Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/321

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tion fut successivement gouvernée par des factions qui ne surent acquérir aucune prépondérance ; ses principes variaient chaque mois. Une épouvantable réaction affligea l’intérieur de la république. Les domaines cessèrent de se vendre, et le discrédit des assignats croissant chaque jour, les armées se trouvaient sans solde ; les réquisitions et le maximum y avaient seuls maintenu l’abondance. Les magasins se vidèrent ; le pain même du soldat ne fut plus assuré. Le recrutement, dont les lois avaient été exécutées avec la plus grande rigueur sous le gouvernement révolutionnaire, cessa. Les armées continuèrent d’obtenir de grands succès, parce que jamais elles n’avaient été plus nombreuses ; mais les armées éprouvaient des pertes journalières, il n’y avait plus de moyens pour les réparer.

Le parti de l’étranger, qui s’étayait du prétexte du rétablissement des Bourbons, acquérait chaque jour de nouvelles forces. Les salons étaient ouverts, on y discourait sans crainte. Les communications étaient devenues plus faciles avec l’extérieur. La perte de la république se tramait publiquement.

La révolution était vieille ; elle avait froissé bien des intérêts : une main de fer avait pesé sur les individus. Bien des crimes avaient été commis ; ils furent tous relevés avec acharnement, et chaque jour davantage on excita l’animadversion publique contre tous ceux qui avaient gouverné, administré ou participé d’une manière quelconque aux succès de la révolution.

Pichegru avait été gagné : c’était le premier général de la république, fils d’un laboureur de Franche-Comté, et frère minime dans sa jeunesse au collège de Brienne. Il se vendit au parti royal, et lui livra le succès des opérations de son armée.

Les prosélytes des ennemis de la république ne furent pas nombreux dans l’armée ; elle resta fidèle aux principes de la révolution, pour lesquels elle avait versé tant de sang et remporté tant de victoires.

Tous les partis étaient fatigués de la Convention ; elle l’était d’elle-même. Sa mission avait été l’établissement d’une constitution ; elle vit enfin que le salut de la patrie, le sien propre, exigeaient que, sans délai, elle remplît sa principale mission. Elle adopta, le 21 juin 1795, la constitution connue sous le titre de constitution de l’an III. Le gouvernement était confié à cinq personnes, sous le nom de Directoire ; la législature à deux Conseils, dits des Cinq Cents et des Anciens. Cette constitution fut soumise à l’acceptation du peuple réuni en assemblée primaire.


II. Lois additionnelles à la constitution. — L’opinion était généralement répandue qu’il fallait attribuer la chute de la constitution de 91 à la