Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/180

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ticuliers : « Non, Monsieur, point d’humeur ; rarement on fait bien dans cette situation : il faut toujours laisser s’écouler la nuit sur l’injure de la veille. »


Respect au fardeau.


Vendredi 10.

Aujourd’hui, après nos travaux ordinaires, l’Empereur, prenant une direction nouvelle, est allé sur la route de la ville jusqu’au point d’où l’on aperçoit la rade et les vaisseaux. Au retour il a été rencontré dans le chemin par madame Balcombe, la maîtresse de notre maison, et une madame Stuart, jeune femme de vingt ans, fort jolie, retournant de Bombay en Angleterre. L’Empereur a causé avec elle des mœurs, des usages de l’Inde, des désagréments de la mer, surtout pour les femmes ; de l’Écosse, patrie de madame Stuart ; beaucoup d’Ossian, et l’a félicitée de ce que le climat de l’Inde avait respecté son teint d’Écosse.

Des esclaves, chargés de lourdes caisses, ont croisé notre route ; madame Balcombe leur ayant dit fort rudement de s’éloigner, l’Empereur s’y est opposé, disant : « Respect au fardeau, Madame ! » À ces mots, madame Stuart, qui n’avait cessé de chercher avidement à la dérobée les traits et la physionomie de l’Empereur, laissa échapper tout bas à sa voisine : « Mon Dieu, que voilà une figure et un caractère bien différents de ce qu’on m’avait dit ! »