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la gouverne. Dans ses affections, il précède l’époux et s’y maintient toujours. Ce qu’elle n’oserait confier à sa mère, avouer à son mari, lui prêtre le doit savoir, le demande, le sait, et ne sera point son amant. En effet, le moyen ? n’est-il pas tonsuré ? Il s’entend déclarer à l’oreille, tout bas, par une jeune femme, ses fautes, ses passions, ses désirs, ses faiblesses, recueille ses soupirs sans se sentir ému, et il a vingt-cinq ans ! Confesser une femme ! imaginez ce que c’est. Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, de guérite, est dressée contre le mur exprès, où ce prêtre, non Mingrat, mais quelque homme de bien, je le veux, sage, pieux, comme j’en ai connu, homme pourtant, et jeune (ils le sont presque tous), attend le soir après vêpres sa jeune pénitente qu’il aime ; elle le sait ; l’amour ne se cache point à la personne aimée. Vous m’arrêterez là : son caractère de prêtre, son éducation, son vœu… Je vous réponds qu’il n’y a vœu qui tienne, que tout prêtre sortant du séminaire, sain, robuste et dispos, aime, sans aucun doute, une de ses paroissiennes. Il n’en peut être autrement ; et si vous contestez, je vous dirai bien plus, c’est qu’il les aime toutes, celles du moins de son âge ; mais il en préfère une, qui lui semble, sinon plus belle que les autres, plus modeste et plus sage, et qu’il épouserait ; il en ferait une femme vertueuse, pieuse, n’était le pape. Il la voit chaque jour, la rencontre à l’église ou ailleurs, et, devant elle assis aux veillées de l’hiver, il s’abreuve, imprudent ! du poison de ses yeux. Or, je vous prie, celle-là, lorsqu’il l’entend venir le lendemain, approcher de ce confessionnal, qu’il reconnaît ses pas, et qu’il peut dire : c’est elle, que se passe-t-i dans l’âme du pauvre confesseur ? Honnêteté, devoir, sages résolutions, ici servent de peu, sans une grâce toute particulière du ciel. Je le suppose un saint ; ne pouvant fuir, il gémit apparemment, soupire, se recommande à Dieu ; mais si ce n’est qu’un homme, il frémit, il désire, et déjà malgré lui, sans le savoir, peut-être, il espère. Elle arrive, se met à ses genoux, à genoux devant lui, dont le cœur saute et palpite. Vous êtes jeune, monsieur, ou vous l’avez été, que vous semble, entre nous, d’une telle situation ? Seuls la plupart du temps, et n’ayant pour témoins que ces murs, que ces voûtes, ils causent, et de quoi ? hélas ! de tout ce qui n’est pas innocent. Ils parlent, ou plutôt murmurent à voix basse, et leurs bouches s’approchent, leur souffle se confond. Cela dure une heure ou plus, et se renouvelle souvent. » On n’a eu que trop souvent des exemples des résultats déplorables qu’amène cette intimité forcée entre une jeune femme ou une jeune fille et un homme condamné au célibat. Nous ne parlerons ni des Mingrat, ni des Contrafatto, ni de tant d’autres. Nous constaterons seulement qu’un revirement salutaire se fait dans les esprits ; que tous les gens sérieux comprennent que la confession, qui a pu être bonne à des époques de grossière ignorance où il fallait la crainte de l’enfer pour retenir sur la pente du vice, est superflue et même nuisible aujourd’hui que la moralité humaine s’est placée sur un terrain plus élevé. George Sand a écrit contre la confession un de ses plus éloquents romans, Mademoiselle de la Quintinie ; et, à l’exemple de son héros, nombre de jeunes gens préfèrent ne pas se marier, plutôt que de voir l’ombre du confesseur sans cesse interposée entre eux et leur femme.

Aujourd’hui, le pénitent est libre de choisir pour confesseur tout prêtre approuvé. Il n’en était pas ainsi autrefois. Le quatrième concile de Latran (1215) obligeait le fidèle à se confesser à son curé, à son propre prêtre, qui se montrait d’autant plus jaloux de son droit qu’il retirait de l’administration du sacrement de pénitence ce qu’on appelait le denier de confession, offrande volontaire en argent que le pénitent faisait à son confesseur. Cependant certains ordres religieux s’arrogeaient, comme nous l’avons déjà vu, le droit de confesser même sans la permission des curés ; mais leurs prétentions furent condamnées par le concile de Trente (sess. 23, ch. xv), qui interdit formellement à tout prêtre séculier ou régulier, n’ayant pas charge d’âmes, d’entendre la confession des fidèles. Mais si les ordres religieux avaient contre eux les conciles, ils réussissaient presque toujours à mettre les papes de leur côté ; ainsi la clémentine Dudum autorise les ordres mendiants à confesser, à la seule condition qu’ils auront demandé l’autorisation à l’évêque, lors même qu’ils auraient éprouvé un refus. Pour résister à cette invasion du clergé régulier que favorisait la cour de Rome, le concile de Bordeaux (1614) défendit aux religieux de confesser sans la permission de l’évêque, malgré les indults qu’ils auraient obtenus de la pénitencerie romaine, et refusa l’eucharistie à ceux qui se confesseraient hors de leur diocèse sans autorisation. Plusieurs autres conciles intervinrent et se prononcèrent dans le même sens, ce qui n’empêcha pas le clergé régulier de triompher, grâce à l’appui des papes.

L’esprit de réglementation s’est exercé sur la confession comme sur les autres pratiques du culte catholique. Les canonistes ont été jusqu’à chercher à déterminer quel serait le confesseur de chaque chrétien, suivant la place qu’il occupait dans l’Église, en commençant par le pape pour finir aux simples laïques.

Confesseur du pape. Jean de Dieu, fameux canoniste de Bologne, après avoir établi que le pape n’est pas impeccable, se demande quel doit être son confesseur. D’après plusieurs canonistes, dit-il, ce devrait être l’évêque d’Ostie, parce qu’ayant le privilège de le sacrer il a sur lui une espèce de supériorité ; d’après d’autres, il pourrait choisir entre les cardinaux qui l’élisent. Enfin il émet sa propre opinion, et conclut en disant que, le pape ayant le droit de s’accorder à lui-même ce qu’il accorde aux autres, il peut se soumettre à la juridiction d’un inférieur, avec d’autant plus de raison d’ailleurs que cet inférieur tient la place de Dieu.

Confesseurs des cardinaux. D’après le même Jean de Dieu, les fautes des cardinaux étant d’autant plus considérables qu’ils sont eux-mêmes plus élevés dans l’Église, il faut pour les expier des pénitences longues et grandes. Il en est qui prétendent que les cardinaux prêtres doivent prendre le pape pour confesseur ; les cardinaux diacres, les cardinaux prêtres, et ainsi de suite. Jean de Dieu estime que, hors de Rome, ils peuvent se confesser à un prêtre quelconque, et, lorsqu’ils sont à Rome, au pape pour les fautes publiques et au grand pénitencier pour les fautes secrètes.

Confesseurs des patriarches. C’est encore le pape pour les fautes publiques ; mais, pour les péchés occultes, ils peuvent s’adresser à un prêtre quelconque.

Confesseurs des archevêques et des évêques. Pour les fautes publiques, ils doivent se confesser, les premiers, au pape ou au patriarche ; les seconds, au primat, au moins au temps du concile provincial ; pour les péchés occultes, à un prêtre quelconque. Il faut cependant excepter, dans le dernier cas, les crimes d’homicide et de simonie, pour lesquels les évêques doivent recevoir l’absolution du métropolitain.

Confesseurs des prêtres et des clercs. L’évêque était autrefois le confesseur ordinaire des prêtres de son diocèse, d’après Chrodegand, évêque de Metz (744). En 1300, le synode de Troyes recommande aux évêques de leur nommer des confesseurs auxquels ils seront tenus de s’adresser. Le concile d’Oxford (1222) dit qu’il y aura deux confesseurs de prêtres dans chaque archidiocèse. Cependant il paraît, par certains règlements, que, depuis la seconde moitié du XIIIe siècle, ils étaient ordinairement libres de s’adresser à tel prêtre qu’ils voulaient ; il leur était seulement recommandé de ne pas se confesser à quelqu’un dont ils venaient d’entendre la confession,

Confesseurs des moines. Saint Athanase rapporte, dans la Vie de saint Antoine, que les religieux écrivaient leurs fautes et leurs pensées pour se les communiquer les uns aux autres. Mais ce n’était pas là la confession sacramentelle. On sait, du reste, par saint Jean Climaque, qu’il y avait dans les ordres religieux deux sortes de confession : la première se faisait à l’abbé, la seconde en public ; celle-ci fut même recommandée aux fidèles laïques par Jonas, évêque d’Orléans. Le pouvoir de confesser fut longtemps contesté aux moines. Mais Urbain II, au concile de Nîmes (1096), résolut la question affirmativement en traitant d’insensés ceux qui soutenaient le contraire. Non-seulement donc les abbés avaient le droit de confesser leurs religieux, mais encore les moines pouvaient confesser les laïques, s’ils étaient appelés par l’évêque du lieu. On sait, du reste, par le témoignage de Nicéphore Cartophylax, que, dès le VIIIe siècle, il y avait des moines qui confessaient ; et, en 829, le sixième concile de Paris, dans la crainte de les voir s’emparer presque entièrement de la confession, grâce à une indulgence excessive, établissait que les religieuses devaient se confesser aux séculiers, ainsi que les clercs et les laïques, et que les religieux seuls pouvaient se confesser aux moines.

Confesseurs des religieuses. La confession des religieuses est la partie que les conciles semblent avoir traitée avec le plus de prédilection. D’après la règle de saint Basile, elles devaient se confesser à leur supérieure, laquelle était chargée de raconter leurs fautes au confesseur. Il paraît cependant qu’elles pouvaient quelquefois se confesser directement au prêtre ; mais, même dans ce cas, la supérieure était ordinairement présente, parce que, selon la réponse de Jonas, évêque d’Orléans, cela était plus bienséant. Cependant les abbesses, au lieu de se contenter de recevoir la confession de leurs religieuses pour la transmettre au prêtre, voulurent s’arroger le droit de tout faire par elles-mêmes ; elles voulurent être et quelques-unes se firent de véritables confesseurs ; mais le concile de Mayence, en 816, condamna cette prétention. Déjà, du reste, elles étaient assujetties à se confesser au prêtre seul, en l’absence de la supérieure ; mais aussi que de mesures prises par les conciles ! En 816, le concile d’Aix-la-Chapelle ordonne qu’elles se confessent dans l’église, en présence des fidèles, afin qu’on ne puisse avoir de soupçons sur leur conduite ou leur conversation avec le confesseur ; en 819, le concile de Paris exige qu’elles se confessent devant l’autel lorsqu’il y aura du monde dans l’église, et cela… aux prêtres désignés par l’évêque, non aux moines. Le concile de Milan, tenu sous l’épiscopat de saint Charles Borromée, recommande de leur donner des confesseurs âgés, sages et craignant Dieu, et de les changer tous les deux ou au moins tous les trois ans ; il défend au confesseur d’entrer dans le couvent sans l’autorisation de la supérieure, même pour voir des malades, et d’y passer la nuit, d’accepter des cadeaux des religieuses, sous quelque prétexte que ce soit, etc. Enfin il ordonne l’interposition d’un rideau devant la grille du confessionnal, et prononce l’exclusion contre tout confesseur qui aura confessé sans rideau. Aujourd’hui, les religieuses ont pour confesseur ordinaire l’aumônier du couvent et, en outre, des pères spirituels, envoyés par l’évêque de temps en temps, une fois par an au moins.

Nous voulons bien admettre que les confesseurs de nonnes sont souvent des prêtres consciencieux qui remplissent honorablement les devoirs attachés à leurs fonctions. Mais la vérité nous oblige à dire que plus d’une fois on en a vu qui abusaient étrangement du prestige que leur caractère sacré leur donnait sur de pauvres recluses privées de tous les bonheurs dont la nature leur fait sentir, comme à toutes les personnes de leur sexe, l’irrésistible besoin. Pour connaître ce qui se passe quelquefois entre de jeunes religieuses et celui qu’elles appellent leur directeur, il faut le demander à celles qui ont mené cette vie. Voici ce qu’en dit Mme Enrichetta Carracciolo, qui fut trente ans religieuse, et qui publia en 1864, les Mystères des couvents de Naples, livre qui fit grande sensation : « Si la pratique des sacrements est simple et facile pour les moines, il n’en est pas de même pour les nonnes. L’affaire de la confession absorbe ces dernières jour et nuit, envahit toutes leurs pensées, les préoccupe incessamment et fournit un aliment inépuisable à leurs loisirs. Peu à peu la confession devient pour elles la condition sine qua non de leur existence, science occulte qui s’apprend dans le silence du cloître, tant par expérience personnelle que par enseignement mutuel ; espèce de camorra qui a ses adeptes, ses règlements tacites, ses chefs et son Code pénal. Supposez un concile qui supprimerait dans les couvents de femmes le bonheur suprême du confessionnal ! L’État pourrait se dispenser de faire des lois contre l’avenir du monachisme ; les couvents de femmes se fermeraient d’eux-mêmes au bout de quelques semaines. » Pour la femme enfermée dans cette tombe anticipée qu’on appelle un cloître, le confesseur est le lien qui la rattache à cette vie extérieure dont elle est pour jamais séparée ; c’est l’appui, le soutien de cette enfant isolée, désarmée devant les haines et les tyrannies de ses supérieures, et pour laquelle, d’après les lois fondamentales de la vie religieuse, ses compagnes ne peuvent prendre parti ; c’est le guide, la pensée, pour ainsi dire, de ces êtres que l’obéissance passive du couvent a conduits à l’annihilation, à l’abêtissement le plus complet. « Il y a des religieuses, dit Mme Carracciolo, qui n’osent pas même dresser la liste du linge à laver sans l’intervention de leur confesseur. L’une d’elles voyait le sien trois fois par jour ; le matin, elle lui portait des provisions pour son dîner ; plus tard, lorsqu’il venait de dire la messe, elle lui servait des biscuits et du café, et, après le dîner, elle restait avec lui jusqu’à une heure avancée pour faire, disait-elle, le compte de ce qu’elle avait dépensé dans la matinée. Du reste, non contente de si nombreuses entrevues, elle lui écrivait encore deux fois dans l’intervalle des visites. » Mais ce que la religieuse voit surtout dans son confesseur, ce n’est pas le prêtre, c’est l’homme, l’homme pour qui elle était faite et vers lequel une curiosité invincible l’attire ; on a beau contrarier la nature, on n’en saurait triompher. Parcourez l’histoire de tous les couvents, et ce fait vous frappera, toujours le même, toujours inévitable, le confesseur séduisant ses religieuses comme le jésuite Girard et tant d’autres, le confesseur séduit par ses religieuses, comme Urbain Grandier ; car le confesseur est homme, lui aussi, et de plus il est prêtre, c’est-à-dire il a autorité sur celles à qui il s’adresse, peut leur imposer ses paroles et, à l’aide de raisonnements subtils, peut les entraîner dans l’abîme en invoquant les paroles des Pères de l’Église ou même les textes de l’Évangile, comme la chose a eu lieu plusieurs fois. Dans le fameux procès fait à Virginie de Leyva et aux autres religieuses du couvent de Monza, au commencement du XVIIe siècle, figure le confesseur don Arrighone ; il enseignait aux nonnes ce qu’elles devaient faire, et voici comment : « Saint Augustin, leur disait-il, vous défend sans doute de rompre votre clôture ; néanmoins, sans péché, même véniel, vous pouvez, avec l’autorisation de votre directeur, y introduire un amant, même deux amants, et trois et quatre, s’il le faut ; car, ajoutait-il, votre vœu vous défend de sortir de votre cellule, mais non d’y introduire d’autres personnes. » Écoutons le récit que fait une de ces religieuses : « Un autre prêtre enfin, le plus importun de tous par ses assiduités opiniâtres, prétendait être aimé de moi à tout prix. La poésie profane n’offre point d’images, la rhétorique point de sophismes, la parole de Dieu point d’interprétations auxquelles il n’ait eu recours pour m’amener à ses fins. Voici un échantillon de sa manière de raisonner : Ma belle enfant, me dit-il un jour, savez-vous ce que c’est que Dieu en réalité ? — C’est le Créateur de l’univers, répondis-je sèchement. — Non, non, non ! ce n’est pas tout, reprit-il en riant de mon ignorance. Dieu est amour, mais l’amour abstrait qui reçoit son incarnation par l’affection mutuelle de deux cœurs qui s’adorent. Donc vous ne pouvez ni ne devez aimer Dieu dans l’existence abstraite ; vous devez, au contraire, l’aimer dans son incarnation, c’est-à-dire dans l’amour exclusif d’un homme qui vous idolâtre, quod Deus est amor, nec colitur nisi amando. — Ainsi, répliquai-je, en adorant son amant une jeune fille adorerait la divinité elle-même ? — Certainement, répéta-t-il sur tous les tons, encouragé par ma réplique et heureux du succès qu’il croyait avoir obtenu. — En ce cas, repris-je vivement, je choisirais pour amant un homme du monde plutôt qu’un prêtre. — Dieu vous préserve de cette peste, ma fille, ajouta mon interlocuteur avec effroi ! Aimer un homme du monde, un profane, un impie, un mécréant, un infidèle ! mais vous iriez immédiatement en enfer. L’amour du profane est un crime ; la foi du prêtre émane de la foi prêtée à la sainte Église, celle du profane est mensongère et fausse comme la vanité du siècle. Le prêtre purifie chaque jour son affection, l’homme du monde (si toutefois il osait aimer) balaye jour et nuit avec son amour tous les ruisseaux fangeux de la rue. — Mais mon cœur et ma conscience m’éloignent du prêtre. — Eh bien ! si vous refusez de m’aimer parce que je suis votre confesseur, je trouverai le moyen de lever vos scrupules. Le nom du Christ présidera toujours à nos épanchements amoureux ; ainsi notre amour deviendra une offrande agréable au Seigneur, et il montera au ciel imprégné de parfums, comme la vapeur de l’encens dans le sanctuaire. Dites-moi, par exemple : Cette nuit, j’ai rêvé de vous en Jésus-Christ ; vous aurez la conscience tranquille, car de cette manière tous vos transports seront sanctifiés. »

Confesseurs des rois, des princes et des grands seigneurs. Les rois, les princes et les grands seigneurs ont été pendant longtemps, jusqu’à la seconde moitié du XIIIesiècle, obligés de s’adresser à des confesseurs qui leur étaient imposés par l’autorité ecclésiastique. C’était ordinairement l’évêque qui se réservait le droit de les confesser, lors même que pour les autres fidèles il établissait des pénitenciers dans son diocèse. Ferdinandus Castiglius raconte que, en Aragon, le confesseur du roi était choisi par l’État. En 1281, Martin IV permit à Magnus, roi de Suède, de choisir lui-même son confesseur, et Boniface VIII donna la même autorisation à Édouard, roi d’Angleterre. Les rois de France, depuis Philippe le Hardi, jouirent du même privilège ; ce fut Grégoire X qui l’accorda à ce prince. En 1351, Clément VI, dans une lettre adressée au roi Jean, lui permet de choisir tel confesseur qu’il lui plaira, séculier ou régulier, et autorise celui qu’il choisira à changer ses vœux, à l’exception des vceux de chasteté et de continence, en d’autres œuvres de piété ; il lui donne encore le pouvoir d’absoudre des serments, de dispenser l’armée du maigre, excepté les vendredis du carême et la veille des grandes fêtes, d’accorder au roi les mêmes dispenses et de donner des indulgences plénières à la mort ou au moment d’une bataille. Une lettre du pape Urbain V au même roi confirme à son confesseur le dernier privilège (1370). Grégoire XI, en 1376, permet à Charles V de se faire accorder par son confesseur de manger des œufs, du beurre et du lait pendant le carême, sur un certificat du médecin, et à ses officiers d’avaler de ces choses, lorsqu’ils doivent en faire l’essai avant que le prince en mange. Enfin, Clément V permet aux gens de la cour d’y recevoir les sacrements, mais sans préjudice du droit des curés (denier de confession), qui cependant ne pourront les inquiéter à ce sujet ; il accorde, en outre, aux officiers des maisons royales la liberté de choisir leur confesseur et permet au chapelain de les confesser tous.

De tous les postes de confesseur, celui de confesseur du roi a toujours été le plus recherché à cause de l’influence qu’il donnait ; en France, c’était ordinairement le confesseur du roi qui avait la feuille des bénéfices. Il fallait pour ce poste des hommes bien souples et bien adroits, qui sussent faire plier la religion aux exigences de leur royal pénitent ; c’est pourquoi il a presque toujours été rempli par les jésuites, dont la morale facile est bien connue. On sait que Mme de Montespan appelait le P. Lachaise, confesseur de Louis XIV, la chaise de commodité, et l’histoire a ratifié ce surnom. Après lui vint le P. Le Tellier, qui ne fut pas moins indulgent aux faiblesses du roi, et qui lui fit expier ses fautes sur les protestants et les jansénistes, qu’il persécuta odieusement. C’est lui qui encouragea Louis XIV à lever de nouveaux impôts sur ses sujets écrasés par la guerre et la famine, en lui disant que tous les biens de son royaume lui appartenaient. Louis XIV eût dû imiter un roi d’Angleterre, qui, recevant un jour un conseil de cette sorte, commença par s’emparer des biens de celui qui le lui donnait. On peut voir dans tous ceux qui ont approché des rois et qui ont laissé des mémoires, quelles nombreuses intrigues s’ourdissaient à la cour pour donner au prince soit un confesseur, soit une maîtresse, ces deux grandes influences des monarchies absolues