures financières , prises pour assurer la construction et l’entretien des voies vicinales.

L’article 15 intéresse plus spécialement les contribuables. Il est ainsi conçu : « Les arrêtés du préfet portant reconnaissance et fixation de la largeur d’un chemin vicinal attribuent délinitivement-au chemin le sol compris dans les limites qu’ils déterminent. Le droit des propriétaires riverains se résout en une indemnité, qui sera réglée à l’amiable ou par le juge de paix du canton, sur le rapport d’experts nommés conformément à 1 article 17. ■ Une considération nous frappe tout d’abord en lisant cet article : c’est la différence qu’il établit en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. En matière ordinaire, on ne peut dépouiller un individu de sa propriété immobilière que par la voie de* l’expropriation, lors même que cette propriété serait nécessaire pour faire un nouveau chemin. Mais si le chemin existait déjà, fùt-il la propriété certaine d’un particulier, la déclaration de vicinalité, c’est-à-dire la reconnaissance de ce chemin, suffit pour opérer l’expropriation immédiate, sans avoir à recourir aux dispositions de la loi de 1841. Pour qu’un chemin puisse être déclaré vicinal, il est absolument nécessaire que ce chemin existe, et que le public en jouisse par droit ou par usage. Tout obstacle à la jouissance du sol compris dans les limites tixées par l’arrêté du préfet sur la déclaration de vicinalité serait une usurpation passible de pojirsùite devant les conseils de préfecture.

Aux termes de l’article 16, « les travaux d’ouverture et de redressement des chemins vicinaux seront autorisés par arrêté du préfet. Lorsque, pour l’exécution du présent article, il y aura lieu de recourir à 1 expropriation, le jury spécial chargé de régler les indemnités ne sera composé que de quatre jurés. Le tribunal d’arrondissement, en prononçant l’expropriation, désignera pour présider et diriger le jury l’un de ses membres ou Je- juge de paix du canton. Ce magistrat aura Voix délibêrative en cas de partage. Le tribunal choisira, sur la liste prescrite par la loi du 3 mai 1841, quatre personnes pour former le jury spécial, et trois jurés supplémentaires. L’administration et la partie intéressée auront respectivement le droit d’exercer uné récusation péremptoire. Le juge recevra les acquiescements des parties. Son procès-verbal emportera translation définitive de propriété. Le recours en cassation, soit contre le jugement qui prononcera l’expropriation, soit contre la déclaration du jury qui réglera l’indemnité, n’aura lieu que dans les cas prévus par la loi du 3 mai 1841. ■

Il y a lieu à expropriation dès que le préfet a pris un arrêté portant nécessité de l’ouverture d’un nouveau chemin, ou du redressement de l’ancien, c’est-à-dire quand il s’agira de faire passer un chemin sur des terrains qu’il n’occupait pas, ou de le redresser, ce qui n’est au fond qu une ouverture de chemin dans des limites moins étendues. Dans ce cas, il n’est pas besoin d’un décret du pouvoir exécutif, ni d’une enquête administrative, comme dans le cas de l’expropriation en droit commun ; l’arrêté préfectoral suffit pour déclarer l’utilité publique et pour satisfaire aux nécessités générales de l’article 11 de la constitution.

En vertu de l’article 17, « les extractions de matériaux, les dépôts et enlèvements de terre, les occupations temporaires, seront autorisés par un arrêté du préfet, lequel désignera les lieux. Cet arrêté sera notifié aux parties intéressées, au moins dix jours avant que son exécution, puisse être commencée. Si 1 indemnité ne peut être fixée à l’amiable, elle sera réglée par le conseil de préfecture, sur le rapport d’experts nommés, 1 un par le souspréfet, l’autre par le propriétaire. En cas de désaccord, un tiers expert sera nommé parle conseil de préfecture. »

Le ministre de l’intérieur disait aux préfets, dans sa circulaire du 24 juin 1836, que les dispositions de l’article 17 ne faisaient qu’appliquer aux travaux des chemins vicinaux les règles présentes dans les cas analogues pour les travaux des routes. Cette observation nous conduit à penser que tout ce qui n’est pas

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prévu par l’art. 17 dèit être complété par les lois, règlements et usages relatifs a. l’extraction des matériaux nécessaires pour la confection des travaux publics en général.

L’article 19 dispose « qu’en cas de changement de direction ou d’abandon d’un chemin vicinal, en tout ou en partie, les propriétaires riverains de la partie de ce chemin qui cessera de servir de voie de communication pourront faire leur soumission de s’en rendre acquéreurs et d’en payer la valeur qui sera fixée par des experts nommés dans la forme déterminée par l’article 17. »

L’article 20 et les articles suivants ne présentent que des dispositions de formalités.

Le service des chemins vicinaux est placé sous la surveillance d’agents nommés par le préfet, et dont le traitement, fixé par le conseil général, est prélevé sur les fonds affectés aux travaux. On compte un agent voyer chef par département, un agent voyer d’arrondissement par sous-préfecture, et un nombre d’agents voyers ordinaires variant suivant l’importance du département.

Quelques conseils généraux c nt confié le service des chemins vicinaux à l’administration des ponts et chaussées : l’essai n’a pas été malheureux, et la mesure tend à sa généraliser. Assurément, les employés des ponts et chaussées sont mieux que personne à même de diriger un service qui présente avec le leur la plus frappante analogie ; mais les chemins vicinaux sont, à nos yeux, d’une telle importance, qu’il nous semble indispensable de les placer dans les attributions d’agents spéciaux. Quand on songe de toutes parts à ouvrir a l’agriculture, à l’industrie, au commerce, des voies de communication sur tous les points, du territoire, une mesquine question d’économie ne doit pas empêcher un département de suivre l’élan général. Les sommes demandées aux conseils généraux par la loi du 21 mai 1836 sont d’ailleurs d’une utilité incontestable ; jamais argent ne fut mieux employé, et quand on constate les résultats obtenus, on se demande comment on a pu les réaliser avec des charges tellement minimes que, le plus souvent, elles ont été insensibles.

Les services que-les voies vicinales rendent chaque jour à l’agriculture ont soulevé une question qui, si elle était résolue, produirait d’immenses résultats ; nous voulons parler de la question des chemins de fer d’intérêt local, appelés encore chemins de fer vicinaux. Une loi portant la date du 12 juillet 1865, suivie d’une circulaire du ministre des travaux publics en date du 12 août de la même année, a demandé aux conseils généraux leur avis sur l’opportunité de l’exécution de ces chemins de ter dans leurs départements respectifs. Cette opportunité a été démontrée par les assemblées départementales, qui toutes se sont déclarées favorables au projet. Les unes ont concédé quelques lignes, les autres en ont fait étudier un grand nombre. Bientôt les études seront terminées, et presque tous les départements verront leur réseau de voies ferrées se développer avec rapidité. Ce sera là un progrès incontestable, et nous sommes d’autant plus impatient de le voir réalisé, que nous savons pertinemment aujourd’hui que cette réalisation est possible, et nous dirons même facile.

M. Henri Ruelle, ingénieur civil à Auxerre, vient de publier, sur la question des chemins de fer vicinaux, un travail sur lequel nous appelons l’attention de nos lecteurs. Dans sa brochure sur les Chemins de fer vicinaux, départementaux ou d’intérêt local, au point de vue de leur exécution (Paris, Dentu, 1867), l’auteur démontre clairement, en s’appuyant sur les autorités les plus compétentes, que, en moyenne, matériel roulant compris, les chemins de fer vicinaux, à 100,000 fr. le kilomètre, sont possibles, non - seulement dans Quelques contrées privilégiées, mais sur les ivers points du territoire. Quant h l’exploitation, loin d’être onéreuse pour les compagnies, elle deviendra pour elles une source féconde de produits, le jour ou elles Consentiront à reviser leurs tarifs.

Intervention de l’État. Subventions. Jusqu’à 1860, les départements et les communes ont seuls supporté la dépense des chemins vicinattx. Mais un rapport adressé à l’empereur le 10 août 1861, par M. de Persigny, ministre de l’intérieur, proposa de faire intervenir une subvention de l’État pour l’achèvement des chemins de deuxième catégorie, dits d’intérêt commun. Le 15 août 1861, le Moniteur publia une lettre de l’empereur adressée à ce ministre, adoptant ses propositions et annonçant qu’une somme de 25 millions serait distribuée aux départements pour les aider à terminer ces chemins.

Cette somme a été répartie par annuités égales pendant dix ans, soit 2,500,000 francs par an. Elle a activé les travaux, sans amener cependant, il s’en faut, leur complet achèvement. En 1860, les chemins d’intérêt commun terminés avaient une longueur de 32,908 kilom. En 1867, ils avaient atteint 54,065 kilom. ; augmentation, 21,157 kilom. Mais, au fur et a mesure qu’on terminait d’un côté, on classait, de l’autre, de nouveaux chemins. Il en résulte qu’au l« janvier 1869, il restera encore à exécuter environ 27,000 kilom. de chemins d’intérêt commun, c’est-à-dire une quantité kilométrique de chemins égale à celle qui était classée et à construire en 1861. La

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seule explication acceptable de ce lait, jî’est qu’on a voulu partout mettre le réseau vicinal en relation avec le réseau des chemins de fer. La création des lignes ferrées a commencé, eu effet, une révolution dans- l’ancien réseau des chemins vicinaux, tl faut partout ouvrir des chemins pour aboutir aux stations les plus voisines ;.des courants nouveaux s’établissent à la place des anciens. Il doit en résulter des dépenses nouvelles et considérables pour les chemins vicinaux.

Loi de 1868. L’intervention de l’État a pris, en 1868, une extension bien autrement considérable. Le 15 août 1867, le Moniteur publiait une lettre de l’empereur adressée à M. de La Valette, ministre.de l’intérieur, expliquant le projet d’affecter une subvention de 100 millions aux chemins vicinaux, dits ordinaires, c’est-à-dire aux chemins communaux, et de créer une caisse pour avancer aux communes, au moyen de prêts à longs termes, 200 autres millions. Le but du gouvernement est d’assurer en dix ans l’exécution des lignes classées. Une enquête a été faite. Les listes des chemins k comprendre dans le projet ont été dressées par les conseils municipaux, revisées par les assemblées cantonales, et définitivement proposées par des commissions réunies au chef-lieu de chaque département. Toutes ces listes, centralisées au ministère de l’intérieur, ainsi que les autres pièces de l’enquête, ont servi à préparer le projet de loi.

Outre les chemins communaux, la loi proposée affecte une nouvelle subvention de 15 millions aux chemins d’intérêt commun, sur lesquels, nous l’avons dit, il restait tant à faire, malgré les 25 millions de 1861. On retrouvera, au Moniteur du 17 août 1867, les rapports du ministre et la lettre de l’empereur sur ce sujet. Voici le résumé de la loi votée, et dont la discussion a eu lieu au Corps législatif les 8, 9, 10, 11 et 12 juin 1868 :

Art. l«r. Une subvention de 100- millions, payable en dix annuités à partir de 1869, est accordée aux communes pour faciliter l’achèvement des chemins vicinaux, dont la longueur kilométrique aura été approuvée pour chaque département par un arrêté du ministre de

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l’intérieur, avant la répartition de la première annuité.

Art. 2. Chaque annuité sera répartie entre les départements, par un décret rendu en conseil d’État. La subvention de l’État et celle du département seront distribuées entre les communes par le conseil général de chaque département. Un dixième de la subvention est réservé aux départements dont le centime additionnel est inférieur à 20,000 fr. (Il y eu a vingt-deux.)

Art. 3. Dans les communes déjà grevées de plus de 10 centimes extraordinaires, les conseils municipaux pourront substituer une journée de prestation aux 3 centimes autorisés par la loi de 1867.

Art. 4. Nouvelle subvention de 15 millions en dix annuités, affectée par l’État aux chemins d’intérêt commun.

Art. 5. Autorisation aux départements dont le centime additionnel ne dépasse pas 20,000 fr., d’appliquer la moitié des deux subventions ci-dessus à leurs chemins de grande communication.

Art. 6. Il est créé une caisse des chemins vicinaux, sous la garantie de l’État, chargée de faire pendant dix ans des avances aux communes, jusqu’au chiffre total de 200 millions. Elle sera gérée par la caisse des dépôts et consignations.

Art. 7. Autorisation aux départements de se substituer pour ces emprunts aux communes qui seraient trop pauvres, et de leur fournir ainsi les ressources nécessaires pour leurs chemins. Ceux dont le centime est inférieur à 20,000 fr. pourrontemprunter pour eux-mêmes à la caisse pour leurs chemins de grande communication et d’intérêt commun.

Art. 8, Les ressources de cette caisse seront fournies par les fonds que les communes et les établissements publics ont en dépota la caisse des dépôts et consignations et au Trésor.

Art. 9. Les communes se libéreront de ces emprunts en payant pendant trente ans des annuités à 4 pour 100, tout compris.

Voici un tableau indiquant, d’après les documents officiels, le développement des trois catégories de chemins vicinaux, en France, depuis 1S36 :

CHKMINS CLASSES

En 1837

Au 31 décembre 1856. Au 31 décembre 1860. Au 1er janvier 1867.

En 1837

Au 31 décembre 1856. Au 31 décembre 1860. Au 1er janvier 1867..

II nous semble très-curieux d’y ajouter le Tableau des ressources créées et des sommes

dépensées depuis 1836 pour ces mêmes chemins vicinaux ;

La France aurait donc consacré a ses chemins vicinaux, jusqu’en 1866, une dépense moyenne de 75 millions parai). Mais, en réalité, ce chiffre a augmenté chaque aimée et s’est élevé, en 1866, à 107,359,771 fr.

Elle y a employé, de 1836 à 1866, une somme totale de 2 milliards 258 millions et demi.

Loin de s’arrêter dans cette voie de dépenses utiles, le gouvernement a résolu d’en augmenter considérablement le chiffre, par l’application de la loi de juin 1868, dont le texte est rapporté ci-dessus.

Il a été évalué que, pour toute la France, une journée de prestations représente une valeur de 16 millions de fi-anes.

Un centime additionnel ne représente, au

contraire, que 3 millions de francs. (Discours du ministre, séance du 10 juin 1868.)

On peut calculer très-exactement au moyen de ces chiffres l’équivalence à établir, lorsqu’une commune veut s’imposer, entre la prestation et les centimes extraordinaires.

En 1868, ily a vingt-deux départements oit le centime extraordinaire ne produit pas 20,000 fr. En Corse, il ne produit que 4,849 fr. ; dans les Hautes-Alpes, 7,373 ; dans la Lozère, 8,211 fr. ; dans la Haute-Savoie, 8,390 fr. : dans les Basses - Alpes, 9,127 fr. ; dans (a Savoie, 10,215 fr., etc., etc. Ce sont les départements les plus pauvres.

Voici, enfin, d’après les documents du ministère de l’intérieur, la situation générale des chemins vicinaux de France, telle que l’indique l’enquête faite en 1867 :

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