Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 9, part. 2, Hr-I.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
INDE INDE INDE INDE 631

mée, l’histoire de l’Inde devient complètement nbseuro jusqu’à l’invasion musulmane. Lorsque les Arabes eurent conquis la Perse et une partie de l’Inde en deçà du Gange, les relations de l’Inde avec l’Europe n’eurent plus lieu que par leur intermédiaire. C’est avec les Arabes que commence dans l’Inde l’influence du mahométisme, qui, en provoquant le fanatisme guerrier, déchaîna sur ce pays uns suite de conquérants qui le ruinèrent. Ce ne fut qu’au sud, dans les contrées moins accessibles du Décan, que quelques tribus indoues parvinrent à conserver leur indépendance.

À partir de l’an 1,000, l’Inde perd complètement son indépendance. Elle ne fait plus que changer de maîtres, et assiste passivement aux luttes des étrangers sur son sol. Les premiers conquérants de cette période furent les Ghaznévides. Ils eurent pour chef un aventurier turc, qui s’était créé Une principauté indépendante dans un district montagneux, de l’Afghanistan, appelé Ghazna. Le second de ses successeurs, Mahmoud le Ghaznévide, passa l’Indus en 1001, malgré l’opposition du roi de Lahore, et, dans onze expéditions successives, jusqu’en 1026, il conquit toute la rive orientale de l’Indus, le Pendjab, le royaume de Lahore, l’Adiemi et la presqu’île de Guzerate. Partout il détruisit les temples indiens, brisa les statues, pilla tous les monuments publics. Après la mort de Mahmoud, arrivée en 1030, les brahmanes prêchèrent dans toute l’Inde la révolte contre étranger : le roi de Delhi se mit à la tête d’une coalition, qui reprit une partie des conquêtes des Ghaznévides ; mais ceux-ci se maintinrent dans le Pendjab et dans le royaume de Lahore, jusqu’en 1186, époque à laquelle ils furent dépossédés par les Gourides, tribu turcomane qui sortait du Khoraçan. Sous la dynastie des Gourides, qui dura jusqu’en 1289, l’islamisme établit et consolida sa puissance par de nouvelles conquêtes et par des luttes énergiques contre les Mongols. Après les Gourides, vinrent quelques conquérants afghans, qui cherchèrent d’abord à étendre leur domination dans le Décan, mais furent bientôt forcés de tourner tous leurs efforts contre les attaques incessantes des Mongols ; cette dynastie d’Afghans subit le joug de Timour-Lenk (Tamerlau), qui marcha vers Delhi, s’y fit couronner, y resta quinze jours, puis se dirigea vers le nord, en longeant le Gange ; enfin, il sortit de l’Inde en suivant le pied de l’Himalaya jusqu’au Caboul. Après son départ, l’anarchie fut grande dans l’ancien empire des Ghaznévides. Tous les gouverneurs de province se disputaient Delhi, la capitale de l’Inde, lorsque les Portugais, conduits par Vasco de Gama, firent leur apparition sur les côtes de l’Indoustan, au commencement du xvie siècle. Vainqueurs des troupes du roi de Calicut, qui avait essayé de les expulser de son territoire, les Portugais établirent des forts et des factoreries. Bientôt le monopole du commerce de l’Inde fut entre leurs mains, et ils se rendirent maîtres d’importantes possessions sur toute la côte de Malabar. L’union du Portugal avec l’Espagne, en 1599, amena la chute des colonies portugaises, qui furent dès lors exposées aux attaques des ennemis de l’Espagne. En outre, comme les Portugais s’étaient rendus odieux dans l’Inde par leur tyrannie, les indigènes accueillirent partout les Hollandais en amis. La victoire que ces derniers remportèrent sur la flotte hispano-portugaise établit leur réputation aux yeux des Indous, et ils fondèrent la même année la Compagnie des Indes orientales. Les Anglais ne tardèrent pas à figurer parmi les nations européennes faisant le commerce avec les Indes, surtout quand le monopole eut été législativement accordé à une compagnie fondée en 1000. Vers cette époque, les Français travaillèrent avec énergie à réparer le temps perdu. Depuis 1503, plusieurs tentatives infructueuses avaient été faites par eux ; enfin, ils avaient réussi à acquérir quelques possessions territoriales, dont le chef-lieu, Pondichéry, prit de bonne heure une grande importance.

Pendant que les Européens entraient en scène, l’empire du Grand Mogol, agrandi et consolidé par la valeur et la sage administration d’Akbar, devint la proie des guerres civiles suscitées par les successeurs de ce prince. Ces troubles durèrent jusqu’à l’avènement d’Aureng-Zeib (1658), surnommé le Richard III de l’Orient. Ce prince gouverna ses peuples avec assez de sagesse ; mais son intolérance religieuse excita des soulèvements parmi les Radjepoutes et fut cause peut-être du principal événement de son règne, l’établissement du royaume des Mahrattes, sous la conduite d’un aventurier nommé Sivaji. Celui-ci commença par le brigandage, se fit peu à peu un royaume aux dépens de celui de Bedjapour, et enfin s’étendit sur toute la côte, depuis Goa jusqu’à Damaun. Il sut, dans ces contrées marécageuses, avec sa cavalerie légère, résister aux lourds cavaliers d’Aurengzeb. Après une soumission apparente, il mourut en 1680, ayant étendu sa puissance jusque dans le Carnatic. C’était un zélé disciple des brahmanes ; le sanscrit avait repris à sa cour la position officielle du persan à la cour du Grand Mogol. Ses successeurs ne surent pas continuer son œuvre ; son royaume Lombu à sa mort dans l’anarchie, mais parvint cependant à maintenir son indépendance contre Aureng-Zoib, qui mourut en 1707, âgé de quatre-vingt-quatorze ans.

Pendant la première moitié du xviie siècle, les Hollandais avaient peu agi ; mais, pendant la seconde, ils s’emparèrent des stations portugaises sur les deux côtes de Coromandel et de Malabar, à l’exception de Goa. En 1672, la Compagnie française des Indes orientales acheta le district de Pondichéry au roi de Bedjapour. Pondichéry fut pris par les Hollandais en 1692 ; mais ils le restituèrent en 1697, à la paix de Ryswyk. En 1612, il s’institua une compagnie danoise, qui, en 1616, s’établit par achat à Tranquehar. La Compagnie anglaise avait établi son premier comptoir à Surate en 1512. Elle se fortifia ensuite à Masulipaiam, sur la côte de Coromandel. En 1633, elle obtint du Grand Mogol le droit de faire le commerce dans le Bengale. L’histoire de l’Inde se confond dès lors avec celle des établissements français et surtout des établissements anglais. V. Inde anglaise et Inde française

Religions. L’Inde est une des contrées de la terre ou le sentiment religieux et mystique a trouvé le développement le plus considérable. Ses divers systèmes religieux ont donné naissance ou servi de type aux religions des autres peuples. Nous allons présenter, dans un tableau succinct, l’exposé des principales religions actuellement encore pratiquées parmi les Indous. Nous nous bornerons à donner sur chacune d’elles quelques brefs renseignements, renvoyant pour plus de détails les lecteurs à l’article spécial consacré à la plupart de ces religions.

1o Brahmanisme. Ce fut la religion des conquérants aryens. Le brahmanisme a pour base le naturalisme des Védas et le déisme ; au-dessous de l’Être suprême, latent, qui ne se révèle pas, il place la trimourti ou trinité, composée de Brahma, le créateur, de Vichnou, le conservateur, et de Siva, le destructeur. Professée actuellement par plus de 115 millions d’individus, cette religion occupe le quatrième rang nurqérique, après le bouddhisme, le christianisme et l’islamisme.

2o Bouddhisme. Fondé par Siddharta le Bouddha (savant par excellence), le bouddhisme prima un instant le brahmanisme, dont il était en quelque sorte une modification, et devint pour un temps la religion nationale de l’Inde. Mais le brahmanisme ne tarda pas à reprendre le dessus et à expulser par de sanglantes persécutions la religion bouddhique, qui se réfugia à Java, dans les contrées transgangétiques, en Chine, au Japon, au Thibet, en Mongolie, où elle inaugura une nouvelle ère de prospérité et d’éclat. Les sectateurs indous du bouddhisme sont actuellement peu nombreux et isolés ; on en rencontre dans les montagnes du Kourg, dans les gorges de l’Himalaya, à Ceylan, etc.

3o Djaînisme. Le bouddhisme, qui joua vis> à-vis du brahmanisme le même rôle que le christianisme vis-à-vis du judaïsme et du mosaïsme, vit s’élever dans son sein des doctrines hétérodoxes et eut, lui aussi, à subir sa réforme. Le réformateur s’appelait Djaïna (le victorieux), et il donna son nom à sa religion. Le djaînisme se subdivise lui-même en deux sectes. Le dieu du djaînisme est Parnavisa, et il doit se confondre vraisemblablement avec Bouddha. Les autres dieux sont les âmes des hommes vertueux qui habitent le ciel ; les dieux inférieurs portent le nom de devatas. La transmigration des âmes et le respect sacré pour le Gange sont empruntés directement au brahmanisme.

4o Nanekisme. C’est une secte d’iconoclastes portant le nom de seikhs ou sikhs et professant le déisme le plus absolu. Elle fut fondée vers le xve siècle par Naneka et peut être considérée comme un moyen terme entre le brahmanisme et le bouddhisme. Ce sont les seikhs qui professent pour la vie de l’animal le plus intime ce respect qu’on prête en général aux Indous. On évalue le nombre des seihks à environ 4,500,000.

5o Islamisme. Les musulmans, lorsqu’ils envahirent et conquirent l’Indoustan, lui imposèrent leurs mœurs, leur langue et leur foi. Les Indous musulmans sont moins fanatiques et observateurs moins rigoureux du Coran que leurs frères occidentaux ; ils se permettent de boire du vin et des liqueurs fortes. L’islamisme a créé dans l’Inde un ordre religieux composé de fakirs ou moines mendiants, et une secte, celle des boias, qui se sont formés en différentes communautés. La population musulmane de l’Inde consiste principalement en Mongols, en Afghans, en Beloutches, en Arabes, en Persans et en un certain nombre d’Indous de race pure. Elle s’élève à environ 17 millions d’individus (à peu près un huitième de la population totale).

6o Sabéisme. Le culte du feu est pratiqué spécialement par les hommes de race parsi ou persane.

7o Judaïsme. Il est représenté par un certain nombre de juifs répandus dans l’Inde entière, et ayant fidèlement conservé les prescriptions mosaïques et les traditions du Talmud.

8o Christianisme. Il a été importé dans l’extrême Asie dès les temps les plus reculés, grâce aux efforts incessants des missions nestoriennes. Lorsque les Portugais arrivèrent aux Indes, ils trouvèrent des chrétiens de saint Thomas. Plus tard, une nouvelle propagande eut lieu et amena des résultats féconds. Aujourd’hui le christianisme compte dans l’Inde de nombreuses sectes, parmi lesquelles nous distinguerons : le catholicisme, dont les progrès furent spécialement encouragés par les Portugais, et qui compte environ 600,000 adeptes ; l’anglicanisme, répandu dans les parties soumises à la domination anglaise ; le luthéranisme, représenté par les missions de Tranquehar, de Cuddalore, de Tritchinopalty, etc., et professé par une vingtaine de milliers d’Indous convertis ; le rite arménien, exclusivement représenté par des Arméniens ; le jacobisme, qui reconnaît le patriarche d’Antioche, et compte environ 200,000 sectateurs ; le nestorianisme, qui inaugura aux Indes l’introduction du christianisme. À leur arrivée, les Portugais tentèrent, par de sanglantes persécutions, de ramener les nestoriens dans le sein de l’Église catholique ; mais ces rigueurs furent sans effet. Aujourd’hui, les nestoriens, sous la protection des autorités anglaises, constituent une espèce de république religieuse, qui compte environ 50,000 membres. Dans ces derniers temps, M. Garcin de Tassy a signalé dans l’Incle un mouvement musulman très-prononcé, et qui doit inquiéter sérieusement le gouvernement anglais. Le terrain perdu par les religions indigènes, ce n’est pas le christianisme, c’est l’islamisme qui le gagne. La propagande musulmane se ait sur une vaste échelle, par le moyen surtout de l’enseignement privé. Ce mouvement, d’après M. Garcin de Tassy, doit être attribué surtout aux wuhabis, iconoclastes fanatiques qui exercent sur le pays une grande influence.

Du reste, le gouvernement anglais met dans la question religieuse une sage réserve, et n’emploie, pour triompher de la superstition locale, que des moyens moraux, beaucoup plus lents, mais bien plus efficaces que la persécution. Sans doute, il existe dans l’Inde bien des choses qui doivent singulièrement choquer les yeux de l’Anglais ; il ne lui plaît certainement pas de voir circuler des fakirs en état de complète nudité ; il est scandalisé de voir dans les temples des peintures d’une obscénité révoltante, ou de rencontrer des dévots, véritables stylites, perchés durant des années à la cime d’un arbre, et attendant, dans une immobilité complète, que leurs admirateurs leur fussent passer, à l’aide d’une corde, la nourriture journalière ; mais l’Angleterre sait par expérience qu’il est dangereux de s’attaquer de front à de pareils abus, et il demande au temps seul le progrès que la violence n’a jamais su donner.

Linguistique. L’étude des langues de l’Inde a pris de nos jours une extrême importance, par l’influence qu’on a attribuée à certaines de ces langues, particulièrement à celle des Aryas, sur les langues modernes de l’Europe. L’épithète d’indo-européen, adoptée par les philologues pour désigner tout un groupe d’idiomes parlés dans l’Europe entière et dans une très-grande partie du reste du globe, fait tout de suite comprendre la part immense que les savants de nos jours attribuent aux langues de l’Inde dans la formation du langage humain.

L’origine de ces langues mères, les premières dont on connaisse quelques lambeaux d’histoire, est naturellement très-obscure. Nous devons ici nous borner à quelques généralités, les diverses langues de l’Inde ayant des articles spéciaux aux mots dravirien, pâli, sanscrit, etc. Au point de vue de leur histoire, qui doit seul nous préoccuper dans cet article, les langues de l’Inde reconnaissent trois sources principales : les langues autochthones, qui ont servi de première base, l’invasion des Aryas, et les invasions musulmanes, qui ont introduit les éléments arabes et parsis. Les idiomes autochthones, connus sous le nom de langues draviriennes, sont encore parlés dans le Décan, où ils furent rejetés par l’invasion aryenne. Quelques auteurs ont rattaché à la même origine le pràkrit, que l’on s’accorde assez généralement aujourd’hui à regarder comme une oltération du sanscrit, et qui ne daterait que du me siècle de l’ère chrétienne. Quant à l’introduction du sanscrit ou langue des Aryas, on n’a pas encore réussi à en fixer l’époque d’une manière un peu certaine. Le pâli, usité dans les livres bouddhistes, dérive du pràkrit. Le sanscrit donna directement naissance à l’indi ou indouï, qui est devenu la langue littéraire des Indous. L’invasion ghaznévide modifia profondément l’idiome indi, et donna naissance à l’indoustani, qui comprend deux dialectes, l’ourdou et le dakhni. L’indoustani, mélange de sanscrit, de parsi et d’arabe, est aujourd’hui, en dehors des langues européennes, la langue officielle de l’Inde.

Quant aux idiomes européens, ils ne se sont guère introduits que sur les côtes dans les langues indigènes, et n’ont produit que quelques patois, mélange confus de sanscrit, de parsi, d’arabe et de portugais, d’anglais, etc., langage essentiellement populaire et d’ailleurs dépourvu de toute grammaire.

Instruction publique. L’enseignement dans l’Inde, d’après M. Garcin de Tassy, a suivi dans ces derniers temps deux courants bien distincts : le courant musulman et la courant indien. Les musulmans, avec la ténacité qui les caractérise partout, se refusent absolument à l’enseignement officiel organisé par les conquérants européens, et établissent sans cesse de nouvelles écoles particulières, où l’on enseigne l’indoustani à l’exclusion de toute autre langue. Les Indous, au contraire, demandent volontiers l’instruction aux établissements anglais, où la langue anglaise est enseignée concurremment avec la langue nationale ; ils ne possèdent, dans toute l’Inde, aucun établissement particulier. Il est donc facile de prévoir, dès aujourd’hui, que les Indous se seront absolument fondus avec les Européens, avant qu’un mouvement analogue se soit prononcé dans la population musulmane, si réfractaire à notre civilisation. Du reste, tout en se refusant à la voie de progrès que les Anglais voudraient leur ouvrir, les musulmans de l’Inde ne restent cependant pas stationnaires ; outre une multitude d’écoles primaires, ils possèdent divers collèges très-prospères, notamment ceux de Delhi, de Sehah-Abad et de Calcutta. Parmi les revues en indoustani, il en est une qui leur appartient exclusivement et qui s’intitule In Divulgation musulmane ; elle se publie à Bangalore.

Néanmoins, il est reconnu que l’enseignement musulman reste tout à fait inférieur, et l’on doit désirer que le gouvernement réussisse dans les efforts qu’il tente pour attirer dans ses établissements scolaires la population de l’Inde. Déjà il a obtenu de remarquables résultats : en 1870-1871, il a donné l’instruction à 204,103 élèves, dans 8,118 écoles et 3 collèges, et a dépensé 4,758,666 francs. L’association pour le progrès des Indous, British indian Association, rend de très-grands services dans le pays.

Littérature. La littérature de l’Inde, la plus ancienne du monde, forme un ensemble considérable, dont une faible partie seulement nous est connue ; nous possédons à peine, depuis la fin du dernier siècle, le texte de ses principaux monuments, et l’œuvre colossale de leur traduction, entreprise à la fois en Angleterre, en France et en Allemagne, n’a été encore terminée dans aucune langue européenne. Cependant les travaux de Colebrooke, de Ward et de Roth, de Garcin de Tassy, de Langlois et de Pictet permettent dès a présent de se fairo une idée assez précise de cette littérature si longtemps délaissée.

La poésie, par laquelle les Aryens, comme tous les peuples primitifs, ont essayé de rendre leurs sensations, ne fut d’abord pour eux qu’une des formes de la prière et de l’enthousiasme religieux. Peuple pasteur et patriarcal, en contact avec une nature excessive et mystérieuse, ils surent empreindre leurs premiers chants de la sérénité grandiose des spectacles qu’ils avaient sous les yeux, en même temps qu’ils peignirent, sous les traits les plus naïfs, les luttes et les terreurs de l’homme aux prises avec les nécessités de la vie. Aucune autre littérature ne nous fait aussi bien pénétrer dans ces époques lointaines où pour l’homme tout était nouveau, inconnu, bienfaisant ou terrible ; la raison de cette particularité est dans l’ancienneté même de ces poésies. La première période de la littérature aryenne, période appelée védique parce que les Védas en sont l’unique monument, a son centre dans les environs du xve siècle avant J.-C. Peut-être aurions-nous, dans la littérature grecque, quelque chose de semblable si les hymnes orphiques n’avaient pas été constamment remaniés par les sectes religieuses ; les Védas, quoique colligés en recueils à une époque bien postérieure, ont échappé, du moins en grande partie, à ces retouches, grâce au respect superstitieux dont ils étaient entourés ; la langue même n’en a point été refaite, sous prétexte de l’accommoder aux habitudes savantes des siècles suivants ; elle est restée absolument barbare et inculte. Comparée au sanscrit pur, elle offre bien plus encore de concordance avec le zend, et témoigne ainsi que la plupart de ces hymnes ont été composés avant la séparation des deux rameaux aryens qui devaient peupler l’un la Perse, l’autre l’Inde. Peut-être quelques-uns datent-ils de l’époque où les Aryens émigrants n’avaient pas encore atteint la Pentapoiamie (Pendjab), où ils posèrent les premières bases de leur civilisation ; pour le plus grand nombre, ils sont postérieurs à leur établissement dans la région des cinq fleuves, et les derniers, fortement imprégnés des conceptions brahmaniques, nous ramènent à une époque voisine de l’ère chrétienne.

Rien d’artificiel dans cette poésie. « Aucun monument des vieux âges, dit A. Pictet, ne nous fait pénétrer plus profondément dans les temps de l’humanité primitive. Là, et là seulement, se trouve encore tout ce que nous pouvons savoir sur les origines des religions et des mythologies de l’Europe païenne. Là seulement nous pouvons suivre les premiers efforts de l’homme pour chercher Dieu sincèrement dans les grands phénomènes de la nature d’abord, puis plus tard dans les spéculations les plus élevées auxquelles la pensée humaine puisse atteindre par ses propres forces. Au début, ces aspirations spontanées vers le ciel s’expriment par une poésie pleine de grandeur, qui s’efforce de donner un corps à l’infini en personnifiant partout les puissances mystérieuses qui dominent le monde visible. De là, une richesse étonnante de mythes, d’où surgit un polythéisme grandiose dont les symboles sont encore transparents. La pensée rentre ensuite en elle-même pour reprendre en sous-œuvre les créations de la poésie inspirée, pour les interpréter, les réu-