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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 7, part. 2, Em-Erk.djvu/290

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tribunal extraordinaire, présidé par le roi lui-même (1639). Ce tribunal porta contre l’accusé une sentence de mort ; mais cette sentence ne put être exécutée qu’en effigie. La Valette, qui connaissait bien Richelieu, s’était prudemment sauvé en Angleterre, où on lui donna l’ordre de la Jarretière. Après la mort de Louis XIII, Bernard de La Valette, devenu duc d’Épernon, revint en France, fit annuler par le parlement de Paris le jugement inique dont il avait été frappé (1643), devint gouverneur de la Guyenne jusqu’à sa mort et gouverneur de la Bourgogne (1654-1660) ; il se montra peu jaloux de justifier l’intérêt que l’injustice de ses ennemis avait répandu sur sa personne, et ne se signala, à l’exemple de son père, que par sa rapacité, sa hauteur, sa brutalité et ses vices. Il empoisonna, en 1627, sa femme Gabrielle, fille légitimée de Henri IV et de la marquise de Verneuil, dont il eut un fils, Louis-Charles-Gaston de Candale, et une fille dont nous parlerons plus loin. Il rendit extrêmement malheureuse sa seconde femme, Marie du Cambout, nièce du cardinal de Richelieu, et conçut une vive passion pour une bourgeoise d’Agen, Ninon de Lartigue, qui exerça sur son esprit un pouvoir absolu, et à qui il donna des sommes énormes.


ÉPERNON (Anne-Louise-Christine de Foix de La Valette d’), fille du précédent, petite-fille, par sa mère, de la duchesse de Verneuil et de Henri IV, née en 1624, morte en 1701. Elle fut une de ces jeunes femmes de très-haut rang qui, frappées dans leur amour ou dans leur orgueil, allèrent peupler le couvent des Carmélites, dont Mme Acarie venait d’ouvrir les portes, rue Saint-Jacques.

L’abbé Montis a écrit une vie de Mlle d’Épernon (Paris, 1774, in-12), de laquelle il résulte que son héroïne prit le voile par le seul amour de Dieu et par dédain des vanités de ce monde. Le trop pieux abbé n’a pas voulu lire ou n’a point connu les mémoires de Mademoiselle et ceux de Mme de Motteville, nous ne parlons pas de Brantôme, le médisant quand même et auquel il ne faut pas ajouter grande foi. Mais, entre l’auteur des Dames galantes et le panégyriste, il y a place pour la vérité, et cette vérité se trouve dans les écrits des deux nobles dames que nous venons de nommer, et qui, toutes deux, aimèrent tendrement celle dont nous parlons ici.

Le couvent des carmélites possède encore deux portraits de Mlle d’Épernon. L’un la représente déjà âgée, à cinquante ans environ : sa figure est pâle, maigre, allongée ; les austérités, les ennuis, l’ombre du cloître ont mis là leur empreinte.

L’autre portrait de Mlle d’Épernon, qui a été peint par Beaubrun et gravé par Edelinck, la représente toute jeune encore, pleine de charme et de grâce, de vie et de gaieté, le sourire aux lèvres, l’amour dans les yeux : c’est ainsi qu’elle était à vingt ans. Alors elle ne songeait point à ceindre sa taille délicate du cilice de sainte Thérèse : elle était de tous les jeux, de tous les bals, de tous les divertissements de la cour ; belle, de haute noblesse, adorée, elle vivait insouciante, heureuse, lorsqu’un jour on vint annoncer devant elle que le chevalier de Fiesque avait été tué au siège de Mardyck. À cette nouvelle, on vit pâlir et chanceler la petite-fille de Henri IV. Revenue à elle, elle se retira dans ses appartements, et, depuis, ne reparut plus à la cour, ne songea plus qu’à son salut.

En dépit de son père, qui rêvait pour sa fille une illustre alliance, et qui, pour empêcher sa prise de voile, en appela au parlement, au roi, au pape, malgré les doux reproches et les prières de son frère Candale, qui aimait tendrement sa sœur, Mlle d’Épernon prit la résolution d’entrer au Souvent des carmélites. C’était en 1648, et elle avait vingt-quatre ans : l’année d’après, elle faisait profession, et échangeait son nom, un des plus grands de l’aristocratie française, contre celui d’Anne-Marie de Jésus, sous lequel elle vécut jusqu’à sa mort, survenue en 1701.


ÉPERON s. m. (é-pe-ron — bas latin spouro, qui se rapporte à l’ancien haut allemand spor, sporo, éperon, à l’accusatif spouron, de spornea, frapper, aiguillonner, piquer : anglosaxon spore, spura, éperon, islandais spuri, spore, allemand sporn, anglais spur. On trouve aussi, dans le celtique, le gaélique spor, qui semble correspondre. Le radical d’où sont issues toutes ces formes tient peut-être à la racine sanscrite sphor, agiter, frapper). Branche de métal, terminée à l’une de ses extrémités par un petit disque dentelé et mobile, et s’adaptant au talon du cavalier pour lui permettre d’aiguillonner sa monture : Des éperons d’or, d’argent, d’acier. Chausser les éperons. Donner un coup d’ÉPERON, Un cheval sensible à l’éperon. On brisait les éperons du chevalier qu’on dégradait.

Son coursier

Frissonne en bondissant sous l’éperon d’acier.

A. Soumet.

— Lame d’acier aigus et-tranchante dont on arme l’ergot des coqs destinés aux combats.

— Fam. Rides qui se forment à l’angle externe de l’œil, chez les personnes qui commencent à vieillir.

— Fig. Stimulant, moyen d’excitation : Cette ambition, qui porte mes vues au delà de

EPEK,

mon existence et de celle de nos contemporains, est une pointe de plus à mon éperon. (Diderot.)

Chausser les éperons à quelqu’un, Le faire chevalier, parce qu’on attachait en effet des éperons a la chaussure du récipiendaire.

Gagner ses éperons, Faire ses premières armes avec distinction. Il Conquérir sa réputation par ses travaux ou par des actions d’éclat.

— Manège. Souffrir l’éperon, N’être pas sensible à 1 éperon : Ce cheval souffre l’éperon, mais il obéit à la bride, il Avoir l’éperon délicat, fuir l’éperon, s’attacher à l’éperon, connaître l’éperon, Se dit d’un cheval qui sent l’éperon et lui obéit. Il N’avoir ni bouche ni éperon, Se dit d’un cheval oui n’est sensible ni à la bride ni aux coups d éperon, et d’une personne inerte, qu’on ne saurait animer par aucun moyen.

— Géogr. Saillie brusque que présente le contre-fort d’une chaîne de montagnes : Un éperon des Alpes, des Pyrénées.

— Mar. Chez les anciens, l’outre garnie d’une pointe en métal, qui s’avançait en avant de la proue, et qui était destinée à enfoncer les navires ennemis : Z’éperon, qu’on appelait rostrum, était à fleur d’eau ; c était une poutre gui avançait, munie d’une pointe de cuivre et quelquefois de fer. (Rollin.) Il Aujourd’hui, Bloc d’acier terminé par une pointe aiguë, que portent quelques-uns des nouveaux navires cuirassés. Il Maçonnerie à angles saillants placée à l’entrée d’un port pour servir de brise - lames ; pointe de rocher qui rend naturellement le même office. Il Aiguilles d’éperon, Pièces légères et courbées, qui servaient de point d’appui à la figure emblématique par laquelle on terminait la proue des anciens navires.

— Fortif. Espèce de bastion à angle saillant, qu’on élève au milieu des courtines ou au-devant des portes d’une ville, pour en augmenter la défense.

— Archit. hydraul. Ouvrage en pointe, soit en maçonnerie, soit en fascines, qui sert à rompre ou à faire dévier le courant d’un fleuve, d’une rivière, et les corps flottants dont le choc pourrait être dangereux.

— Constr. Ouvrage de maçonnerie formant saillie, et destiné à soutenir une muraille, un bâtiment.

— Anat. Petite saillie formée à l’intérieur des artères par leur membrane interne, au niveau de chacune de leurs ramifications.

— Pathol. Saillie qui se forme à l’intérieur de l’intestin, dans les cas de hernie ou d’étranglement interne.

— Mamm. Ergot dont sont pourvus certains mammifères : Eperon de chien. Le lama a les pieds fourchus comme le bœuf, mais aidés d’un éperon en arrière, qui lui sert à s’accrocher dans les endroits escarpés. (Raynal.)

— Ornith. Excroissance cornée et aiguë, qui se trouve au-dessus du pouce chez les gallinacés, et au fouet de l’aile chez certains échassiers et palmipèdes : Le gerfaut est un magnifique oiseau blanc, chaussé. d’ÉPERONS d’or, (Toussenel.)

— Entom. Epine insérée sur le tibia de quelques insectes.

— Moll. Genre de mollusques voisin des sabots, non adopté.

— Bot. Prolongement tubuleux, ordinairement aigu, du calice, de la corolle ou des étamines de certaines plantes, telles que le pied-d’alouette, * la capucine, les linaires, etc.

H Eperon de chevalier ou de la Vierge, Nom vulgaire du pied-d’alouette.

— Arboric. Branche d’arbre courte, droite, horizontale. Il Instrument dont on se sert pour repiquer en glands les clairières des bois.

— s. m. pi. Agric. Grains de seigle qui restent dans les épis.

— Encycl. Hist. Au moyen âge, les éperons d’or étaient le signe distinctif de la chevalerie. Us formaient, par ce motif, une des redevances féodales, et étaient portés en grande pompe dans certaines cérémonies. • En 816, dit le P. Daniel, une assemblée de seigneurs et d’évêques défendit aux ecclésiastiques de porter des éperons. » Une ordonnance de 1270 permettait au baron de couper les éperons sur un fumier à celui qui se serait fait recevoir chevalier sans être gentilhomme de parage, c’est-à-dire du côté paternel. À la bataille de Courtrai, perdue par les Français le o juin 1302, les Flamands trouvèrent quatre mille paires d’éperons dorés : ils en suspendirent cinq cents dans l’église de Courtrai en mémoire de leur victoire. Lorsqu’un chevalier mourait, on déposait ordinairement ses éperons dans son tombeau. Il n’était pas permis de garder les éperons à l’église, au moins dans certaines contrées : les petits clercs de Romans avaient droit de s’emparer des éperons des chevaliers qui les conservaient en entrant à l’église.

— Blas. En armoiries, Y éperon est un meuble peu commun. Il représente l’éperon des anciens chevaliers, et ne figure ordinairement que sur les écus de la noblesse militaire. Il se place toujours en pal, la molette tournée vers le chef.

h’éperon, dans le moyen âge, était un signe de force et de distinction ; car, lorsqu’on dégradait un chevalier, la première chose

EPËR •

qu’on lui ôtait, c’était les éperons, que l’on brisait à coups de hache.

Li éperon H soit copé parmi

Près del talon, au franc acier forbi.

(Le roman de Garin.)

Nous citerons ici quelques-unes des familles qui portent un ou plusieurs éperons sur leurs écus : Rosières, en Franche-Comté : de sable, à trois branches d’eparo» d’argent posées deux et Une. — Gautier d’Ariigue, en

Provence : d’azur, à deux éperons d’or ; au chef d’argent chargé de trois molettes à’éperon de gueules. — Locnr», en Champagne : de sable, a deux éperons d’argent, le second

COntre-pOSé. — La Touche de In Talvnssière,

en Bretagne : d’azur, à la bande denchée d’argent, accompagnée en chef d’un éperon du même. — Mucei, en Orléanais : d’azur, à l’éperon d’or.

— Chancell. Ordres de l’Eperon. Deux ordres de chevalerie ont porté ce nom. Le plus ancien fut institué, en 12G6, par Charles d’Anjou, frère du roi de France Louis IX, en souvenir de la bataille qu’il avait gagnée sur Mainfroi, le bâtard de l’empereur d’Allemagne Frédéric II. Cette victoire avait donné à Charles d’Anjou le trône de Naples et de Sicile, arraché à la tyrannie de Mainfroi. Le pape Urbain donna à Charles l’investiture de ces souverainetés et approuva l’ordre de l’Eperon de Naples. Lorsqu’en 1453 la maison d’Anjou fut dépossédée de ses États par le roi d Aragon, Alphonse, l’ordre de l’Éperon de Naples disparut.

Le second a été créé par le gouvernement romain ; on ignore à quelle époque. On sait seulement qu’il existait au xvie siècle, et que ses membres s’appelaient alors Chevaliers dorés ou Chevaliers de la milice dorée, parce qu’ils portaient pour insignes une croix et des éperons dorés. Par la suite, le droit de conférer cet ordre fut accordé par les papes à une foule de prélats et de simples particuliers, et ceux-ci en abusèrent au point que l’institution tomba dans un profond discrédit : le gouvernement français se vit même obligé, en 1821, de défendre à ses nationaux d en accepter et d’en porter la décoration. Enfin, il fut Supprimé, en 1841, par Grégoire XVI, qui le remplaça par celui de Saint-Sylvestre ou de l’Eperon réformé.

— Mar. L’éperon, qu’on essaye de remettre en honneur comme arme offensive, était connu dans l’antiquité. On appelait éperon, chez les anciens, la pointe ou la partie antérieure des navires placée en avant de la proue, et où était ordinairement figurée une tête d’animal, le rostre, rostrum, bec, du navire. La tribune aux harangues à Rome était appelée les rostres, parce qu’elle était ornée des éperons de navires ou de galères qu’on avait pris sur les Antiates. On sait par les historiens combien était redouté dans les combats de mer, chez les anciens, le choc, de l’éperon d’un vaisseau arrivant sur un autre. C’était ainsi qu’avait lieu l’abordage dans l’antiquité. On connaît également, par les bas-reliefs, la forme ou plutôt les diverses formes des éperons de navire en usage surtout chez les Romains ; mais aucun musée ne possède d’éperon antique en nature. Le seul monument de cette espèce qui existe est conservé dans l’arsenal de Gênes ; il fut trouvé dans le port en 1597. Au-dessus de la porte de la pièce où il est déposé, on lit cette inscription : Vetustioris hoc svi romani rostrum, in expurgando portu anno 1597 erutum, unicum hue usque visum, eximix majorum in re nautica glorix dicavere concives. Il a en ■ viron 3 pieds de long et 9 pouces d’épaisseur. Sa forme est carrée ; il est terminé par une hure de sanglier. Le sanglier, comme on sait, figure sur les monnaies espagnoles, ce qui a amené quelques savants à conjecturer que cet éperon appartenait à un des vaisseaux qui combattirent Magon, général des Carthaginois. Il est impossible de rien préci ser à cet égard. Ce n’en est pas moins un très-précieux monument antique, et d’autant plus remarquable que c’est le seul de ce

fenre qui se soit conservé. Il a été gravé ans l’Excursus litterarius per Italiam, de Zaccaria (p. 25, pi. III).

Au moyen âge, on conserva les éperons des galères, jusqu’au moment où le perfectionne- < ment de l’artillerie rendit cette arme complètement inutile. L’éperon ne fut plus alors qu’un ornement. Aujourd’hui, la vapeur permettant aux navires de courir dans toutes les directions, d’acquérir un degré de vitesse absolument inconnu des anciens navires à ■ voiles ou à rames, les abordages seront plus faciles, plus fréquents. On se ferait difficilement une idée der cette masse énorme d’acier que les nouveaux navires cuirassés portent à leur avant, cachée sous l’eau. On se souvient de l’émotion causée en Europe par les exploits du Merimac détruisant avec son éperon les navires en bois des Américains. Depuis, la question de l’éperon des navires cuirassés occupe tous les constructeurs : les essais se multiplient, et, en considérant le grand nombre de modèles déjà proposés, il est facile de voir que le problème est loin d’être résolu. Quelques navires, comme la frégate anglaise Lord Warden, sont munis d’une proue massive s’avançant sous l’eau, servant à diviser les lames, et pouvant être utilisée, non comme un véritable éperon, mais comme bélier agissant par sa masse. L Inde-

ÊPER

pendencia, de la marine péruvienne, est armée de la même manière, sa proue formant bélier, tandis que la corvette française la Belliqueuse, mise à l’eau le S septembre 1865, et construite sur les dessins de M. Dupuy de Lôme, porte un véritable éperon en fer forgé, dont la pointe excessivement aiguB, fortement aciérée, est destinée à agir par pénétration. L’arme la plus formidable dans ce fenre est le gigantesque éperon du Dundererg, navire cuirassé à tourelles, construit à New-York et acheté par le gouvernement français pour la modique somme de 10 millions. Quand ce navire est arrivé à Cherbourg et a été mis au bassin, on a pu contempler cet éperon colossal. C’est la proue elle-même à laquelle on a donné la forme d’un immense beede 15 mètres 23 centimètres de longueur (50 pieds anglais). La masse totale est en bois, recouverte d’une épaisse et solide armure en fer forgé aciéré par le bout.

L’idée d’armer les navires modernes d’éperons n’est point née en Amérique comme on semble le croire. Le 1er juin 1825, le capitaine du génie Delisle présentait au ministre de la marine un mémoire dans lequel il proposait « d’appliquer à un vaisseau de ligne une machine de 480 chevaux, capable de lui imprimer une vitesse de huit nœuds au moyen d’hélices amovibles. Le vaisseau à vapeur serait armé d’un énorme éperon de bois recouvert entièrement d’une très-forte armure en fer. Cet éperon aurait la forme d’une pyramide curviligne dont la base embrasserait une partie de l’étrave et de l’avant du vaisseau. Les arêtes de cette pyramide seraient aiguës et façonnées en dents de scie. Son sommet, formant la pointe de l’éperon, serait à 58 centimètres au-dessous de la ligne de flottaison.

Cette arme terrible coulerait très-certainement tout autant de bâtiments de guerre, tels qu’ils existent aujourd’hui, qu’elle en pourrait frapper avec une vitesse de cinq à six nœuds seulement, quelle que fût d’ailleurs la force de ceux qu’elle prendrait par le travers. Si de plus le vaisseau à vapeur à éperon était revêtu extérieurement de fer, et qu’en outre il fût armé de gros obusiers de 10 et de 12 pouces au lieu de canons, plusieurs vaisseaux à voiles ne sauraient même essayer de lui tenir tête. Les ponts seraient couverts de fer et auraient deux dunettes avec des meurtrières, etc. ■

Si, dès cette époque (1825), la France avait mis à exécution le système du capitaine Delisle, elle aurait eu en quelques années l’empire des mers. Depuis, on a construit des vaisseaux de ligne à vapeur ; depuis, on a appliqué l’hélice ; depuis, on a blindé les navires ; depuis, on a fondu de monstrueux canons ; depuis, on a exécuté l’éperon.

Il semble que le capitaine du génie Delisle avait pressenti la conversion de la marine0 de guerre. Les Anglais et les Américains ont les premiers mis à profit les idées du Français ; comme toujours, nous les avons reprises ensuite.

— Constr. L’éperon est un ouvrage en maçonnerie que l’on place au-devant des piles de pont ou des jetées, pour les protéger contre les corps flottants, contre les glaces, les forts coups de mer, et pour- rompre le cours de l’eau. On donne encore ce nom aux murs que l’on construit pour soutenir un bâtiment ou une muraille ; dans ce cas, ils s’établissent en dehors, et du côté opposé à l’effet qui tend à les renverser : ce ne sont autre chose que des contre-forts extérieurs, qui doivent se calculer comme tels et avoir la hauteur nécessaire pour que le moment de renversement du mur soit équilibré. Les éperons que l’on établit devant les piles de pont sont en maçonnerie ou en bois ; ils sont triangulaires, circulaires, elliptiques ou ogivaux, selon le goût et les idées du constructeur ; cependant, on doit préférer la première forme qui présente un tailloir plus rationnel, et occasionne moins d’affouillements que les autres. Dans les rivières torrentielles, et dont les débâcles sont terribles, on garnit les piles d’éperons très-avancés qui, à proprement parler, sont de vrais brise-glaces ; on leur donne une section très-grande, et on les évase de façon qu’ils enveloppent les avant-becs des piles et chassent les flotteurs vers le centre des arches ou travées. Les éperons que l’on établit pour protéger les jetées ou les murs d’entrée des ports, doivent avoir des formes en rapport avec celles que prennent les flots de fond, qui, comme on le sait, sont les plus redoutables pour les constructions à la mer. Ces éperons qui terminent ordinairement les jetées, prennent le nom de moles ; ils sont le plus souvent circulaires, et ont une hauteur beaucoup plus grande au-dessus des hautes mers que le sol de la jetée. Leurs plates-formes servent pour établir des feux qui indiquent les passes. Pour les mettre à même de résister aux chocs répétés des vagues, on les établit sur des blocs immergés de différentes grosseurs, et on leur donne des épaisseurs considérables ; malgré ces précautions, éperons, murs, môles et jetées sont quelquefois enlevés. Les éperons extérieurs qui soutiennent les murailles sont principalement utilisés dans la construction des églises pour empêcher les murs qui atteignent de grandes hauteurs de se renverser sous la poussée des voû-