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pères ; acceptons la leçon et tâchons d’en profiter, au lieu de crier à l’injustice et de nous plaindre de la sévérité du moraliste. Fantine n’est pas une création de fantaisie : elle n’est si effrayante et si touchante en même temps que parce qu’elle est trop vraie et trop réelle. On en a peur, parce qu’on sait que demain on la rencontrera peut-être dans la rue.

Fantine a commis une faute, elle a une tache originelle, et il faut qu’elle l’expie. La société, semblable au Dieu des chrétiens, n’admet pas qu’on puisse se relever du péché originel. Pauvre fille ! pauvre mère ! c’est en vain qu’elle essaye de réparer, à force de dévouement et de sacrifices, une faute où la misère et l’ignorance l’ont jetée. Elle veut élever son enfant. Mais si elle le garde avec elle, jamais on ne la recevra dans les ateliers : elle la met en pension dans un ménage de loups-cerviers, qui traitent durement la pauvre Cosette. Fantine, poursuivie par la calomnie, est réduite pour vivre, ou plutôt pour faire vivre son enfant, à accepter l’ouvrage le plus grossier et le moins lucratif. Elle se contente de peu ; elle supporte les plus dures privations ; elle apprend « comment on se passe tout à fait de feu en hiver, comment on renonce à un oiseau qui vous mange un liard de millet tous les deux jours, comment on fait de son jupon sa couverture et de sa couverture son jupon, comment on ménage sa chandelle en prenant son repas à la lumière de la fenêtre d’en face. » Admettons que ce tableau désolant soit un peu forcé ; admettons qu’il n’y ait pas beaucoup de villes comme celle.de M...-sur-M... (on a voulu lire Montreuil-sur-Mer), où une pauvre fille courageuse, et grande malgré sa faute, est honnie et persécutée ; mais il y en a pourtant, il faut l’avouer, et ce n’est pas connaître le monde et la société actuelle que de nier l’excès de cette misère. Fantine, réduite aux dernières extrémités, est contrainte de faire argent de tout, de ses cheveux, de ses dents. Elle descend plus bas encore : elle devient quelque chose de moins encore qu’elle n’était. À la voir, on ne dirait plus qu’elle est vivante : c’est un fantôme, c’est un spectre. Tout n’est pas mal pourtant en elle. Cet être dégradé par la misère est relevé, soutenu par l’amour maternel. Écoutons Fantine faisant appel à la pitié de Javert, le commissaire de police devant lequel on l’a menée parce qu’elle a répondu par des égratignures aux insultes d’un faquin désœuvré. « Faites-moi grâce pour cette fois, monsieur Javert, dit-elle. Tenez, vous ne savez pas ça : dans les prisons, on ne gagne que 7 sous, et figurez-vous que j’ai 100 francs à payer, ou autrement on me renverra ma petite. O mon Dieu ! je ne peux pas l’avoir avec moi. C’est si vilain, ce que je fais ! O ma Cosette ! ô mon bon petit ange de la bonne sainte Vierge, qu’est-ce qu’elle deviendra, pauvre loup ! Je vais vous dire : c’est les Thénardier, des aubergistes, des paysans ; ça n’a pas de raisonnement. Il leur faut de l’argent. Ne me mettez pas en prison ! Voyez-vous, c’est une petite qu’on mettrait à même sur la grand’route, va comme tu pourras, en plein hiver. Il faut avoir pitié de cette chose-là, mon bon monsieur Javert. Si c’était plus grand, ça gagnerait sa vie ; mais ça ne peut pas à ces âges-là..... »

Un seul homme a pitié de Fantine, car il comprend ses malheurs par expérience : c’est le forçat devenu honnête homme, c’est Jean Valjean devenu M. Madeleine. Il s’empresse de retirer de la misère la malheureuse mère et de recueillir l’enfant maltraité par les Thénardier ; mais Fantine est tombée trop bas pour se relever. Les privations et les excès ont ruiné sa santé. Elle languit, elle meurt à l’hospice, demandant sa fille, qu’on ne veut point lui rendre. Jean Valjean veut consoler la moribonde, mais on a retrouvé les traces du forçat : on vient l’arrêter au chevet de Fantine expirante. C’est le dernier acte de la triste vie de Fantine. Quelle vie ! et quelle mort !

Le personnage de Fantine a été souvent jugé par les critiques contemporains, rarement avec équité. Pour nous, cette création est une des plus heureuses de V. Hugo. Nous croyons à l’immortalité de Fantine.


FANTOCCINO s. m., pl. FANTOCCINI (fanto-tchi-no, fan-fo-tchi-ni — mot ital., dimin. de fantoccio, enfant, poupée). Marionnette italienne : Les FANTOCCiNr annoncés avaient attiré tout le monde dans ta galerie. (Balz.)

— Encycl. Fantoccini est le nom le plus généralement donné aux marionnettes italiennes, appelées aussi bnraitini, du nom d’un célèbre acteur de la cammedia deW arte, Romain ou Florentin d’origine, qui, à la fin du xvie siècle, obtint de brillants succès à Florence dans la troupe des Grlosi et dont les marionnettes de toutes les contrées de l’Italie s’approprièrent le masque (v. aussi maoatelli, pupazzi, PUi’Pi). Dans son sens particulier, le mot fantoccini s’est appliqué surtout aux marionnettes élégantes exhibées sur des théâtres fixes, par opposition aux puppi et pupazzi ambulants des places publiques.

Jérôme Cardan, dès le milieu du xvie siècle, décrivait ainsi les marionnettes italiennes : > J’ai vu, dit-il, deux Siciliens qui opéraient de véritables merveilles au moyen de deux statuettes de bois qu’ils faisaient jouer entre elles. Un seul fil les- traversait toutes deux de part en part. Elles étaient attachées, d’un côté à une statue de bois, et de l’autre à la jambe que le joueur faisait mouvoir. Ce fil

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était tendu des deux côtés. Il n’y a sorte de danses que ces statuettes ne fussent capables d’imiter, faisant les gestes les plus surprenants des pieds, des jambes, des bras, de la tète, le tout avec des poses si variées, que je ne puis, je le confesse, comprendre le ressort d’un aussi ingénieux mécanisme ; car il n’y avait pas plusieurs fils, tantôt tendus-et tantôt détendus ; il n’y en avait qu’un seul dans chaque statuette, et ce !il était toujours tendu. J’ai vu beaucoup d’autres figures de bois mises en mouvement par plusieurs fils alternativement tendus et détendus, ce qui n’a rien de merveilleux. »

M. Magnin suppose, non sans vraisemblance, que le prétendu fil unique et toujours tendu qui excitait la surprise du mathématicien de Pavie était un petit tube, par lequel passaient plusieurs fils très-fins, réunis dans l’intérieur de la poupée et dont le jeu était ainsi soustrait aux regards.

Le géomètre Bernardino Baldi adressa, vers 1575, a la mémoire de son maître Federico Commandino d’Urbin, qui fut surnommé Second Archimêde, et qui ne dédaigna pas de s’occuper des statuettes & ressorts, un sonnet dont voici le tercet final :

O corne Varie imitatrice ammiro. Onde con modo imisitdto e strano, Muovesi il legno, e Vuom ne pende immoto.

Ces vers sont imprimés en tète de la traduction des Automata de Héron d’Alexandrie : Degli automati, oaero machine se moventi, libri due. Dans la préface de cet ouvrage, Baldi, rappelant les marionnettes antiques telles que nous les font connaître Pappus et Athénée, regrette de voir les jolies statuettes animées par le génie de la mécanique devenir de futiles jouets d’enfants. Il compare-la décadence de cet art ingénieux à celle du grand art des ^Ësopus et des Roscius, et déplore qu’un si noble exercice soit menacé de n’être bientôt plus que le triste gagne-pain d’un ramas de bateleurs grossiers, ignorants et sordides.

Outre l’es puppi en plein air, il y a-clans toutes les villes d’Italie des marionnettes plus élégantes, ayant élu domicile dans de vrais petits théâtres, devant un parterre dont les banquettes sont payées de 3 à 6 sous par place. Ces fantoccini ne sont pas, comme les pupazzi des places publiques, mus simplement par la main de l’opérante, cachée sous leurs habits ; ils obéissent à des fils ou à des ressorts. Ils ne sont pas non plus taillés dans le sapin de la tête aux pieds. Leur tête est ordinairement de carton ; leur buste et leurs cuisses sont de bois ; leurs bras, de cordes ; les mains, les jambes et le cou, sont de plomb ou garnis de plomb, ce qui leur permet d obéir à la moindre impulsion, sans perdre leur centre de gravité. Du sommet de leur tête sort une petite tringle de fer qui permet de les transporter aisément d’un point à un autre de la scène. Pour dérober aux spectateurs la vue de cette tringle, ainsi que le mouvement des lits, on a imaginé de placer devant l’ouverture de la scène un réseau, composé de fils perpendiculaires très-lins et bien tendus, qui, en se confondant avec ceux qui font agir les pantins, déroutent le regard. Tous -les fils, hormis ceux des bras, passent par l’intérieur du corps ; ils en sortent par le haut de la tête, où ils se réunissent dans un mince tuyau de fer creux, qui sert en même temps de tringle. Un système tout différent a été introduit par Bartoiomeo Neri, peintre et mécanicien distingué. Ce procédé consiste à établir sur le plancher de la scène des rainures, dans lesquelles s’emboîte le support de chaque marionnette. Des contre-poids ou un machiniste placé sous le théâtre dirigent ces supports et t’ont jouer les fils. Par ces différents systèmes, quelquefois combinés ensemble, on est arrivé à obtenir les tours de force les plus surprenants. Vers le commencement du xvme siècle, l’abbé Dubos vit représenter en Italie de grands opéras par une troupe de marionnettes de 4 pieds de haut que l’on appelait bambocchie. La voix du musicien qui chantait pour elles sortait par une ouverture pratiquée sous le plancher de la scène. Nous donnerons, en parlant du théâtre Fiano de Rome (v. Fiano), d’autres détails sur la perfection singulière à laquelle les Italiens ont porté ces sortes de représentations.

Il y a quelques années — peut-être en est-il de même aujourd’hui — les caractères qui étaient le plus en vogue sur les théâtres demarionnettes étaient Cassandrino, sur le théâtre Fiano de. Koine (v, Fiano) ; messer Puntaleone et son valet Brigholle, à Venise, associés à Bernardone, devenu récemment Facanappa ; à Bologne, le docteur Balaordo Graziano, devenu le docteur Bellandronejà Milan et à Turin, Girolamo, .devenu à Turin Gianduja ; à Bergame, Arlequin ; à Naples, les quatre types anciennement célèbres de Pulcinella, don Pangrazio (v. Pancrace ;) ou Co- cozziello (Cornichon), dame Petronia et Tartaglia, auxquels s’est joint plus récemment le personnage de Scaramuccia. Au sujet des marionnettes du théâtre Fiando de Milan,

V. FlANDO.

Malheureusement, sur les petites scènes où ces divers types, qui offrent du reste entra eux plus d’une analogie, .se sont produits et se montrent encore, le divertissement des mariounettes populaires est trop souvent, depuis un certain nombre d’années, supplante parla représentation de pièces militaires et de noirs

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mélodrames. Déjà, en 1834, M. Jal, traversant Gênes, se fit conduire aux burattini de la rue des Vignes, où il croyait trouver à se divertir. Dans une salle assez jolie, quoique un peu fanée, on représentait la Prise d’Anvers, où le maréchal Gérard et le vieux général Chassé luttaient de phrases ronflantes, de roulements d’yeux et de tirades patriotiques. Il y a peu d’années, sur le même théâtre, on représentait avec une gaieté lugubre le dernier repas du comte Ugolin. Enfin, pour flatter le patriotisme britannique, les burattini de Turin donnaient, vers la même époque, la Prise de Dehli, pièce à grand fracas, accompagnée, comme d’habitude, des gentillesses de Gianduja.

Il nous reste à parler des fantoccini aristocratiques. L’abbé Dubos, que nous citions

déjà tout à l’heure, nous apprend qu’un cardinal illustre, étant encore jeune, lit représenter dans son propre hôtel des opéras par des marionnettes. Ce goût est très-répandu dans la haute société italienne. Un soir, à Florence, Henri Beyle fut introduit dans urte société de riches marchands, où il y avait un joli théâtre de marionnettes. ■ Cette charmante bagatelle, dit-il, n’avait que 5 pieds de large, et offrait pourtant la copie exacte d’un grand théâtre. Avant le commencement du spectacle, on éteignit les lumières du salon. Une troupe de vingt-quatre marionnettes de 8 pouces de haut, qui ont des jambes de plomb, et qu’on a payées 1 sequin chacune, joua une comédie un peu libre, abrégée de la Mandragore de Machiavel. » À Naples, le même auteur assista à une représentation de ce qu’il appelle les marionnettes satiriques. Après un sarment fort sérieux d’être à jamais discret, il fut admis à prendre part à une de ces petites « débauches de malice » (suivant l’expression de M. Magnin), dans une famille de gens d’esprit, ses anciens amis. La pièce, dans le goût de la Mandragore, était intitulée : Si fara si o no un seyretario di Stato ? (Auronsnous un premier ministre ?) Le secrétaire d’État en charge, par conséquent le ministre à remplacer, est don Cechino, autrefois libertin fort adroit et grand séducteur de femmes, mais qui maintenant a presque tout à fait perdu la mémoire. Une scène dans laquelle don Cechino donne audience à trois personnes, un curé, un marchand de bœuls et le frère d’un carbonaro, qui lui ont présenté trois pétitions qu’il confond sans cesse, rappelle la scène del’Avocat Pathelin, où M.Guillaume brouille son drap et ses moutons. Ici Son Excellence parle au marchand de bœufs de son frère, qui a conspiré contre l’État et qui subit une juste punition dans un château tort, et au malheureux frère, de l’inconvénient qu’il y aurait d’admettre dans le royaume deux cents têtes de bœufs provenant desÉtats romains.

On voit par ces détails quel est le caractère libre et piquant de ces amusements de la société italienne, où le plaisir est d’autant plus vif que les personnages qu’on joue sont tous connus de ceux qui Tes jouent. Ce n’est pas, d’ailleurs, dans les grandes capitales et dans la société aristocratique seulement qu’on rencontre, en Italie, de belles et riches marionnettes. M. Maurice Sand a vu à Cuneo, au pied des Alpes, dans une boutique en plein vent, à 2 sotdi les premières, représenter la Principessa Miribeila : la princesse était une très-belle marionnette, couverte d’or, de velours et de clinquant.

En 1784, où établit à Paris un théâtre des fantoccini italiens. Ce petit spectacle ’était situé au n° 53 du Palais-Royal, au premier étage ; la salle en était bien décorée et pouvait con tenir environ deux cent cinquante personnes. Elle était composée d’un parquet et de deux rangs de loges, ou, pour mieux dire, de galeries ; il y avait des loges séparées pour les personnes qui voulaient être seules. L’ensemble de ce spectacle se composait principalement de vues d’optique et de-transparents, de grands ballets à machines et à métamorphoses, de transformations bizarres et de pièces italiennes en trois, quatre et cinq actes, dont tous les personnages étaient représentés par des figures de 2 pieds de haut, revêtues au costume convenable aux pièces dans lesquelles elles jouaient. Les changements à vue représentaient des villes, des marines, des bois, des jardins, des temples et des palais. Parmi les ballets à machines et à métamorphoses, on remarquait la danse du hussard qui joue des drapeaux, la danseiiu Lapon qui grandit à vue d’œil et qui se métamorphose en arlequin ; celle de la lanterne magique qui se transforme en femme ; celle du géant dont la tète, les deux bras et les deux jambes se métamorphosent en "autant de femmes ; la danse du chasseur ; celle des deux Jeannotset des deux bergères, etc., etc. Enfin, le directeur ne négligeait rien pour maintenir la vogue de son petit spectacle, qui n’était pas seulement un théâtre d’enfants, mais où les grandes personnes venaient aussi se récréer. Il avait adjoint à son établissement une jeune personne du nom de Girardy, qui, dans les entr’actes, chantait les ariettes les plus nouvelles, tant en français qu’en italien, accompagnée par M. Bellucci, possesseur d’un véritable talent sur la mandoline.


FANTOCHE s. m. (fan-to-che — de l’ital. fantoccio, poupée). Marionnette qu’on fait mouvoir sur un théâtre : Les fantoches javanais se rapprochent beaucoup plus du polichinelle turc que les ombres chinoises. (Th. Gaut.) Arcachon possède un vrai théâtre de fantoches, dirigé par le plus grand artiste du Midi. (E. Texier.) V. fantoccino.


FANTÔME s. m. (fan-tô-me — du gr. phantasma, apparition ; de phaino, je parais). Spectre, revenant, apparition surnaturelle : Un fantôme horrible. Avoir peur des fantômes. Les fantômes ne se montrent qu’à ceux qui doivent les voir. (Alex. Dumas.)

D’un fantôme odieux, soldats, délivrez-moi.
                        Racine.

J’ai d’un géant vu le fantôme immense
Sur nos bivacs fixer un œil ardent.
                           BÉRANGER.

Le sommeil fuit de moi, la terreur me poursuit,
Les fantômes affreux, ces enfants de la nuit
Qui des infortunés assiègent les pensées,
Impriment l’épouvante à mes veines glacées.
                         Voltaire.

— Fam. Homme, femme très-maigre : Ce n’est plus qu’un fantôme.

— Fig. Ombre, vaine apparence ; création bizarre de l’imagination ; épouvantail : Notre imagination est pleine de FANTÔMES dangereux. (Mass.) Il est à croire que la mort est un fantôme comme bien d’autres. (Mme de Puisieux.) Le fantôme du despotisme n’est peut-être pas mieux connu que la chimère de la liberté. (Grimm.) L’autorité est un fantôme qui gouverne le monde et qui s’évanouit sous le doigt d’un enfant. (E. Scherer.)

— Méd. Mannequin dont on se sert dans les cours, pour démontrer certaines opérations chirurgicales.

— Physiq. Fantôme magnétique, Figure que l’on obtient à l’aide d’un courant magnétique, en laissant tomber de la limaille de fer sur un papier tendu, imprégné avec une préparation d’empois, d’amidon et de gélatine.

— Entom. Nom vulgaire de plusieurs insectes orthoptères, appartenant aux genres mante et phasme.

Épithètes. Vain, léger, errant, effrayant, effroyable, affreux, horrible, épouvantable, monstrueux, livide, pâle, blême, sanglant, ensanglanté, muet, silencieux, taciturne, sombre, triste, funèbre, lugubre, odieux, hideux, terrible, menaçant, mystérieux, trompeur, imposteur, brillant, séduisant, enchanteur, aimable, charmant, attrayant, gracieux, insaisissable, poursuivi, évanoui, disparu.

— Syn. Fantôme, spectre. Le fantôme est tout ce qui paraît aux yeux par l’effet d’une imagination vivement frappée ou de quelque puissance surnaturelle ; ce mot n’exprime rien autre chose que l’inanité matérielle des apparences. Le spectre est aussi un fantôme, mais un fantôme effrayant, hideux, horrible. Tout ce qu’on voit en rêve peut s’appeler fantôme, et il y a des rêves agréables ; mais il n’y a que des spectres dans ces rêves pénibles qu’on désigne sous le nom de cauchemar.

Encycl. La croyance aux spectres et aux fantômes a existé de tout temps chez tous les peuples. Les Israélites, même avant les temps de l’exil, possédaient des superstitions populaires, et admettaient l’existence d’êtres fantastiques dont ils peuplaient généralement les déserts (Isaie, XIII, 21, XXXIV, 14 ; Tobie, VIII,3). Les livres canoniques parlent d’un spectre de femme, d’un être imaginaire, qui se nommait Lilith et apparaissait la nuit, et d’une espèce de revenants à formes de boucs, appelés schi’irim, qui dansaient dans les bois et se réunissaient en poussant des hurlements. Cette superstition assez indécise a été considérablement développée par les Turgum et les traditions des rabbins, qui l’ont enrichie en faisant des emprunts aux démonologies étrangères. On distingua les spectres en spectres du matin, du milieu du jour et de la nuit. Ceux du milieu du jour, à ce que nous apprennent certains ouvrages talmudiques, sont peut-être les plus dangereux, parce qu’ils, surprennent les hommes pendant le sommeil de la sieste. La Lilith, dont nous avons déjà parlé, est une jeune femme excessivement belle, qui joue à peu près le rôle de la lamie antique ou de l’incube du moyen âge. Elle apparaît la nuit et tue les jeunes enfants. Un autre fantôme, nommé Schabta, fait aussi mourir les enfants, lorsqu’ils n’ont pas les mains bien lavées. À ces légendes puériles viennent s’ajouter des croyances empruntées à la mythologie grecque, et aux autres religions ; tels sont les schi’irim, déjà mentionnés, qui rappellent singulièrement les satyres grecs et les esprits des bois et des champs du Zend-Avesta ; seulement, ces légendes ont été défigurées et on en a accentué principalement le caractère horrible et surnaturel. Enfin, les Juifs avaient l’équivalent exact de ce que nous appelons des revenants ; ainsi ils croyaient que les lieux déserts étaient hantés par les âmes des morts, qui cherchaient par tous les moyens possibles à s’emparer d’un nouveau corps humain, pour y établir leur demeure et recommencer une autre existence (Symbolique de Creuzer, II, 850, III, 19). Pour se garantir de ces attaques, on employait les prières, les amulettes, les talismans et les sacrifices.

Nous ne nous amuserons pas à décrire toutes les variétés de fantômes créées par l’imagination et la peur chez tous les peuples anciens et modernes. Nous pensons qu’il sera plus intéressant d’examiner physiologiquement comment se produit la croyance aux fantômes.