Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/144

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escadre qui s’étaient séparés de nous, ou que nous avions laissés en arrière comme trop mauvais marcheurs ; ils étaient pourtant arrivés il y avait déjà quelques jours : preuve de plus de l’extrême incertitude dans tous les calculs de la mer, dès qu’ils reposent sur le caprice des calmes, la force et les variations du vent.

L’Empereur, contre son habitude, s’est habillé de bonne heure et a paru sur le pont ; il s’est avancé sur le passavant pour considérer le rivage plus à son aise. On voyait une espèce de village encaissé parmi d’énormes rochers arides et pelés qui s’élevaient jusqu’aux nues. Chaque plateforme, chaque ouverture, toutes les crêtes, se trouvaient hérissées de canons. L’Empereur parcourait le tout avec sa lunette ; j’étais à côté de lui, mes yeux fixaient constamment son visage, je n’ai pu surprendre la plus légère impression, et pourtant c’était là désormais peut-être sa prison perpétuelle ! peut-être son tombeau… Que me restait-il donc, à moi, à sentir ou à témoigner !