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mes et non des brutes. Les parents peuvent ■’donc être contraints, au besoin, par une pénalité modérée, soit par amende ou surcharge de contributions, soit par la privation de quelques droits politiques, à donner à leurs enfants un certain degré d’instruction élémentaire indispensable à tous les citoyens. C’est ainsi qu’on le comprend en Suisse et dans la-majeure partie de l’Allemagne, où l’instruction, rendue obligatoire depuis une trentaine d’années, a produit de si bons résultats. De quel droit enfin, ou plutôt de quel front, le père viendra-t-il, en. cas d’écarts de conduite ou de rébellion, réclamer rnain-forte des magistrats contre ses enfants révoltés si lui-même il les a privés d’une instruction moralisante et s’il ne leur a pas enseigné les premiers de leurs devoirs, 1 obéissance et le respect ? La question au surplus est pendante en France et ne tardera pas sans doute à recevoir une solution.

Les prescriptions légales concernant l’état des familles sont nombreuses et bien ordonnées ; mais elles resteraient vaines si une saine et forte éducation n’en resserrait les liens. Les fondements de la société s’écrouleraient en poussière s’ils n’étaient cimentés par la tendresse et l’affection réciproques développées et ’maintenues pendant tout le

cours de l’existence. Nous entendons souvent, à ce propos, des moralistes chagrins se plaindre que-ia société se désagrège, que 1 esprit de famille disparaît, que l’homme s’isole et se désintéresse même de ses proches, et que, dans son égoîsme, il tend de plus en plus a se soustraire aux douces, mais lourdes charges qu’impose la création d’une famille, À ce tableau assombri, les pessimistes opposent ce qu’ils appellent le bon vieux temps, où, dans les familles de distinction surtout, se maintenaient une tradition et une solidarité d’honneur dont elles étaient justement fières. Nous avons vu plus haut ce qu’il- faut penser de l’état des familles avant notre glorieuse Révolution, et nous croyons fermement qu’un

gouvernement vraiment démocratique trouvera dans l’avenir des moyens qui, tout en respectant la liberté des parents, autant que le demande la justice, les dirigeront et les porteront à moraliser de plus en plus leurs enfants. Par là, les familles deviendront plu» upies, plus heureuses, et l’État, qui n’est que l’ensemble des familles, pourra développer rapidement toutes ses énergies matérielles etmorales sans avoir à craindre les folles entreprises des ambitieux ni les révoltes d’un peuple irrité par la misère.

Voici une anecdote qui montre combien les affections de famille sont gravées profondément dans le cœur de tous les hommes, de ceux mêmes qui appartiennent aux races les inoins avancées.

Un malheureux nègre de vingt-cinq ans, né sur les côtes du Sénégal, vint en France, amené par un entrepreneur, qui, après avoir bénéficié de son travail pendant trois mois, ’ partit sans lui remettre le salaire promis. Ce pauvre Africain suivit un autre entrepreneur dans une autre ville de province, puis dans une autre encore où il travailla à casser des pierres pour l’entretien des routes. Il entra un jour, enhardi par la faim, dans un château qui était situé sur le bord du chemin. Là, on le fit manger et, après l’avoir habillé (car il était déguenillé), on lui demanda s’il voulait rester comme domestique.

Il accepta, mais partit le lendemain pour aller toucher, disait-il, une somme qui lui était due pour son travail. On le perdit de vue pendant plus de deux mois qu’il passa, en partie, dans un hospice des environs.

À sa sortie de l’hôpital, il erra près de quinze jours dans les bois, se nourrissant de pommes et de châtaignes crues.

Après ce temps, il revint un matin au château, mais affamé et dans un état de nudité presque complet. On l’habilla immédiatement et on,1e fit manger. Le pauvre diable ne pouvait se rassassier. Pourtant il était d’une tristesse affreuse, et malgré son langage incorrect (car il parlait à peine le français), on pouvait comprendre que les noms de sa mère, de son frère, de sa petite fille, qu’il disait âgée de cinq ans, revenaient sans cesse sur ses lèvres.

Le lendemain on lui conseilla de patienter quelques jours, ajoutant qu’on lui fournirait les ressources nécessaires pour aller à Marseille et que là on ferait tous les efforts possibles pour obtenir son passage gratuit jusqu’à la côte du Sénégal. Là-dessus il regarda ses interlocuteurs avec ses gros yeux blancs pleins de larmes, et leur dit : « Vous bons, vous bien bons, mais moi, mourir de chagrin I » -

À midi il dîna assez gaiement à la cuisine ; mais, après le départ des domestiques, il demanda a la cuisinière un couteau pour couper du bois. Celui qu’on lui présenta ne lui ayant pas convenu, la cuisinière, sans défiance, lui donna celui dont elle se servait pour couper la viande.

Alors cet infortuné sortit armé de ce couteau, et, arrivé dans l’avenue, se scia littéralement la gorge. Le cou était presque

entièrement tranché.

— Jurispr. Conseil de famille. V. conseil.

l’acte de famille. Une alliance offensive et défensive entre, la France et l’Espagne (Louis XV et Charles III) fut conclue par le traité du 15 août roi ; elle avait été prépa FAMI

rée par le ministre français Choiseul, dans le but de mettre une digue à la suprématie croissante de l’Angleterre. Par cette union entre les branches de la maison de Bourbon, les deux puissances se garantissaient réciproquement, sans réserves ni exceptions,

leurs possessions continentales et leurs colonies, fit s’engageaient à se défendre mutuellement contre leurs ennemis respectifs. Sur la simple demande de l’une des deux nations, l’autre était tenue de fournir sous trois mois un secours déterminé en hommes et en vaisseaux de ligne. La paix ne devait être faite qu’en commun et toutes les alliances étrangères seraient concertées entre les deux parties contractantes. Le roi desDeux’-Siciles et le duc de Parme, issus des Bourbons d’Espagne, étaient admis dans cette association, dans laquelle, au reste, le premier refusa d’entrer, et qui ne produisit pas les grands résultats "qu’on s’en était promis. Toutefois, quoique tombé en désuétude, le pacte de famille fut invoqué à diverses reprises : il servit de prétexte à l’Espagne, en 1793, dans ses folles réclamations en faveur de Louis XVI et dans la guerre qu’elle fit à la République française ; et Louis XVIII l’invoqua également, en 1823, lorsqu’il intervint en faveur de Ferdinand VII contre les libertés espagnoles.

Société des familles. Après l’insurrection de la Société des droits de l’homme, en 1834, les républicains vaincus, mais non découragés, organisèrent la Société des familles, dont les principaux-chefs furent MM. Blanqui, Barbés et Martin Bernard. Ce fut, depuis 1830, la première société réellement secrète ; la réception était entourée d’une solennité et subordonnée à un interrogatoire et à un serment : « Je jure d’obéir aux lois de l’association, de poursuivre de ma haine et de ma vengeance les traîtres qui se glisseraient dans nos rangs, d’aimer et de servir mes frères, de sacrifier ma liberté et ma vie. » Chaque soldat de la société devait se fournir de poudre et de munitions, être prêt à suivre les ordres qui lui seraient donnés, garder une discrétion absolue et faire de la propagande. De temps en temps, il était convoqué aux réunions de la famille dont il était membre. Ces réunions étaient le seul acte par lequel l’association se reliait. Dans ces assemblées de famille, le chef se faisait rendre compte des démarches de ses hommes, tant.pour l’approvisionnement que pour la propagande ; il

recevait avis des demandes d’affiliations et prenait jour pour les réceptions. Le chiffre de chaque famille ne devait pas dépasser une douzaine d’hommes. Un certain nombre de familles recevaient la direction d’un chef appelé chef de section ; les chefs de section relevaient d’un commandant de quartier, lequel était sous les ordres d’un agent révolutionnaire qui devait communiquer avec le comité ; le comité devait rester inconnu jusqu’au jour de la bataille. Dans les premiers mois de 1836, les membres des familles s’élevaient au nombre d’un millier d’hommes que l’impatience d’agir dévorait. M. Luprestre-Dubocage, avec une douzaine de membres réunis chez lui, fut arrêté, et l’on trouva à son domicile de grandes quantités de munitions. Cependant les arrestations se bornèrent là. On décida d’organiser une fabrique de poudre. Un ancien commerçant, M. Beautour, loua sous son nom, rue de Loureine, n° 113, une maison isolée ; on y construisit un séchoir ; on se pourvut des instruments nécessaires ainsi que des matières premières, et l’on se mit à la besogne. Le soir, entre onze heures et minuit, M. Martin Bernard arrivait à la maison mystérieuse, avertissait de sa présence par une poignée de sable jetée aux carreaux, était introduit et revenait avec une charge de poudre qu’il transportait rue Dauphine, n° 22. C’est là qu’était le dépôt général ; .on y fabriquait des balles, des cartouches, que l’on remettait ensuite aux chefs de quartier. La conspiration fut découverte avant qu’on fût arrivé à un résultat. La maison de la rue de Loureine et celle de la rue Dauphine furent cernées, et les principaux chefs arrêtés. M. Blanqui avait sur lui la liste des membres de l’association ; on lui arracha son portefeuille ; mais à peine le commissaire l’avait-il entre les mains que M. Blanqui, par un mouvement rapide, le ressaisissait et trouvait le moyen d’y prendre les pièces compromettantes et de les avaler. Quarante-trois accusés comparurent en justice au mois d’août 1836. Six fuient condamnés à deux ans de prison et les autres à des peines moins fortes. La Société des familles se transforma et fournit les cadres de la fameuse Société des saisons.

— Hist. natur. Le mot famille est un des termes les plus heureux que l’on ait introduits dans la classification des êtres organisés. Une famille naturelle renferme tous les genres qui se ressemblent entre eux par leurs caractères les plus essentiels. Ce groupe a moins d’importance pratique en zoologie qu’en botanique. Chez les animaux, en effet, les ordres sont assez nettement déterminés pour indiquer d’une manière exacte la place que doit occuper un être dans la série naturelle ; aussi, dans le langage usuel, se contente-t-on le plus souvent d’indiquer ces ordres. On dit, par exemple, que le chat est un carnassier ; l’alouette, un passereau ; la couleuvre, un ophidien ; le hanneton, un coléo PAMI

ptère, etc. En botanique, au contraire, il devient indispensable, pour atteindre le but, de dire le nom de la famille. C’est à Magnol que l’on doit l’introduction des familles dans la science des végétaux ; mais c’est Jussieu qui l’a consacrée, tandis que les zoologistes l’appliquaient.de leur côté au règne animal. « Les familles, dit Ad. de Jussieu, Sont comme les branches d’un grand arbre nées sur un tronc commun, dont chacune, dans son développement, en touche plusieurs autres à la fois et peut même les croiser, dont quelques-unes peuvent en dépasser d’autres, nées au-dessus d’elles ; mais, malgré cette divergence dans un sens et cette confusion apparente, elles convergent toutes vers le tronc et en partent l’une après l’autre sur une seule ligne déroulée de bas en haut... Il y a des familles par groupe, dont tous les genres, très-ressemblants entre eux, chacun touchant à plusieurs autres à la fois, s’agglomèrent dans une certaine confusion. Il y a des familles par enchaînement, dont les genres, liant chacun

celui qui le suit avec celui qui le précède, forment une véritable série dans laquelle le dernier ne se rattache au premier que par cette suite de chaînons intermédiaires et peut quelquefois lui ressembler assez peu. Les premières sont nécessairement plus naturelles que les secondes. » On désigne quelquefois les familles par quelque caractère général, tel que plantigrades, ombellifères, graminées, etc. ; mais, le plus souvent, c’est par le nom d’un genre pris pour type, auquel on ajoute une des désinances ien, ienne ; oïde ; idé, idée ; ace, acée, etc. C’est ainsi qu’on dit, en zoologie, la famille des féliens, des percoïdes, des carabiques, des mytilacés, etc. ; en botanique, la famille des renonculacées, des aroïdées, des iridées. V, pour plus de détails, les mots méthode et taxonomie.

— Bibliogr. : l» Ouvrages philosophiques sur la famille : Trattato del governo délia fatniglia, d’Agnolo Pandolfini (Firenze, 1734, in-4<>) ; Il padre di famiglia, dialogo di Torq. Tasso ; Lud. Septalii, De ratione mstituends et gubernands familis libri V (Mediol., 1826, in-8o) ; la Famille, par J.-M. Dargaud (Paris, Perrotin, 1853, in-8o) ; la Famille, par Paul Janet (Paris, Ladrange, 1857, in-12,20 édit.) ; Trattato del modo da tenere il libro doppio domestico..., composto dal padre Lod. Flori (Roma, 1677, 3 part, in-fol.) ; Kœnigswarter, Histoire de l’organisation de la famille en France (1851, in-8o) ; Conférences du P. Hyacinthe (Revue des cours littéraires, 40 année) ; Conférences de Jules Simon (Revue des cours littéraires, 60 année (1868-1869), pages 295-303, 359-364] ; Conférences de E. Renan (Rev. des cours littéraires (même année), p. 381J.

20 Journaux. Plusieurs journaux s’adressent spécialement aux familles. Voici les principaux : la Famille, organe ■politique et social, littéraire et scientifique des intérêts généraux (6 mai-17 juin 1848 ; elle avait paru sous le titre de la Famille, moniteur des associations mutuelles sur la vie, etc.) ; la Famille, journal de l’ordre social, recueil ancien "et complet, pittoresque et caricatural ; a pris plus tard le titre de Journal-Musée (avril 1849) ; la Famille, encyclopédie du foyer (Paris, 1865) gr. in-8o) ; la Famille, journal pour tous (Lausanne, 1865, in-go) ; le Père de famille, feuille périodique, par Singlin (an VI, in-8o) ; le Père de famille, journal des intérêts, des droits et des devoirs (Paris, 1831, in-8o ; publié par la Société d’instruction nationale et du bien public) ; Gazette des familles, journal de modes (1865, in-4o) ; Magasin des familles, guide des dames et demoiselles, modes, littérature, etc. (1849, in-8o) ; l’Ami chrétien des familles, ’pas Goguel (1859, gr. in-8o) ; la Sentinelle, journal des familles protestantes (Valence, 1844-1854) ; l’Ami de la jeunesse et des familles, publication protestante, paraissant depuis 1827 (in-4°) ; Y Ange de la famille, annales de l’œuvre de l’adoption depuis 1860 (in-8°) ; le Courrier des familles, santé et intérêts agricoles, depuis 1855 (in-4°) ; le Conseiller des familles, par d’Exauvilliers et l’abbé Glaize (1833-1837, journal religieux) ; le Cri des famille, ancienne Gazette de Sainte-Pélagie, journal philanthropique (janvier 1834), parut ensuite sous le titre d’Observateur cri des familles (juillet-septembre 1834). ; le Conseiller moral des familles (1865, gr. in-8o) ; le Correspondant des familles, revue catholique ; le Messager des familles, magasin complet du foyer domestique (1865, in-S») ; la Bibliothèque des familles (éduc. mor, et rel.), par P. Zaccone (Paris, 1852, in-8<>). Citons surtout : la Semaine des familles, revue mensuelle, sous la direction de M. Alfred Villemain (l^f octobre 1858), et le Musée des familles, rédacteur en chef, Pitre-Chevalier, qui se publie régulièrement depuis 1833 {gr. in-8», avec table générale des vingt premières années).

— Allus. litt. Où peut-on être mieux qu’au

sein de sa famille ? Vers de l’opéra de Lucile, paroles de Marmontel, musique de Grétcy.

Dans l’application, ce vers s’emploie tantôt au propre, et alors il revêt une acception sérieuse ; tantôt au figuré, et dans ce cas c’est toujours d’une manière ironique et plaisante. C’est ainsi qu’un âne ayant pénétré un jour dans la cour d’un collège, un rhétoricien se permit d’excuser le malencontreux, baudet en disant :

Oi peut-il être mieux...

M. Prudhomme désapprouvait complète FAMI

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ment ce vers, où il ne voyait qu’une lapalissade. Le bon bourgeois l’avait compris ainsi : Où peut-on naître mieux qu’au sein de ta famille ?


Famille (la), ouvrage de philosophie pratique, par M. P. Janet (1855, 1 vol.). Avant de publier ce livre, l’auteur avait fait un cours public sur un sujet qui semble bien connu. L’est-il, en effet ? Ce texte si modeste, la famille, reste en dehors, Dieu merci I des problèmes de la philosophie métaphysique : il est du domaine de la morale pratique, de la vérité commune. Que peut-on apprendro au sujet de la famille ? En I n’est-ce rien apprendre que le devoir, !e bien, la règle de la liberté, la discipline, volontaire, les obligations mutuelles ? La famille est une société d’âmes. Le chef légitime en est le mari ou le père, parce que l’homme, doué de raison et de l’esprit de justice, a la responsabilité et la protection de l’honneur et du bien-être dos Siens. A lui donc l’autorité ; mais à la femme le gouvernement de la maison ; à elle le conseil, la remontrance ou l’éloge ; à elle, une grande part dans l’éducation des enfants, do la fille surtout. Au fils, à qui le père communique son énergie, elle donne la grâce et la bonté, une puissance vivifiante. Tendres et respectueux, les époux se doivent même la fidélité des pensées et des sentiments. La femme apprend du mari la raison et l’impartialité ; par sa nature, elle est toute passion, même dans son intelligence ; elle a peu d’idées abstraites et, par conséquent, .elle ne généralise pas ; elle n’a point 1 instinct de la justice, car avec elle, par elle et pour elle, tout est grâce, faveur, privilège. Lo mari apprend de la femme ce qui lui manque souvent : la délicatesse, le goût, ce sentiment do l’art que la femme porte en tout et veut voir réalisé ou appliqué dans les objets et dans les êtres qui i entourent. L’enfant, pour tous deux, est un précepteur, un témoin, un juge ; " à son insu, il enseigne a ses parents la sagesse, qu’il croit tenir d’eux ; que de fois son innocence a fait reculer des désirs honteux, des parjures criminels I Les parents doivent respecter la naïveté de l’enfant, lui épargner l’amertume des mécomptes et des épreuves de la vie. Quel système d’éducation employer ? Il dépend des divers caractères à former. En tout cas, ni-faiblesse ni sévérité abusives. L’essentiel est de lui inculquer le respect, l’obéissance au devoir. Ce but sera atteint par un mélange d’énergie et de douceur. La meilleure éducation est celle de l’exemple. On n’a rien fait, -s’il reste quelque chose à faire. Placé au collège, le fils ne doit pas être oublié par le père, chargé de former en l’homme le citoyen. Gardée au foyer domestique par ia mère, la jeune fille reçoit d’elle son éducation ; par sa mère, elle connaîtra peu à peu le monde. L’innocence est sa principale vertu. L’amitié fraternelle est une source de douces émotions ; la présence d’un aïeul vénéré et indulgent au jeune âge complète l’harmonie du tableau. M. Janet, qui ne songe pas à défendre la famille, de peur de l’accuser, ne veut pas qu’on lui demande au delà de ce qu’elle donne. Oui, si l’on vit dans son sein, on goûtera le repos, le calme, la bonheur, mais en achetant ce trésor par ia constance, l’abnégation, la bonté. L’auteur ne discute pas, ne moralise pas ; il analyse et raconte. Guidé par un goût délicat et discret, il se laisse entraîner à une douce émotion, ot lui-même il rencontre des mots gracieux, comme par exemple quand il parle de la grâce de l’enfant.

Un talent réel a été mis par l’auteur au service de l’observation morale. On ne peut analyser un tel livre. Pour le goûter, il faut le lire. « On donne mal l’idée d’un ouvrage comme celui de M. Paul Janet, en ne montrant pas l’ouvrage même. « Que dire de la famille ? » se demandaient ses amis, et ils répondaient : à Rien, » Rien, en effet, si ce n’est ce que M. Paul Janet a dit iui-même, ce qu’il a dit avec tant de convenance, ce qu’il a dit avec tant de netteté, ce qu’il a dit avec tant de probité, d’élévation, de réserve et de prudence. Il a tout dit sans avoir rien à regretter. Il a été compris de tous ceux pour lesquels il parlait, sans avoir rien appris à ceux qui ne "devaient pas le comprendre. Son livre est dans la plus parfaite mesure. Rien d’exagéré, pas même l’amour du bien. Point de faux lyrisme, point de fausse idylle, point de fausse pruderie. Partout la raison droite et sûre, la raison délicate, la raison ornée ; partout cette règle admirable que la pratique impose à l’esprit, que l’imagination ne connaît pas et que l’écrivain honnête homme reçoit sans y songer de la droiture de sa vie. • « Ce qui fait qu’on goûte médiocrement les philosophes, a dit Vauvenargues, c’est qu’ils ne nous parlent pas assez des choses que nous savons.» L’auteur de la Famille a voulu se faire goûter, quoique philosophe, et s’est borné aux questions pratiques de son sujet et à une morale familière que tout le monde peut saisir. Son livre est le résumé d’un cours professé à la Faculté des lettres de Strasbourg, et dans lequel il a tenté de résoudre une grande difficulté, l’alliance du principe d’autorité avec la liberté. L’esprit de liberté, qui est le caractère évident des temps modernes, a demandé à s’introduire dans la famille, et, là comme ailleurs, c’est en lui accordant une place légitime qu’on évitera des empiétements excessifs. Il est certains points qui paraissent acquis et que l’on regarderait