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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 4, Gile-Gyz.djvu/267

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« endant de son courage et de son génie. En 1870, le peuple assemblé y acclama la République au 4 septembre. Au 31 octobre, une insurrection suscitée par l’incapacité des défenseurs de Paris fut un moment victorieuse sur cette place, et occupa l’Hôtel de ville, siège du gouvernement. La Commune de 1871 avait fait de la Grève une véritable place de guerre, toute couverte de redoutes et hérissée de canons. Tel est le résumé succinct des faits les plus importants dont le souvenir se rattache à l’histoire de la place de Grève. Le périmètre étroit de cette place, agrandi à diverses reprises, notamment en 1769 et en 1817, avait reçu, par décret du 19 février 1853, une largeur de 82 mètres. Le réseau de ruelles tortueuses et obscures qui l’enserraient de toutes parts disparut alors et fit place à des voies larges et régulières. C’est en vain que l’on chercherait aujourd’hui quelques vestiges du caractère pittoresque de la vieille place de Grève, dans l’ensemble majestueux et monumental qui porte le nom de place de l’Hôtel-de-Ville, mais qui a perdu son principal ornement, puisque l’Hôtel de ville lui-même n’offréplus à 1 œil qu’un amas d« ruines. Espérons toutefois que la ville de Paris se relèvera bientôt des désastres qu’elle a supportés, et que son principal édifice reparaîtra plus majestueux que jamais.

GREVlï (Jean de), théologien et prédicateur hollandais, né dans le duché de Clèves, vers 1580, un des, plus ardents partisans d’Arrninius. Il exerça les fonctions du ministère évangéljquo à Arnheiin, h. Campenet à Meusden. Kn 1619, ayant refusé de se soumettre aux décisions du synode de Dordrecht, il fut expulsé du pays. Ses amis le rappelèrent en secret à Campen, et il reprit ses prédications ; il fut découvert, arrêté et condamné à la prison perpétuelle dans la maison d’arrêt d’Amsterdam. Cependant il parvint à s’échapper et s’enfuit en Allemagne, où il termina sa carrière. C’était un homme pieux et instruit. Il avait composé pendant sa captivité un ouvrage intitulé : Tribunal reformatum, in quo sanioris et tutioris justitiœ vin judici christiano commonstratur, etc. :Hambourg, 1624-" 1635, in-4o). On a aussi de lu» piuaiaurs lettres, l’une, entre autres, où il raconte sa délivrance à Conrard Vorstius.

GREVE ou GREEVE (Egbert-Jean), ’hébraïsant et théologien hollandais, né à Deventer en 1754, mort en 1811. Il rit ses premières études dans sa ville natale et se rendit ensuite à Leyde pour y étudier les langues orientales, sous la direction de H. Alb. Schultens, qui vit en lui un émule plutôt qu’un élève. Admis en 1783 au ministère évangélique, il refusa de signer les formulaires de l’Église réformée de Hollande et rentra dans la maison paternelle. Los troubles politiques l’obligèrent à s’éloigner pour deux ans de Deventer. Revenu en 1789, il refusa une chaire de langues orientales ; mais il accepta celle qui lui fut offerte a l’université de Francker. On a de lui des ouvrages qui témoignent de sa vaste érudition : Ultima capita Jobi (xxxvmxlii) ad grxcam versionem receatita, avec notes, suivi d’un traité des mètres hébreux (1788-1791) ; une traduction hollandaise de quelques Épîtres de saint Paul (Deventer, 1790, in-8o) ; Observations sur les Épîtres de saint Paul (Amsterdam, 1794 et 1804, 3 vol. in-8o) ; Vaticinium Nahumi et Habacuci (Amsterdam, 1739, in-8o) ; Vaticinia Jsaïœ (Amsterdam, 1800, 2 vol. in-8").

GREVÉ, ÉE (gre-vé) part, passé du v. Grever. Chargé : Immeuble grevé d’hypothèques. Propriété grevée d’impôts. En Angleterre, la propriété est grevée au delà de sa valeur. (Ledru-Rollin.)

— Jurispr. Être grevé de substitution, Être héritier ou légataire à charge de substitution.

GRÉVEDON (Pierre-Louis-Henri), peintre et lithographe français, né à Paris le 17 octobre 177S, mort le 1er jujn 1S60. Élève et lauréat de. l’Académie de peinture dès sa treizième année, il reçut les leçons de Regnault, concourut sans succès pour le prix de Rome, mais obtint une médaille de première, classe à l’exposition de 1804, pour son tableau représentant Achitle débarquant sur le nvnge de Troie. Peu de temps après, il alla se fixer en Russie, où il jouit d’une grande renommée, grâce à ses portraits exécutés dans le goût de certains peintres modernes qui aiment à prodiguer les couleurs tendres de leur palette, exagèrent la grâce et se font facilement accepter du public féminin. Grévedon quitta’Suint-Pétersbourg avec le titre de membre de l’Académie de cette ville, passa en Suède, puis en Angleterre, où il resta cinq ans et exécuta une Coule de portraits dont la gravure s’est emparée avec succès. Revenu dans sa patrie, il s’essaya dans la lithographie et put conquérir un nom dans cet art nouvellement exploite. C’est en qualité de lithographe qu’il obtint aux expositions de 1821 à 1845 diverses médailles. Ensuite, et jusqu’en 1859, il exposa de nouveau un certain nombre de toiles. Les lithographies de Grévedon ulfrent, en général, quelque chose de rond, de moelleux et do soufflé, où il n’y a ni muscles, ni os, ni contour, où les yeux sont plus grands que la bouche, et les tailles plus milices que les bras ; elles n’en ont pas moins fait la passion du public, qui les a préférées plus d’une fois aux plus beaux dessins des maîtres. On cite parmi les meilleures ou

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les plus populaires : les Mois, les Orateurs chrétiens, les Quatre parties du monde, les Quatre éléments, le Miroir des dames, l’Alphabet des dames, la Maîtresse du Titien, Vénus et Cupidon d’après le Corrége ; le Zêphire, d’après Prudhon, et un grand nombre de portraits, entre autres ceux de Mlle Falcon, Mlle Jiachel, Spontini, d’après nature ; la duchesse de Berry, d’après Lawrence ; Mlle Mars, d’après Gérard ; les princesses d’Orléans, d’après Winterhalter. — Sa femme, Mmo Grévedon, née en 1792, morte en novembre 1864, avait appartenu au Gymnase, lorsqu’il s’appelait théâtre de Madame, et elle s’y était distinguéédans l’emploi des coquettes et des mères de la comédie et du vaudeville. Belle personne, parfaite diseuse, elle a créé un grand nombre de rôles du répertoire de cette époque j un de ses meilleurs a été celui de M™o Guillaume dans Pension bourgeoise (1823). — Sa fille a épousé M. Régnier, sociétaire de la Comédie-Française.

GREVENMACHERN, ville de Hollande, dans le duché de Luxembourg, sur la rive gauche de la Moselle, à 20 kilom. N.-O. de Luxembourg ; 3,600 hab. Fabrique de cartes à jouer ; commerce de grains, de vins et de bestiaux. Cette ville fut prise et saccagée en 1552 par le margrave Albert de Brandebourg, en 1688 et en 1703 par les Français.

GREVER v. a. ou tr. (gre-vé ’— lat. gravare ; de gravis, lourd). Soumettre à de lourdes charges • La Chambre des députés fixe par ses allocations la mesure des charges dont il sera permis de grever lé pays. (Dupin.)

— Jurispr. Charger d’une substitution, d’un fidéicommis : Grever un légataire, un héritier de substitution.

— Antonyme. Dégrever.

GREVESMUHLEN, ville d’Allemagne, dans le duché de Mecklembourg-Schwerin, à 23 kilom. N.-O. de Schwerin ; 2,260 hab. Tissage de toiles.

GREVIER s, m. (gre-vié). Bot. Syn. de

GREW1E.

GRÉVIÈRE s. f. (gré-viè-re —, rad. grève, vieux mot qui signifie deoant de la jambe). Morceau de peau der mouton que les campagnards attachent autour de chaque jambe, pour garantir leurs pantalons, quand ils grimpent dans un arbre pour l’élaguer.

C11EV1LE ou CHEVILLE(FulkouFoulque), lord Brooke, homme d’État et écrivain anglais, né à Beauehamp - Court, comté de Warwick, en 1554, mort à Londres en 1628. De retour d’un voyage sur le continent, il se présenta à la cour, gagna la faveur de la reine Elisabeth, qui lui donna la place lucrative de secrétaire du sceau pour le pays de Galles et le titre de chevalier (1597), conserva tout son crédit sous Jacques Ier, reçut en don de ce prince le château de Warwick, puis le titre de baron de Brooke, devint sous-trésorier et fut enfin appelé, en 1615, au poste de chancelier de l’échiquier. Pair d’Angleterre en 1620, il siégea dans le conseil privé sous le règne de Charles Ier. Grevile mourut assassiné par un de ses domestiques qui avait à se plaindre de lui. Il cultiva les lettres, pour lesquelles il avait du goût, fut l’ami de Philippe Sidney, du grand Bacon, protégea les écrivains : Spenser, Davenant, Cambden, Speed, etc., et se signala par son goût pour les joutes et pour les tournois. Grevile a laissé des écrits où l’on trouve de la tinesse et de la vigueur dans les pensées, mais dont le style est obscur. Nous citerons : Certain leamed and élégant worfes of the right honourable Fulke lord Brooke (Londres, 1633, in-fol.), comprenant trois poèmes didactiques et deux tragédies ; une Vie de Philippe Sidney (1652), et The remains of sir Fut/ce Grevile (Londres, 1670), comprenant des poèmes sur la monarchie et la religion.

GREVILE ou GREVILLE (Robert), homme politique et écrivain anglais, né en" 1608, mort en 1643. Il était purent du précédent, qui en fit son héritier. Il se prononça pour le Parlement lors de la guerre civile, devint lieutenant du comte de Warwick et périt au siège de Litchtield. Grevile a publié quelques écrits philosophiques et politiques, entre autres : la Nuture de la vérité (Londres, 1641).

GREVILLE (Robert Kayb), éminent naturaliste anglais, né le 13 décembre 1704, à Bishop-Auckland, dans le comté de Durham, Dès son enfance, il se montra passionné pour l’étude de la botanique, et il passait son temps à collectionner, à dessiner et à classer des plantes. Destiné par sa famille à la profession de médecin, il suivit des cours pendant quatre ans, tant à Londres qu’à Édimbourg ; il allait Se faire recevoir docteur, lorsqu’une circonstance imprévue, en le mettant à la tète d’une fortune indépendante, lui permit de se livrer à son goût pour les sciences naturelles. En 1824, il prit ses degrés de docteur es sciences naturelles à l’université de Glascow, lit ensuite des conférences sur la botanique et s’occupa avec ardeur de réunir d’importantes collections de plantes, d’insectes, de coquillages et de crustacés. Malgré ses travaux scientifiques, le docteur Greville n’est resté étranger à aucun projet do réforme sociale et de philanthropie. Il a pris une part active aux discussions qu’a soulevées la question de l’esclavage dans les colonies anglaises, et a été l’un des quatre viceprésidents de la grande association anti-es GRÉV

clavagiste, créée, à Londres en 1810". Lorsque les sociétés de tempérance se formèrent en Angleterre, il fut l’un des premiers à prendre part aux meetings qui se tinrent k cette occasion. M. Greville est membre de laSociété royale d’Édimbourg et de beaucoup d’autres sociétés savantes. Parmi ses ouvrages, nous mentionnerons : Flora Edinensis ; Flore des cryptogames écossais ; Algues de la GrandeBretagne ; Icônes filicum, en collaboration avec sir W.-J. Hooker ; sans compter un grand nombre de Mémoires sur les algues, les mousses, et de nombreux articles dans les journaux scientifiques.

GRÉVILLÉ, ÉE adj. (gré-vil-lé — de Greville, nom propre). Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte au genre grévillée.

— s. f. pi. Tribu de plantes, de la famille des protéacées.

— Encycl. Les grévillées sont des arbres ou des arbrisseaux à feuilles alternes, couvertes de poils en navette, à fleurs jaunes ou rougeàtres, diversement groupées et munies de bractées ; le fruit est un follicule coriace ou ligneux, à une seule loge, contenant deux graines munies d’une aile très - courte. Ce genre renferme une quarantaine d’espèces, qui habitent l’Australie. La gréviilée robuste est un grand arbre de 30 à 40 mètres de hauteur, remarquable par la beauté de son port et par l’élégance de son feuillage, qui rap Eelle celui des fougères. On pourrait probalement le cultiver en plein air dans le midi de la France ; mais son bois mou a peu de valeur industrielle.

GRÉVIN (Jacques), poète dramatique et médecin français, contemporain et ami de Ronsard, né à Clermont en Beauvoisis en 1538, mort à Turin le 5 novembre 1570. 11 vint étudier la médecino à Paris, où il fut reçu docteur à l’âge de vingt-deux ans. D’une précocité d’intelligence remarquable, il com Eosa, tout jeune encore (il avait à peine dixuit ans), une comédie en cinq actes et en vers, avec un avant-jeu ou prologue, intitulée : le Maubertin, à cause du lieu de la scène, qui était voisin de la place Maubert. Le manuscrit de cette pièce lui fut un jour volé ; mais il était doué d’une mémoire si prodigieuse qu’il se la rappela tout entière, et la récrivit sous le nouveau titre de la Trésorière. Dans l’espace de deux ans, il acheva trois autres pièces, tout en suivant très-assidûment les cours de l’école ; c’étaient : une comédie en cinq actes et en vers, aussi précédée d’un avant-jeu, et intitulée : tes Ebahis, une pastorale à trois personnages, et une tragédie de César avec chœurs. Les Ebahis et César furent représentés au collège de Beauvais en 1560. S’étant épris d’amour pour une personne qu’il appelait Olympe, il composa en son honneur des poésies amoureuses, qui ne manquent pas d’une certaine grâce. Ou croit généralement’que cette Olympe n’était autre que la belle et savante Nicole Estienne, nièce de Robert Estienne. Il est certain, du reste, que Grévin était admis dans l’intimité du célèbre imprimeur. Quelque grande que fût sa passion pour Nicole, et quelque désir que celle-ci eût d’épouser son poète, ils ne purent s’unir. Grévin ne voulut pas que les poésies inspirées par cette passion restassent « au cabinet, » et l’année même de la représentation de ses pièces au collège de Beauvais, il les fit imprimer sous ce titre : l’Olympe de Jacques Grévin de Clermont en Beauvoisis, ensemble les autres œuvres dudict auteur ; à Gérard Lescuyer, protonotaire de Boulin (Paris, de l’imprimerie de Robert Estienne, 1500, petit in-S» de 216 pages). On voit par ce volume qu’il jouissait de l’amitié de Ronsard et de la considération des poètes célèbres de son temps. Rémi Belleau, dans ses vers, parle de lui avec éloge ; le chef de la Pléiade l’admit dans son cénacle et la proclama un vrai poète :

Ainsy, dans notre France, un seul Gresvin assemble La docte médecine ci les beaux vers ensemble.

On trouve aussi dans le volume de Grévin un sonnet composé en son honneur par Ronsard.

Une fois reçu docteur, Grévin n’abandonna pas le culte des Muses, et, en 1562, il fit imprimer son théâtre avec quelques autres poésies (petit volume in-S"). Ce volume est précédé d’une longue pièce de vers du poète vendômois. Nos deux amis se brouillèrent par lu suite, et ce fut la religion qui les divisa. Une querelle étant survenue entre Ronsard ot les ministres protestants de Genève, Grévin, qui était calviniste, prit parti pour ses coreligionnaires. Ronsard résolut d’en tirer vengeance, et il raya de tous ses livres le nom de Grévin. Cependant, comme il ne fallait pas que les alexandrins y perdissent leur mesure, il remplaça dans ses anciennes pièces le nom de son ancien nini par celui d’autres contemporains plus ou moins illustres.

La réputation que Grévin s’était acquise par ses œuvres dramatiques attira sur lui les regards de Marguerite de France, fille de François Ier, et femme d’Kmmanuel-Philibert, duc de Savoie ; elle l’attacha à sa personne en qualité de médecin et l’emmena avec elle à Turin (1562), où il fut son conseiller intime et son surintendant des finances. Comblé des bienfaits de la duchesse, dont il avait épousé une des filles d’honneur, il ne manquait rien à sa félicité, lorsque la

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mort le frappa subitement le 5 novembre 1570. Il n’avait encore que trente et un ans. Marguerite de France lui fit faire de magnifiques funérailles, et témoigna hautement sa douleur, en disant « quelle perdait en même temps son médecin pour les maladies du corps, et son consolateur pour celles de l’esprit. » Grévin laissait des enfants en bas âge qui, protégés par la duchesse, remplirent depuis des charges honorables en Piémont, et y perpétuèrent son nom.

Comme médecin, Jacques Grévin a publié les ouvrages suivants : Traité des venins, qui parut à Anvers en 1568, sous ce titre : Deux livres des venins auxquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, tjiériaques, poisons et contre-poisons, par Jacques Grévin de Clermont en Beauvoisis, médecin à Paris. Ensemble les œuvres de Nicandre, médecin et poète grec, traduites en vers françois (Anvers, Christophe Plantin, 1568, in-4») ; une traduction de l’Anatomie d’André Vêsale (1569, in-fol.) ; Guerre contre l’antimoine, restée célébra, dans l’histoire de la médecine ; traduction d’un livre écrit en latin par Jean Wier, De l’imposture et tromperie des diables, enchantements et sorcelleries.

GRÉVISTE s. m. (gré-vi-ste — rad. grève). Celui qui est en grève, qui fait partie d’une grève : Les grévistes ont envoyé des délégués à leurs patrons.

GRÉVY (François-Paul-Jules), homme politique et jurisconsulte, né à Mont-sous-V, audrey (Juraj le 15 août 1813. Il sortait du collège lorsque la révolution de 1830 éclata, et il est probable que c’est par erreur que certaines biographies le font figurer à l’attaque de la caserne Babylone. Après avoir fait son droit, il fut reçu avocat et conquit une place honorable au barreau de Paris. Talent grave et même sévère, ayant horreur de la phrase et de la déclamation, il n’est d’ailleurs arrivé que lentement à la renommée, no, recherchant ni les succès bruyants ni les causes à éclat. Bien que ses opinions républicaines fussent connues, il se borna à détendre plusieurs de ses coreligionnaires politiques devant les tribunaux, et ne prit aucune part aux luttes actives du parti. Cela tint, sans doute, à ce qu’il s’était élevé aux idées républicaines, moins par entraînement de passion que par la réflexion et. par l’étude, et qu’il était bien plus un homme de théorie que d action. Homme sincère et convaincu, M. Grévy ne dépassa d’ailleurs jamais un certain niveau politique ; il appartenait au groupe dont le National était l’organe ; du moins il était dans cette nuance un peu pâle. Lors de la révolution de Février, il fut nommé commissaire de la République pour le département du Jura. Il remplit ces fonctions difficiles avec autant d’intelligence que de modération, et sut faire accepter et aimer la République par toutes les classes de la population. « Je ne veux pas, disait-il, que la République fasse peur. » Ces paroles devinrent sa règle da conduite, et il se concilia si complètement les esprits, que, lors des élections à l’Assemblée constituante, il fut nommé représentant du peuple pur la presque unanimité des suffrages.

Membre de la commission faisant les fonctions de conseil d’État, il fut aussi l’un des vice-présidents de l’Assemblée, et rendit de grands services par ses connaissances, son zèle exempt d’apparat, son esprit net et pratique. Il votait avec la gauche républicaine, et il a soutenu dans l’Assemblée deux luttes mémorables, à l’une desquelles sou nom est resté attaché.

Le comité de constitution, présidé par Corinenin, avait eu la malheureuse idée de trans planter chez nous l’institution du président de la République, que repoussait la démocratie radicale, mais à laquelle les républicains modérés étaient fort attachés. Bien qu’appartenant à ce dernier groupe, Grévy comprit le danger d’une telle l’onction dans un pays à traditions monarchiques, et qui n’a qu à choisir entre les prétendants. Il proposa donc dans un amendement resté célèbre sous le nom d’amendement Grévy, d’éliminer le président do la République, fonctionnaire aussi dangereux pour la liberté qu’inutile à la direction des affaires, Voici les articles qu’il proposait d’inscrire dans la constitution, à la place de ceux qui consacraient l’institution do la présidence :

« L’Assemblée nationale délègue le pouvoir exécutif à un citoyen, qui reçoit-le titre de président du conseil des ministres.

Le président du conseil des ministres est nommé par l’Assemblée nationale au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages.

Le président du conseil est élu pour un temps illimité ; il est toujours révocable. •

On comprend quels changements l’adoption de cet amendement eût apportés dans h» situation politique de la France. M. Grévy le défendit avec sa netteté habituelle, avec sa forte et sobre dialectique, mais sans parvenir à le faire adopter. « Le seul fait de l’élection populaire, dit-il, donnera au président de la République une force excessive. Oubliez - vous que ce sont les élections de l’an X qui ont donné à Bonaparte la force de relever le trône et de s’y asseoir ? Voilà le pouvoir que vous élevez, et vous dites que. vous voulez fonder une république ! Que feriez-vous de plus si vous, vouliez, sous un nom dill’érent, restaurer la monarchie 1 > Ces

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