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viennent de leur temps et de leur pays. Elles sont fières de leur beauté, et, avec plus ou moins de franchise et de hauteur, toutes pourraient dire comme Hermione :

Jugez-vous que ma vue inspire des mépris,
Qu’elle allume en un cœur des feux si peu durables ?

Elle savent le prix de leur cœur et quel honneur c’est pour un homme d’être distingué par elles. L’habitude constante de recevoir des hommages et d’entendre des prières leur a appris l’art d’écouter et de répondre, d’encourager et de décourager, de se défendre, de conserver la dignité extérieure, — nobles attitudes et fier langage, — jusque dans l’abandon furieux ou désespéré d’une Roxane ou d’une Phèdre, jusque dans l’humiliation de la femme qui s’offre et que l’on refuse, la pire que toutes les femmes, et surtout de telles femmes, puissent éprouver. Monime est le parfait modèle de cette dignité féminine, de cette grâce décente et fine. Toutes sont infiniment aimables, mais les plus réservées sont aussi les plus séduisantes. Ce qui reste, dans ces natures, d’enveloppé et de discret, jusque dans le don d’elles-mêmes, jusque dans la complète franchise et l’absolu dévouement, fait songer à ces statues grecques où la draperie, légère et chaste, laisse admirer la pure beauté des lignes voilées.

Par ce langage et par cet aspect, les femmes de Racine justifient la définition commune sous laquelle Taine les a groupées : « Racine, dit-il, est le plus grand peintre de la délicatesse et du dévouement féminin, de l’orgueil et de la dextérité aristocra-