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LE STYLE ET LA POÉSIE DE RACINE.

un peu de remplissage ; si cette régularité dans le mouvement s’obtient au prix de quelque lenteur.

Au total, « l’esprit » de Racine, la sobriété et la précision de sa touche, la sûreté avec laquelle il administre son génie, ce mélange de force et d’aisance, n’ont qu’un analogue dans la littérature française, l’art de La Fontaine. M. Émile Faguet dit joliment à leur sujet : « Nous n’avons rien de supérieur à offrir à l’admiration des étrangers, et nous sommes tellement sûrs de notre jugement à l’égard de ces deux grands hommes, que nous sommes ingénument fiers quand l’étranger les estime, et malicieusement fiers quand il les méprise. »

S’il fallait, après l’essence de cet art, définir d’un seul mot l’impression générale de ce théâtre, celui d’élégance se présenterait aussitôt. Mais il faut le ramener aussi au sens primitif. L’élégance, c’est le choix, produisant la justesse et la proportion. Elle évite l’inutile et l’exagéré, l’étalage et l’effort, l’excès en tout. Elle suit la nature en dégageant le caractère et la beauté, qui seuls ont un prix. Elle subordonne l’auteur à l’œuvre, pour ne pas détourner au profit de l’écrivain l’attention qui, sur le moment, doit aller tout entière à son objet. Avec la marque toujours reconnaissable de l’auteur, elle varie les tons. Par la souplesse, elle produit la grâce et, par la nuance, la délicatesse. C’est elle qui fait passer un sourire sur la sombre figure de Roxane, avec ce vers charmant :

L’amour fit le serment ; l’amour l’a violé.

C’est elle qui permet au même poète d’être tantôt