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très-vivement malmené chez nous à cause de ses obscurités et de ses affirmations théoriques, vaut bien qu’on l’écoute en plus d’une partie de ses œuvres. S’il suffisait, pour être fantastique, d’être tout à fait incompréhensible, Richard Wagner, il est vrai, le serait plus que tout autre ; car n’oublions pas que Berlioz, très-porté à le juger favorablement, a écrit de lui, à propos de son Tristan : « J’ai lu et relu cette page étrange : je l’ai écoutée avec l’attention la plus profonde et un vif désir d’en découvrir !e sens. Eh bien ! il faut l’avouer, je n’ai pas encore la moindre idée de ce que l’auteur a voulu faire. » Le chef-d’œuvre de Meyerbeer, Robert le Diable, éternelle lutte du bien et du mal, est aussi le chef-d’œuvre de l’opéra fantastique. Cette musique savante, profonde, toute psychologique, où apparaît le catholicisme avec ses superstitions, ses demi-jours mystérieux, ses tentations, ses longs cloîtres bleuâtres, ses démons et ses anges, toutes ses poésies fantastiques, unit, dans une orchestration exubérante, les mélodies gracieuses et les chants puissants à tous les effets mystérieux et étranges du surnaturalisme allemand.

Cet article sur le fantastique en littérature et dans les arts serait incomplet si nous omettions de rappeler, pour mémoire, qu’il existe toute une ménagerie d’animaux fantastiques. On ne la trouve pas au Jardin des plantes, mais dans l’imagination du peuple et des conteurs. Nous serions désolé de faire passer de mauvaises nuits à nos lecteurs ; mais qu’ils songent au vampire, les jeunes filles surtout, dont il va sucer le sang virginal. On sait aussi que le crapaud a été mis à bien des sauces noires et terribles. En Écosse, l’opinion populaire était qu’on trouvait dans sa tête une pierre précieuse qui était une panacée universelle. Cela, certes, le relève à nos yeux ; mais il n’est personnage plus fantastique que ce crapaud enfermé depuis plus de deux mille ans dans une pierre de taille, et que des académiciens savantissimes ont trouvé résigné comme un sage à son triste sort de doyen des prisonniers. Quant au chat et au corbeau, ils sont de tous les bons contes de revenants et de sorciers, depuis que le monde est monde. Le hibou s’est fait une assez jolie réputation. Le loup est bien terrible, lui aussi ; vous souvenez-vous du Petit Chaperon rouge ? C’est pour jeter des sorts et faire beaucoup de mal aux jeunes filles que de vilains hommes appelés loups-garous prenaient sa peau et couraient la nuit, à travers champs, après s’en être revêtus. Il y a, dans un ordre plus aimable, le phénix, qui appartient à la Fable ; il y a aussi la salamandre. Parlerons-nous enfin de l’évêque de mer, dont l’existence est affirmée par Henri Heine, dans son livre sur l’Allemagne ? L’un de ces évêques fut, dit-on, péché, au XVIe siècle, dans la mer du Nord, et présenté au pape, avec lequel il eut un long entretien. Que se dirent-ils ? Dieu seul le sait, l’histoire se tait sur ce chapitre ; mais le chagrin qu’il éprouvait d’être séparé de ses ouailles fut cause que le pape donna ordre de le replonger à l’endroit où on l’avait pris. Cette histoire est aussi vraie que toutes celles qu’on a répandues sur le compte des sirènes et autres créations mythologiques.


FANTASTIQUEMENT adv. (fan-ta-sti-ke-man — rad. fantastique). D’une manière fantastique : Une femme fantastiquement accoutrée.


FANTETTI (César), graveur italien, né à Florence vers 1660. Il passa la plus grande partie de sa vie à Rome, où il exécuta des gravures, pour la plupart à l’eau-forte. Parmi ses estampes, plus remarquables par la facilité de l’exécution que par la correction du dessin, on cite particulièrement trente-sept sujets de la Bible, d’après Raphaël ; la Mort de sainte Anne, d’après A. Sacchi ; la Charité, d’après Annibal Carrache, etc.


FANTI s. m. (fan-ti). Linguist. Dialecte parlé par les peuplades africaines de la Côte d’Or.


FANTI, État de la Guinée septentrionale sur la côte d’Or, situé le long du golfe de Guinée, entre 2° 50’ et 40° 50’ de longit. O., sur une profondeur de 40 kilom. environ. Le sol est accidenté, couvert de belles forêts et arrosé par plusieurs cours d’eau. Les habitants, d’une propreté corporelle remarquable, sont plus vigoureux que les Ashantis, et se distinguent des autres tribus africaines par de petites scarifications sur le derrière du cou et sur les pommettes. Leur tête est haute et grande, et leur couleur d’un noir brunâtre. Les deux sexes portent pour vêtement une seule pièce de toile enroulée autour du corps. Les Anglais et les Hollandais possèdent quelques établissements, parmi lesquels nous signalerons ceux de Cap-Coast et de Saint-Georges-de-la-Mina. L’or, l’ivoire et l’huile de palme sont les principaux articles de l’exportation ; l’importation consiste surtout en mouchoirs, fusils, poudre, rhum, eau-de-vie et verroteries. Ch.-l. Mankasim.


FANTI (Sigismond), littérateur italien, né à Ferrare vers la fin du XVe siècle, à la fois philosophe, mathématicien et poëte. On a de lui une Grammaire italienne (Venise, 1514) et un ouvrage bizarre, intitulé : Il Trionfo di fortuna (Venise, 1527, in-fol.). C’est un recueil de réponses aux principales questions que font d’ordinaire les personnes qui désirent connaître leur avenir. Ces réponses ont été calculées avec beaucoup de soin, d’après les règles très-compliquées de l’astrologie judiciaire.


FANTI (Manfred), général italien, né à Carpi, près de Modène en 1810, mort en 1865. Il fit ses études à Modène, entra à l’Athénée militaire de cette ville en 1825, et en sortit officier du génie. Compromis plus tard dans le mouvement insurrectionnel de 1831, fait prisonnier par les Autrichiens après avoir pris une part active à divers combats sous les ordres du général Zucchi, il se réfugia en France, où il fut, pendant deux ans, attaché au général du génie chargé des fortifications de Lyon. Il passa ensuite en Espagne pour y servir la cause libérale, et se distingua dans les diverses campagnes de 1834 à 1842. Colonel d’état-major dans l’armée espagnole en 1848, Fanti, à la nouvelle du soulèvement de l’Italie, accourut en Lombardie. Il fut nommé général et membre du comité de défense de Milan ; mais diverses circonstances paralysèrent l’œuvre de ce comité. En mars 1849, .il commandait une des brigades de la division lombarde qui, sous les ordres de Ramorino, devait défendre la position de la Cava. Après la destitution de Ramorino, Fanti fut chargé du commandement de cette division. Après la paix, il fut mis en disponibilité ; puis nommé, en 1855, commandant de la 2Me  brigade de la 1re division du corps expéditionnaire de Crimée ; il fut, à son retour, promu au grade de lieutenant général et élu député par la ville de Nice. En 1859, il fut placé à la tête de la 2Me  division de l’armée sarde, avec laquelle il appuya le maréchal Mac-Mahon à la bataille de Magenta. À la bataille de Solferino, l’une de ses deux brigades, celle d’Aoste, concourut, sous les ordres du général Moilard, à la prise des hauteurs de San-Martino, tandis que la brigade de Piémont, conduite par Fanti, enlevait avec une grande vigueur le village de Pozzolengo et en repoussait les Autrichiens à une grande distance. Élevé, après la guerre, au grade suprême de général d’armée, il fut adjoint à Garibaldi dans le commandement des troupes de l’Italie centrale, dont les États avaient formé, en attendant leur annexion au Piémont, une ligue militaire. Il s’agissait de contenir la fougue d’une jeunesse ardente qui avait pris les armes, et de transformer les corps de volontaires en une troupe solide et bien disciplinée. Un dissentiment ne tarda pas à éclater entre Garibaldi, qui n’est point organisateur, et Fanti, partisan d’une discipline sévère. Le grand patriote renonça au commandement, et Fanti, resté seul à l’œuvre, réussit à former une armée de 25,000 hommes qui se fondit ensuite dans l’armée piémontaise. Chargé par M. de Cavour du ministère de la guerre, après l’annexion de l’Italie centrale, Fanti entreprit de modifier la composition des régiments et des bataillons dans le sens du système français. Ces innovations soulevèrent les critiques les plus vives et les protestations les plus énergiques du général de Lamarmora à la chambre des députés. D’ailleurs, aucune de ces réformes, si ce n’est le nouvel uniforme de l’armée italienne, ne fut réalisée. Fanti fut plus heureux dans la réorganisation générale de l’armée. En septembre 1860, il fut nommé général en chef du corps d’armée qui envahit les États romains. Tandis que le général Cialdini, qui était sous ses ordres, se dirigeait sur Castelfidardo, Fanti inaugurait, en s’emparant de Pérouse, les rapides succès de cette campagne. Il quitta les affaires en 1861, après la mort de M. de Cavour, et fut placé à la tête du grand commandement militaire de Florence. L’année précédente, il avait été nommé sénateur du royaume.


FANTIN DES ODOARDS (Antoine-Étienne-Nicolas), publiciste et historien, né à Pont-de-Beauvoisin (Dauphiné), le 26 décembre 1738, mort à Paris le 25 septembre 1820. Il avait cinquante et un ans, et il était prêtre quand éclata la révolution de 1789. Il avait déjà publié une grande compilation, intitulée : Dictionnaire raisonné du gouvernement, des lois, des usages et de la discipline de l’Église, conciliés avec les libertés et franchises de l’Église gallicane, lois du royaume et jurisprudence des tribunaux de France (Paris, 1788, 6 vol. in-8o), et un ouvrage ayant pour titre : Andercan et Padmani, histoire orientale (1788, 3 vol. in-8o), espèce de roman ou de conte absolument dénué d’intérêt.

Fantin embrassa d’abord avec chaleur les idées nouvelles, se lia avec Marat, Chaumette, etc., et tenta inutilement de jouer un rôle politique.

Emprisonné un moment comme prêtre, après le 10 août, il fut bientôt remis en liberté, se maria, et parut pendant quelque temps encore attaché aux principes de la Révolution. La tempête passée, il ne rougit pas de renier ses amitiés révolutionnaires, de calomnier ceux qu’il avait assez bassement adulés, et de se représenter comme ayant agi sous l’empire de la crainte. Tel était l’homme qui, au sortir de la Révolution, osa entreprendre d’en écrire l’histoire sous ce titre prétentieux : Histoire philosophique de la Révolution française, depuis la convocation des notables par Louis XVI, jusqu’à la séparation de la Convention nationale (1796, 2 vol. in-8o). Dans la première édition, il usa d’une certaine modération, à cause des conventionnels survivants ; mais, dans les éditions suivantes, le prétendu historien modifie ses jugements sur les hommes et les choses, suivant les circonstances. C’est ainsi que, dès l’année 1797, il parle avec plus de malveillance des grands révolutionnaires qu’il flattait autrefois, sans toutefois trahir encore ses complaisances pour les conspirateurs royalistes. Enfin, dans une troisième édition, publiée en 1801. en 9 volumes in-8o, ornée du portrait de l’auteur, Fantin des Odoards recourt aux insinuations les plus perfides pour discréditer tous les hommes qui ne sont pas selon le cœur du premier consul. Plus tard, il se tournera contre ce dernier et lui donnera le coup de pied de l’âne. L’édition en neuf volumes, de 1801, ornée du portrait de l’auteur, porte cette phrase assez curieuse : Quatrième édition, seule conforme au manuscrit original ; comme si les précédentes avaient été interpolées, altérées à l’insu ou contrairement à l’esprit de l’auteur. On voit là une précaution jésuitique pour justifier ou expliquer les différences qu’on pouvait remarquer entre celles-là et celle-ci.

Ses autres ouvrages historiques sont écrits avec la même honnêteté ; c’est dire assez le cas qu’on en doit faire ; on n’y trouve pas même quelque qualité de style pour racheter la mauvaise foi du fond.

Il a composé encore : Révolutions de l’Inde pendant le XVIIIe siècle, ou Mémoires de Tippoo-Saêb, sultan de Mysore, écrits par lui-même et traduits de la langue indostane (1797, 4 vol. in-8o. L’ouvrage pourrait être jugé sur le titre, qui à lui seul est un double mensonge.) Histoire de la République française, depuis la séparation de la Convention nationale jusqu’à la conclusion de la paix entre la France et l’empereur, pour servir de suite à l’Histoire philosophique de la Révolution française (1798-1800, 2 vol. in-8o). C’est, comme l’indique le titre, pour servir de suite à ce que Fantin des Odoards appelait « sa grande Histoire », qu’ont été écrits ces deux volumes et le suivant : Histoire de la République française, depuis le traité de Campo-Formio jusqu’à l’acceptation de la Constitution de l’an VIII (1 vol. in-8o). Ce dernier ouvrage contient un éloge de Bonaparte, qui supposerait un culte fanatique du grand homme, si nous ne savions que Fantin des Odoards, au moment de cette publication, avait besoin des faveurs du gouvernement. Il voulait obtenir une subvention pour faciliter la fondation d’un journal ; mais ses espérances furent déçues, car Bonaparte ne lui trouva pas la souplesse et l’habileté qu’il désirait chez les journalistes à sa solde ; l’emphase de Fantin lui déplaisait. Fiévée, au contraire, qui était un fourbe charmant et adroit, et qui ne dédaignait pas au besoin de se faire observateur, était l’homme qu’il lui fallait.

Ce fut peut-être le titre choisi par Fantin pour son journal qui déplut ; en effet il l’appela brutalement : l’Ami du gouvernement ; c’était trop carré. Le grand homme voulait bien des défenseurs, mais des défenseurs habiles et sachant couvrir leur jeu de certains voiles. L’Ami du gouvernement fut très-froidement accueilli, car il n’eut qu’un numéro. Son rédacteur en chef reprit ses élucubrations historiques. Il composa Heyder, Azeima et Tippoo-Saèb, histoire orientale (comme qui dirait conte oriental), trad. de la langue malabare (1802, 3 vol. in-12) ; Abrégé chronologique de l’histoire de la Révolution de France, à l’usage des écoles publiques (1802, 3 vol. in-12) ; Histoire d’Italie depuis la chute de la république romaine jusqu’aux premières années du XIXe siècle (1802-1803, 9 vol. in-8o) ; De l’institution des sociétés politiques ou Théorie des gouvernements (1807, in-8o). On pressent avec quelle indépendance d’esprit pouvait être traité un semblable sujet sous le gouvernement de Bonaparte. Les Monuments inédits de l’antiquité, expliqués par Winckelmann, gravés par David, etc., avec des explications françaises, par A. Fantin des Odoards (Paris, 1808-1809, 3 vol. in-4o) ; Histoire de France, commencée par Velly, Villaret et Garnier, continuée depuis le règne de Charles-Maximilien (Charles IX) et la naissance de Henri IV, jusqu’à la mort de Louis XVI (1808-1810, 26 vol. in-12). On ne sait par quel revirement singulier, vers la fin de cette publication, et à mesure que les volumes se succédaient, l’amour de nos rois renaissait au cœur de l’historien ; on eût dit qu’il avait le pressentiment de la restauration, et qu’il s’y préparait. Toujours est-il que la vente du vingt-sixième volume fut prohibée par la police impériale. L’empereur voulait bien qu’on fît de la réaction à son profit contre ces odieux jacobins qui ne goûtaient pas ses souliers de satin blanc et ses abeilles d’or, mais il ne voulait pas qu’on redorât les fleurs de lis.

Fantin des Odoards eut un moment l’ambition d’être de l’Institut, immédiatement après la publication de son Heyder, Azeima et Tippoo-Saèb, traduit, comme on l’a vu, de la langue malabare ; mais sa candidature échoua, et il ne tenta plus, depuis, de se présenter. Pour nous résumer, Fantin des Odoards ne mérite aucune confiance comme historien ; c’est, de plus, un lourd et emphatique écrivain, dont les ouvrages, pleins de contradictions et d’inexactitudes, respirent l’ennui quand ils ne soulèvent pas la mauvaise humeur de tout lecteur instruit.

Cet infatigable compilateur a, en outre, laissé en manuscrit une vingtaine de volumes historiques.


FANTIN DES ODOARDS (Louis-Florimond), général, neveu du précédent, né à Embrun (Hautes-Alpes) en 1778, mort en 1866. Il entra au service en 1800, en qualité de sous-lieutenant, prit part aux campagnes d’Italie, de Prusse, de Pologne ; fut mis à l’ordre du jour de l’armée pour sa belle conduite à Friedland, puis à la prise de Porto, en Portugal, et fit, de 1809 à 1811, la guerre d’Espagne. Chef de bataillon pendant la campagne de Russie, Fantin des Odoards fit, comme colonel, la campagne de France, et se battit, pendant les Cent-Jours, à Fleurus et à Wavres. Licencié au second retour des Bourbons, il reprit du service en 1819, se conduisit brillamment au pont de Moulins-de-Rey pendant la guerre d’Espagne (1823), fut nommé général de brigade et gouverneur de Tarragone, et fut chargé, sous Louis-Philippe, de divers commandements à l’intérieur.


FANTINE s. f. (fan-ti-ne). Techn. Partie du chevalet à dévider la soie de dessus le cocon.


FANTINE s. f. (fan-ti-ne). Superst. Fée vaudoise.

— Encycl. On connaît peu ces créations écloses dans le cerveau paisible des vaudois, ces doux et bons hérétiques. M. Muston a pu recueillir de la bouche même des montagnards quelques brèves traditions sur les fantines. Les fantines, lui a-t-il été rapporté, ne se voyaient que de loin, et ne se laissaient jamais approcher. Lorsque, au temps des moissons, une mère déposait le berceau de son enfant dans les blés, elle était rassurée par la pensée qu’une fantine venait en prendre soin pendant son absence, le consoler, le bercer s’il pleurait, chanter pour l’endormir, écarter de son front les mouches piquantes, etc. Si, dans les rochers arides, s’épanouissait une magnifique fleur, c’est qu’une fantine l’avait arrosée, cultivée. Lors d’une inondation, un berceau entraîné sur les flots vint aborder sans accident au rivage : c’était une fantine qui l’avait dirigé. Michelet, qui, avec un si grand cœur et un si beau génie, prend la défense des persécutés, Michelet a publié une poésie vaudoise relative aux fantines. « C’est, dit-il, la dernière relique de cet innocent paganisme, le dernier souffle et la suprême haleine de ces pauvres petits êtres qui vivaient encore dans les fleurs. » Nous en citons la traduction, qui est de M. Muston, l’historien et le poëte des vaudois :

J’ai vu une fantine
Qui étendait là-haut
Sa robe nébuleuse
Aux crêtes du Bariound.

Un serpent la suivait.
De couleur de l’arc-en-ciel,
Et sur les rocs elle venait
Vers la cime du castel.

Comme une fleur de clématite,
Comme une neige du col,
Elle passait sur la côte,
Sans appuyer au sol.

J’avais perdu ma brebis ;
La fantine me dit :
« Viens avec moi sur la colline.
Et je la trouvai là.

M. Muston cite aussi ce fragment charmant et mystérieux : « Que faites-vous ici, belle petite épousée ? — J’ai perdu le chemin et déchiré ma robe. Les broussailles m’ont égarée ; je saigne sous les pieds, et je ne me sentirai jamais la force d’aller jusqu’au hameau. - Pauvre bergère ! Viens ; viens seulement, ma petite..... »

Voilà tout ce qui reste des traditions et des documents originaux relatifs aux fantines. Ces vestiges suffisent pour montrer que ces fées étaient douces et bonnes, comme leurs fidèles.


FANTINE, un des personnages les plus touchants du roman des Misérables par V. Hugo : n’est-ce pas dire d’avance que Fantine est un type digne de passer à la postérité, destiné à devenir et à rester célèbre ? Tel est, en effet, le sort qui attend la plupart des vigoureuses créations de notre grand poëte national. Si l’on ne relit pas tous les ouvrages de V. Hugo dans quelques centaines d’années, on connaîtra du moins les héros de ses principaux romans ou de ses grands drames. On connaîtra, et on admirera encore, Claude Frollo, Esmeralda, Jean Valjean, Gilliatt, Triboulet, Gavroche, etc. On connaîtra Fantine.

En créant le personnage de Fantine, V. Hugo a repris le thème favori de sa jeunesse, la réhabilitation de la fille de joie par l’amour maternel. Grande idée, après tout, dont on a médit à tort. Fantine est sœur de Pâquette la Chantefleurie. La parenté est incontestable entre ces deux figures. Elles sont également touchantes par leurs infortunes. Non, pas également. La dernière venue est plus misérable encore que son aînée. Fantine, au XIXe siècle, est plus malheureuse, plus persécutée que Pàquette en plein moyen âge. Avons-nous si peu marché ? Est-il possible qu’une pauvre femme endure un si cruel martyre dans un temps où la philanthropie est à la mode, où les humanitaires parlent si haut ? L’auteur, a-t-on dit, est ingrat envers son siècle ; il nie le progrès. Non, la portrait de Fantine n’est pas un anachronisme. Tant pis pour nous si nous ne valons pas mieux que nos