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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 4, Chao-Chemin.djvu/68

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Angleterre et jeté à la Tour de Londres. Jeanne de Penthièvre suivit alors l’exemple de la comtesse de Montfort, et continua la guerre avec activité. Charles sortit de captivité, reprit les armes et fut tué à la bataille d’Auray (1364), qui décida du sort de la Bretagne et où Duguesclin combattit dans son parti. Jeanne de Penthièvre renonça à ses prétentions par le traité de Guérande (1365).


CHARLES DE BOURBON, connétable. V. Bourbon.


CHARLES DE GUYENNE. V. GUYENNE.


CHARLES D’ORLÉANS. V. ORLÉANS.


CHARLES DE VALOIS, duc d’Angoulême. Fils naturel de Charles IX et de Marie Touchet, né en 1573, mort en en 1650. V. Angoulême (Charles de Valois, duc d’).

BOURGOGNE.


CHARLES LE TÉMÉRAIRE, fils de Philippe le Bon et d’Isabelle de Portugal, né à Dijon en 1433, tué devant Nancy en 1477. Il porta d’abord le titre de comte de Charolais et se fit remarquer, dès l’âge de vingt ans, aux batailles de Rupelmonde et de Morbecque par ce courage bouillant et irréfléchi auquel il devait demander dans la suite toutes ses inspirations et qui justifie le surnom sous lequel il s’est rendu fameux. La lecture des romans de chevalerie et des histoires de l’antiquité exalta encore son caractère orgueilleux, dominateur et violent, et nourrit en lui cette ambition du grandiose qui fut la source de ses fautes et de ses malheurs. L’un des premiers, il entra dans la ligue du Bien publie contre Louis XI, après avoir arraché le consentement de son père (1465), combattit l’armée royale à Montthéry, se joignit aux ducs de Berry et de Bretagne pour faire le siège de Paris, et obtint des conditions avantageuses au traité de Conflans (1466). Il alla ensuite châtier les cités flamandes de Dinant et de de Liège, qui s’étaient soulevées et les réduisit après une courte et sanglante campagne. Ivre de ces succès, il conçut dès lors de ses talents militaires une si haute idée, que les plus grands revers ne purent jamais le détromper. La mort de son père (1467) mit entre ses mains le gouvernement du duché, où déjà il agissait presque en souverain. Une nouvelle révolte des Liégeois, suscitée par Louis XI, vint augmenter sa haine contre ce monarque, qui commit l’imprudence de venir le trouver à Péronne pour l’apaiser et qui ne s’en tira que par les plus humiliantes concessions. Il fut même contraint de marcher avec son puissant vassal contre la cité dont il était l’allié secret. (Pour ce qui concerne l’affaire de Péronne, v. Péronne.) Le duo traita Liège avec sa cruauté habituelle, l’inonda de sang, l’épuisa d’argent et la couvrit de ruines. Bientôt il recommença la guerre contre le roi de France, se jeta comme un torrent sur la Picardie, enleva plusieurs villes, mais échoua devant Beauvais, défendu par Jeanne Hachette (1472). À Nesles, il fit couper le poing à toute la garnison, entra à cheval dans l’église encombrée de cadavres, et se félicita, à cette vue, d’avoir avec lui de bons bouchers. Néanmoins, ces fureurs, ces emportements insensés échouèrent devant l’habileté et la froide astuce de Louis XI, qui débauchait à petit bruit les amis de son bon cousin de Bourgogne, lequel facilitait cette tâche par son orgueil hautain et par son despotisme. Le mauvais succès de cette campagne tourna d’un autre côté son ambition et son orageuse activité. Maître de vastes États, il souffrait de n’être que le vassal du roi de France et rêvait de faire ériger son duché en royaume gallo-belge. Les plus vastes projets comme les plus insensés fermentaient dans son esprit. « Il ordissoit, dit son serviteur Olivier de la Marche, plus d’entreprises que trente vies d’hommes n’eussent sçu faire. » Il convoitait la vallée du Rhin, la Suisse, la Lorraine, le Milanais, rêvait une expédition contre les Turcs, voulait reconstituer le royaume de Bourgogne et sollicitait l’empereur Frédéric pour en obtenir le titre de roi, en même temps qu’il le blessait par son humeur impérieuse et hautaine. Déçu dans son espoir, il se jeta sur l’Allemagne avec sa furie accoutumée, languit inutilement pendant dix mois au siège de Neuss (1474) et dut battre en retraite poursuivi par les impériaux. Il fut plus heureux au siège de Nancy et soumit la Lorraine, dont le jeune duc René II fit alliance avec les Suisses, travaillés par Louis XI et d’ailleurs inquiets sur les projets de leur formidable voisin. Charles tourna bientôt tous ses efforts contre eux, et, malgré leurs représentations que tout ce qu’il trouverait chez eux ne valait pas les éperons de ses chevaliers, il franchit le Jura et alla prendre Granson, où il fit pendre ou noyer les 800 hommes qui l'avaient défendue et qu’il avait reçus à composition. Cette perfide cruauté ne tarda pas à être punie. Le taureau d’Uri mugit dans la montagne, l’armée des Suisses descendit comme une avalanche et culbuta du premier choc la brillante armée du duc de Bourgogne, réduit à s’enfuir à travers les gorges du Jura (bataille de Granson, 3 mars 1476). Frémissant de colère et de honte, Charles épuise ses États, redescend bientôt en Suisse avec 30,000 hommes et vient mettre le siège devant Morat. Les confédérés, commandés par René de Lorraine, écrasèrent de nouveau et firent un si grand carnage de son armée, qu’ils purent construire un monument commémoratif des ossements des vaincus (22 juin). Ils profitèrent ensuite de la déroute des Bourguignons pour se jeter sur la Lorraine et pour y rétablir leur vaillant capitaine le duc René. En quelques semaines, Charles reforma une armée et vint mettre le siège devant Nancy, secourue par 20,000 Suisses ; affaibli par la défection d’un capitaine italien, Campo-Basso, il n’en persiste pas moins à livrer bataille, malgré l’avis de ses meilleurs officiers, est écrasé de nouveau et périt lui-même dans le combat ou dans la déroute (5 janvier 1477). Son cadavre ne fut retrouvé que quelques jours plus tard, nu, couché sur le ventre et le visage dans les glaçons d’un marais. Suivant une version, il aurait été tué par un gentilhomme lorrain qui ne l’avait point reconnu. En lui finit cette maison de Bourgogne, la plus puissante des dynasties féodales, et dont la grandeur faillit compromettre le développement de la nationalité française.

Charles le Téméraire est resté une des grandes figures du moyen âge, une de ces figures légendaires qui laissent une empreinte profonde dans l’imagination des peuples, et il a cela de commun avec dom Sébastien de Portugal et Frédéric Barberousse. Les Bourguignons ne voulaient pas croire à sa mort, et, cinquante ans encore après le drame de Nancy, on voyait des paysans qui vendaient une vache le double de son prix payable le jour où reparaîtrait le grand duc.

Charles le Téméraire, roman historique anglais, par sir Walter Scott. C’est en 1474, dans les cantons des forêts de la Suisse que commence cette histoire. Deux voyageurs, l’un déjà âgé, l’autre encore jeune, portant le costume de simples marchands anglais, après avoir quitté la ville de Lucerne, se dirigent vers Bâle. Ils sont surpris en route par un orage, égarés par l’inexpérience de leur guide, et reçoivent l’hospitalité du landamman Arnold Biederman, dans son manoir de Geierstein (nid de vautours). Le vieux marchand, qui prend le nom de Philipson, annonce à son hôte qu’il doit se rendre auprès du duc Charles le Téméraire, pour traiter avec lui d’importantes questions commerciales ; le landamman, qui doit également aller faire au duc de Bourgogne des propositions de paix de la part de la confédération helvétique, offre au vieux marchand et à son fils Arthur la protection de son escorte et son offre est acceptée. En même temps qu’il doit accomplir cette importante mission, le landamman doit ramener à son frère Albert de Geierstein sa fille Anne, dont il a pris soin depuis plusieurs années que ce dernier erre proscrit en Suisse, en Bourgogne et en Allemagne. Le jeune Arthur n’a pu voir cependant, sans en être impressionné, les charmes de cette jeune fille, dont le sort, semble-t-il, doit l’éloigner bientôt pour toujours. Quelques jours après, la petite troupe se met en marche pour Dijon, résidence habituelle du duc Charles. En chemin, les voyageurs sont arrêtés devant le château de La Ferrette, dont le gouverneur, Archibald Hagenbach, homme avide et cruel, fait arrêter les deux marchands anglais pour s’emparer des marchandises précieuses qu’il suppose en leur possession, et leur prend un magnifique collier de diamants destiné au duc de Bourgogne. Malgré leurs réclamations, le père et le fils sont plongés dans les cachots de La Ferrete ; ils vont périr victimes de la rapacité d’Hagenbach, lorsqu’ils sont délivrés par un prêtre mystérieux, l’abbé de Saint-Paul, qui n’est autre que le comte Albert de Geierstein, conduit par sa charmante fille. En même temps, les Suisses entrent dans la ville révoltée et mettent à mort le gouverneur. Le vieux marchand se sépare alors de son fils pour aller s’acquitter de sa mission auprès de Charles le Téméraire. Arrivé à Dijon, il est introduit auprès de ce prince, duquel il se fait reconnaître pour le comte d’Oxford, partisan de la maison de Lancastre dans la guerre des Deux-Roses et chargé d’une mission de confiance par la malheureuse Marguerite d’Anjou, fille du roi René et femme de Henri VI. Le comte d’Oxford engage le duc à renoncer à la guerre qu’il veut entreprendre contre les Suisses et à appuyer les droits de Marguerite d’Anjou à la couronne d’Angleterre, lui promettant, au nom de cette princesse, la succession du roi René. La perspective flatteuse de réunir la Provence à la Bourgogne dispose tout d’abord Charles le Téméraire en faveur de cette proposition, et le comte d’Oxford envoie son fils Arthur, qui est venu le rejoindre, à Marguerite d’Anjou, pour obtenir du roi René sa ratification à ce traité. Malheureusement, le duc de Bourgogne, irrité des prétentions des cantons suisses et de la liberté avec laquelle ils les formulent, les oblige à lui déclarer la guerre. Il est successivement battu par ces ennemis qu’il méprisait, à Granson et à Morat, et la mort de Marguerite d’Anjou décide le roi René à repousser toute transaction avec Charles le Téméraire vaincu et affaibli, pour soutenir les droits de son petit-fils René de Vaudemont. Le duc de Bourgogne trouve enfin la mort au siège de Nancy, où il est traîtreusement assassiné par Albert de Geierstein, chef de la Vehme-Gericht ou tribunal des liens, sorte de franc-maçonnerie politique qui avait déclaré le duc Charles hors la loi. Quelques critiques ont reproché à sir Walter Scott de s’être écarté de l’histoire dans ce dénoûment, lorsqu’il fait mourir Charles le Téméraire sous la sentence du tribunal secret : il nous semble d’abord que les romans de sir Walter Scott sont avant tout des romans et non des ouvrages purement historiques ; mais la mort du duc de Bourgogne ayant donné lieu dans le temps à plusieurs traditions, fabuleuses sans doute, le romancier avait le droit de choisir celle qui lui convenait le mieux. Le comte Albert de Geierstein meurt en accomplissant la vengeance de la Vehme, mais il a confié auparavant l’avenir de sa fille au jeune Arthur d’Oxford, et lorsque ces événements sont accomplis, ce dernier revient en Suisse, où il épouse la jeune fille et où il séjourne quelques années avec son père sous leur nom supposé de Philipson. Cependant, au bout de quelques années, la maison de Lancastre reprend son ascendant ; cette nouvelle fait sortir de leur retraite le comte d’Oxford et son fils, qui jouent de nouveau un rôle dans les affaires politiques, et, après avoir contribué au succès de la célèbre bataille de Bosworth, reprennent définitivement leur rang à la cour du roi Henri VII d’Angleterre. Telle est, en résumé, l’histoire compliquée, mais toujours intéressante, dont, avec son art habituel, sir Walter Scott a su tirer un récit attachant. À défaut de l’exactitude historique, pour laquelle nous avons fait nos réserves, il a conservé la teinte qui leur est propre aux événements, fait parler comme il convenait les personnages de son roman et laissé tomber de son merveilleux pinceau des descriptions inimitables des lieux où se passe successivement l’action. Dans le vaste cadre adopté par l’auteur, on voit se dessiner chacune de ses créations avec sa physionomie propre : le Suisse du XVe siècle, le seigneur féodal et ses vassaux, le moine, le franc-juge du fameux tribunal secret, la Vehme, les bourgeois des villes franches, les condottieri et leur chef, le troubadour, le chevalier, bref tout le vivant panorama de ce moyen âge si chaud, si pittoresque et si coloré.

DUCS DE LORRAINE.


CHARLES DE FRANCE, fils de Louis d’Outre-mer, frère puîné du roi Lothaire, né en 953, mort en 993. Il n’eut aucune part dans l’héritage paternel et reçut le duché de basse Lorraine comme vassal de l’empire germanique (977). À la mort de son neveu, Louis le Fainéant (987), il était le légitime héritier de la couronne de France, comme dernier descendant direct de Charlemagne ; mais il protesta tardivement contre l’usurpation de Hugues Capet, se détermina enfin à agir et emporta par surprise Laon, Soissons et Reims, où il tenta de se faire sacrer. Mais, trahi par Adalbéron, archevêque de Laon, il fut livré à Hugues (991), qui l’enferma dans la tour d’Orléans, où il mourut l’année suivante. — Deux de ses fils furent retenus prisonniers pendant vingt ans et se réfugièrent en Allemagne, où leur postérité s’éteignit.en 1248. — Un troisième fils, Othon, lui succéda dans son duché de Lorraine, et ses deux filles épousèrent les comtes de Namur et de Hainaut. Telle fut la fin des derniers carlovingiens.


CHARLES II, le Hardi, fils et successeur du duc Jean Ier (1391). Il suivit le duc de Bourbon au siège de Tunis, délivra tous les esclaves chrétiens, accompagna son beau-frère Enguerrand de Couci dans son expédition en faveur des chevaliers teutoniques et contre les Lithuaniens, remporta en 1407 une grande victoire sur Louis d’Orléans, qui était venu l’attaquer près de Nancy, eut quelques démêlés avec le roi de France, qui le fit citer au parlement et même condamner à mort, mais qui plus tard lui pardonna en raison de ses services et lui donna l’épée de connétable. Il mourut en 1431.


CHARLES III, le Grand, petit-neveu de Charles-Quint, régna de 1545 à 1608. Henri II, roi de France, l’enleva pendant sa minorité et le fit élever à sa cour. Il reprit possession de la Lorraine en 1559, développa la civilisation dans son duché, réforma la législation, fonda l’université de Pont-à-Mousson, embellit Nancy, et adhéra à la Ligue en 1588 pour venger le meurtre du duc de Guise.


CHARLES IV, né en 1604, mort en 1675, succéda au duc Henri, son oncle, en 1624. Il avait été élevé à la cour de Louis XIII. En 1631, il accueillit Gaston d’Orléans fugitif et lui donna en mariage sa sœur Marguerite. Cette conduite lui attira la colère de Richelieu, et Louis XIII lui prit Nancy et diverses autres places. Pendant le cours d’une vie fort agitée, il perdit ainsi et recouvra plusieurs fois son duché, que la paix des Pyrénées lui rendit définitivement, se mêla aux intrigues de la Fronde, à la guerre de Trente ans, comme allié de l’Autriche, gagna sur les Suédois la bataille de Nordlingen, et mourut en 1675 après avoir pris une part active à la ligue de la Hollande, de l’Espagne et de l’empereur contre Louis XIV. « Charles IV, disent les bénédictins, avec des qualités de héros, mena la vie d’un aventurier. Son inquiétude, son imprudence et son indiscrétion furent la source de ses malheurs et entraînèrent la ruine de sa maison. » Il n’eut point d’enfant de Nicole, qu’il avait épousée en 1621, lorsqu’il avait à peine dix-sept ans, et qu’il répudia en 1637 pour épouser Béatrix de Cusance, veuve du prince de Cantecroix. Ce second mariage, contracté sur l’avis du P. Cheminot, jésuite, confesseur accommodant, qui prétendait que le premier, dans son principe, était nul « par défaut de liberté, » fut cassé par le pape Urbain VIII (1639). Mais le duc n’en continua pas moins à vivre avec Béatrix. Celle-ci l’accompagnait dans ses voyages et partout où il allait guerroyer, ce qui la fit surnommer sa femme de campagne. Malgré son attachement à la princesse de Cantecroix, il devint amoureux à Paris de Marianne Pajot, qu’il voulut épouser du vivant même de sa femme de campagne : le contrat en fut passé le 18 avril 1662 ; mais le roi, on ne sait pas bien par quel motif politique ou autre, fit mettre Marianne dans un couvent, ainsi que la demoiselle de Saint-Rémi, que Charles voulut épouser peu après. Il devint ensuite amoureux, en 1663, de Mme de Ludres, chanoinesse de Poussai, qu’il eût épousée sans les oppositions de la princesse de Cantecroix. Après la mort de celle-ci, arrivée le 5 juin 1663, il épousa, le 17 juillet 1665, Louise-Marguerite, fille de Charles, comte d’Apremont-Nanteuil, dont it, n’eut point d’enfant. Il mourut dix ans après, ne laissant que très-peu de biens à sa veuve, rien à ses enfants issus de son second mariage, M. de Vaudemont et Mme de Lillebonne, et un vain titre de prétendant à Charles, son neveu, fils de son frère Nicolas-François, qui était mort à Nancy cinq ans avant lui. En 1695, quelqu’un qui ne se fit connaître que par les initiales L. D. F., fit imprimer un petit recueil de 170 pages, composé de pièces de divers auteurs et devenu de la plus grande rareté, où, entre autres choses curieuses, on trouve, d’un auteur anonyme et resté inconnu, une pièce en vers très-spirituels et bien tournés, que nous n’avons vue nulle autre part ailleurs. Elle porte pour titre : Testament de Charles IV, duc de Lorraine, et résume assez bien la vie de cet aventureux personnage. La voici ; Charles IV est censé parler lui-même dans ce plaisant testament :


TESTAMENT DE CHARLES IV, DUC DE LORRAINE.


      Sain d’esprit et de jugement.
            Et voisin de ma dernière heure,
Je donne à l’empereur, par ce mien testament,
            Le bon soir avant que je meure.
Je destine à ma veuve un fonds de bons désirs
            Dont il sera fait inventaire,
            Pour sa demeure, un monastère.
    Le célibat pour ses menus plaisirs,
            La pauvreté pour son douaire.
Je donne à Vaudemont un peu d’affliction
            Et de regret à ma personne.
            Avec ma bénédiction
            Pour madame de Lillebonne.
Je laisse à mon neveu mon nom,
Seul bien qui m’est resté de toute la Lorraine,
Si ce prince ne peut le porter, qu’il le traîne ;
            La France le trouvera bon.
            Pour acquitter ma conscience,
En maître libéral je me sens obligé
De remplir de mes gens la servile espérance :
            Je leur donne donc leur congé ;
            Qu’ils le prennent pour récompense.
            Je nomme tous mes créanciers
            Exécuteurs testamentaires,
Et consens de bon cœur qua mes frais funéraires
Se fassent aux dépens de leurs propres deniers.
            Qu’on me fasse des funérailles
            Dignes d’un prince de mon nom.
            Et qu’on embaume mes entrailles
            Avec de la poudre à canon ;
Que mon enterrement solennel et célèbre
Fasse bruit dans tous les quartiers,
Et que les plus menteurs de tous les gazetiers
            Fassent mon oraison funèbre ;
            Que, durant l’espace d’un jour.
            On m’expose sous une tente.
            Et que l’épitaphe suivante
Se lise en mon honneur sur la peau d’un tambour :

            Ci-gît un pauvre duc sans terres
            Qui fut jusqu’à ses derniers jours
            Peu fidèle dans ses amours,
            Et moins fidèle dans ses guerres.
            Il donna librement sa foi
            Tour à tour à chaque couronne.
            Et se fit une étroite loi
            De ne la garder à personne.
            Trompeur même en son testament,
            De sa femme il fit une nonne.
            Et ne donna rien que du vent
            À madame de Lillebonne.
            Il entreprit tout au hasard,
            Il se fit blanc de son épée ;
            Il fut brave comme César,
            Et malheureux comme Pompée ;
            Il se vit toujours maltraité
            Par sa faute et par son caprice ;
            On le déterra par justice.
            On l’enterra par charité.


CHARLES V, né à Vienne en 1643, fils du duc Nicolas-François, neveu du précédent, à la mort duquel il prit le titre de duc. Jamais cependant il ne put prendre possession de son duché ; à la paix de Nimègue, il lui fut offert par la France, mais à des conditions qui ne lui permirent pas de l’accepter. Capitaine habile et vaillant, il combattit dans les rangs de l’armée impériale, qu’il commanda en chef après la retraite de Montecuculli (1676). Il se distingua particulièrement à la bataille de Saint-Gothard, gagnée sur les Turcs (1664), dans la campagne de Hongrie (1671) ; à la journée de Sénef (1674) ; au siège de Philipsbourg (1676), à la défaite des Turcs sous les murs de Vienne (1683), où il seconda efficacement Sobiesky ; dans les diverses campagnes contre les Turcs, et dans la guerre contre la France (1689), pendant laquelle il