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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/173

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que la pièce n’a pas d’autre objet qu’elles, et que les posséder ou les perdre est le seul motif de l’action ; ainsi Andromaque, Bérénice, Bajazet. Dans Phèdre, il n’y a, pour ainsi dire, qu’un rôle, celui de Phèdre, car, même absente, elle règle encore la scène. Dans Britannicus, Mithridate et Iphigénie, si les femmes sont reléguées au second plan, leur place est encore considérable, non seulement avec Junie, Monime et Iphigénie, mais encore avec Agrippine et Clytemnestre.

À l’exception de ces deux dernières, toutes ces femmes ne nous demandent notre intérêt que comme amantes. Mais toutes, même les deux dernières, ont une passion, toutes sont dominées par un sentiment plus instinctif que raisonné, l’orgueil chez Agrippine, l’amour maternel chez Clytemnestre. Ainsi Racine, préoccupé surtout de peindre les femmes, a eu de leur nature cette première notion, indispensable pour les peindre vraies, que le sentiment, chez elles, domine la raison, et que tous leurs actes, toutes leurs pensées, sont provoqués, dominés, conduits par une passion.

Lorsque, renonçant au théâtre profane et à la peinture de l’amour, il s’est attaqué à deux sujets sacrés, ce sont encore des femmes, Esther et Athalie, qu’il a choisies comme protagonistes. Cette fois, l’intérêt suprême des deux pièces étant un intérêt religieux, il semble que les femmes auraient dû passer au second plan. Mais la religion est un sentiment ; aussi les femmes sont-elles plus religieuses que les hommes. La religion doit compter avec elles, et le christianisme, qui les regarde pourtant comme