Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/145

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L’Empereur est rentré bientôt après ; il m’a fait appeler, et nous avons travaillé comme de coutume.

L’amiral, qui était descendu de bonne heure à terre, est revenu sur les six heures extrêmement fatigué ; il avait parcouru toutes les localités, et croyait avoir trouvé quelque chose de convenable ; mais il fallait des réparations, elles pouvaient tenir deux mois ; il y en avait déjà près de trois que nous occupions notre cachot de bois, et les instructions précises des ministres étaient de nous y retenir jusqu’à ce que notre prison de terre fût prête. L’amiral, il faut lui rendre justice, ne se trouva pas capable d’une telle barbarie ; il nous annonça, en laissant percer une espèce de jouissance intérieure, qu’il prenait sur lui de nous débarquer dès le lendemain.


Débarquement de l’Empereur à Sainte-Hélène.


Lundi 16 octobre 1815.

L’Empereur, après son dîner, s’est embarqué dans un canot, avec l’amiral et le grand maréchal, pour se rendre à terre. Un mouvement très remarquable avait réuni tous les officiers sur la dunette, et une grande partie de l’équipage sur les passavants : ce mouvement n’était plus celui de la curiosité, on se connaissait depuis trois mois ; l’intérêt le plus vif avait succédé.

Avant de descendre dans le canot, l’Empereur fit appeler le capitaine commandant le vaisseau, prit congé de lui, et le chargea de transmettre ses remerciements aux officiers et à l’équipage. Ces paroles ne furent pas sans produire une grande émotion sur ceux qui les entendirent ou se les firent expliquer.

Le reste de la suite de l’Empereur débarqua sur les huit heures. Nous fûmes accompagnés par plusieurs des officiers. Tout le monde, au demeurant, lorsque nous quittâmes le vaisseau, a semblé nous témoigner une véritable sympathie.

Nous trouvâmes l’Empereur dans le salon qu’on lui avait destiné : il monta peu d’instants après dans sa chambre, où nous fûmes appelés. Il n’était guère mieux qu’à bord du vaisseau ; nous nous trouvions placés dans une espèce d’auberge ou d’hôtel garni.

La ville de Sainte-Hélène n’est autre chose qu’une très courte rue, ou prolongement de maisons, le long d’une vallée très étroite, resserrée entre deux montagnes à pic d’un roc tout à fait nu et stérile.