Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 7, part. 1, E-El.djvu/239

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EGAL

Vois-tu pas que sa haine égale mon imour î

Racine.

Bien n’égale en fureur, en monstrueux caprices, Une fausse vertu qui s’abandonne aux vices.

BOILEAU.

Il Atteindre, en parlant d’un mérite, d’une perfection : Egaler l’éloquence de Cicéron. Alexandre s’était proposé « ’égaler en tout la yloire de Bacchus. (Vaugelas.) Rien n’égale la blancheur des lis. (Fén.) Bien ii’kgale la finesse et la variété des arabesques de l’Alhambra. (Chuteaub.) Vos jours de victoire

De notre exil à peine ont égalé la gloire.

Delille.

H Atteindre au mérite ou à la position de : Un conquérant qui Égala César. Tout ce qui vous passe et vous égale vous contraint ou vous gène. (Mass.) Ne pouvant égaler le comte d’Artois en grâce, le comte de Provence s’efforçait de s’en différencier par de plus solides supériorités. (Lamart.)

L’Américain, farouche en sa simplicité,

Nous égale en courage et nous passe en bonté.

Voltaire.

Nous avons la clarté, l’agrément, la justesse ;

Mais égalerons-nouB l’Italie ou la Grèce ?

Voltaire.

S’égaler v. pr. Être égalé : Une délicatesse, une pureté de goût à laquelle rien ne saurait s’égaler. Il Être rendu égal en dimensions : Les doigts, inégaux entre eux, s’égalent pour embrasser ce qu’ils co7itiennent. (Boss.)

— Se rendre ou se prétendre égal ; être mis au même rang : Vouloir s’égaler à Raphaël. L’envie, ne pouvant s’élever jusqu’au mérite, pour s’égaler à lui, tâche de le rabaisser. (Boileau.) L’amour dans toute sa vérité s’égale à l’innocence. (De Custine.)

L’avocat ee peut-il égaler au poste î

Pibon.

— Syn. Égaler, égaliser. Égaler diffère d’abord d’égaliser en ce qu’il signifie souvent être égal, ce qui ne convient jamais au dernier. Ces deux mots ne sont réellement synonymes que dans le sens de rendre égal. Alors ils différent en ce que égaler n’applique cette idée que d’une manière peu précise et sans marquer une intention bien déterminée ; égaliser, au contraire, suppose la volonté positive d établir l’égalité, souvent k force de tâtonnements et par un travail physique : la mort égale toutes les conditions ; on égalise les parts d’un héritage en retranchant quelque chose de celle qui était la plus forte pour l’ajouter k la plus faible.

— Antonymes. Dépasser, devancer, distancer, l’emporter sur, excéder, exceller, primer, surpasser. — Le céder, rester en deçà, suivre de loin, trouver son maître.

ÉGALEUR s. m. (é-ga-leur — rad. égaler). Hist. Nom que l’on a donné quelquefois aux nioeleurs anglais. V. miveleur.

ÉGAL1, IE (é-jja-lt) part, passé du v. Egalir : Une roue ÉGalie.

EGALIR v. a. ou tr. (é-ga-lir — rad. égal). Techn. Rendre égal. Ne s’emploie que dans quelques cas spéciaux, il Egalir une roue, En rendre les dents égales entre elles en terme d’horlogerie. Il Egalir une fusée au ressort, Mettre tous les points de l’hélice de la fusée dans un tel rapport avec le ressort contenu dans le barillet, que ce ressort tire toujours avec une force égale, quelle que soit sa tension.

ÉGALISAGE-s. m. (é-ga-li-za-je — rad. égaliser). Techn. Action d égaliser la poudre à canon ou de chasse. Il Chez les tisseurs, Action de placer tous les maillons d’un corps a une hauteur égale. Il Ustensiles et instruments nécessaires pour exécuter cette opération. On dit aussi appareillage.

ÉGALISATEUR, TRICE adj. (é-ga-U-zateur, tri-se — rad. égaliser). Qui égalise : Système égalisateur. Le projet d’adresse paraîtra, du premier coup, un calque, mais trèsaffaibli, et sur les reliefs duquel on aurait passé une sorte de niveau égalisateur. (L. Plée.)

ÉGALISATION S. f. (é-ga-li-za-si-on — rad. égaliser). Action d’égaiiser, de rendre égal : L’égalisation des lots dans un partage. La balance sociale est /’égalisation du fort et du faible. (Proudh.)

ÉGALISÉ, ÉE (é-ga-li-zé) part, passé du v. Egaliser. Rendre égal : Des lots égalisés. Il Rendre plan, uni : Les épis récoltés s’étalaient sur l’aire par couches Égalisées à la fourche. (Th. Gaut.)

ÉGALISER v. a. ou tr, (é-ga-H-zé — rad. égal). Rendre égal, donner les mêmes dimensions à t Egaliser les barreaux d’une grille. Egaliser des cheveux, il Unir, aplanir : Egaliser un terrain. Pendant ce moment de silence, le jeune homme avait égalisé sous son pied le sable du jardin. (Balz.)

— Rendre égal en quantité, en valeur : Egaliser les lots dans un partage. Lorsque la mort a égalisé les fortunes, une pompe funèbre ne deorait pas les différencier. (Montesq.) Les droits producteurs n’égalisent pas tes conditionsdeproduction. (F. Bastiatf)Louis'XI et Louis XIV ont pris soin de tout égaliser au-dessous du trône. (De Tocqueville.)

Absol. : Ceux qui prétendent niveler n’è-

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galisent jamais. (Burke.) En toute construction, égaliser c’est démolir. (De Ségur.)

— Techn, En terme de tisseur, Faire l’égalisage, nouer les mailles d’un corps pour fixer tous les maillons à une hauteur égale. Il On dit aussi appareiller.

S’égaliser v. pr. Être égalisé, devenir égal : Les rangs peuvent s’ugauser, mais non les mérites. Il Devenir uni : Cette allée commence à s’Égaliser.

— Syn. Égaliser, égnler. V. ÉGALER. ÉGALISEUR, EUSE s. (é-ga-li-zeur, eu-ze

— rad. égaliser). Celui, celle qui égalise, qui cherche à égaliser : Nos égaliseurs modernes n’arriveront pas à niveler les talents.

ÉGALISOIR s. m. (é-ga-li-zoir — rad. égaliser). Techn. Crible qui sert à passer la poudre à canon ou de chasse, pour en égaliser les grains.

ÉGALISSAGE s. m. (é-ga-li-sa-je — rad, égalir). Techn. Action d’égalir : L’égalissaGE des roues d’horlogerie.

ÉGALISURES s. f. pi. (é-ga-li-zu-rerad. égaliser). Poudre de guerre ou de chasse égalisée,

ÉG ALITAI RE adj. (é-ga-li-tè-re — rad. égalité). Qui a l’égalité politique, civile, sociale pour but ou pour résultat : Principes égalitaires. Le capital, c’est la puissance démocratique, philanthropique et égalitaire par excellence. (F. Bastiat.) La législation des mondes est une législation égalitaire. (Proudh.) Nous allons voir l’impôt égalitaire écraser le peuple. (Proudh.)

— s. m. l’artisan de l’égalité absolue : Les égalitaires.

ÉGALITAIREMENT adv. (é-ga-li-tè-reman

— rad. égalitaire). D’une manière égalitaire : Le sol égalitai rement distribué.

ÉGALITÉ s. f. (é-ga-li-té — rad. égal). Rapport de conformité entre les choses égales : Égalité de deux lignes. Égalité de deux nombres. Égalité d’âge.

l’égalité-àes torts doit finir la querelle.

Dbsmahis.

— Se dit particulièrement de la conformité absolue, de l’absence complète de distinction entre les hommes, sous le rapport des droits ou des biens : Égalité politique, civile, soéiale. Lycurque, par ses institutions, avait établi da7is Sparte /’égalité des richesses et l’inégalité des conditions, ou plutôt c’était. /’égalité de la pauvreté. (Machiavel.) On sait qu’il faut de l’ordre et des rangs pour le maintien de la société : légalité est donc impossible. (La Roche f.) L’esprit d’Éa alité extrême conduit au despotisme. (Montesq.) Autant que le ciel est éloigné de la terre, autant le véritable esprit c/’égalité l’est de l’esprit d’ÉGALiTÉ extrême. (Montesq.) L’éoalité des possessions et des richesses entraîne une anarchie universelle. (La Bruy.) L’égalité est la chose à la fois la plus naturelle et la plus chimérique. (Volt.) L’esprit c/’égalité dégénère souvent en une basse envie, dans les âmes faibles ou dures, et daris les têtes étroites ou vides. (Condorcet.) L’égalité naturelle des hommes, première base de leurs droits, est le fondement de toute vraie morale. (Condorcet.) L’égalité des droits ne peut être réelle qu’avec légalité ou la presque égalité de fortune. (Condorcet.) Au lieu de /’égalité des biens, nous n’aurons bientôt que (égalité de misères. (Rivarol.) Lorsque l’esprit saisit la parfaite égalité que la nature a mise entre les hommes, il a trop de peine à se plier aux différences que la société a établies. (Grimm.) L’égalité des biens est essentiellement impossible dans la société civile. (Robespierre.) L’égalité civile est la sujétion commune à l’autorité des lois. (Pie VU.) Il est des privilèges apparents qui «ne sont que des rappels à Légalité proportionnelle. (Portalis.) L’égalité est la première condition pour rendre l’amitié durable. (Mlle Lespinasse.) L’homme réclame la liberté pour arriver à légalité. (La Rochef.-Doud.) La perfectibilité de l’espèce humaine n’est autre chose que la tendance vers /’égalité. (B. Const.) L’amour de /’égalité est la passion dominante en France. (Chateaub.) L’égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. (Chateaub.) Les Français n’aiment point la liberté ; /’égalité seule est leur idole. (Chateaub.) Partout où il y a des classes, /’égalité des individus est impossible. (Colins :) Les femmes sont tes plus chauds partisans de /’égalité. (Rigault.) L’égalité est au cimetière, mais elle n’est que 1er. (De Lévis.) L’égalité est dans la liberté morale. (Franck.) L’égalité relève à la fois tous les membres de la société dont elle est la bqse. (Lamenn.) L’égalité est dans la société, sauf la différence des fortunes, sauf la différence des rangs, sauf la différence des faculiésJ sauf enfin l’inégalité. (Ballanche.) L’égautë est uni loi physiologique. (Cavaignac.) L’égalité assure à chacun une mesure pareille de liberté. ( Cavaignac.) II est impossible de comprendre que /’égalité ne finisse pas par pénétrer dans le monde politique comme ailleurs. (De Tocqueville.) // n’est pas de principe plus vrai, plus nécessaire, plus saint que celui de /’égalité absolue de tous tes individus composant l’humanité. (Lestiboudois.) Tout au mondé proteste contre /’égalité. (Ch. Bailly.) L’égalité s’écrit da)is les lois longtemps avant de s’établir entre les races. (Lamart.) Otez /’égalité, la propriété risque de

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devenir l’apanage de quelques-uns et un privilège de l’aristocratie. (Troplong.) La démo* craiie française a pour principes l’intelligence et le travail ; elle a pour loi /’égalité. (Lherminier.) L’égalité 1 /’égalité ! je n’entends que ce cri retentir autour de moi, et je ne vois pourtant qu’inégalité choquante, grossier despotisme et honteux esclavage. (P. Leroux.) L’égalité est une loi divine, une loi antérieure à toutes les-lois, et dont toutes les lois doivent dériver. (P. Leroux.) Il y a égalité où il y a liberté pour tous. (V. Cousin.) Légalité est le sentiment qui met le plus à l’aise le cœur de l’homme. (St-Marc Gir.) Lespoputations modernes sont avides {/’égalité et de liberté. (Micb. Chev.) Si /’égalité ne peut être atteinte, il ne s’ensuit pas qu’elle ne puisse être approchée. (Proudh.) La liberté, le savoir, te droit, la philosophie, le bienêtre, ont pour corollaire /’égalité. (Proudh.) L’égalité devant la loi a coûté des torrents de sang. (Proudh.) De /’Égalité devant la loi à /’égalité des fortunes, il n’y a que /a". distance du principe à l’universalité de son application. (Proudh.) L’unité d’éducation peut seule faire /’égalité morale d’un peuple. (Vacherot.) Rien de plus injuste et de plus antidémocratique que /’égalité dans la servitude. (Vacherot.) L’égalité civile nous a conduits à /’égalité politique, /’égalité politique nous mène à /’égalité sociale. (E. de Gir.) L’égalité des classes n’existe pas, mais /’égalité des individus existe. (E. de Gir.) L’égalité, cette autre gravitation universelle, attend encore le Newton qui en découvrira les lois. (E. de Gir.) Dans un temps où chacun travaille pour acquérir et mériter, /’égalité c’est l’injustice. (Mmu E. de Gir.) L’égalité, c’est l’utopie des indignes. (Mmo E. de Gir.) Pour les peuples comme pour les individus, /’égalité seule est la source de toute justice. (Napol. III.) Ce que nous appelons /’égalité des cultes n’est que /’égalité entre les trois ou quatre cultes reconnus. (J. Simon.) Lapremière égalité, c’est l’équité. (V. Hugo.) Notre apparence (/’égalité cache la plus grande et surtout la plus triste inégalité qui ait existé dans la société. (A. Karr.) Si les honneurs allaient toujours de pair avec l’honneur, ils acquerraient bientôt une importance funeste à /’égalité. (Prév.-Parad.) L’Angleterre montre dans les plus petits détails son aversion pour les principes d’ÉGALiTÉ. (E. Texier.) La pleine liberté pour tous est /’égalité, et /’égalité de la liberté, absolument réalisée, serait la fraternité. (K. Alaux.) L’a- ' Galité s’achète toujours cher. (Renan.) Aux portes du trépas légalité commence.

COLARDEAU.

L’amitié disparaît où l’égalité cesse.

Aube&t.

Point de bonheur, .point de paix en ménage, Sans droits communs et sans égalité.

GmauENÉ.

I, ’amour sait bien sans sceptre établir sa puissance, Et, soumettant nos cœurs par de secrets appas. Fait les égalités et ne les cherche pas.

Rotrou.

— État de ce qui est plan, uni : L’égalité d’une surface, d’un terrain.

’ — Par ext. Uniformité, persistance du même état : L’égalité d’un mouvement. L’k- galité du pouls. L’Égalité des sons de la voix est une des qualités du chanteur et de l’orateur. L’égalité du ton n’exclut pas la variété du style. Il Douceur persévérante ; constance qui soustrait l’âme aux influences extérieures : Égalité d’humeur, de caractère. Égalité d’âme. La qualité la plus essentielle duJis une femme est /’égalité de caractère. (M""» Campan.)

li’égalilé d’humeur fut toujours mon partage. La Chaussée.

Qu’est-ce que la sagesse ? Une égalité d’âme

[flamme.

Que rien ne peut troubler, qu’aucun désir n’en Boileau.

Or cette égalité dont se forme le sage, Qui jamais moins que l’homme en a connu l’usage 1

Boii.eau.

— Algèb. Comparaison de deux grandeurs qui ont la même valeur, qui ne contiennent pas d’inconnue, et qui ne diffèrent que par la forme sous laquelle elles sont exprimées.

— Arithm. Proportion d’égalité ordonnée, Celle dans laquelle deux termes d’un rang ou d’une suite sont proportionnels à autant d’autres termes d’un autre rang ou’ d’une autre suite. II Proportion d’égalité troublée, Celle dans laquelle deux termes d’un rang sont proportionnels à autant de termes d’un autre rang dans un ordre inverse et interrompu.

— Astron. Cercle d’égalité, Syn. du mot

EQUANT.

— Ane. jurispr. Égalité comprise par contrat de mariage, Égalité résultant de la promesse qu’avaient faite le père et la mère, en mariant un de leurs enfants, de ne pas avantager les autres au préjudice de celui-ci,

— Jeux. Nom donné, pendant la Révolution, par certains fabricants de cartes, aux figures qui remplaçaient les valets : Quatorze d’ÉGALiTÉs. Jouer /’égalité de pique. Tierce à /’égalité de carreau. Il Jeu de l’égalité, Jeu de hasard, qui se joue avec trois dés et un tableau divisé en six cases.

— Loc. prépos. A égalité de, En supposant

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une quantité égale de : A égalité de ressources, vous l’emporterez sur lui. Il me semble qu’k égalité D’esprit et de lumières, l’homme né riche ne doit jamais connaître aussi bien que le pauvre la nature, le cœur humain et la société. (Chainfort.)

— Antonymes. Inégalité, diversité, variété.

— Encycl. Econ. politiq. et soc. V. inégalité et CLASSE.

— Légis !. Égalité devant la loi pénale. Le, peines ne doivent varier et se graduer qu’en raison de la diversité de nature et des différents degrés de criminalité des délits. Pour les délits identiques, la peine est la même sans acception du rang ou de la condition des coupables. Tel est le principe de 'égalité devant la loi criminelle, formulé pour la première fois dans l’article 1" du décret du 21 janvier 1790 et reproduit par l’article 8 de la Déclaration des droits de 1 homme, qui servit en quelque sorte de préface a la Constitution de 1791. Ce principe paraît si naturel et d’une justice si élémentaire que l’on peut, à première vue, s’étonner qu’il ait été si tardivement consacré par la législation. Toutefois, avec de la réflexion et une plus attentive observation des faits, on ne tarde pas à s’apercevoir que, en matière pénale, la règle absolue de légalité aurait ses dangers et qu’il y a. été dérogé même dans le régime issu de la Révolution et des principes de 1789.

Nous n’avons plus de castes et plus de distinctions de nobilité et de roture entre les personnes ; mais nous avons lus distinctions professionnelles, distinctions ineffaçables dans tout état social. parce qu’elles ressortent de la nature des choses, et ces distinctions produisent encore aujourd’hui des inégalités saillantes en matière de droit pénal. En voici un exemple remarquable : si un commerçant en état de faillite a fait un acte frauduleux tendant à dérober à l’action de ses créanciers une partie quelconque de son actif, si, par exemple, il a souscrit dans ce but une vente ou une obligation simulée, ce commerçant sera passible d’une peine criminelle fort grave, de la peine des travaux forcés à temps, aux termes de l’art. 402 du code pénal. Il y aura dans la répression un surcroît de rigueur dans le cas où le failli exercerait la profession d’agent de change ou de courtier ; la peine serait alors celle des travaux forcés à perpétuité, suivant l’art. 404 du même code. Or, le même fait d’un acte entaché de simulation ou de fraude ne ferait encourir aucune peine légale à un débiteur en déconfiture qui n’est pas commerçant. Le pire résultat pour ce dernier serait de voir annuler par les tribunaux l’acte frauduleux, et d’être peut-être condamné à des réparations purement civiles. Voilà donc un même fait qui devient punissable ou non punissable, qui, en un mot, est ou n’est pas un délit, suivant la condition professionnelle de la personne. Et il n’y a, certes, rien là qui blesse la justice ; chacun comprend que la sincérité et la probité des transactions soient exigées dans le commerce plus impérieusement et sous des sanctions plus sévères.

L’état de la personne peut donc réagir sur le principe même de l’incrimination de l’acte. Ajoutons que, dans certains cas, il réagit encore de nos jours sur le mode d’application de la peine. On eu trouve l’exemple dans les exécutions militaires, qui diffèrent, quant au mode du supplice, de l’exécution capitale ordinaire et, dans l’opinion, n’entraînent pas la flétrissure qui s’attache àl’échafaud. Il existe donc de nos jours encore des peines privilégiées à côté de la pénalité vulgaire et de droit commun.

On va exposer rapidement et par simples indications : 1° un aperçu de l’inégalité des peines dans l’ancien droit ; 2° la réforme radicalement égalitaire qui sortit du grand

mouvement de 1789 ; 3" le reculement du principe de l’égalité absolue et les sages tempéraments qu’y ont apportés les lois postérieures depuis le Code pénal de 1810 jusqu’aux importants remaniements opérés en 1832.

À Rome, les peines pour les mêmes délits varièrent toujours suivant le rang et la condition des coupables. Il y avait, en outre, des dissemblances très-marquées dans le mode d’exécution quand il s’agissait de l’application de peines de la même nature et du même degré. Dans les temps reculés, à une époque qui précède la promulgation des Douze Tables, la peine de mort avait un appareil tout différent selon que le condamné était plébéien ou patricien. Le plébéien était pendu à un gibet, patibulo, ou à l’arbre malheureux, infetici arbori, c’est-à-dire à un arbre sans fruit et non planté de main d’homme, comme un aune ou un peuplier. Les patriciens subissaient la précipitation, La classique roche Tarpéienne fut dans l’origine le théâtre de ce genre d’exécution capitale ; plus tard, on précipita les condamnés de race du haut d’une plate-forme qui dominait leur prison et qui était destinée à Hç funèbre usage. On trouve à ce sujet des détails et des documents d’un certain intérêt dans les Pandectes de Pothier, t. XX, I.xlvhi, tit. 19.

Sous les empereurs et déjà dans les derniers temps de la République, il y eut moins de fantaisie, moins de pittoresque et moins de mise en scène dans les supplices. Les peines se classèrent et se régularisèrent,