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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 4, Chao-Chemin.djvu/59

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quemment des conseils ; il se trouve mêlé à toutes les négociations ; il donne son avis dans les circonstances graves, et même, de temps à autre, il fait acte de souveraineté : ses conseils se changent en ordres impératifs. Les dépêches affluent à Saint-Just et sa correspondance journalière, incessante, ne s’arrête qu’à sa mort.

Cependant ce politique si prudent, si sain d’esprit, si attentif aux affaires du dehors, « ce grand homme qui, selon l’expression de M. Mignet, savait commander à ses passions, ne savait pas conduire ses appétits ; il était maître de son âme dans les diverses extrémités de la fortune ; mais il ne l’était pas de son estomac à table. » — « Jusqu’à son départ des Pays-Bas pour l’Espagne, écrit l’ambassadeur vénitien Frédéric Badoër, il avait l’habitude de prendre une écuelle de jus de chapon, avec du lait, du sucre et des épices ; après quoi, il se rendormait. À midi, il dînait d’une grande variété de mets ; il faisait collation peu d’instants après vêpres, et, à une heure de la nuit, il soupait, mangeant dans ces divers repas toutes sortes de choses propres à engendrer les humeurs épaisses et visqueuses. » Charles-Quint ne changea rien à son régime dans sa vie claustrale ; il ne mit aucun frein à sa voracité sensuelle. Rien n’y put faire, ni le soin de sa santé, qui s’altérait de jour en jour, ni la préoccupation de son salut.

Cette préoccupation pourtant était grande. Catholique fervent, dévot et sombre, frappé des visions du purgatoire et de l’enfer, il paraissait aux moines qui l’entouraient une sorte de demi-saint uniquement préoccupé de sa fin dernière. « Avant son départ pour l’Espagne, écrivait Badoër, il se faisait, chaque jour, lire la Bible, se confessait et communiait quatre fois par an. Il avait la fréquente habitude de tenir un crucifix dans la main. J’ai entendu dire que, pendant qu’il était à Ingolstadt, dans le voisinage de l’armée protestante, on le vit, à minuit, agenouillé devant un crucifix et les mains jointes. » À Saint-Just, sa dévotion prend un caractère encore plus marqué. Il assiste aux offices des moines, se confesse fréquemment, fait dire messes sur messes, pour le salut des siens et pour son propre salut, et il en arrive même à se donner des flagellations. L’histoire rapporte, en effet, que Philippe II mourant se fit apporter une discipline ensanglantée. « Ce sang est de mon sang, dit-il, mais ce n’est pas le mien ; c’est celui de mon père, qui s’en servait ; je le déclare afin qu’on en sache le prix. »

Chaque fois qu’un parent de Charles-Quint mourait, celui-ci faisait célébrer un service funèbre pour le repos de son âme. La parenté des rois est nombreuse, et plusieurs parents moururent. Un jour, après avoir assisté à un service pour l’impératrice, se sentant, plus que jamais, gravement atteint du mal qui le rongeait, il lui prit envie de faire célébrer ses propres obsèques et d’y assister. Ce n’était point, comme on l’a dit, une invention de sa part, un acte de folie. Enfant, pendant qu’il se trouvait à Liège, il avait vu l’évêque de cette ville faire pour lui-même des services funèbres. Il consulta son confesseur, fray Juan Regla, qui ne vit nul inconvénient à satisfaire son désir. Un catafalque fut dressé dans la grande chapelle, et, sans simulacre sacrilège, il assista à la cérémonie avec les gens de sa maison, tous vêtus de deuil, et qui pleuraient. Cette scène l’impressionna profondément, la fièvre le saisit, et, deux jours après, le 21 septembre 1558, la mort vint le frapper. Quant à la légende qui nous montre Charles-Quint passant ses journées à démonter et à remonter des pendules, nous savons maintenant ce qu’il faut en croire. Elle a son point de départ dans la chosa la plus simple, qu’on a travestie : il aimait à savoir l’heure avec la dernière exactitude. C’est pour ce motif qu’il se fit accompagner à Saint-Just de l’horloger Turriano, qu’il payait grassement.

Le Titien nous a laissé un admirable portrait de Charles-Quint, que possède le Real Museo de Madrid. L’ambassadeur vénitien que nous avons déjà cité a esquissé la figure impériale avec non moins de vérité, mais vieillie, telle qu’il la vit en 1555 : « La taille de l’empereur, écrivait-il, est moyenne, et son aspect grave. Il a le front large, les yeux bleus et d’une expression énergique, le nez aquilin et un peu de travers, la mâchoire inférieure longue et large, ce qui l’empêche de joindre les dents et fait qu’on n’entend pas bien la fin de ses paroles. Ses dents de devant sont peu nombreuses et cariées ; son teint est beau, sa barbe courte, hérissée et blanche ; sa complexion est flegmatique et naturellement mélancolique. »

Singulier mélange du flegme allemand et de l’orgueil espagnol, esprit froid et calculateur, diplomate retors et connaissant à fond les hommes, Charles-Quint était grave, digne, ferme dans les revers, profondément dissimulé, généreux par calcul, dur aux vaincus et constamment préoccupé de l’extension de sa puissance. Hypocrite de haute race, il retint François Ier captif, mais ne voulut pas de réjouissances publiques, parce que, disait-il, le malheur d’un roi ne doit réjouir personne. Il fit saccager Rome, prendre Clément VII, et en même temps il ordonna des prières publiques pour sa délivrance. Il montra un goût vif et fin pour les arts ; mais c’est en vain qu’on cherche en lui les facultés sympathiques : il n’aima jamais personne, pas même Marguerite van Gest, la belle Flamande. Charles-Quint eut deux enfants naturels, Marguerite, duchesse de Parme, et don Juan d’Autriche, le héros de Lépante, qu’il laissa à l’abandon.

— La retraite si extraordinaire de Charles-Quint à Saint-Just, et ses funérailles anticipées sont restées, dans la langue littéraire, l’objet de fréquentes allusions :

« L’amour des chardonnerets dure autant que leur vie. On en a vu prendre le deuil à la suite d’une grosse peine de cœur et se retirer du monde, à l’instar de l’empereur Charles-Quint, qui, dégoûté de l’ambition et de la vaine grandeur, abdiqua le sceptre pour s’ensevelir tout vivant dans le monastère de Saint-Just. L’histoire dit que le regret de sa détermination prit quelquefois le monarque. Ainsi, le chardonneret qui a déposé sa couronne écarlate, signe de royauté, pour coiffer le voile noir, signe de renoncement et de deuil, revient quelquefois aussi sur la résolution que lui a dictée le désespoir, et rentre en ses insignes. »

                    Toussenel.

« Le nom d’Arthur n’apparaît plus que de loin en loin dans la littérature. Il fabriquait le roman, le drame et tout ce qui s’ensuit, avec assez de facilité ; mais il a été, dans ces derniers temps, bien distancé. C’est un écrivain qui a fait son temps, et l’on dit de lui maintenant ce qu’il disait naguère de quelques-uns de ses confrères, que, comme Charles-Quint, il assiste vivant à ses propres funérailles. »

                         ALEXANDRE DE LAVERGNE.

« Dès ce moment, je deviens un homme grave, j’abdique à Saint-Sylvain, mes vues se tournent vers Paris. Dès aujourd’hui, mon fils, c’est vous qui me succédez, c’est vous qui régnez ici ; vous êtes le souverain de l’arrondissement. Je vous laisse un trône tranquille et des sujets respectueux. Quant à moi, je vous suivrai de loin, comme Charles-Quint suivait Philippe II des hauteurs de Saint-Just. Maintenant, mon fils, venez que je vous embrasse, cette accolade vous servira de consécration. »

                  Louis Reybaud.

« Le prince des éclectiques est descendu aux travaux purement littéraires, où il fait merveille. M. Cousin s’est retiré dans les lettres, comme Charles-Quint se retira au monastère de Saint-Just ; mais son abdication lui a porté bonheur, et il peut se consoler de n’être plus un philosophe nuageux en étant un brillant homme de lettres. »

                     Paulin Limayrac.

« Affaibli par la douleur, Potard rompit complètement avec le monde ; la solitude devint son seul abri contre le désespoir. Tout ce qui se rattachait à sa vie passée lui était devenu odieux ; la pipe, cette dernière compagne de l’isolement, n’avait plus pour lui le moindre charme. Il avait brisé de ses mains tout un arsenal de ce genre, laborieusement amassé, et où il avait prodigué le souffle de sa jeunesse. C’était une abdication complète, un de ces actes décisifs qui tirent de Charles-Quint un simple profès de Saint-Just. Comme lui, Potard se déclara mort au monde. »

                Louis Reybaud.

Charles illustre (le), en espagnol El Carlo famoso, poëme épique de Luis de Zapala, de Grenade, en l’honneur de Charles-Quint. Cette immense composition ne compte pas moins de 40,000 vers, et son auteur mit treize ans à l’achever. Ce serait bien le cas de dire, avec Alceste : « Le temps ne fait rien à l’affaire. » Les cinquante chants du Carlo famoso ne sont pas meilleurs que les vingt-quatre de la Pucelle de Chapelain. Zapata, qui vivait au XVIe siècle, et était par conséquent le contemporain de son héros, s’est attaché à faire une sorte de longue chronique rimée. On trouve, en tête de chaque page du poëme, la date des événements, et le scrupule a été poussé jusqu’à distinguer au moyen d’astérisques tout ce qui est de pure imagination de ce qui n’offre, pour l’histoire, qu’une autorité douteuse. Malgré toutes ces précautions, le Carlo famoso, imprimé aux frais de son auteur (Valence, 1575, in-4o), eut peu de succès de son vivant et encore moins après sa mort. Cependant, malgré la lourdeur de la composition et l’indigence du style, il ne serait pas impossible de trouver quelques passages intéressants, si l’on osait les chercher dans tout ce fatras.

Charles-Quint (HISTOIRE DE), livre remarquable par W. Robertson, Cet ouvrage parut en 1769, dix ans après l’Histoire d’Écosse, en trois volumes in-4o. Il fut payé à l’auteur 4,500 liv. sterl. (112,500 fr.), tandis que son premier ouvrage ne lui avait été payé que 600 liv. sterl. (15,000 fr.), et fut très-bien accueilli de l’Europe lettrée quoique avec moins d’enthousiasme que l’Histoire d’Écosse. Dans cette œuvre historique, Robertson, écartant de son récit tous les faits qui n’ont eu qu’une influence momentanée ou locale, ne s’attache qu’aux grands événements dont l’influence s’exerça sur toute l’Europe, bouleversant ses mœurs, ses lois, son administration et son commerce. Il exécute ce plan avec une grande justesse de vues et une grande solidité de raison. Sous sa main puissante, toute cette grande époque devient nette et précise, les faits se tiennent et se coordonnent naturellement ; partout sa pensée est profonde, le style vigoureux : c’est incontestablement un des plus beaux livres qui existent en histoire. L’ouvrage est précédé d’une remarquable introduction qui en forme environ le quart, et en est, de l’avis généra], la meilleure partie. Introduisons cependant un correctif à ces éloges, que nous emprunterons à M. Villemain. « C’est la forme que le XVIIIe siècle préférait, dit le savant critique ; c’est l’entreprise de Voltaire dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, le modèle suivi par Robertson… La véritable peinture des mœurs, c’est celle qui, fondue dans le récit, se manifeste sans que l’historien vous le dise, et vous saisit par l’originalité plus qu’elle ne vous instruit par l’érudition. C’est ce qui a trop manqué, même à Voltaire, et ce que Robertson n’a pas eu. On admire, on loue beaucoup son Introduction à l’Histoire de Charles-Quint. Certes, il y a dans cet ouvrage un calme de raison, une sage distribution des parties, quelque chose de régulier et de progressif tout à la fois qui plaît à la pensée. Mais cette introduction est accompagnée d’un volume de notes ; et, chose remarquable, c’est dans les notes que vous trouvez tous les détails originaux. Il semble que l’écrivain ait oublié cette vérité si simple, que pour être court il faut être caractéristique ; que si vous dites peu de paroles, ces paroles doivent avoir quelque chose qui frappe et laisse un long souvenir. Vous supprimez beaucoup de circonstances : réservez-en donc quelques-unes de tellement vives, de tellement singulières, que la pensée ne puisse s’en délivrer jamais. » Cependant, si dans cette histoire Robertson est moins attachant que dans ces pages émues qu’il a consacrées à Marie Stuart, on doit convenir que l’Histoire de Charles-Quint exigeait une plus grande étendue d’esprit, une aptitude plus marquée à saisir et à embrasser d’un seul coup d’œil un grand nombre d’objets divers, et surtout une connaissance plus approfondie de tous les gouvernements de l’Europe. L’Histoire de Charles-Quint a été fort bien traduite en français par Suard, de l’Académie française.

Voici sur l’Histoire de Charles-Quint l’opinion de M. Hoffmann : « Robertson est un écrivain d’un grand mérite, profondément instruit, d’une exactitude irréprochable et très-scrupuleuse dans l’admission des faits ; il juge les événements et les hommes avec une probité sévère et une raison très-éclairée ; les Anglais lui accordent, en outre, une élégance et une pureté de style que je ne puis apprécier… Et cependant le lecteur, toujours pénétré d’une profonde estime pour un historien aussi savant et aussi judicieux, n’éprouve pas, à cette lecture, les vives émotions, l’intérêt attachant, les alternatives de pitié, d’admiration, de satisfaction ou de terreur qu’il a ressenties quelquefois en lisant des histoires moins importantes et moins célèbres. Robertson est trop impassible, il paraît prendre trop peu de part aux vices, aux vertus, aux troubles, aux calamités des hommes et des pays dont il écrit l’histoire… C’est toujours le docteur presbytérien, toujours l’homme sage, le juge intègre, l’excellent raisonneur, le critique plein de sagacité ; c’est plus qu’un historien, si l’on veut, car c’est un professeur d’histoire. Le Tableau des progrès de la société en Europe pendant le moyen âge, que nous nommons Introduction à histoire de Charles-Quint, est l’un des ouvrages les plus célèbres qui aient paru dans le XVIIIe siècle. Il est si généralement estimé, il a mérité des éloges si magnifiques et si unanimes, que son éclat a un peu nui à l’histoire de Charles-Quint. Des documents récemment découverts, les archives de Simancas et la correspondance des ambassadeurs vénitiens, ont permis de rectifier un grand nombre d’erreurs que Robertson a commises.

Charles-Quint, son abdication, son séjour au monastère de Yusto et sa mort, par M. Mignet. Dans cet ouvrage, paru en juillet 1854 (1 vol. in-8o), l’auteur d’Antonio Perez et Philippe II trace d’une main vigoureuse le caractère de l’empereur Charles-Quint, et son influence sur le monde politique, principalement après son abdication. Les études spéciales de cet historien sur l’Espagne du XVIe siècle lui ont servi à expliquer le mouvement politique de l’époque dont il s’occupe. Pour qui veut connaître à fond la pensée du rival de François Ier, l’ouvrage de M. Mignet est indispensable, surtout si l’on ajoute à sa lecture celle d’Antonio Perez et Philippe II. L’étude de M. Mignet est d’autant plus précieuse que les travaux antérieurs de Sandoval et de Robertson avaient altéré la vérité. Grâce à eux on ne pouvait plus comprendre ce grand caractère ; on attribuait à un accès de folie une résolution imposée par la nécessité. En un jour, toutes ces illusions, toutes ces chimères, se sont évanouies ; la vérité a remplacé le fantastique. Grâce à une heureuse découverte de manuscrits, grâce aux archives de Simancas soigneusement dépouillées et analysées, on a reconstitué la véritable physionomie de Charles-Quint ; désormais les motifs de son abdication sont connus ; sa vie privée nous est restituée ; sa mort nous a livré le secret d’une énigme jusqu’alors insoluble. Trois historiographes se sont emparés simultanément des précieux manuscrits de Simancas ; MM. Pichot, Mignet et Gachard ont publié, chacun de leur côté, un travail de restauration historique. Pour sa part, M. Mignet a fait œuvre de biographe, de chroniqueur, mais dans une mesure plus restreinte que M. Pichot ; comme celui-ci, il s’excuse d’avoir trop sacrifié au détail, à la particularité, aux menus propos, aux petites confidences : « Rien de ce qui touche à un grand homme, dit-il, ne saurait être indifférent ; les détails de son existence privée servent à faire comprendre la fin de son existence politique. » C’est là prévoir, non éviter, le défaut de proportion que l’on peut justement reprocher à son livre. M. Mignet ne devait pas renoncer si aisément à la méthode qui donne tant de valeur au Résumé de l’histoire de la révolution ; il est, en histoire et en critique, des modes contre lesquelles un esprit vigoureux doit réagir, et le goût de l’anecdote est aussi dangereux que le culte des généralités sentencieuses.

Dans une introduction remarquable, où son talent retrouve son ampleur, M. Mignet décrit l’état de l’Europe au moment où l’infant don Philippe vient recevoir à Bruxelles, des mains de son père, le titre et l’autorité de roi d’Espagne. Des événements menaçants, en Allemagne et en France, ont humilié la fortune de l’empereur, ou lui présagent des dangers terribles ; terribles surtout à son repos de vieillard valétudinaire, de monarque orgueilleux. L’empereur est découragé ; il n’a plus d’énergie pour recommencer la lutte contre la France et contre les princes protestants de l’Allemagne. L’Europe est lasse de sa domination et de sa politique cauteleuse. Mais si le puissant monarque n’a plus le désir de commander à la chrétienté, de gouverner les deux mondes, il ne se rend à la sommation du destin que malgré lui, et au moment suprême. Ses infirmités, ses fatigues, le fardeau des années que tant d’excès ont rendu plus lourd, la crainte d’expier ses nombreux succès par une suite de revers, le soin de son salut, le souci plus réel de sa santé, tels sont les motifs impérieux et secrets de son abdication devant les états assemblés de Bruxelles. Le vulgaire attribue volontiers au mépris des grandeurs ces abnégations soudaines dont l’honneur revient souvent à des raisons secrètes, à des motifs honteux. Non, Charles-Quint ne renonce pas à l’empire ; il ne va pas consacrer aux mesquines intrigues de la vie domestique les ressources de son vaste génie ; il n’habite pas une cellule tendue de drap noir, mais une belle villa, un palais de plaisance, construit d’avance sur ses propres plans, d’où il gouverne par la plume de ses secrétaires. Les ministres de son successeur sont encore les simples exécuteurs de sa volonté ; ses lettres à la chancellerie royale se terminent toujours par cette formule du maître : « Par ordre de Sa Majesté. » Le ministre Vasquez sait à qui il doit obéir. Il est vrai que l’empereur joue, devant témoins, son rôle de trappiste goutteux ; il prononce des mots à effet, des sentences philosophiques, qui donnent le change au public crédule.

La conclusion du livre de M. Mignet est à la hauteur de son introduction ; mais l’ouvrage lui-même est bien loin de la perfection. Nous le disions au début, le livre de M. Mignet est indispensable à quiconque veut connaître la véritable figure de Charles-Quint, grâce aux nombreux matériaux qui s’y trouvent réunis. Il est à regretter que ces renseignements ne soient pas coordonnés avec soin. Un Espagnol, M. Bermudez de Castro, a signalé tous les défauts de ce travail.

Charles-Quint, par M. Amêdée Pichot (Paris, 1854). Cet ouvrage, très-remarquable, se divise en deux parties. La première nous montre Charles-Quint empereur, au milieu de ses ministres, et dans ses rapports avec les souverains de l’Europe, adversaires ou instruments de sa politique. La seconde nous le fait suivre à Saint-Just, dans cette vie austère et encore active qui fut le solennel épilogue de cette grande destinée. D’importants travaux ont élucidé, de nos jours, toutes les questions qui se rattachent au règne de Charles-Quint, et surtout à ses dernières années. Le mérite du livre de M. Pichot est de les résumer sous la forme attrayante et familière d’une chronique. Le cadre qu’il s’est tracé lui permettait de parler tour à tour en historien et en biographe, de nous faire assister aux conseils du grand empereur, et de nous faire ensuite, en quelque sorte, asseoir à son foyer. On lit ainsi avec charme un récit où se déroulent quelques-uns des plus grands événements du XVIe siècle, groupés autour d’une figure qui personnifie avec une singulière puissance la vie morale et politique 3e cette époque. L’Histoire de Charles-Quint, par M. Mignet, offre plus d’une analogie avec l’ouvrage de M. Pichot.

Charles-Quint. Iconogr. Les portraits que l’on possède de Charles-Quint sont très-nombreux ; la série de ceux qui figurent dans la collection iconographique du cabinet des estampes à la Bibliothèque impériale forme à elle seule un gros volume. Le plus ancien que nous ayons remarqué dans cette série est l’ouvrage d’un graveur allemand ; il porte la date de 1519 et l’inscription : Carolus, rex Hispaniae, ce qui nous fait croire qu’il a été exécuté un peu avant l’élection qui éleva Charles à l’empire : le jeune prince, — il avait alors dix-neuf ans, — est vu de trois quarts ; il a le