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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/335

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plus haut que le col de Tende. Depuis celui-ci, les Alpes continuent de baisser toujours, et finissent enfin aux montagnes Saint-Jacques, près Savone, où commencent les Apennins. Alors la chaîne de l’Apennin se relève, et va toujours en augmentant par un mouvement inverse ; de sorte que la Bochetta, les cols voisins, ceux qui séparent la Ligurie des États de Parme, la Toscane du Modenais, du Bolonais, vont toujours en s’élevant. La vallée de la Madone de Savone, et les mamelons de Saint-Jacques et de Montenotte sont donc tout à la fois les points les plus abaissés des Alpes et des Apennins, celui où finissent les uns et où les autres commencent.

Savone, port de mer et place forte, se trouvait placée pour servir tout à la fois de magasin et de point d’appui. De cette ville à la Madone, le chemin est une chaussée ferrée de trois milles, et de la Madone à la Carcari il y a quatre ou cinq autres milles. Ce dernier intervalle pourrait être rendu praticable à l’artillerie en peu de jours. À Carcari l’on trouve des chemins de voiture qui conduisent dans l’intérieur du Piémont et du Montferrat.

Ce point était le seul par où l’on pût entrer en Italie sans trouver de montagnes ; les élévations du terrain y sont si peu de chose qu’on a conçu plus tard, sous l’Empire, le projet d’un canal qui aurait joint l’Adriatique à la Méditerranée, à l’aide du Pô et d’une branche de la Bormida, dont la source part des hauteurs qui avoisinent Savone.

En pénétrant en Italie par les sources de la Bormida, on pouvait se flatter de séparer et de désunir les armées sardes et autrichiennes, puisque de là on menaçait également la Lombardie et le Piémont. On pouvait marcher sur Milan comme sur Turin. Les Piémontais avaient intérêt à couvrir Turin, et les Autrichiens à couvrir Milan.


II. État des deux armées. — L’armée ennemie était commandée par le général Beaulieu, officier distingué, qui avait acquis de la réputation dans les campagnes du Nord. Cette armée se trouvait munie de tout ce qui pouvait la rendre redoutable. L’armée française, au contraire, manquait de tout, et son gouvernement ne pouvait rien lui donner. L’armée des alliés se composait d’Autrichiens, de Sardes, de Napolitains : ils se trouvaient déjà triples de l’armée française, et devaient s’accroître encore successivement des forces du pape, de Naples, de celles de Modène et de Parme.

Cette armée se divisait en deux grands corps : l’armée active autrichienne, composée de quatre divisions, d’une forte artillerie et d’une nombreuse cavalerie, accrue d’une division napolitaine, formant un total de soixante mille hommes sous les armes. L’armée active de Sardaigne,