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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 2, Fj-Fris.djvu/258

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Pour supprimer toute restriction relativement aux limites entre lesquelles peut varier x, dans les formules (1) et (2), on peut poser , et ; ces formules, alors, deviennent

(1)

et (2)

ou, en représentant par φ (z) et remplaçant z par x et β par α, (1)

et (2)

pour l’usage desquelles il suffira de se rappeler que devait être compris entre 0 et 2π, s’il s’agit de la première, entre - π et + π, s’il s’agit de la seconde, et que, par conséquent,

x doit être compris entre 0 et 2l, ou entre - 1 et + l, c’est-à-dire que 1 doit être pris tel que 0 et 2 1, ou -1 et + 1, comprennent x, cette variable pouvant ainsi prendre une valeur quelconque.

Ainsi, une fonction quelconque pourra être développée, quel que soit x, en série formée d’une suite de termes de la forme

;

mais il faut bien remarquer, et c’est là, du reste, ce que la formule présente de particulièrement utile dans les applications physiques, que, si l a été une fois choisi, le développement ne reproduira la fonction φ (x) que dans l’intervalle compris soit de 0 à 2l, soit de - l à + l. En dehors de cet intervalle, la série reproduira périodiquement les mêmes valeurs, c’est-à-dire que l’équation de y, au développement, ne représentera pas la courbe y = φ (x), mais une suite indéfinie d’arcs égaux à celui de cette courbe, compris entre les parallèles à l’axe des y, x = 0, x = 2l, ou

x = - l, x = + l.

On peut, dans la formule

faire croître l indéfiniment, de manière que le développement s’étende à toute valeur de x. Le signe Σ se change alors en celui de l’intégration. En posant , la seconde partie du second membre se transforme en

Or si, dans l’expression générale

on remplace m ι, par p, et que l’on donne à p des accroissements successifs égaux à ι

prend successivement toutes les valeurs

,
, etc.

La somme de ces intégrales, quand on suppose 1infini et, par suite, ι infiniment petit, est donc

.

D’un autre côté, la première partie

de la valeur primitive de φ(x) tend vers zéro quand

ne tend pas vers l’infini ; de sorte que, dans cette hypothèse, on peut poser

.

C’est la formule de Fourier.


FOURIER (François-Marie-Charles), créateur de la théorie sociale qui porte son nom, né à Besançon le 7 avril 1772, mort à Paris le 8 octobre 1837. Il était fils d’un marchand de draps, qui lui laissa en mourant (1781) 80,000 fr. de fortune. Après avoir fait d’assez médiocres études au collège de Besançon, il entra dans un magasin, fut tour à tour commis marchand à Rouen et à Lyon, établit un magasin d’épicerie dans cette dernière ville en 1793, se vit ruiné par suite du siège que les Lyonnais soutinrent contre les troupes de la Convention, et, frappé par la réquisition en l’an II, servit pendant deux ans. Un congé de réforme lui permit de reprendre le commerce, pour lequel pourtant il avait peu de goût, s’il faut en croire les disciples qui nous ont laissé des biographies du maître. Jeune encore il aurait fait, lui aussi, son serment d’Annibal ; employé comme simple commis (1799) dans une maison de Marseille, ses patrons lui auraient ordonné de jeter à la mer une cargaison de riz qu’ils avaient laissé se détériorer pour maintenir le prix des grains à un taux élevé, et de là aurait pris naissance son dégoût pour les spéculations mercantiles ; de là aussi le point de départ de ses idées de réforme sociale. Revenu à Lyon à l’époque du Consulat, et toujours commis marchand, il donna, dans le Bulletin de Lyon, quelques articles anonymes dont un, le Triumvirat continental, fut remarqué. Il y soutenait que l’Europe était menacée d’une crise suprême, après laquelle seulement elle jouirait d’une paix durable. Le Triumvirat, c’était la France, la Russie et l’Autriche. L’Autriche ne pouvait longtemps disputer le sceptre, et la lutte sérieuse pour la suprématie sur le continent devait avoir lieu entre la France et la Russie. L’empereur souffrait peu qu’on s’occupât, dans les journaux, de ces sortes de considérations politiques. Dubois, alors commissaire général de police à Lyon, eut ordre de s’enquérir du nom de l’auteur ; Ballanche, qui était l’imprimeur propriétaire du Bulletin, représenta l’écrivain inconnu comme un jeune homme étranger à toute idée politique, et soutint qu’il n’avait pensé traiter qu’une question de pure géographie. Le futur auteur de la Palingénésie disait vrai sans le savoir : Fourier n’a jamais été un homme politique. Sa théorie lui a été inspirée, sans aucun doute, par le grand mouvement de transformation auquel il a assisté dans sa jeunesse ; mais, à ce mouvement, chose singulière, il n’a jamais rien compris, car ses écrits sont pleins de déclamations contre la Révolution française. Le premier livre publié par Fourier est la Théorie des quatre mouvements et des destinées générales (Leipzig [Lyon], 1808, 1 vol. in-8o). Ce volume, quoique passablement gros, n’est qu’un programme, ou mieux un prospectus, un aperçu de système. Fourier promettait d’en développer l’ensemble dans un avenir prochain ; mais le peu d’attention qu’il obtint au début ne lui permit de réaliser cette promesse qu’en 1822, dans son Traité d’association domestique et agricole (2 vol. in-8o). Ici, les idées de l’auteur perdent en originalité ce qu’elles gagnent en étendue, et, sous ce dernier rapport, la Théorie des quatre mouvements, l’édition primitive du moins, restera comme un monument des plus curieux de l’imagination humaine. C’est là que se trouve l’étrange cosmogonie de Fourier. Selon lui, notre globe doit durer quatre-vingt mille ans, divisés en quatre phases : une phase de malheur, qui dure depuis six mille ans ; deux phases d’unité sociale ou de bonheur, qui dureront soixante-dix mille ans ; enfin une phase d’incohérence descendante ou de décadence, qui doit durer cinq mille ans. Il donne deux âmes et deux sexes à toutes les planètes ; le fluide boréal de la terre est mâle, celui du pôle austral est femelle ; quand le genre humain sera dans la phase d’harmonie, notre planète engendrera un printemps éternel ; par l’expansion d’un acide atrique boréal, l’eau de la mer se changera en limonade, les poissons deviendront des serviteurs amphibies traînant les vaisseaux et les animaux féroces des porteurs élastiques, servant de bêtes de somme ; la stature de l’homme atteindra 7 pieds ; son existence moyenne sera de cent quarante-quatre ans ; la population du globe doit s’élever à trois milliards d’habitants, et l’on ne comptera pas moins de trente-sept millions de poètes égaux à Homère, trente-sept millions de géomètres égaux à Newton, trente-sept millions d’écrivains dramatiques égaux à Molière, etc. Suivent des considérations plus ou moins étranges sur les rapports des sexes, considérations qui se rapprochent beaucoup de ce qui a été enseigné par M. Enfantin en 1830 ; mais, au milieu de ces rêveries plus ou moins bizarres, on trouve, avec une critique vigoureuse des désordres sociaux et surtout des anomalies du commerce, des vues neuves sur les avantages de l’association. Cette partie est celle où Fourier se montre vraiment supérieur. Les étrangetés de son premier livre ont un peu été modifiées par lui dans ses ouvrages subséquents, mais sans que le fond de sa doctrine en ait subi aucune altération essentielle. Cette doctrine, conçue de toutes pièces, ne ressemble en rien aux élucubrations des anciens utopistes, Campanella, Thomas Morus et autres. Ils combattaient les passions ; Fourier, au contraire, en fait le ressort de son ordre social ; mais c’est à l’article fouriérisme que nous exposerons complètement un système dont il nous suffit ici de donner une idée très-générale.

Fourier crut un moment pouvoir se flatter d’obtenir le concours de Napoléon, ce nouvel Hercule, qui devait « élever l’humanité sur les ruines de la barbarie et de la civilisation ; » mais le héros fit la sourde oreille, et, plus tard, Fourier l’a appelé « avorton, en tout autre emploi que la guerre. » Jamais découragé, il s’adressait à tout le monde, à tous les partis. « Le calcul de l’attraction passionnelle, disait-il au Courrier français, est éminemment religieux et assorti à toutes les doctrines de gouvernements légitimes. » (Lettre inédite du 6 juillet 1820). Le 11 février 1823, il demandait à la Société de la morale chrétienne son appui pour expérimenter sa théorie. Il avait eu l’idée de s’adresser à une société anglaise ; « mais, ajoutait-il, puisqu’on en trouve une dans Paris même, il est inutile de s’adresser à Londres, lorsqu’on est Français. » La même année, le 27 décembre, rebuté par l’indifférence de ses compatriotes, il se décidait pourtant à faire partager à l’Angleterre la gloire de l’application du système harmonien. « Il convient moins aux Français, écrivait-il au baron de Férussac, fort enclins au scepticisme, surtout en pareille matière. Si les compagnies anglaises, qui font des recherches sur le procédé sociétaire se décident à m’employer, en deux mois de belle saison je ferai l’opération, et les plus incrédules seront convaincus. » (Lettre inédite.) Il lui fallait aussi un journal « pour étayer l’entreprise, » comme il disait. Il finit par trouver, après 1830, des bailleurs de fonds. Un phalanstère fut créé, sous sa direction, à Condé-sur-Vire, et, en 1832, parut le journal la Phalange, aussi dirigé par lui : ni l’établissement ni la feuille qui lui servait de jalon ne réussirent. Fourier vit ses tentatives avorter, mais pas ses espérances, qu’il conserva vivaces jusqu’à ses derniers moments. Il mourut pauvre, mais heureux ; car il se voyait entouré de disciples déjà nombreux, intelligents et convaincus. La théorie sociale de Fourier est évidemment la plus originale qui ait été conçue. Il a voulu appliquer au monde moral la découverte de Newton dans le monde physique. De là ces formules et ce style aux prétentions mathématiques, qui rendent la lecture de ses livres si fatigante ; de là aussi ces analogies plus que hasardées entre les choses matérielles et celles qui sont du domaine encore si peu connu de la psychologie. Enfin, à côté de grandes vérités, d’aperçus neufs, ingénieux, Fourier nous offre des conceptions extravagantes, qui semblent sortir de la cervelle d’un fou. On a de lui, outre la Théorie des quatre mouvements, indiquée plus haut : Traité de l’association domestique et agricole (Besançon et Paris, 1822, 2 vol. in-8o), son livre le plus important, réimprimé en 1841 sous le titre de Théorie de l’unité universelle ; le Nouveau monde industriel et sociétaire (1829 et 1845, in-8o) ; Pièges et charlatanisme des deux sectes de Saint-Simon et d’Owen (1831, in-8o) ; la Fausse industrie morcelée (1835-1836, 2 vol. in-12). Chose peu connue, Fourier a composé, dans sa jeunesse des poésies légères. Elles ont été recueillies par M. Dumas, son ami, membre de l’Académie de Lyon, qui les a laissées en manuscrit.

— Bibliogr. On peut consulter sur la remarquable personnalité qui fait le sujet de cet article : Fourier et son école depuis 1830, par J. Ferrari, dans la Revue des Deux-Mondes (1er août 1845) ; Études sur les réformateurs, par Louis Reybaud (même Revue, 15 novembre 1837 ; tiré à part) ; Études sur la science sociale, par J. Lechevalier ; Exposition abrégée du système de Fourier, par Victor Considérant ; Galerie des contemporains illustres (t. X), par L. de Loménie ; Traité de l’économie sociale, par Auguste Ott (Paris, 1851) ; Fourier et son école, par M. Lerminier, dans les Tablettes européennes (1850).


FOURIÉRISME s. m. (fou-rié-ri-sme — du nom de Fourier), Système philosophique et économique de Fourier : Enseigner le fouriérisme. Combattre le fouriérisme.

— Encycl. I. Méthode et critique fouriériste. Fourier fait consister la méthode qui le conduisit à l’invention de son système, à ce qu’il appelle la découverte de la science sociale, en deux règles et procédés de recherches qui lui furent suggérées par l’incertitude et l’impuissance des sciences philosophiques, morales et politiques, règles et procédés qu’il désigne sous le nom de doute absolu et d’écart absolu. Voici en quels termes il raconte lui-même comment il en vint à adopter ces règles et cette méthode : « Je ne songeais à rien moins qu’à des recherches sur les destinées ; je partageais l’opinion générale qui les regarde comme impénétrables, et qui relègue tout calcul sur cet objet parmi les visions des astrologues et des magiciens. Depuis l’impéritie dont les philosophes avaient fait preuve dans leur coup d’essai, dans la Révolution française, chacun s’accordait à regarder leur science comme un égarement de l’esprit humain ; les torrents de lumière politique ne semblaient plus que des torrents d’illusions. Eh ! peut-on voir autre chose dans les écrits de ces savants qui, après avoir employé vingt-cinq siècles à perfectionner leurs théories, après avoir rassemblé toutes les lumières anciennes et modernes, engendrent pour leur début autant de calamités qu’ils ont promis de bienfaits, et font décliner la société civilisée vers l’état barbare ? Tel fut l’effet des cinq premières années pendant lesquelles la France subit l’épreuve des théories philosophiques. Après la catastrophe de 1793, les illusions furent dissipées ; les sciences politiques et morales furent flétries et discréditées sans retour. Dès lors, on dut entrevoir qu’il n’y avait aucun bonheur à espérer de toutes les lumières acquises, qu’il fallait chercher le bien social dans quelque nouvelle science, et ouvrir de nouvelles routes au génie politique ; car il était évident que ni les philosophes ni leurs rivaux ne savaient remédier aux misères sociales, et que, sous les dogmes des uns ou des autres, on verrait toujours se perpétuer les fléaux les plus honteux, entre autres l’indigence. Telle fut la première considération qui me fit soupçonner l’existence d’une science sociale encore inconnue et qui m’excita à en tenter la découverte. Loin de m’effrayer de mon peu de lumières, je n’entrevis que l’honneur de savoir ce que vingt-cinq siècles savants n’avaient pas su découvrir. J’étais encouragé par les nombreux indices d’égarement de la raison et surtout par l’aspect des fléaux dont l’industrie sociale est affligée : l’indigence, la privation de travail, les succès de la fourberie, les pirateries maritimes, le monopole commercial, l’enlèvement des esclaves, enfin tant d’autres infortunes dont je passe l’énumération, et qui donnent lieu de douter si l’industrie civilisée n’est pas une calamité inventée par Dieu pour châtier le genre humain. De là, je présumai qu’il existait dans cette industrie quelque renversement de l’ordre naturel ; qu’elle s’exerce peut-être d’une manière contradictoire avec les vues de Dieu ; que la ténacité de tant de fléaux pouvait être attribués à l’absence de quelque disposition voulue par Dieu et inconnue de nos savants. Enfin, je pensai que, si les sociétés humaines sont atteintes, selon l’opinion de Montesquieu, « d’une maladie de langueur, d’un vice intérieur, d’un venin secret et caché, » on pourrait trouver le remède en s’écartant des routes suivies par nos sciences incertaines, qui avaient manqué ce remède depuis tant de siècles. J’adoptai donc pour règle dans mes recherches le doute absolu et l’écart absolu. »

En quoi consistent le doute absolu et l’écart absolu de Fourier ? L’ordre social actuel et les idées régnantes qui s’y appliquent sont l’objet de ce doute et de cet écart. Fourier ne songe nullement à douter de ses sens, de son expérience, de ce qu’il appelle les sciences fixes. Son doute sociologique n’a rien de commun avec le doute métaphysique de Descartes, qu’il ne comprend même pas. « Descartes, dit-il, tout en vantant et recommandant le doute, n’en avait fait qu’un usage partiel et déplacé. Il élevait des doutes ridicules, il doutait de sa propre existence, et il s’occupait plutôt à alambiquer les sophismes des anciens qu’à chercher des vérités utiles. » Le doute de Fourier n’a rien non plus de commun avec le doute irréligieux des philosophes du XVIIIe siècle. « Les successeurs de Descartes ont encore moins que lui fait usage du doute ; ils ne l’ont appliqué qu’aux choses qui leur déplaisaient. Par exemple, ils ont mis en problème la nécessité des religions, parce qu’ils étaient antagonistes des prêtres ; mais ils se seraient bien gardés de mettre en problème la nécessité des sciences politiques et morales qui étaient leur gagne-pain, et qui sont aujourd’hui reconnues bien inutiles sous les gouvernements forts, et bien dangereuses sous les gouvernements faibles. » Le doute de Fourier porte sur tout cet ensemble d’idées, de croyances, de coutumes et de pratiques qui s’appelle la civilisation. « Quoi de plus imparfait, s’écrie-t-il, que cette civilisation qui traîne tous les fléaux à sa suite ? Quoi de plus douteux que sa nécessité et sa permanence future ? N’est-il pas probable qu’elle n’est qu’un échelon de la carrière sociale ? Si elle a été précédée de trois autres sociétés, la sauvagerie, le patriarcat et la