Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il pousse sa pointe jusque dans les parages variables du midi, et gouverne alors vers le cap de Bonne-Espérance, de manière à rencontrer les vents alizés du sud-est, qui le ramènent vent arrière sur Sainte-Hélène.

Or, il y a deux systèmes pour aller trouver les vents variables du sud : c’est de couper la ligne du vingt au vingt-quatrième degré de longitude, méridien de Londres ; les partisans de cette route disent qu’on y est moins exposé au calme de la ligne, et que, si elle vous présente le désavantage de vous porter souvent jusqu’à la vue du Brésil, elle vous fait alors franchir cet espace en beaucoup moins de temps. L’amiral Cockburn, qui penchait à croire cette route un préjugé et une routine, se décida pour le second système, qui consistait à prendre beaucoup plus à l’est ; et d’après des exemples particuliers qui lui étaient connus, il chercha à couper la ligne vers les deuxième ou troisième degrés de longitude. Il ne doutait pas, dans sa route vers les vents variables, de passer assez près sous le vent de Sainte-Hélène pour raccourcir de beaucoup son chemin, si même il ne parvenait à l’atteindre, en courant des bords, sans sortir des vents alizés.

Les vents, qui, à notre grand étonnement, passèrent à l’ouest, circonstance que l’amiral nous dit être plus commune que nous ne pensions, vinrent encore favoriser son opinion ; il abandonna les mauvais marcheurs de son escadre, à mesure qu’ils restèrent de l’arrière, et ne songea plus lui-même qu’à gagner sa destination avec le plus de célérité possible.


Orage – Libelles contre l’Empereur – Leur examen – Considérations générales.


Jeudi 14 au lundi 18.

Après de petits vents et quelques calmes, le 16 nous eûmes un orage de pluie très considérable ; il fut la joie de l’équipage. Les chaleurs étaient extrêmement modérées ; on eût pu même dire qu’à l’exception de Madère, nous avions constamment joui d’une température fort douce. Mais l’eau était fort rare à bord ; par motif d’économie précautionnelle, on s’empressa de profiter de cet orage pour en recueillir autant qu’on put ; chaque matelot chercha à s’en faire une petite provision. Le fort de l’orage tomba au moment où l’Empereur, après son dîner, venait faire sa promenade habituelle sur le pont ; cela ne l’arrêta pas, seulement il fit apporter la fameuse redingote grise que les Anglais ne con-