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et dont le pouvoir a été également funeste. Les débauches de Louis XV peuvent être attribuées en partie au confesseur de Marie Leczinska. Ce prêtre ambitieux avait conseillé à la reine de prendre toute autorité sur son époux et de le bannir de son lit quand il ne voudrait pas accéder à ses désirs. La tentative ne fut pas heureuse : Louis XV déserta le lit conjugal pour se livrer à la corruption la plus effrénée. C’était en ce moment que le cardinal Fleury essayait de donner une maîtresse au roi pour ressaisir l’influence : le ministre et le confesseur se valaient. En Espagne, les confesseurs jouaient également un grand rôle auprès du roi. Philippe V n’allait voir sa maîtresse qu’accompagné de son médecin et de son confesseur, qui l’attendaient à la porte. Un jésuite en mourant, voulant reconnaître les bontés que le roi, son pénitent avait eues pour lui, lui conseilla de ne jamais prendre de jésuite pour confesseur. Mais ceux qui voudront connaître plus amplement les intrigues qui s’agitaient autour des confesseurs des rois doivent se reporter aux détails que nous avons donnés sur ce sujet à l’article confesseur.

L’idée de la confession était bonne par elle-même, puisque l’antiquité l’avait pratiquée ; celle d’un guide spirituel n’était pas moins heureuse. Au commencement de l’empire romain on voyait les philosophes stoïciens remplir ce rôle, donner des conseils pour bien vivre et accompagner jusque sur le gibet ceux qui allaient mourir, pour soutenir ou exciter leur courage. Le désir insatiable de domination, l’avidité sans bornes de quelques membres du clergé catholique ont gâté ces deux institutions, qui pouvaient être salutaires et fécondes, et qui deviennent quelquefois une école de corruption et d’immoralité. C’est là que la jeune tille entend parler pour la première fois d’actions dont elle ignore jusqu’au nom, que la femme apprend plus de choses en un quart d’heure qu’en vingt ans de mariage. Lisez Sanchez, lisez Suarez, pour connaître le vocabulaire des cas de conscience et voir toutes les questions immondes que des confesseurs peuvent poser à leurs pénitentes ; car si tous ne sont pas immoraux, beaucoup sont imprudents, naïfs ou indiscrets, et toutes les femmes n’ont pas la présence d’esprit de celle à qui son confesseur demanda brusquement son n om, et qui lui répondit simplement : « Mon père, mon nom n’est pas un péché ! » Quand ce n’est pas la vertu de la femme qui est menacée, c’est le bonheur du mari. Quel est le ménage qui n’a pas été troublé, divisé par ces hommes qui s’interposent entre ce que Dieu a uni, et sous prétexte de religion y sèment la discorde et la désunion. Enfin, au point de vue social, ne voit-on pas qu’il y a quelque chose de profondément immoral dans ces pratiques ? N’est-ce pas une doctrine dangereuse que celle qui proclame que l’aveu fait à un prêtre suffit pour effacer toute souillure, et un esprit faible ne peut-il pas aisément se laisser entraîner au vice quand on lui apprend qu’il est si facile de s’en purifier ? C’est ainsi que Louis XI se permettait toutes sortes de cruautés, certain de les expier par une prière à la Vierge, une donation à un monastère ; c’est ainsi que Philippe-Auguste, revenant de la terre sainte, demandait au pape de le délier du serment qu’il avait fait à Richard Cœur de Lion, de ne pas attaquer ses États durant son absence ; et c’est aussi parce que cette doctrine pernicieuse a complètement faussé son sens moral que l’Italien va se confesser et se faire absoudre d’un crime qu’il a l’intention de commettre, et qu’il va en effet perpétrer en toute sûreté de conscience au sortir du confessionnal. Combien est plus élevée et plus féconde la conviction de celui qui a le sentiment de sa dignité et le respect du droit de ses frères ! Comme lady Macbeth, il sait que les eaux de l’Océan ne suffiraient pas pour effacer une tache de sang, et que toutes les absolutions du monde sont impuissantes à réparer le tort fait à un de ses semblables.

Billets de confession. Terminons cet article par quelques détails sur ce que l’on désigne généralement par cette alliance bizarre de mots : billet de confession. On vient de voir plus haut l’importance que le catholicisme a toujours attachée à la confession, à cette Sorte de poule aux œufs d’or, source, principe de puissance, d’autorité et de richesse. Pendant la domination absolue du catholicisme, alors que le droit civil se confondait avec le droit canon, la confession était une obligation imposée a tous, et personne n’eût osé s’y soustraire sous peine d’être soupçonné d’hérésie et de se voir atteint par l’excommunication, qui n’était pas une peine purementspirituelle, mais qui emportait alors t’amende, la prison et la confiscation des biens. Ceux qui étaient morts sans confession par accident ou autrement, et sur lesquels l’Église n’avait plus de prise, étaient privés de la sépulture en terre sainte et une partie de leurs biens était confisquée au profit de l’Église. Aussi cette pratique futerie vivement critiquée par les réformateurs, qui en proclamèrent bien haut l’immoralité et la mirent à l’index. Quand Louis XIV eut, de son autorité de droit divin, supprimé la religion calviniste et ordonné à tous ses sujets Je rentrer dans le giron de l’Église catholique, il fallut un contrôle pour s’assurer oe la sincérité de ces nouveau* convertis, que

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le Sabre des dragons avait poussés vers l’autel, et il fallut prendre des mesures pour les empêcher de retourner à leurs anciennes erreurs. On exigead’eux des billets de confession délivrés par les curés des paroisses. Cette confession si odieuse à leurs yeux, acceptée par eux, était un gage qu’ils acceptaient également les autres parties du culte, et qu’ils étaient redevenus sincèrement catholiques. Le billet de Confession devint pour eux une sorte de passeport sans cesse exigible, et sans lequel ils n’avaient aucune sûreté. Mais c’est surtout des malades que cette preuve de sincérité fut exigée ; beaucoup de ceux qui avaient abjuré sous la pression de la violence et pour conserver leurs biens et leur liberté se rétractaient au lit de la mort. C’est contre eux qu’avait été rendue cette terrible ordonnance : « Ceux qui, dans une maladie, refuseront les sacrements seront après leur mort traînés sur la claie, et leurs biens confisqués. » L’absence du billet de confession suffisait pour faire prononcer ces graves condamnations, soit contre les morts, Soit contre les vivants, et cela non en justice, mais par la simple décision d’un intendant. Aussi les abus furent-ils énormes, et les vexations très-nombreuses. Les curés, poussés par un zèle fanatique, venaient de force s’implanter au pied du lit des mourants, et, quand on leur refusait la porte, requéraient l’assistance de l’autorité. Les intendants se livraient à l’arbitraire le plus inique, envoyant des hommes dont la science et le mérite égalaient l’innocence finir leurs jours dans les galères. Il suffit de parcourir l’histoire de la révocation de ledit de Nantes, et de voir le rôle qu’y ont joué les billets de confession, pour connaître les excès inévitables dans lesquels on tombe toutes les t’ois qu’on veut tyranniser la conscience humaine.

Les billets de confession ont également joué un grand rôle au xvme siècle. Pendant la querelle des jansénistes et des tuolinistes, les scandales les plus déplorables curent lieu, les violences les plus condamnables se produisirent. Tous les prêtres se divisaient en acceptants, appelants et réappelants. Le moribond qui à son Ht de mort voulait recevoir les sacrements de l’Église devait présenter un billet de confession attestant qu’il avait reçu l’absolution d un prêtre non janséniste. A celui qui ne pouvait présenter ce billet, -on refusait impitoyablement les secours de la religion. Vainement le parlement s’en mêlait, ordonnait par un arrêt spécial de porter lus sacrements au malade : les curés, encouragés par le fanatique de Beaumont, ne tenaient aucun compte des ordres des magistrats, et laissaient mourir dans le désespoir ceux qui ne pensaient pas comme eux. Un fait suffira pour faire voir à quel degiè l’intolérance était arrivée. L’abbé de l’iïpée, un des grands bienfaiteurs de l’humanité, avait été suspendu de ses fonctions ecclésiastiques à cause de ses opinions jansénistes ; un jour il se présenta à Saint-Koch, sa paroisse, pour recevoir les cendres avec tous les fidèles ; le prêtre qui officiait le repoussa publiquement, et refusa de déposer une pincée de cendres sur son front. 1-e vénérable abbé se leva et répondit en ces ternies : « J’étais venu, pécheur contrit, m’huniilier à vos pieds, votre refus ajoute à ma mortification ; mon but est atteint, je n’insiste pas, pour ne pas tourmenter votre conscience. « Ce qui rendait ces démonstrations intolérantes encore plus odieuses, c’est qu’elles avaient lieu à une époque où les mœurs étaient plus que libres ; Bentivoglio, le nonce du pape, qui avait été un des principaux auteurs de la bulle, était décrié et méprisé de tous pour sa conduite scandaleuse : il avait deux filles d’une danseuse de l’Opéra qu’il entretenait publiquement ; l’aînée de ces filles avait même reçu le nom de Constitution, par allusion à celle dontBentivoglio avait été un des auteurs.

La nécessité du billet de confession existe toujours a [îome, où il n’y a d’autre autorité que l’autorité spirituelle. Voici les détails que donne h ce sujet un voyageur moderne, M. Kaufinann, dans ses Chroniques de Home, ouvrage où l’on trouve d’intéressants récits sur la situation de Rome et de la papauté en 1S05 :

« Les démarches à faire pour obtenir un passe-port à l’extérieur sont longues, pénibles, blessent la dignité de l’homme, la liberté de conscience, la chose du monde la moins respectée ici. Celui qui veut voyager doit d’abord s’adresser au curé de sa paroisse, autorité réelle, redoutable, disposant du bras séculier. À ce curé il faut demander un certificat constatant que, sous le rapport religieux, rien ne s’oppose a la délivrance du passe-port, c’est-à-dire que le demandeur a l’ait ses piques et a présenté un billet de confession et de communion. Vous vous récrierez en vain, vous invoquerez en vain votre droit d’être seul juge en pareille matière, le curé romain vous dénie ce droit ; il parle au nom de l’Église, souveraine temporelle, et le certificat n’est qu’à ce prix. Ce billet n’est pas seulement une nécessité pour celui qui veut sortir des États du pape, il est une des conditions de la liberté pour tout Romain, et le curé va chaque année a domicile le réclamer impérieusement. Celui qui ne veut pas le représenter peut d’un moment à l’autre être saisi par les carabiniers, qui le conduiront dans une prison, où il demeurera jusqu’à ce que la lassitude de la captivité le contraigne à l’obéissance. Toute violence amène le mensonge, la

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supercherie, et pour échapper au danger on achète des billets de communion, dont le trafic, presque public, est une des ressources des familles nombreuses, dont les membres vont communier chaque jour dans plusieurs églises pendant le temps de Pâques. Des sacristains font eux-mêmes ce commerce, pour n’en pas laisser le bénéfice à des intrus. Ceux qui répugnent à acheter le billet qu’ils doivent remettre au curé n’hésitent point à communier sans confession. »

Chez nous, la nécessité du billet de confession existe encore pour ceux qui veulent demander à l’Église la bénédiction de leur mariage.

— Archéol. chrétienne. — Confession des martyrs. En archéologie chrétienne, on appelle confession d’un martyr ou d’un saint quelconque le lieu où le corps de ce saint, de ce martyr a été inhumé. Par la suite, on donna aussi le nom de confession à l’autel élevé dans la basilique en l’honneur de celui qui était inhumé dans la partie souterraine de cette basilique. On doit donc distinguer deux sortes de confession : la confession souterraine et la confession supérieure. Quant au mot mwtyrium, il est assez difficile d’en donner une explication définitive, attendu que rien n’est plus vague et plus indéterminé que le sens dans lequel on le trouve employé, tant dans les auteurs chrétiens que sur les monuments de l’antiquité chrétienne, Fort souvent, le mot rnartyrium désigne la basilique tout entière, en ce sens que l’on prend le nom du martyr inhumé pour distinguer la basilique. Somme toute, on peut dire, en général, que si le indt confessio est appliqué essentiellement à désigner l’autel du martyr, le mot rnartyrium désigne la basilique entière. Ainsi, par exemple, dans le concile tenu en l’an 451, on parle de l’église de Sainte-Kuphémie de Chalcédoine ; le texte est ainsi : < In martyriosanctœ Euph’emiœ et pulehrœ, et victricis, et martyris ; Dans le rnartyrium de la sainte, belle, victorieuse et martyre Euphémie. » Éusèbe désigne l’église du Sauveur, élevée par Crescentius, sous le vocable de rnartyrium Salvatoris. Quelquefois aussi, au lieu de dire : confession (confessio) des martyrs, on emploie le mot memoria (mémoire). C’est ce mot-là qui figure le plus souvent sur les monuments. Rien de plus logique, du reste, que cette dénomination. L’autel élevé dans le sanctuaire même de la basilique n’avait-il pas pour but de conserver, de perpétuer le souvenir, la mémoire du martyr en l’honneur duquel l’autel était élevé ? Témoin cette inscription, donnée par de Rossi, no 443 : memoria anastasiae, Mémoire d’Anastasie. Deux monuments surtout, qui portent ce nom de

memoria, sont curieux à plus d’un titre, et pour l’histoire, et pour l’archéologie : c’est d’abord celui de Suzanne, et ensuite celui de Julius, qui éleva une mémoire à sa mère très-chérie, comme nous l’apprend l’inscription." Voici celle de Suzanne :

SVSSANNA. COMPARA II VIT. SIDI. MEMOHIAM.

. « Suzanne s’acheta elle-même sa mémoire. « Cette inscription est, de la fin du ive siècle. Quant à celle de Julius, la voici : MATER. DVLCtSSIMA

IN. PACfc) : XKI. RECEPTA

" IVLIVS. FILIVS. MBMORIAM. FKC. OBIIT. KAL. SEPTEM.

«Mère très-chère, reçue dans la paix du Christ (xpi) ; Julius, son fils, lui a fait [rue fit)J cette mémoire (memoriam). Elle mourut aux calendes de septembre. »

Mais la plus glorieuse des confessions fut, sans aucun doute, celle de Saint-Pierre de Rome, dont M. l’abbé Martigny a donné une bonne description, que nous allons reproduire tout au long : «Si l’on en croit e Catalogue des papes, donné au ti* siècle (Sehelestralt, Antiq. eccles., t. I, p. 400), et le Liore pontifical (t. l, p. 18), lupreinièro mémoire élevée sur les restes du prince des Apôtres seruit due à saint Anaclet. Quoi qu’il en soit, il est pleinement démontré, du moins, qu’elle existait dès le ne siècle (Borgia, De Vatic. confess. D. Pétri, ^, xxxvu). Les premières notions positives’ que nous possédions à ce sujet nous ont été transmises par notre saint Grégoire de Tours, qui avait visité la confession do Saint-Pierre ; et encore, la description qu’il en donne, et que nous ne faisons, pour ainsi dire, que reproduire, n’a-t-el !e pour objet que la partie supérieure. Le tombeau du prince des Apôtres, mémoire ou confession proprement dite, était placé sous un autel orné de quatre colonnes d’argent, qui supportaient un ciborium. Cet autel était entouré d’une grille, qui s’ouvrait pour ceux qui allaient y prier. Ils se plaçaient à une petite fenêtre, pratiquée au-dessus du tombeau et nommée jugulum, et, là, demandaient les faveurs dont ils avaient besoin. Ils faisaient ensuite descendre un linge, palliohim. qui auparavant avait été pesé dans une balance ; ensuite ils jeûnaient et priaient jusqu’à ce qu’ils connussent qu’ils étaient exaucés, et ils le connaissaient au poids que le patliolum avait acquis dans son séjour sur la sainte relique. Telle était, au viu siècle, la disposition de la confession de Saint-Pierre, et telles étaient les pratiques de dévotion qui y avaient lieu. Plus tard, elle sera embellie ; mais alors elle ne s’appellera plus confession de Saint-Pierre, ce sera Saint-Pierre de Rome, ce monument unique dans

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son genre, que viendront décorer et illustrer les pinceaux de Raphaël et de Michel-Ange. »

— Anecdotes. Une jeune fille, interrogée par son confesseur, lui avouait qu’elle avait eu beaucoup d’estime pour un jeune homme : « Combien de fois 11 lui demanda le confesseur.

L’abbé Gobelin, qui fut le directeur de Mme de Maintenou, était le confesseur de Mme de Coulanges, célèbre par son esprit et ses saillies. Un jour qu’il avait entendu sa confession générale, il ne put s’empêcher de dire : • Chaque péché de cette daine est une épigramioe. »

Un procureur était allé avec sa femme pour se confesser. La femme se confessa la première ; mais le curé, étant fatigué, s’endormit. La pénitente, n’ayant plus rien à dire, s’imagine que le bruit des orgues l’avait empêchée d’entendre l’absolution qui lui avait été don née, et se retire. Son mari prend sa place, et, entendant le curé ronfler, il lui dit : «Vous donnez, mon père ? — Non, madame, répond le confesseur, se réveillant eu sur saut, je no dors pas ; le dernier péché dont vous vous êtes accusée, c’est d’avoir couché trois fois avec le maître clerc de votre mari. »

Un paysan étant allé se confesser à son curé, et s’accusant d’avoir volé un mouton à son voisin, le curé lui ordonna de restituer le mouton, sous peine de ne pas avoir l’absolution. « Mais, objecta le paysan, la chose est fort difficile, attendu que je l’ai mangé.-Tant pis, répondit le pasteur, vous serez le partage du diable ; car, dans la vallée de Josaphat, où nous serons tous jugés, le mou ton sera là pour vous accuser. — Comment ! il y seraï interrompit le paysan ; j’en suis bienheureux, et la restitution sera facile, puisque je n’aurai qu’à dire : « Tenez, voisin, -repreiie» votre mouton. »

—» «

Un prêtre, qui se trouvait un soir en nombreuse compagnie, racontait les impressions que lui avait produites la première confession qu’il avait entendue : « C’était, dit-il, une jeune daine qui s’accusait d’avoir trompé son mari. » Quelques instants après, entre dans le salon une jeune et jolie dame, intime amie de la maîtresse de la’ maison. À la vue de l’abbé, elle s’avance vers lui de l’air le plus gracieux pour lui faire ses compliments. Le prêtre rougit, balbutie, et parait fort embarrassé. « Mais, monsieur l’abbé, s’écrie joyeusement la dam*1, on dirait, h vous voir, que vous ne me reconnaissez pas. Nous sommes cependant d’anciennes connaissances, et vous n’avez pas oublié, je l’espère, que c’est moi qui ai été votre première- pénitente. » L’histoire ne dit pas si le mari faisait partie de la société ; mais ce que tous les lecteurs devineront sans peine, c’est que la confusion do l’abbé redoubla en voyant les sourires et les regards malins de toutes les personnes présentes.

On sait que le fameux Rameau avait l’oreille d’une extrême délicatesse, et qu’avec lui il fallait discuter, converser, et même aboyer sur un ton presque musical. Un jour qu’il était allô rendre visite à M">« de Tenein, et que la conversation avait lieu dans lu salon, où un charmant petit épagneul, qui était les amours de la maîtresse, reposait douillettement sur un tapis moelleux, Rameau quitte précipitamment son fauteuil, saisit l’épugneul par la peau du cou, et le lance par la fenêtre. « Que faites-vous donc là, grand Dieu ! » s’écrie Mme de Tenein épouvantée. * Eh ! madame, répond Rameau, il aboie faux. » Cette susceptibilité d’oreille était une maladie qu’il devait conserver jusqu’à son dernier soupir. Le curé de sa paroisse l’assistait à son lit de mort et l’invitait à se confesser de ses péchés. Le grand compositenr paraît d’abord l’écouter avec componction ; mais voilà que tout à coup il se soulève sur son lit en s’écriant : « Sortez, monsieur le curé, vous me parlez là sur un ton faux. >

On a souvent reproché avec raison aux confesseurs certaines questions indiscrètes qui peuvent avoir de graves conséquences en éveillant chez le pénitent l’idée du mal auquel il n’aurait jamais songé. En voici un exemple : Un aubergiste se confessait au curé de son village ; celui-ci, voyant que le pénitent ne lui déclinait que de légères peccadilles, et se défiant ’un peu de sa loyauté commerciale, prit à son tour la parole. ■ Voyons, lui dit-il, est-ce qu’il ne te serait pas arrivé quelquefois de graisser avec do l’huile de chèuevis les dents des chevaux que les voyageurs mettent dans ton écurie, afin que ces pauvres animaux laissent plus de foin dans leur râtelier et plus d’avoine dans leur mangeoire ? — Jamais, ■ répondit l’aubergiste, qui reçut alors pleine et entière absolution. Quelque temps après, il revint au confessionnal, et, de tous ses péchés, le plus gros était précisément l’aveu de la fraude en question. 11 est plus que probable que le curé le semonça