Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/135

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pondit avec une espèce de fureur : « Pacha, rends grâce au Prophète qu’il convienne à ces Français de se retirer ; car s’ils se retournaient, tu disparaîtrais devant eux comme la poussière devant l’aquilon. »

Il prophétisait : à quelques jours de là, les Français vinrent fondre sur cette armée ; elle disparut, et Mourad-Bey, qui eut des entrevues avec plusieurs de nos généraux, ne revenait pas de la petitesse de leur taille, et de l’état chétif de leur personne : les Orientaux attachent une haute importance aux formes de la nature ; ils ne concevaient pas comment tant de génie pouvait se trouver sous une si mince enveloppe. La vue seule de Kléber satisfit leur pensée : c’était un homme superbe, mais de manières très dures. La sagacité des Égyptiens leur avait fait deviner qu’il n’était pas Français ; en effet, bien qu’Alsacien, il avait passé ses premières années dans l’armée prussienne, et pouvait être pris pour un pur Allemand. L’un de nous prétendit alors qu’il avait été janissaire dans sa jeunesse, ce qui fit rire beaucoup l’Empereur, qui lui dit qu’on s’était moqué de lui.

Le grand maréchal disait à l’Empereur qu’à la bataille d’Aboukir il se