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LE STYLE ET LA POÉSIE DE RACINE.

lui. Ce procédé consiste, les vers classiques marchant deux par deux, à réserver pour le second le verbe à un mode personnel, c’est-à-dire le sens même de la phrase, et à remplir le premier avec une apposition ou une incidente. Le poète faisait donc le second vers le premier et y mettait la partie essentielle de sa pensée ; l’autre était plus ou moins de remplissage. Comme tous les procédés, celui-ci offrait des avantages et des inconvénients. Les avantages consistaient à laisser l’esprit, avec le repos, sur un sens plein, comme aussi à procurer des tours ingénieux. Les inconvénients étaient de ne mettre dans le premier vers qu’un sens accessoire ou même inutile. Le tour heureux de la phrase suivante vient de là :

Ou lorsque, plus tranquille, assis dans le Sénat,
Il faudra décider du destin de l’État.

Tandis qu’ici la seconde partie du premier vers est presque superflue :

Je rendais grâce au ciel qui, m’arrêtant sans cesse,
Semblait m’avoir fermé le chemin de la Grèce.

Ce sont là les plus constants procédés de Racine. Il les doit aux usages poétiques de son temps, comme les caractères généraux de son théâtre. Il les fait siens par la souplesse et la hardiesse, la grâce et l’énergie, la constance et la variété de ses constructions. Il emploie avec la même originalité, c’est-à-dire le même mélange de liberté et de docilité, soit le développement plus ample de la période,