Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/16

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j’ai la consolation de ne pas heurter tes intérêts : si Napoléon II doit nous gouverner, je te laisse de grands titres auprès de lui ; si le ciel en ordonne autrement, je t’aurai ménagé un asile bien glorieux, un nom honoré de quelque estime ; dans tous les cas, nous nous retrouverons, ne fût-ce que dans un meilleur monde. »

Après des pleurs et des reproches qui ne devaient m’être que doux, elle se rend, me fait promettre qu’elle pourra venir me rejoindre bientôt ; et, dès cet instant, je ne trouve plus en elle que l’exaltation, le courage qu’il m’eût fallu, si j’en eusse eu besoin.


Le ministre de la marine vient à Malmaison.


Mardi 27.

Je vais un moment à Paris avec le ministre de la marine, venu à la Malmaison au sujet des frégates destinées à l’Empereur. Il me lit les instructions qu’il leur envoie, me dit que l’Empereur comptait sur moi, qu’il m’emmène ; il me promet de soigner ma femme dans la crise qui se prépare.

Napoléon II est proclamé par la législature.

J’envoie chercher mon fils à son lycée, résolu de l’emmener avec moi. Nous faisons un très petit paquet de linge et de vêtements, et retournons à la Malmaison ; ma femme nous y accompagne, et revient le soir même. La route commençait à être difficile et inquiétante ; l’ennemi approchait.


Mercredi 28.

Je voulais revoir ma femme encore quelques instants ; la duchesse de Rovigo me conduisit, ainsi que mon fils, à Paris. L’agitation, l’incertitude devenaient extrêmes dans Paris ; l’ennemi était aux portes. En arrivant à la Malmaison, nous vîmes le pont de Chatou en flammes. On plaçait des postes autour de nous ; il devenait prudent de se garder. J’entrai chez l’Empereur ; je lui peignis ce que m’avait paru la capitale ; je lui rendis l’opinion générale que Fouché trahissait effrontément la cause nationale ; que l’espoir des bons Français était que lui, Napoléon, se jetterait cette nuit même dans l’armée qui le demandait. L’Empereur m’écouta d’un air pensif, et me congédia sans rien dire.


Le gouvernement provisoire met l’Empereur sous la garde du général Becker – Napoléon quitte la Malmaison – Il part pour Rochefort.


Jeudi 29, vendredi 30.

Toute la matinée le grand chemin de Saint-Germain n’a cessé de re-