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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 4, Chao-Chemin.djvu/212

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CH3$f.

on était ; la -second était totalement enfoui sous les débris, et sa tête seule dépassait ; le troisième avait la face tournée contre le sol et ne- pouvait remuer ai bras jai jambes. Ces infortunés restferentsix heures dans cette horrible position ; car il fallut attendre les secours des villages voisins, et recourir a des chèvres pour briser ou scier les débris des Wagons afin de délivrer ceux qui respiraient encore. *

Depuis cette époque, les chemins de fer se sont multipliés, et, avec eux, les accidents ; il se passe peu de semaines où l’on n’entende parler d’un choc ou d’un déraillement. Chacune de nos grandes lignes a eu ses jours néfastes et a été le théâtre de terribles sinistres. A Saint-Germain, on se souvient encore de ce train q, ui, lancé sur la rampe avec une vitesse effrayante, — alla se heurter contre les wagons qai étalent en arrêt sur la voie. La ligne de Lyon à Saint-Étienne n’a pas oublié l’accident de Firininy, et celle d’Orléans le terrible choc de Poitiers en 1853.

Parmi les accidents les plus récents, il faut Citer celui de Rognac, où, par suite de la réparation d’une des voies, deux trains, venant en sens contraire et lancés a toute vitesse, se brisèrent l’un contre l’autre. La même cause -d’enlèvement des rails d’une des deux voies donna lieu, le 1er août 1867, au fameux accident de Saint-Albain. Un train de plaisir venant de Marseille fut heurté violemment par un convoi parti de Paris : six personnes luêes, une tiewtaine blessées grièvement, voilà le, résultat de cette grave collision, et si grande fut la terreur de ceux qui en avaient été témoins, que nombre d’entre eux n’osèrent pas continuer leur voyage et s’en retournèrent chez eux. Toute cette année, d’ailleurs, fut fatale aux voyageurs ; il.y eut plusieurs chocs et déraillements sur les lignes d’Orléans et de l’Ouest ; celle du Nord eut son accident de Gonesse, qui ne fut pas sans.gravité ; sur celle de l’Est, l’express de Bàle. À Paris dérailla au mois de septembre, par suite d’un affaissement du sol ; et enfin, au mois de décembre, sur la ligne de Belfort k Dijon, arriva le triste accident de Franois, où l’on ne.compta pas moins de treize personnes tuées et vingt blessées.

Les chemins de fer étrangers ont aussi leurs ; fastes sanglants, et les journaux anglais enre- ’ gistrent parfois des. catastrophes dont le récit vientde temps en temps épouvanter les populations ; sans parler de celle de Birmingham et de tant d’autres, les feuilles publiques citaient naguère la rencontre terrible de deux trains de plaisir, qui eut lieu sous une voûte, et donnaient les détails les plus lamentables sur les résultats de ce choc. En Espagne, au mois de novembre 1865, un pont du chemiti de fer de Saragosse était brisé et le train précipité dans la rivière ; même accident arrivait en Bohême au mois de mars 1358. Mais c’est en Amérique que ces désastres sont le plus fréquents ; on saitqu’ence pays la vie humaine est comptée pour peu ds chose, tandis que la rapidité des communications est tout aux yeux de ces industriels qui ne connaissent que l’argent. Les lignes de l’Erié, de l’Ontario, sont célèbres par les. sinistres dont elles ont été le théâtre. Voici le récit’du dernier, arrivé à la fin d’avril 1868 ; « La catastrophe a eu lieu dans un endroit appelé Carr’s Rook, à 13 milles de Port-Jervis et à 100 milles environ de-$ew-York. La voie est taillée en rampe le long des flancs d’une falaise haute de 200 pieds ; elle court à moitié de cette hauteur, dominée par un escarpement couvert de broussailles et dominant à pic une étroite grève baignée par la Delaware, Le précipice est horrible. Le flanc de la falaise est hérissé, de roches aiguës formant comme des colonnes qui soutiennent la voie. Cette voie est juste assez large poursupporter les- rails ; ni à.droite, ni à gauche, il n’y a place pour le moindre écart : au sud, c’est le roc vif ; au nord, c’est l’abîme. Le convoi, parti de Bu.ffulo, comprenait quatre wagons ordinaires, deux wagons express, un wagon de poste et de bagages, enfin la locomotive et le tender. Les wagons de voyageurs occupaient l’arrière ; deux étaient des wagons a lits où près de cent personnes se trouvaient couchées. À trois heures d« matin, les quatre wagons se séparant du reste du train, sortent des rails, courent en cahotant sur les traverses de la voie, et, après avoir parcouru ainsi quelques centaines de mètres, touchent au bord de l’.étroite corniche, culbutent, roulent sur eux-mêmes, bondissent de roc en roc, se heurtejit. se crèvent, se brisent aux saillies, et- vont s engloutir, comme une avalanche vivante, à. 80 o» 100 pieds au fond du précipice, où Us n’arrivent qu’en morceaux. Un instant ou n’entendit que des cris dans les ténèbres ; mais à l’horreur de la nuit succéda bientôt un spectacle plus effrayant encore. Un des wagons prit feu et illumina la scène de ses clartés-sinistres. ; ceux que la chute avait épargnés allaient être la victime des flammes. Des voix éfjlfirées montaient le long des blocs dé granit colorés par l’incendie, et, guidés par ces voix, éclairés par ces lueurs, les voyageurs échappés à la catastrophe, ceux des premiers wagons qui avaient passé sains et saufs, contemplaient avec horreur ce sinistre auquel ils avaient échappé comme par miracle. En un instant ils mirent pied à terre et descendirent aussi yite que le permettait la déclivité de l’escarpement, pour porter secours à leurs malheureux compagnons, s’accrochant aux rç>nees, aux buissons, aux pointes de rocher,

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où leursmaiii» rencontraient parfois desflaques de.sang, ou bien, encore aux fils du télégraphe qui pendaient échevelés sur l’abîme. Presque tous ceux qui se trouvaient dans les wagons étaient blessés ; quinze ou vingt avaient déjà cessé de vivre ; six ou sept étaient brûlés et près de cinquante mutilés plus ou moins gravement. » S il n’est pas encore permis de prévoir le jour où tant de malheurs seront conjurés, et où la locomotion à vapeur offrira autant de sécurité que de vitesse et de commodité, on peut du moins insister auprès des Compagnies pour qu’elles ne laissent rien au hasard, et ne compromettent la-vie des voyageurs ni par l’imp/udence de leurs agents, ni par une économie mal entendue.

Terminons cette lugubre énumération par le récit d’un affreux, accident, arrivé le dimanche 9 décembre 1S60 sur le chemin de fer du Nord, et qu’on ne saurait cette fois, il ne nous en eoûto pas de le reconnaître, mettre à la charge de 1 administration. Le conducteur d’un train de marchandises en retard avait placé, pour éviter une rencontre, de nombreux pétards sur la voie, afin d’avertir le train express qui partait de Valeneiennes à dix heures du soir et devait bientôt passer. Dans un wagon de ce dernier se trouvait une dame avec son mari, — vieux époux sans doute, car tous deux dormaient. — Le mari fut réveillé le premier par le bruit dos pétards, qui firent explosion sous les roues. On présume que, sous le coup de l’émotion que lui causa la détonation, il ouvri£ la porte du wagon et s’élança sur la voie, — sans plus s’inquiéter de sa femme, indifférence maritale qui, comme on sait, remonte au pieux Enée. — À ce moment même passait un train croisant l’express ; le malheureux voyageur, précipité sous les roues, eut la tête et les deux jambes coupées. Un quart d’heure plus tard, sa femme se réveilla à son tour. Elle trouva lu portière Ouverte, la banquette vide. Aussitôt elle poussa des cris déchirants qui furent entendus du compartiment voisin. Les voyageurs sortirent de leur wagon et retinrent cette dame, qui voulait, elle aussi, se précipiter sur la voie. Le train express étant arrivé’à Douai, une locomotive fut envoyée en arrière, et l’on trouva sur les rails le corps mutilé du voyageur. Cette affreuse nouvelle fut annoncée avec tous les ménagements possibles à la malheureuse femme. Elle revenait de Lille à Paris avec son mari, après avoir passé quelques jours dans sa famille. > ’

Causes des accidents. Les trois principales causes des accidents qui se produisent si fréquemment sur nos lignes de chemins de fer, et dont nous venons de faire la lamentable histoire, sont :

10 Le mauvais état de la voie et surtout des rails ;

2» L’action insuffisante des freins tels qu’ils sont actuellement organisés ;

3° La triste position des aiguilleurs, leur rétribution insuffisante.

Nous ne dirons rien ici du matériel ; nous en avons parlé amplement ailleurs.

Voyons les freins, qui jouent un si grand rôle dans le drame des accidents. On sait que les rênes sont une sorte de boussole entre les mains du cavalier ; avec elles, il dirige le cheval et la modère à volonté ; à quelques pas d’un précipice, un habile cavalier, grâce au mors et à la bride, arrête a temps son coursier. Fénelon a comparé très-justement l’homme qui n’obéit qu’il ses passions a un beau cheval privé de bouche, c’est-à-dire sans mors ni bride. Eh bien, un système de freins sagement organisé devrait être à une locomotive ce que la bride est au cheval. La question des freins est très-difficile à résoudre, il ne servirait à rien de le dissimuler ; mais, quoique difficile, elle est incontestablement soluble, et, dès lors, elle doit être résolue ; les terribles accidents qui viennent si fréquemment la poser de nouveau, poignante et impérative, font aux Compagnies un devoir étroit de la résoudre, et, si elles ne comprennent pas l’obligation qui leur incombe, il faut que la clameur publique la leur rappelle assez énergiquemeot pour se faire écouter.

Ce c’est ici la lieu ai de montrer les imperperfections des systèmes de freins en usage sur nos grandes lignes, ni d’énumérer les nombreux projets soumis aux Compagnies par différents inventeurs, encore moins de proposer nous-inême de nouveaux plans Nous devons nous borner k poser nettement la question, à la débarrasser des sophismes intéressés dont on l’a entourée, enfin k montrer qu’elle ne présente pas des obstacles insurmontables, et que, par conséquent, une plus longue insouciance serait impardonnable.

Voici le sophisme derrière lequel s’abrite le plus ordinairement la paresse des chefs d’exploitation, et quij présenté avec art, peut faire illusion. Les accidents, disent-ils, ne doivent pas être prévus. Il suffit que tout soit réglé de manière à ce que tes malheurs n’arrivent pas d’une façon normale, c’est-à-dire ne se produisent point par le fait même des dispositions prises ; mais rien ne saurait être fait en vue d’éviter ceux que le hasard peut amener. Toutes les opérations quelconques sont soumises à des chances fâcheuses qu’il sera toujours impossible d’annihilé», et accumuler d’avance les précautions pour en éviter les effets serait sacrifier la régularité du service journalier à un but chimérique. Pour prévenir toutes les causes d’accidents, il faudrait tnvlli-

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plier les engins, compliquer les appareils et aller ainsi contre le bai qu’on se propose, la production rapide et à bon marché, l/n appareil dont le rendement monte à 40 pour 10», c’est-à-dire gui peut fournir sous forme de travail utile iO centièmes du travail moteur dépensé, n’en rendrait plus que 15 à 20 si on l’embarrassait de tous les appendices nécessaires pour empêcher les accidents, et encore la perte à laquelle on se serait résolu ne serait-elle jamais compensée par une sécurité complète. Ainsi, pour éviter les accidents de chemins de fer, la seule chose à faire serait de reuo.ncer aux moyens rapides de transport. -’

Ce raisonnement n’est que spécieux. Nous répondrons : oui, les précautions prises gêneront le fonctionnement normal et abaisseront le rendement moyen ; oui encore, la multiplication des moyens d’éviter les accidents irait contre le but même que se propose la grande industrie ; mais, à cet égard, il y a une distinction à faire : le raisonnement est juste s’il s’applique aux accidents qui peuvent détériorer le matériel ; ce n’est plus qu’un sophisme dès qu’il s’agit de la vie des hommes. Il serait absurde de produire habituellement dans de mauvaises conditions, c’est-à-dire de se ruiner k coup sûr, pour éviter une chance éloignée de perte ; mais une perte matérielle, quelle qu’elle soit, ne peut être mise en balance avec la vie d’un grand nombre d’hommes<

On dit encore : pour arrêter instantanément un train lancé à grande vitesse, il faudrait développer une résistance précisément égale à celle dont on veut éviter les terribles effets ; or, cette résistance produirait des désordres pareils. La question n’est pas là : il est clair que lorsque le train sera parvenu à quelques mètres du point où se trouve le danger, le malheur sera devenu inévitable ; mais il reste à réduire autant que possible la distance au-dessous de laquelle tout espoir d’échapper devra s’évanouir. On ne peut aujourd’hui arrêter à temps un train express qu’autant qu’on est séparé de l’obstacle par une distance d’au moins 1,200 m., de sorte que si deux trains marchent a rencontre l’un de l’autre, il faut, pour éviter le choc, que les mécaniciens reconnaissent le danger lorsqu’ils sont encore à 2,400 m. l’un de l’autre ; or il n’arrivera qu’exceptionnellement qu’à une pareille distance les conducteurs des deux trains puissent s’assurer qu’ils parcourent la même voie ; aussi les collisions imminentes ont-elles presque toujours- lieu. Pour les éviter, il faudrait au moins pouvoir arrêter un train dans l’espace de 200 à 300 m. ; une résistance assez forte pour produire ce résultat ne le sera certainement pas assez pour occasionner le moindre dégât.

Enfin, on objecte encore que si l’on oppose à la marche du convoi une résistance trop forte en l’un des points, il se produira des chocs intérieurs capables de présenter aussi de grands dangers ; si l’on arrête trop brusquement la locomotive, les wagons qui la suivent immédiatement l’escaladeront ou seront broyés par le choc des suivants ; et si l’effort porte sur les dernières voitures, le train se séparera par la rupture des chaînes qui en relient les diverses partiel. La réponse à cette dernière objection est indiquée par l’objection elle-même : pour qué la résistance développée instantanément n’offre pf.s de dangers, il suffit qu’elle soit répartie uniformément sur toute l’étendue du train ; il fùut donc que chaque puire de roues puisse être instantanément enrayée. Tant que les Compagnies n’auront pas obtenu ce résultat, elles ne seront pas fondées à cesser leurs recherches.

Nous n’avons pas, nous l’avons dit, la prétention d’être en possession d’un moyen de solution ; ce que nous nous proposons est seulement de montrer que le problème n’est pas insoluble. Or il est facile de voir que, dût-on même, dans les cas de détresse, recourir à des chocs brusques pour produire l’enrayage simultané de toutes les paires de roues d’un train, ces chocs non-seulement seraient sans danger pour les’voyageurs, mais même n’occasionneraient pas de désordres dans le matériel. En effet, la masse, le rayon et la vitesse de rotation d’une roue étant donnés, on sait calculer l’effort capable de ramener instantanément cette roue au repos ; or cet

effort est bien loin d’égaler celui qui serait nécessaire pour rompre une barre de fer d’un diamètre même minimum ; à plus forte raison l’enrayage rapide pourra-t-il être obtenu sans danger par d’autres mo3’ens que des chocs brusqués. Les freins dont on se sert pour produire les arrêts prévus, devant les quais des gares, sont ce qu’ils doivent être pour le service usuel, mais ils ne donnent qu’un moyeu par trop insuffisant de prévenir les accidents graves. Que les Compagnies les conservent pour le service ordinaire, mais qu’elles se iiâfent de choisir entre les différents systèmes plus efficaces qu’on leur propose. Sans doute on ne saurait les rendre responsables de l’imperfection des moyens proposés, mais ce

?[u’on a droit d’exiger d’elles, c’est qu’elles

assent des essais sérieux et ne rebutent pas les hommes dévoués qui s’occupent de résoudre une question si importante, par des procédés équivalent presque à un refus de concours.

Concluons : ■

Les systèmes de freins employés par les

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Compagnies sont trèï - imparfaits par euxmêmès ;

Ces freins sontéU nombre insuffisant ;

Enfin on ne se sert presque pas de ceux qui existent, peut-être est-ce pour cette raison que Îe3 Compagnies les trouvent excellents et ne voient pas Ta nécessité d’en expérimenter d’autres qu’on ne ferait pas manœuvrer davantage. Si c’est cela, que les Compagnies le disent franchement ; on sait bien que ce n’est pas l’aplomb qui leur manque.

Passons maintenant à la question importante des aiguilles.

Les aiguilles sont les portions de rails flexibles qu’une manœuvre très-simple peut amener dans la position convenable pour servir de raccords entre la voie proprement dite et un embranchement. Il n’y a rien à dire ni sur la manière dont sont disposées les aiguilles, ni sur leur fonctionnement, qui est aussi simple et aussi sur que possible ; mais il n’en est pas de même de la façon dont le service en est organisé. Ici encore l’esprit de parcimonie qui dirige les Compagnies a été la cause première d’un grand nombre d’accidents. Les aiguilleurs, qui sont chargés d’une si grande responsabilité, non-seulement ne sont pas payés eu raison de l’importance de leurs lonetions, niais encore on leur impose un service tellement pénible que la fatigue doit nécessairement endormir leur vigilance. Il y a quelques années, certains aiguilleurs avaient souvent jusqu’à î* heures de surveillance continue à exercer ; leurs fonctions ne vont plus maintenant qu’a 12 heures, mais c’est encore beaucoup trop, surtout en raison de l’isolement presque complet où leurs fonctions maintiennent souvent ces malheureux. Les aiguilleurs ont d’ailleurs, pour la plupart, plusieurs services à faire, en sorte qu’il leur faudrait une attention presque surhumaine pour être prêts à chaque instant à remplir successivement toutes leurs fonctions. « À la gare d’Apptlly, sur la ligne de Saint-Quentin, dit M. le baron de Jaiwîé, député, il n’y a qu’un seul employé, qui est à la fois chef de gare, aiguilleur, garde-barrière, chargé du service télégraphique et homme d’équipe pour manœuvrer les wagons laissés en gare. »

Chapitre des crime» en chemin» de fer.

Nous ne sommes plus au temps des voleurs de grandes routes ; les chemins de fer ont ruiné la profession de détrousseur de diligences. On ne peut pas aujourd’hui arrêter un convoi de voyageurs comme on arrêtait jadis la malle de Lyon, et demander à six cents personnes, lancées à toute vapeur, la bourse ou la vie. Mais notre nouvelle manière de voyager, en fermant au crime quelques-uns da ses anciens débouchés, lui a ouvert de noaveaux horizons ; et si une chose peut surprendre, c’est que la violence et la cupidité n aient pas plus souvent exploité les occasions fréquentes et si faciles de se donner presque impunément carrière, que les chemins de fer ne manquent pas de leur offrir.

Ajoutons que, dans l’ancien système, le courrier, le conducteur et les chevaux étaient presque toujours les premières et souvent les seules victimes, tandis qu’aujourd’hui, sous le règne béni des chemins de fer, la mécanicien, le chauffeur et les autres employés du train sont tranquillement k leur poste, alors qu’à côté d’eux on tue, on étrangle, on assassine, on viole. Qui donc, en fin de compte, est le gérantresponsable ? Tout le monde dira avec nous : c’est l’administration. » La quasi-impossibilité où se trouve une personne attaquée de faire entendre ses cris des autres voyageurs, disait en 1860 le journal le Nord, l’absence d’une surveillance continue, attendu que les rondes des inspecteurs du train ne se succèdent, ne peuvent se succéder qu’à d’assez longs intervalles ; les chances de tête-à-têto entre un malfaiteur et sa victime ; l’obscurité, s’il s’agit des trains de nuit ; le sommeil probable du voyageur désarmé, que la complicité du hasard a assis à côté d’un criminel muni de tous les instruments qui rendent la lutte par trop inégale ; voilà quelques-unes des facilités déplorables que le vol, l’assassinat {le Nord pourrait ajouter le viol), peuvent trouver dans nos wagons et nos voyages à la vapeur. » Sans doute il serait facile de remédier à ces dangers. Il suffirait, par exemple, d’établir un-moyen de communication entre chaque compartiment et le chef du train. D’ailleurs, qu’il existe un moyen, n’importe lequel, d’établir un signal de détresse, ce n’est pas au public à l’examiner, mais aux Compagnies, qui semblent un peu trop indifférentes a tout ce qui concerne le bien-être et la sécurité des voyageurs. On a trouvé la solution de problèmes beaucoup plus compliqués, et les administrations de chemins de jer auraient résolu celui-ci depuis longtemps, si elles n’avaient toujours été arrêtées par cette considération égoïste : Quelle dépense cette réforme vat-elle nous occasionner ? Bornons-nous à rappeler quelques faits, qui auraient dû au moins servir d’avertissement, et pousser à l’adoption de mesures efficaces.

Voici deux sombres tragédies qui ont donné la chair de poule, il y a quelques années, aux amateurs de nouvelles à sensutton, crimes mystérieux accomplis sur la même ligne de l’Est, dans des conditions identiques, par ce soldat déserteur devenu tout à coup la sanglante légende du moment, et dont la police, malgré son œil vigilant, n’a jamais pu découvrir la trace.