Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/194

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voulait que la postérité de Votre Majesté ne se bornât pas au roi de Rome ; la chronique secrète lui donnait deux aînés : l’un venu d’une belle étrangère que vous auriez fort aimée en pays lointain ; l’autre, fruit d’une occupation plus voisine, au sein même de votre capitale. On voulait que tous deux fussent venus à la Malmaison avant notre départ ; l’un amené par sa mère, l’autre introduit par son tuteur, tous deux les portraits vivants de leur père. »

L’Empereur riait beaucoup de tant de science, disait-il ; et, une fois en gaieté, il s’est mis à repasser franchement et dans un entier abandon ses premières années, et m’a raconté force aventures de cœur et d’esprit. Je passe la première moitié. Dans la seconde, je citerai un souper, au commencement de la révolution, dans le voisinage de la Saône et en compagnie du fidèle Desmazzis, que l’Empereur racontait de la manière la plus plaisante ; véritable guêpier, disait-il, où son éloquence patriotique avait eu fort à faire contre la doctrine opposée du reste des convives, et l’avait même presque mis en danger. « Nous étions alors sans doute vous et moi bien loin l’un de l’autre ? a-t-il observé. – Mais pas tant pour la distance, Sire, ai-je répondu, quoique beaucoup assurément pour les doctrines. J’étais alors aussi moi dans le voisinage de la Saône, sur un des quais de Lyon, où des patriotes attroupés déclamant contre des ca-