Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/319

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que de sceptres dans ses mains ! que de couronnes sur sa tête ! que de rois à ses pieds !…

Sur ces entrefaites arrivèrent le grand maréchal et Gourgaud : ils aidèrent l’Empereur à remonter à cheval, et nous continuâmes. Ces messieurs avouaient du reste que sans leur secours le cheval n’eût jamais pu s’en retirer ; les efforts réunis de tous les trois avaient à peine suffi. Assez longtemps après, au tournant d’un coude, l’Empereur observa que le chasseur n’avait pas suivi, et dit qu’il eût fallu attendre de le savoir en état de continuer ; ces messieurs pensaient qu’il était demeuré pour nettoyer tant soit peu son cheval. Dans le cours de notre promenade, à plusieurs autres tournants, l’Empereur répéta la même observation. Nous entrâmes chez le grand maréchal, où nous nous reposâmes quelques instants ; l’Empereur, en sortant demanda si le chasseur était passé : on ne l’avait pas vu. Enfin, arrivant à Longwood, sa première parole fut encore de demander si le chasseur était arrivé ; il l’était depuis longtemps, étant revenu par une route différente.

Je viens d’appuyer peut-être beaucoup sur cette minutieuse circonstance ; mais c’est qu’elle m’a paru tout à fait caractéristique. Dans cette sollicitude domestique le lecteur aura de la peine à retrouver le monstre insensible, dur, méchant, cruel, en un mot le tyran dont on l’a si souvent, si longtemps entretenu.