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— Techn. Lime plate et dentelée sur les bords, à l’usage du tireur d’or.

— Comm. Sorte de papier qui porte une figure de griffon dans le filigrane,

— Encycl. Ornith. Le griffon ou vautour fauve, appelé aussi par Bufibn percnoptère, atteint, chez la femelle, une longueur totale de 1°»,35 ; le mâle est plus petit. Toutes ses parties supérieures sont d’un brun cendré plus ou moins clair ; les parties inférieures ont une teinte isabelle claire ; une partie de la poitrine, la tête et le cou sont couverts d’un duvet blanc ; le bas du cou présente une sorte de collerette formée de plusieurs rangées de plumes ; le bec est d’un jaune livide, avec une cire brunâtre ; les pieds sont grisâtres. Ce vautour est très-répandu dans les montagnes dé l’Europe centrale et méridionale et du nord de l’Afrique. Il descend rarement dans les plaines, et seulement lorsqu’il y est attiré par l’appât de quelques animaux morts, dont les vents apportent jusqu’à lui les émanations ; c’est ainsi qu’il vient quelquefois rôder aux environs des villes. Il se nourrit surtout d’animaux morts, de charognes et de débris qu’il Va chercher dans les voiries ; mais, quand cette nourriture favorite lui manque, il se jette sur les animaux vivants. Il niche sur les rochers les plus inaccessibles et sur les arbres les plus élevés des forêts. La femelle pond deux œufs gros et ronds, à surface rugueuse, d’un blanc verdâtre ou grisâtre, marqué de quelques taches rougeâtres. Dans le Levant, on se sert de la graisse du griffon comme d’un excellent remède contre les rhumatismes.

— Mamm. Les griffons sont des chiens d’arrêt k pelage dur ou soyeux ; quelques-uns même sont munis d’une épaisse toison. Ce sont des chiens excellents, mais difficiles à dresser et généralement d’un mauvais caractère. Us sont assez communs en Italie. Souvent ils ont le nez fendu en deux ; mais cette difformité, assez commune dans toutes les variétés, ne doit pas être regardée comme un caractère de race. Les griffons à poil dur de couleur lie de vin sont justement renommés. Il en est de même de certaines variétés de griffons à poil soyeux, et particulièrement des griffons des dunes de Boulogne. Les griffons bouffes ont le poil long et laineux, formant sur les épaules un épi qui les caractérise ; ces^ derniers proviendraient, d’après Bufton, d’un croisement entre l’épagneul et le barbet. Les griffons sont connus depuis longtemps en France, et plusieurs de nos rots ont eu pour ces chiens une affection toute particulière. En 1596, au milieu des préoccupations de la guerre civile, Henri IV écrit à son compère le connétable de Montmorency, pour le prévenir qu’il a égaré son petit griffon moucheté à deux nez ; il prie le connétable de le faire chercher et de le renvoyer aussitôt, .s’il le trouve. On croit que le nom de griffon est dû à ce que ces chiens proviendraient du versant dauphinois des Alpes, dont les habitants étaient, à l’époque des guerres des Vaudois, appelés G ?-iffous, tandis que ceux du versant piémontais portaient le surnom de Barbets. Mais, d’après Selincourt, les meilleurs chiens griffons venaient d’Italie et de Piémont. D’Areussia a fait l’éloge de ces chiens pour la chasse aux perdrix ; mais il ajoute qu’ils craignent le froid et l’humidité, ce qui est en désaccord avec les observations modernes. Les griffons d’arrêt, dit M. de Noinnont, sont encore fort.estimés aujourd’hui. Robustes, épais, d’une physionomie rude et sauvage, ils ont le poil fauve ou mélangé de gris, de noir ou de blanc sale. Ils sont très-courag«ux, très-intelligents ; mais on les dresse difficilement, surtout à rapporter. Ils chassent le nez haut, arrêtent tout, et chassent aussi le nez bas et suivent par le pied. On leur donne parfois le nom de caniches.

— Superst. et Archéol. Dans les croyances superstitieuses de l’antiquité et du moyen âge, lé griffon était un animal ayant le corps du lion, la tête et les ailes de l’aigle, des oreilles du cheval et, au lieu de crinière, une crête de nageoires de poisson ; on supposait parfois que son dos était garni de plumes. Selon Elien, le griffon habitait l’Inde ; selon Pline, on le rencontrait dans la Soythie, la Sarmatie et l’Ethiopie, On lui attribuait un singulier amour pour l’or, qu’il savait découvrir et/ qu’il gardait contre les hommes ; par suite de la même croyance, on le supposait préposé a la garde des temples, à cause des trésors qui y étaient renfermés. Beaucoup de bas-reliefs, de médailles, de pierres gravées représentent le griffon ; les plus curieuses de ces pièces sont celles où il est figuré combattant les Arimaspes ou géants..Les géants étaient, dans la mythologie antique, les ennemis des dieux de 1 Olympe, les impies du paganisme ; on supposait donc qu’ils devaient toujours chercher à enlever les trésors des temples, que l’on faisait défendre par les griffons. Ces combats n’étaient que l’embième de la foi luttant contre l’incrédulité.

Sur divers monuments antiques, le griffon est représenté avec la roue de la Fortune, en sa qualité de gardien des trésors ; dans d’autres, il a sous les pieds une tête de bélier ou de taureau ; ailleurs, il figure avec la lyre et le trépied d’Apollon. L’Inde, la Perse, l’Assyrie, l’Égypte ont aussi sculpté ou gravé cette figure et l’ont employée dans la décora GRIG

tton ; les pieds des meubles antiques, tels que lits, chaises, tables, sont fréquemment en forme de pieds de griffon ou décorés de têtes de griffon. Ils apparaissent très-souvent encore dans les arabesques. Au moyen âge, les fables sur les griffons continuèrent, et les voyageurs chréùens en Orient prétendirent en avoir vu ou en avoir ouï parier. D’après eux, il était plus grand que huit lions réunis ; il pouvait enlever un bœuf ou un cheval dans les airs ; ses griffes énormes servaient à fabriquer des coupes précieuses, ses plumes à fabriquer des arcs et des flèches ; au lieu d’œuf, la femelle pondait de l’argent. La cour de Charles-Quint possédait une tasse qu’on disait faite avec la serre d’un griffon. Un orfèvre de Zurich se vantait d’en avoir une également, que l’on suppose avoir pu être en corne de rhinocéros.

Griffon (ordre du), ordre de chevalerie institué, en U89, par Alphonse Ier, roi de Naples. Il disparut après quelques années d’existence. Son nom venait d’une image de l’animal fabuleux appelé griffon, que portait la décoration.

GRIFFON ou GRIPPON, prince franc, né en 72G. mort en 753. Il était le troisième fifs de Charles-Martel, qui ne lui laissa pour héritage que quelques domaines sur les lisières de la Neustrie et de l’Austrasie. Ses frères, Pépin et Carloman, l’en dépouillèrent et le reléguèrent dans un château des Ardennes (742). Plus tard, Pépin l’admit a sa cour et lui donna de riches revenus. Mais le jeune prince aspirait à la souveraineté ; il se fit le chef des mécontents, et commença la guerre civile. Vivement poursuivi, il franchit le Rhin, arma les Saxons, mais fut vaincu par son frère et fait prisonnier. Pépin tenta de se l’attacher par des bienfaits, et lui donna pour apanage le Mans avec douze comtés. Griffon se souleva encore en 751, se jeta dans l’Aquitaine, et tenta, en 733, de se joindre aux Lombards, qui s’apprêtaient à franchir les Alpes. Attaqué dans la Maurienne par deux lieutenants de Pépin, il se défendit vaillamment et périt sur le champ de bataille.

GR1FFONI (Matthieu), historien italien, appelé en latin de Griffonibus, né à Bologne en 1351, mort en 142G. Il remplit pour sa ’ ville natale des missions diplomatiques à Rome (1303), à Florence (HOl), et fit preuve d’autant de prudence que d’habileté. On a de lui, sous le titre de Memoriale historicum rérum Bononiensium, des annales qui commencent à 1109 et qui ont été publiées dans le recueil des Scriptores rerum italicarum. de Muratori,

GRIFFONIS s. m. (gri-fo-ni— re. A. griffon). B.-arts. Pochade à la plume. Il Gravure faite à l’imitation d’une pochade de ce genre,

GRIFFONNAGE s. m. (gri-fo-na-je — rad. griffonner). Écriture mal formée, peu lisible ou illisible : Voilà un beau griffonnage ! et une femme qui a du se)is et de ta raison peutelle orthographier de la sorte ? (De Coulanges.)

GRIFFONNÉ, ÉE (gri-fo-né), part, passé du v. Griffonner. Mal écrit : Lettre griffonnée. Monsieur, un homme noir et d’habit et de raine Est venu nous laisser, jusque dans la cuisine, Un papier tjti/fonné d’une telie façon Qu’il faudrait pour le lire être pis qu’un démon.

Molière.

H Dessiné grossièrement : Ce dessin n’est encore que griffonné. (Àcad.)

GRIFFONNER v. a. ou tr. (gri-fo-nérad. yriffr). E’rire mal, peu lisiblement : Il a griffonné sur ce papier je ne sais quoi qu’on ne saurait lire. (Acad.)

— Fam. Écrire, composer sans le soin etl’attention nécessaires : Je vous griffonne cette lettre à la hûle. (Acad.) Ce rédacteur est obligé de griffonner tons les jours un article pour snn journal. (Acad.) ta méchante habitude du papier et de l’encre fait qu’on ne peut s’empêc/iei de griffonner. (Chateaub.)

— Dessiner grossièrement. : Griffonner un croquis.

GRIFFONNEUR, EUSE s. (gri-fo-neur, eu-ze

— rad. yiiffnnner).Celui, celle qui griffonne : Un petit griffonneur. Une vilaine gbiffon-

KKUSE.

— Par ext. Auteur qui écrit/vito et ma] : Un infatigable grifi on.neur. 'Un misérable griffonneur. Je n’écris guère ; un malade, un laboureur, un griffonneur n’a pas un moment à lui. (Volt.)

GRIFFU, UEadj.(gri-fu —rad.yrj’yTe). Armé de griffes ou d’ongles longs et crochus : Un diable griffu.

GRIGAN, une des lies Ladrones, ou lies Mariannes, dans l’océan Pacifique du Nord. Elle est située par 18° 8’ de lat. N. et 143° 20’ de long. E. Sa largeur est d’environ 13 kilom, et sa furme est celle d’un dôme ; ou évalue son altitude à 730 met., et ses côtes sont presque perpendiculaires et d’un accès peu facile. Il n’y existe qu’un petit village, situé sur la côte S.-O. de l’Ile.

GRIGNAN s. m. (gri-gnan, gn mil.). Hist. ecclés. Membre d’un ordre religieux du Dauphiné,

GRIGNAN, bourg de France (Drôme), ch.-l.

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de cant., arrond. et à 27 kilom. de Montélimar ; pop. aggl., 1,058 hab. — pop. tôt., 1,932 hab. Ce bourg, pittoresquement situé au pied et sur les flancs d’un rocher que couronnent les restes d’un ancien château, fut érigé en vicomte en 1550, et l’un de ses seigneurs, le comte de Grignan, épousa, en 1669, la fille de M">ede Sévigné. Le château, qui offre encore de beaux restes d’architecture, fut habité par Mme de Sévigné,

qui vint y passer les dernières années de sa vie. Il se composait de trois belles façades, dont l’une avait été construite par Mansart. On y voit une chambre que l’on croit être celle où mourut MU1B de Sévigné ; une bibliothèque (chartes et manuscrits relatifs à l’histoire des comtes de Grignan) ; une galerie de tableaux, comprenant plus de 300 toiles, parmi lesquelles nous signalerons : un très-beau Portrait de jVme de Sévigné, et celui de sa fille, par Mignard ; ceux de Pauline de Grignan, par Largillière ; celui d’une autre comtesse de Grignan, par Vanloo ; plusieurs objets mobiliers ayant appartenu à. M"" de Sévigné ; une belle tapisserie représentant les Amours d’Antoine et de Cléopâtreatc. De la terrasse qui règne autour du château on découvre une vue magnifique. L’église, précédée d’un élégant portique, renferme les restes mortels de Mme de Sévigné, qui reposent sous une simple dalle en marbre. On voit encore à l’hôtel de ville, sur les registres de l’état civil, l’acte de la célébration du mariage du marquis de Simiane avec Pauline de Grignan, revêtu de la signature de Mme de Sévigné. La chapelle de l’hospice est ornée d’un magnifique tableau d’Annibal Carrache, les 'Anges dans le sépulcre de Jésus. La statue en bronze de ili^e de Séuigné, par les frères Rochet, a été inaugurée le 14 février 1857, sur la place de l’Hôtel-de-Ville.

GRIGNAN (Louis-Adhémar db Monteil, baron, puis comte de), diplomate français, mort en 1557. U appartenait à une ancienne maison de Provence, qui devait son nom à la petite ville de Grignan, près de Montéliinar. Il fut ambassadeur de François Ier à Rome, contribua à empêcher ce souverain de se réconcilier avec Charles-Quint en 1541, poussa le comte d’Enghien à prendre Nice, qu’il brûla et saccagea (1543), puis fut nommé gouverneur de Provence. Envoyé par le roi à la diète de Worms en 1544, il y prononça un discours menaçant contre les hérétiques, et demanda qu’on prit contre eux les mesures les plus rigoureuses. De retour dans son gouvernement, à fit massacrer les vaudois et

fut créé comte par Henri II. Il n’eut pas d’enfants de sa femme, Anne de Saint-Chaumont. GRIGNAN (François-Adhémar de Monteil, comte de), lieutenant général en Languedoc et en Provence, né en 1632, de la famille du précédent, mort en 1714. Il prit la citadelle d’Orange en 1673, et repoussa l’attaque des impériaux contre Toulon, en 1707. Il doit la célébrité de son nom à son mariage avec la fille de Maie de Sévigné, qu’il épousa en troisièmes noces, en 1669.

GRIGNAN (Françoise-Marguerite comtesse de), fille deMme de Sévigné, femme du précédent, née en 1G48, morte en 1705. Elle e.st célèbre par la passion extrême, « l’amour païen, » disait le sévère Arnault, que sa mère eut pour elle, et surtout par le recueil de lettres inimitables qu’elle inspira, et que nous possédons grâce à elle. Tout enfant, elle reçut une éducation extrêmement distinguée, dont son.esprit, naturellement grave et sérieux, profita si bien, qu’elle put s’élever plus tard jusqu’aux spéculations de la philosophie et devenir une adepte de la métaphysique cartésienne, ce que les esprits superficiels ne lui pardonnèrent jamais.

Des 16S3, c’est-à-dire à. peine âgée de quinze ans, Marguerite de Sévigné parut à la cour. M’o de Sévigné, douée par la nature de toutes les grâces du visage, et par sa mère de toutes les grâces de l’esprit, fut remarquée dès son apparition à Versailles ; bientôt elle devint le centre, l’héroïne de tons ces ballots, de toutes ces fêtes. Le marquis deTrévjlie s’écrie : ■ Cette beauté brûlera le monde ;» et Benserado, qui, en attendant Racine et Boilcau, était le poète officiel de la cour, chaque jour compose un nouveau madrigal en l’honneur de la bergère, de la nymphe, que sa mère appelle la plus jolie fille de France. Saint-Pavin rime tout un portrait en contre-vérités, et l’adresse à M"10 de Sévigné :

Le bruit court que votre étourdie,

Qui depuis longtemps étudie

L’espagnol et l’italien,

Jusques ici n’y comprend rien ;

EsUelle toujours mal bâtie.

Sans jugement, sans modestie ?

Il faut quitter ce badinage ;

Votre fille est le seul ouvrage Que la nature ait achevé ;

DanB tout le reste elle a rêvé.

Un instant on put croire que la prophétie du marquis de Tréville allait s’accomplir, « À la première éclipse de MUo deLaVallière, dit M. Peiletan dans son Histoire de la décadence de la monarchie française, la cour supposa un instant la place vacante, et cherchait du regard sur quelle tête le rayon de soleil allait tomber. Mlle de Sévigné dîne à la table

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de Sa Majesté. Est-ce une candidature, oa mieux encore une élection ? On entoure la nouvelle élue en réalité oi en perspective ; on envie sa destinée, on murmure son nom à l’oreille, et lèvent le perte jusqu’au fond de la Bourgogne. « On croit que le roi retourne à M«ic de Soubise, écrit Mme de Montmorency à Bussy-Rabutin. D’un autre côté, La Feuillade fait tout ce qu’il peut, pour M1’6 de Sévigné. >A cetteoi verture, le parent de la néophyte, Bnss.y, 1 fier Bu>sy, fier do son nom, fier de sa race, t.er de son ombre, sent bouillonner de joie tout son sang de gentilhomme. « Je serais très-aise, répond-il, que le roi s’attachât à MU’» de Sévigné, car elle est fort de mes amies, et il ne pourrait être mieux en maîtresse. »

Mais, modeste, vertueuse surtout, autant que spirituelle et belle, M’e do Sévigné ne voulut pas de ce titre de maîtresse, même de maîtresse du grand roi, et préféra devenir, le 27 janvier 1669, la femme du comte de Grignan. Certes, te mariage était beau en apparence : François-Adhomnr de Monteil, comte de Grignan, d’une ancienne famille de noblesse, était lieutenant général au gouvernement de Provence et des armées du roi, chevalier des ordres- etc., etc. ; mais, veuf deux fois, la première fois de Lucie d’Angennes, fille de la marquise de Rambouillet, la seconde fois de M’ie Puy-du-Fou, plus âgé de dix-sept ans que sa. jeune femme, le comte de Grignan était er outre débauché, vicieux, il menait une vie désordonnée jusqu’au scandale. Mlle de Se.igné fut malheureuse avec lui, autant que I avait été sa mère avec le marquis de Sévigné, ce misérable « que la noble marquise, dil Conrard, aimait, mais qu’elle ne pouvait e. ; timer. » Un jour même, et c’était peu de ten ps après son mariage, la comtesse de Grig mn dut engager toute sa fortune pour apaiser les créanciers qui, sans cesse, venaient aboyer à sa porte. En 1671, M. de Grignan «st appelé en Provence, pour y commander en l’absence du gouverneur de cette province, M. de Vendôme, et Mme de Grignan est obligée de le suivre. C’est alors que commence, entre la mère et la fille, cette exquise causerie, cette inimitable conversation écrite, qui se prolonge durant vingt-sept années, toujours pleine de verve, pleine ù intérêt. Pourquoi n’avons-nous que quelque ;, rar.es billets de M’oe de Grignan ? Lorsque, en 1726, Mme de Simiane, su tille, autorisa a publication des lettres de sa grand’mère, elle retrancha toutes les réponses ; quatre seule mentont échappé à cette exécution, et elles suffisent pour nous faire regretter les autres, dont la connaissance éclairerait sans doute les conjectures hasardées qui ont été faite) sur le caractère de M"1» de Grignan. Suivant quelques appréciations malveillantes, il ne faudrait pas s’en rapporter, pour juger cette femme remarquable, aux exagérations de 11 tendresse de sa mère, qui, a-l-on dit, était un exemple que l’amour maternel porte aussi un bandeau. La sécheresse du cœur est la principale accusation que ses détracteurs ent lancée contre elle. Cette accusation, difficile à contrôler, ne s’appuie sur aucun ft.it positif, tandis qu’elle est contredite |iar divers témoignages ; il est donc raisonnable de supposer que, ne pouvant contester à la fille de Mm» de Sévigné la supériorité de son esprit, l’envie s’est attachée à déprécier les qualités de son cœur. Sans cesse la mère loue sa.ille de la manière dont elle écrit ; elle lui raconte qu’elle lit certains endroits choisis de ses lettres aux gens qui en sont dignes ;» quelquefois j’en donne aussi une petite part à Mai» de Villars, mais elle s’attache trop aux tend.’esses, et les larmes lui en viennent aux yeax. a

D’après le peu de lettres que nous avons de Mm* de Grignan, on peut oapendant se faire une idée de son mérite, i.iérite que, selon nous, Mme de Sévigné a eu le tort de trop louer, parce qu’elle nous a rendus exigeants. Certes la fille est loin, bien loin de su mère ; elle n’a point autant de facilité, de grâca et d’abandon ; elle n’a pas cotte saveur toute gauloise, purifiée par les élogances de la société ; elle n’a point surtout cette gaieté naturelle et inaltérable « qui marque la force de l’esprit, a a dit Ninon. M"« de Grignan est cartésienne en diable. Elle a laissé à Son frère, ce charmant libertin, toutes les qualités aimables, piquantes, enchanteresses de sa mère. D’elle, elle n’a voulu que les c milites sérieuses, la haute raison. Une fois mé ne, til'me de Sévigné trahit sa fille, n Vous avez, lui dit-elle, des tirades incomparables. « Des tirades ! estce possible, quand on est la fille de celle qui, en écrivant, laissait si bien •< trotter sa plume la bride sur le cou ! »

La « froide et belle Mme t.e Grignam n’est probablement qu’un vieux cliché, auquel il faut renoncer, parce qu’il cot sacre une erreur. < Vous m’aimez, ma chère en ant, écrit Mme de Sévigné à Sa tille, et vous ne le dites d’une manière que je ne puis m’en souvenir sans des pleurs en abondance. « Saint-Simon (de son temps déjà on parlait de cette prétendue froideur de Mme de Grignaïf, s’écrie en songeant aux éloges que lui piudigue sa mère : De tels éloges, donnés par une telle mère, ne peuvent être ni une longue bêtise ni une effronterie maladroite. » Saint-idinon a raison, et nous nous rangeons à son avis.

Mme de Grignan mourut en 1705, laissant trois enfants, un fils mort tout jeune encore, une tille qui se fit religieuse à Aix, une autre