Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La même commission condamna plusieurs individus à mort par contumace, entre autres Vaublanc. Le nommé Lafond fut le seul exécuté. Ce jeune homme avait montré beaucoup de courage dans l’action ; la tête de sa colonne, sur le pont Royal, se reforma trois fois sous la mitraille avant de se disperser tout à fait. C’était un émigré, il n’y eut pas moyen de le sauver, quelque désir que l’on eût : l’imprudence de ses réponses déjoua constamment les bonnes intentions de ses juges.


IX. Napoléon commande en chef l’armée de l’intérieur. — Après le 13 vendémiaire, Napoléon eut à organiser la garde nationale, qui était un objet de la plus haute importance, comptant alors jusqu’à cent quatre bataillons.

Il forma en même temps la garde du Directoire, et réorganisa celle du Corps Législatif. Ces mêmes éléments se trouvèrent précisément dans la suite une des causes de son succès à la fameuse journée du 18 brumaire. Il avait laissé de tels souvenirs parmi ces corps, qu’à son retour d’Égypte, bien que le Directoire eût recommandé à ses soldats de ne point lui rendre d’honneurs militaires qu’il ne fût en grand uniforme, rien ne put les empêcher de battre au champ, de quelque manière qu’il parût.

Le peu de mois que Napoléon commanda l’armée de l’intérieur se trouvèrent remplis de difficultés et d’embarras. Ce furent, l’installation d’un gouvernement nouveau, dont les membres étaient divisés entre eux et souvent en opposition avec les Conseils ; une fermentation sourde parmi les anciens sectionnaires qui composaient la majorité de Paris ; la turbulence active des jacobins, qui se reformaient sous le nom de société du Panthéon ; les agents des étrangers et ceux du royalisme, qui formaient un parti puissant ; le discrédit des finances et du papier-monnaie, qui mécontentait les troupes à l’extrême ; mais, plus que tout cela encore, l’horrible famine qui à cette époque, désola la capitale.

Dix ou douze fois les subsistances manquèrent, et les faibles distributions journalières que le gouvernement avait été contraint d’établir furent interrompues. Il fallait une activité, une dextérité peu communes pour surmonter tant d’obstacles et maintenir le calme dans la capitale, en dépit de circonstances fâcheuses et si graves.

La société du Panthéon donnait chaque jour plus d’inquiétudes au Directoire. La police n’osait aborder cette société de front. Le général en chef fit mettre le scellé sur le lieu de ses assemblées, et les membres ne bougèrent plus tant qu’il demeura présent. Ce ne fut qu’après son départ qu’ils parurent de nouveau, sous l’influence de Babeuf, Antonelle et autres, et éclatèrent au camp de Grenelle.