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fait que se conformer au récit de l’évangéliste lui-même, en nous le montrant placé au pied de la croix avec la mère de Jésus. Il nous apparaît ainsi dans une fresque des premiers siècles qui décore les catacombes de Saint-Jules, à Rome.

Les peintres du moyen âge, comme ceux des temps modernes, donnent presque toujours a saint Jean une apparence juvénile. Cela se conçoit lorsqu’il s’agit de représenter la Cène ou le Crucifiement ; mais on commet un véritable anachronisme en conservant cet air de jeunesse au solitaire de Pathmos qui écrivit, dit-on, son livre vers l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. L’erreur importe peu, d’ailleurs, au point de vue de l’art.

L’aigle est l’emblème, l’attribut ordinaire de saint Jean. Nous le rencontrons pour la première fois dans une mosaïque de Saint-Vital de Ravenne, qui date de 547, et qui nous fait voir ■l’évangéliste assis et tenant un livre ouvert devant une petite table sur laquelle sont posés un style et un encrier : l’oiseau symbolique est placé au-dessus de la tête du saint. Beaucoup d’artistes ont représenté saint Jean occupé à écrire ('Évangile ou l’Apocalypse : nous citerons, entre autres : Alonzo Cano (musée de Madrid), le Dominîquiu (gravé par C.-F. Muller), Carlo Dolci (palais Pitti et musée de Berlin), le Guide (musées de Munich et de Naples), Memling (volet d’un triptyque à l’hôpital Saint-Jean, à Bruges), Ary Scheffer (tableau vendu 9,000 fr., à la vente de M. H. déliât en 1860), Sébastien Le Clerc (estampe), J. Lutma (estampe), etc. Quelquefois, saint Jean est représenté tenant à la main un calice d’où sort un serpent : suivant quelques iconographes, ce reptile indique que le breuvage contenu dans le calice est empoisonné, et ferait allusion à un miracle du saint, qui but, sans ressentir aucun mal, du poison qu’on lui avait donné. Des représentations de ce genre ont été peintes par Ad. Elsheimer (gravé par W. Hollar), le Guerchin (pinacothèque de Bologne), Van der Goes (volet d’un triptyque, au Belvédère de Vienne), Alessandro Tiarini (musée de Berlin), etc. Nous connaissons sur le même sujet une gravure de Bolswert. D’autres figures de saint Jean ont été peintes par B. de Bruyn (musée de Munich), Hans Burgkmair (daté de 1513, même musée), H. Corradi (gravé par Barlolozzi), leCorrége (gravé par Earlom), le Dominiquin (musée de Berlin), le Giorgione (inusée de Vienne), le Guerchin (gravé par Gio - B. Pasqualini), C.-H. Halle (gravé par Gantrel), Ch. Lebrun (musée de Montpellier, et gravures de F. Poilly et de N.-K. Bertrand), Macrino d’Alba (musée de Turin), le Pérugin (musée de Toulouse), Ribalia (musée de Madrid), Valentin (musée de Dijon), le Volterrano(église de l’Annunziata, à Florence), etc. Citons encore : les estampes d’Agostino Veneziano, J.-B. Barbé. M.-A. Bellavia, Franz Brun, J. Callot, Albert Durer (gravure sur bois représentant Saint Jean et saint Jérôme), Jean Duvet (le Maître à la Licorne), Paolo Farinati, Hans Klim, L. Krug, B. Passarotti, etc. Nous ne dirons rien ici des nombreuses suites d’estampes, de tableaux et même de statues représentant les douze Apôtrespu les quatre Eoanyéiisles, suites où saint Jean figure naturellement. Le plus souvent, quand il s’agit de statues, elles sont dues à différents auteurs : ainsi, des quatre Eisangélistes de marbre qui décoraient autrefois la façade de la cathédrale de Florence et qui ont été placés depuis dans l’intérieur, deux seulement, Saint Jean et Saint Matthieu, ont été sculptés par Donatello ; le Suait Luc est d’Aïuonio di Banco, et le Saint Marc, de Nicûlo Aretino. La même église possède de remarquables statues de marbre des douze apôtres : le Saint Jean est l'œuvre de Beuedelto da Rovezzano. Une statue de ce saint, sculptée par Pradier, se voit dans l’église Saint-Sulpice, à Paris. Un bas-relief en terre cuite de Luc Breton, qui est au musée de Besançon, représente le Ravissement ou l’Extase de saint Jeun. Ce dernier sujet a inspiré à Raphaël et à M. Gleyre des tableaux que nous décrivons ci-après. Un petit tableau de Carlo Dolci, qui « si dans la galerie du palais Pitti et qui a été gravé par A. Calzi, représente la Vision de saint Jeun à Pathmos : le saint, à demi étendu sur le sol, appuyé à un rocher, tient un livre et lève les yeux vers le ciel où apparaît la Vierge debout sur le croissant ; devant lui, sur une roche, est une béte à sept têtes, et, du côté opposé, un aigle. Ce tableau, peint sur cuivre, est la réduction d’une peinture qui, d’après ce que nous apprend Baldinucci, tut payée 300 écus à Dolci par le marquis Kinueuim.

Nous avons décrit au mot Apocalypse les quinze gravures sur bois dans lesquelles Albert Durer a retracé les visions de saint Jean. Il y a sur le même sujet une suite de vingt et une estampes gravées par Holbein. Une remarquable tapisserie française de la fin du xiv« siècle, appartenant à la cathédrale d’Anfers et qui a figure à l’Exposition universelle e 1887, représente quarante-deux scènes de l’Apocalypse. Un peintre contemporain, M. Ad. Brune, a exposé au Salon de 1838 un tableau retraçant la scène de l’ouverture des sceaux.

La Vocation de saint Jean et de saint Jacques, son frère, a été peinte par plusieurs artistes, notamment par Lucio Massari (pinacothèque de Bologne) et par Marco Basaiti

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(musée du Belvédère, à Vienne). Zurbaran a représenté Saint Jean accompagnant la Vierge sur le chemin du Golgotka (musée de Munich). Une ancienne mosaïque du portique de Saint-Jean de Latran, malheureusement fort endommagée, représente le Martyre de saint Jean : on ne distingue plus que la flagellation de l’apôtre et Ta scène de la coupe de ses cheveux. Son immersion dans la chaudière d’huile bouillante a été représentée par Rubens sur l’un des volets d un triptyque appartenant à l’église Saint-Jean, de Malines ; l’autre volet nous le montre écrivant l’Apocaltjpse. Les deux mêmes scènes ont été retracées par Hans Fries (1514) sur la face et le revers d’un volet d’autel qui appartient au. musée de Bàle. Le Martyre de saint Jean et. d’autres sujets de la vie de cet apôtre ont été peints à fresque par un artiste contemporain dans une chapelle de Saint-Sulpice, a Paris.

Jean l’Evongéliite (LE RAVISSEMENT DE),

tableau de Raphaël, au musée de Berlin. Saint Jean, assis sur les ailes déployées de son aigle et tenant de la main gauche une tablette sur laquelle il s’apprête à écrire l’Apocaiypse, est ravi au eièl. Il plane au-dessus de l’Ile de Pathmos, que l’on entrevoit dans le bas du tableau. Son vêtement se compose d’une tunique bleuâtre qui laisse l’épaule droite à découvert et d’un manteau violet que le vent agite ainsi que la chevelure. « Que ! sentiment de surprise et d’admiration ne doit-on pas éprouver en regardant ce chefd'œuvre ! a dit M. H. Delaroche. Ce n’est fioint un mortel qu’il présente a nos yeux : a grandiositè et la beauté de ses formes, la franchise qui décore Son front, l’assurance et la douceur de son regard nous offrent les caractères de la divinité. » C’est une composition digne de Raphaël ; mais quel que soit le mérite de la peinture, elle est bien loin d’accuser la puissante manière du maître ; elle est peut-être de la main de l’un de ses nombreux disciples, et, à coup sûr, elle a été exécutée vers le milieu du xvio siècle. Elle vaut beaucoup mieux qu’une toile sur le même sujet, qui appartient au musée de Marseille, et qui a été attribuée aussi à Raphaël (gravée par Nie. de Larraessin, dans le Cabinet Crozat).

Le tableau du musée de Berlin provient de l’ancienne galerie Giustiniani.

Jeun iuspiré par la vision apocalyptique

(saint), tableau de Charles Gleyre ; Salon de 1840. Cette peinture a commencé à établir la réputation de l’auteur. Un critique des plus sévères, G. Planche, en a fait l’éloge suivant : ■ Le Saint Jean de M. Gleyre obtient un succès légitime ; la tête, les mains et la draperie sont étudiées avec soin et rendues avec une grande habileté ; la couleur en est vigoureuse, le dessin pur, le mouvement naturel. La tète éclairée en plein exprima très-bien l’extase dans laquelle est plongé saint Jean ; mais on peut lui reprocher de n’être pas assez idéalisée. Telle qu’elle est, cette figure révèle un remarquable talent d’exécution ; il y a dans l’attitude et dans les draperies l’élévation se style qui convient aux compositions bibliques. «


JEAN (saint), archidiacre de Capoue, né dans cette ville, mort en 934. Il devint abbé des moines du Mont-Cassin, qui s’étaient réfugiés à Teano, leur bâtit un monastère à Capoue, puis lit reconstruire celui du mont Cassin, où il termina sa vie. On a de lui une Chronique du Mont-Cassin et on lui attribue une Chronique des derniers comtes de Capoue.

    1. JEAN (saint), surnommé l’Aumônier, patriarche

d’Alexandrie ## JEAN (saint), surnommé l’Aumônier, patriarche d’Alexandrie, né à Amathonte, dans l’île de Chypre, vers le milieu du vio siècle, mort vers 615. D’après les hagiographes, il était fils du gouverneur d’Amaihonte et possesseur d’une grande fortune. Ayant perdu sa femme et ses enfants, il distribua ses biens aux pauvres, se relira dans une solitude et acquit une réputation de piété et de charité qui lui valut d’être élevé, malgré lui, sur le siège patriarcal d’Alexandrie, vers 608. Jean, qui dut son surnom à son inépuisable charité, employa les immenses revenus de son siège à soulager les indigents, à racheter des chrétiens captifs. Quant à lui, dit Weiss, « il se refusait Te strict nécessaire afin que les pauvres ne manquassent de rien. Sa table était toujours grossièrement servie et son lit n’était couvert que d’une étoffe commune. » Il pourvut aux besoins de 7,000 pauvres qu’il appelait ses maîtres et ses seigneurs, et lorsque Jérusalem eut été pillée par les barbares, il y envoya des vivres et des ouvriers. Les Perses ayant fait une invasion en Égypte, il partit pour Constantinople avec Nicétas, gouverneur d’Alexandrie, afin de demander des secours & l’empereur ; mais, arrivé à Chypre, il tomba malade et mourut dans le lieu même de sa naissance. Ce saint est honoré le 23 janvier. C’est de lui que l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem tire son nom.


JEAN-BAPTISTE (saint), fils du prêtre juif Zacharie et d’Élisabeth, né quelques mois avant Jésus, dont il devait être le précurseur et qu’il devait annoncer comme étant le Messie, Nous ne connaissons sa vie que par les Evangiles, et voici les principaux faits qu’on y trouve rapportés. Au temps d’Hérode, roi de Judée, il y eut un prêtre juif nommé Zacharie, dont la femme, Elisabeth, descendait des JEAN

filles d’Aaron. Ils étaient arrivés l’un et l’autre à un âge assez avancé, et ils n’avaient pas d’enfants. Un jour que Zacharie remplissait dans le temple les fonctions de son ministère, un ange lui apparut et lui annonça qu’Elisabeth allait bientôt devenir mère d’un fils qui devait être nommé Jean. Zacharie ayant paru douter de la réalisation de ces paroles de l’ange, celui-ci lui déclara qu’à partir de ce moment il allait devenir muet, et qu’il ne recouvrerait l’usage de sa langue qu’après la naissance de son fils. Cependant Elisabeth devint enceinte, et elle alla se cacher pendant plusieurs mois. Au sixième mois de sa grossesse, elle reçut la visite de Marie, " sa parente, qui elle-même portait déjà dans son sein 1 enfant miraculeux qu’elle avait conçu par l’opération du Saint-Esprit. Dès que Marie l’eut saluée, Elisabeth sentit tressaillir le fruit de ses entraillep, et l’Église a depuis expliqué ce tressaillement en disant qu à ce moment même l’enfant qui devait être nommé Jean fut purifié du péché originel par la présence du Sauveur, que Marie portait dans ses flancs : ainsi Jean n’avait pas été conçu sans péché, mais il vint au monde purifié, et de tous les enfants des hommes, il est le seul à qui l’Église ait formellement reconnu ce privilège, bien que

quelques théologiens enseignent que !e même avantage fut accordé au prophète Jérémie. L’Évangile ne nous apprend rien sur les premières années de Jean ; mais, dès qu’il fut sorti de l’enfance, Jean se retira dans le désert, pour y prêcher le baptême da la pénitence, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage, n’ayant pour vêtement qu’une peau de chameau. Ses prédications produisirent un effet extraordinaire ; un gjrand nombre de Juifs venaient à lui pour 1 entendre et pour se faire baptiser dans les eaux du Jourdain. On le prit même pour le Messie, et sur la question qu’on lui adressa pour savoir s’il était le Christ, il répondit : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert ; je baptise dans l’eau, mais il y en a un au milieu de vous, que vous ne connaissez point, et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. » Jésus lui-mèine vint de la Galilée pour se faire baptiser par Jean, qui refusa d’abord en disant : « C^JSt moi plutôt qui dois être baptisé par vous. » Mais comme Jésus insistait, Jean consentit enfin à le baptiser, et c’est alors qu’on entendit du ciel une voix qui disait : t Voici mon fils bien-aimé en qui j ai mis toutes mes complaisances. >

Puisque Jean venait de reconnaître Jésus pour le Messie, il semble qu’il aurait dû cesser dès lors ses prédications, et qu’il aurait dû dire à ses disciples : Ce n’est plus moi qu’il faut suivre, ce ne sont plus mes paroles qu’il faut entendre, mais celles du Christ, de celui que j’ai proclamé moi-même l’agneau de Dieu, et par qui seul peuvent être effacés les péchés du monde. Cependant, il continua longtemps encore de prêcher dans le désert, jusqu’à ce que, n’ayant pas craint de critiquer hautement la conduite d’Hérode, parce qu’il vivait publiquement avec Hèrodiade, la femme de son frère, il fut arrêté et conduit en prison, par ordre d’Hérode. Celuici voulait même le faire mourir, mais il était retenu par la crainte du peuple, fui regardait Jean comme un prophète. Mais le jour où l’on célébrait au palais l’anniversaire de la naissance d’Hérode, la tille d’Hérodiade dansa devant ce prince et le charma tellement par sa beauté, par l’élégance voluptueuse de ses mouvements, qu’il promit par serment de lui donner tout ce qu’elle lui demanderait. Or la fille d’Hérodiade, instruite d’avance par sa mère, demanda qu’on lui apportât dans un bassin la tête de Jean-Baptiste. Cette demande contrista Hérode ; cependant il n’osa pas manquer à sa promesse, et il donna l’ordre que la tête de Jean fût coupée dans la prison, mise dans un bassin et présentée à la jeune fille, qui la porta à sa mère.

Tel est le récit des Évangiles ; nous n’avons fait que l’abréger un peu, et nous n’avons pu le contrôler par d’autres récits, puisque aucun historien ne parle de Jean-Baptiste, si ce n’est Josèphe, qui se borne à dire que ce fut un homme de mœurs austè-" res, et qu’il prêcha avec force contre les vices de son temps.

Placé sur les confins du mosaïsme et du christianisme, Jean a été comme le trait d’union de l’un et de l’autre, supérieur au premier, inférieur au second. Le dernier des prophètes, il n’en fut pas moins le plus énergtilUe, le plus ardent et le plus pur de tous. Dans son pressentiment instinctif des nécessités et des besoins de son époque, il eut presque l’intuition de ce qui se passeruit après lui ; et c’est pourquoi, renonçant à la vie de famille et à tout bien-être matériel, il s’exerça à la pratique des mortifications qu’il devait prêcher un jour. À l’exemple de tous les hommes véritablement influents sur les multitudes, il commença pur faire, puis il enseigna.

Il quitta donc la société ; car le meilleur moyen de ne pas se laisser asphyxier par une atmosphère pestilentielle, c’est de ne pas vivre dans son milieu. Il se retira dans un désert, dont la situation n’est pas bien connue. Là, seul avec lui-même, avec ses vagues aspirations, avec la nature, il mena la vie la plus dure. Des pays d’alentour, les foules accouraient vers lui ; et sa vie austère

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faisait une telle impression sur elles, qu’il passait à leurs yeux pour le véritable Messie. Le purisme austère de Jean fut supérieur à celui de Jésus. Le fils de Zacharie n’alla jamais à des noces ; on ne le vit jamais manger tranquillement avec les pharisiens, les publicains et les grands ; il n’eut point à sa suite des femmes belles et riches ; et îe château de Béthanie ne fut jamais i luminé en sou honneur. Jésus fut plus homme du monde ; il ndinettuit auprès de lui Marie-Madeleine, de qui sept démons étaient sortis ; et par deux fois, cette femme aux passions ardentes vint arroser les pieds du Sauveur de ses larmes et les essuyer avec ses longs cheveux. Aussi bien Jésus le proclamait hautement en présence de ses ennemis : « Jean est venu ne mangeant ni ne buvant, et ils disent : ■ Il est possédé du démon, à Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et ils disent : « C’est un homme insatiable et udonnè au ■ vin, ami des publicains et des pécheurs. >

L’austérité que Jean fit paraître dans sa vie extérieure, personnelle, il la montra aussi sévèrement dans sa prédication. Les anathèmesqu’il proférait en plein vent sont empreints d’une énergie audacieuse. Il prêcha contre les saducéens de son époque, contre ceux qui n’espéraient et ne voyaient rien au delà, des horizons terrestres ; il traita les hommes du jour de race de vipères ; il reprocha aux pharisiens leurs mœurs dissolues, leur orgueil et leur hypocrisie ; il s’éleva contre les publicains concussionnaires et n’oublia point de faire aussi la leçon aux soldats romains avides de pillage, insolents et sans pudeur. Et l’on ne s’étonne plus si Tertûllien, dans son langage africain, a écrit que le Précurseur • vociférait dans la solitude, votiferabatur in solitudine ; « c’est-à-dire que, selon notre manière de parler, il y eut dans Jean-Baptiste la voix du tribun et de l’énergumène : « Vox clamantis. à II y eut ansM dans sa morale quelque chose qui sentait l’égalitaire, car il disait : • Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a point, et que celui qui a de la nourriture fasse de mèine. •

Jean et Jésus furent contemporains, et, à quelques mois près, du même âge, selon le texte de saint Luc : • Et l’ange dit à Marie : Voilà qu’Elisabeth, ta parente, a conçu un fils dans sa vieillesse, et ce mois est le sixième de sa grossesse. > Peut-on conclure de tetta qualité d’ainé, que Jean fut le maître de Jésus, et que Jésus fut son disciple ? Nous ne le pensons pas.

Pour résoudre cette question, il faudrait affirmer avant tout que les deux cousins vécurent ensemble, qu’ils s’entendirent, et, de concert, se distribuèrent les rôles. Or, sur ce point, les opinions sont partagées, et les raisons affluent de part et d’autre. Les uns, s’appuyant sur le texte des Évangiles, qui séparent Jean et Jésus dès leur plus tendre enfance, les font vivre, celui-là dans le désert de la Judée, celui-ci à Nazareth dans la ' boutique d’un charpentier. De plus, l’historien sacré fait entrevoir qu’ils ne se connaissaient point avant de se rencontrer sur les bords du Jourdain, puisque Jean dit : « J’ai vu l’Esprit descendant du ciel comme une colombe et se reposant sur lui, et je ne le connaissais point, s

Les autres prétendent qu’il ne faut pas trop prendre à la lettre ia parole de l’évangéliste ; que, puisque les deux cousines, Mûrie et Elisabeth, se visitèrent avant la naissance de leurs tiis, elles durent se visiter dans la suite ; qu’il n’y a pas de raison pour supposer le contraire. Il est très-probable, disentils, que dès le berceau, Jean et Jésus vécurent ensemble, voisins l’un de l’autre ; et cette opinion est conforme à la tradition ; les peintres catholiques ne manquent jamais, quand ils représentent la sainte Famiile, d y faire figurer Marie, Elisabeth et les deux enfants. En supposant que Zacharie ne se fût point rapproché de la demeure de Joseph le charpentier, rien ne prouve qu’à partir du moment où Jésus, alors âgé de douze ans, resta quelques jours à Jérusalem sans que Joseph et Marie sussent ce qu’il était devenu, les- deux jeunes gens n’aient pu se voir fréquemment, et qu’ainsi, grandissant au milieu d’une société tyrannisée de toutes les manières, au dehors par les Romains, au dedans par des princes et des prêtres orgueilleux et corrompus, ils ne se soient entretenus souvent de la nécessité d’une prédication et d’une réforme radicales, et ne se soient mutuellement exaltés dans de fiévreuses conversations.

Dans l’Église catholique, on vénère et l’on invoque avec une ferveur remarquable saint Jean-Baptiste. Deux fêtes ont été instituées en son honneur : l’une, nommée sa Nativité, 24 juin ; l’autre, sa Décollation, 29 août. Beaucoup d’églises ont été érigées sous le vocable de Saint-Jean.

■*- Iconogr. « Le culte de saint Jean-Baptiste, dit M. l’abbé Martigny, fut très-répandu, dès les premiers siècles, dans les Églises grecque et latine. Les baptistères, toujours érigés sous le vocable du Précurseur, renfermaient ordinairement un autel en son honneur, des statues et des peintures reproduisant sa figure. > Suint Épiphane dit qu’aux personnes qui recherchaient la délicatesse dans le vêtement, on montrait les images de saint Jean-Baptiste vêtu d’une peau de chameau, et c’est ainsi, en effet, que nous le voyons représentu dans les anciens monuments retraçant lu